société de consommation

La coquetterie du juste milieu

Comme beaucoup de sujets héritiers d’une tradition d’abord occidentale puis étendue à la plupart des civilisations, la coquetterie des femmes est traitée de façon ambivalente dans la société. D’un côté, elle est considérée comme nécessaire dans la séduction, au moins parce que plus de souci de son apparence peut être perçu comme une volonté de plaire et donc une disponibilité sexuelle; de l’autre, elle doit tendre à s’éclipser pour les femmes mariées, les filles, les mères, toutes celles dont on craint la sexualité ou qu’on ne veut surtout pas voir séduire ni être séduite.

Le souci, c’est que la coquetterie n’est pas forcément une volonté de plaire à l’autre, mais une volonté de se plaire à soi-même, qui peut passer par des représentations inspirées du monde du spectacle, cinéma ou musique où une coquetterie exagérée, à la limite du vulgaire est nécessaire comme marque de fabrique pour se distinguer et susciter le désir de consommation. On a plusieurs fois montré, pour mettre en valeur ce phénomène, l’apparence de Lady Gaga avant qu’elle ne devienne une grande star internationale. Et on a toujours un peu de quoi être surpris quand on revoit des images d’Amy Winehouse, tatouages, perruque-choucroute et gros trait d’eye-liner tout droit sortis d’un film sur les jeunes désoeuvrés de l’époque du rockabilly.

A l’âge où on se cherche, vouloir ressembler aux stars qu’on aime est normal, mais les parents qui font une différence entre monde du spectacle et monde du travail où leur fille doit s’insérer s’inquiètent d’autant plus qu’ils sont sortis de ce moment de l’être où l’apparence constitue la phase de test de l’identité. C’est d’autant plus vrai qu’ayant déjà traversé cette période et s’en rappellant le prix, le parent a bien du mal à se souvenir que pour effrayante qu’elle puisse paraître avec le recul, elle n’en est pas moins le passage obligé pour la construction de son identité sexuée et l’apprentissage des relations.

Dans une société de l’image, des millions d’images possibles passent sur notre rétine, nous donnant des idées de modèles et de contre-modèles, pour le meilleur et pour le pire. Dans sa coquetterie, une femme peut tout être, femme voilée dehors et lingerie résille dans la chambre à coucher ou tatouée, maquillée, décolletée, les jambes exhibées, le sexe épilé comme dans les films porno, les seins sur-élevés par un soutien-gorge pigeonnant, la taille affinée par des gadgets gainants ou des talons de plus de 10 centimètres, la chevelure d’une autre couleur que celle donnée par la nature, etc.

Le plus souvent, ces tests tournent bien et permettent de savoir une bonne fois pour toutes ce qu’on veut et ce dont on ne veut pas. Mais quelquefois, comme c’est arrivé, on se retrouve avec un physique qu’on ne reconnaît pas, qu’on n’assume pas, prisonnier d’une apparence qui nous aliène et qu’on veut conserver parce qu’elle plaît à un homme dont le fantasme n’est manifestement pas nous. Des faits divers nous apprennent quelquefois jusqu’où cela peut aller : décès à la suite d’une énième chirurgie plastique, auto-mutilation après une intervention pour grossir les seins, etc.

Comment garder l’équilibre entre une coquetterie d’aliénation et coquetterie constructive ?

Normalement, le confort psychologique devrait nous renseigner, mais on voit bien que les phases où on a semblé le plus travesti à nos propres yeux cumulaient à la fois celles où on était le plus mal et où le désir était le plus grand. Car dans l’excès de séduction, il y a surtout la quête de son propre pouvoir sexuel sur autrui. Autrement dit, toute vie de femme sera parsemée de paires de chaussures immettables, de vêtements ridicules, de couleurs de cheveux qui ne nous vont pas et autres accessoires tout aussi douteux. C’est normal : ils sont là pour nous renseigner.

L’essentiel est de toujours s’écouter. Si on ressent un malaise, il faut l’écouter et essayer de savoir d’où il vient. Dans les milieux très religieux, en effet, on n’aura pas de mal à faire culpabiliser celle qui veut plaire, et si elle a grandi dans cet environnement, elle peut céder à la pression. Mais le malaise peut aussi être raisonnable : une femme habillée trop court ou trop décolleté pour ce qu’elle peut assumer se sentira mal aussi. Mais la pression sera intérieure et proviendra de l’expérience. Elle sera donc fiable.

Maintenant, si un homme préférerait vous voir blond platine alors que vous êtes châtain et que vous êtes près de céder pour le garder, répondez à cette question : « Ai-je envie d’être blond platine pour moi-même ? »Et posez-lui celle-là : « Et moi, si je te dis que j’aime les hommes ( trouvez une qualité esthétique qu’il n’a pas et pourrait tenter d’avoir), tu le feras pour moi ? »

Soit c’est vous telle que vous êtes qu’il aime, soit c’est la catastrophe annoncée. Après, on a parfois besoin de vivre la catastrophe pour mieux comprendre.

Nouvel article Labo de Cléopâtre : Senteurs et reconstitutions historiques

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Poils, érotisme et ambiguïté

L’épilation est devenue une pratique esthétique centrale dans notre société. Elle trouve sa justification historique dans le fait que des civilisations prestigieuses sont à l’origine de cette pratique, mais son côté aléatoire, subjectif et qui ne devrait en rien être obligatoire tendrait plutôt à le faire prendre pour une pratique aux limites de l’absurde malgré son aspect dictatorial.

En effet, lorsqu’on fait des recherches sur l’histoire de l’épilation, on trouve beaucoup de documents et de matière pour la période antique et beaucoup moins sur toutes les autres. Pourtant, une chose est sûre : nous n’avons pas connu nos mères autrement qu’épilées sur certaines zones et que nous-mêmes le sommes de plus en plus. Effectivement, la pratique de l’épilation a connu des éclipses au fil du temps : présente quand on vouait au culte au corps, comme c’était le cas dans l’Antiquité et comme le révèlent les statues de dieux, de déesses, athlètes nus de l’époque classique, absente des périodes où on donnait de l’importance à l’âme, où les représentations du corps étaient plutôt celles souffrantes, saignantes et suppliciées des martyrs, manifestant de son abandon au bénéfice de valeurs considérées comme plus élevées. Ce n’est alors plus la beauté du corps qui est mise en valeur mais son sacrifice, sa souffrance, sa mise à mort rituelle pour mettre l’accent sur la beauté de l’âme qui ne craint pas la mort, qui refuse les contraintes de la matière pour mieux s’élever vers Dieu.

Ces conceptions judéo-chrétiennes, que notre société laïque a perdues, ont couru jusqu’au début du XX ème siècle. Les manuels d’esthétique et de conseils de beauté ne parlaient encore d’épilation que pour le visage où des poils noirs, durs et disgracieux étaient considérés comme virilisant et enlaidissant la femme. Mais il faut bien se rappeler que la décence empêchait d’exposer les corps, au point qu’il n’y a que dans les années 60 que les femmes ordinaires cessèrent de porter des foulards pour cacher leurs cheveux – en même temps qu’apparaissaient mini-jupes et bikinis.

Dans une société où les différences sociales tendent à s’effacer – du moins en apparence – et où l’égalité est un idéal depuis les révolutions démocratiques initiées par celle des Etats-Unis pour son indépendance, on oublie facilement qu’il y eut de vraies distances entre les classes aisées et les autres. Sur les côtes françaises, par exemple, les immeubles de luxe de la Belle Epoque nous rappellent qu’une population riche venait prendre des bains de mer, mis à la mode par Napoléon III à la fin du XIX ème siècle. C’est par cette exposition du corps des belles aristocrates et bourgeoises que l’épilation fit son entrée. A l’époque, tout le monde n’avait pas accès aux bains de mer.

A présent que les hôtels de luxe d’autrefois ont été transformés en appartements plus accessibles, l’exposition du corps et l’épilation se sont tout autant démocratisés. On était loin, pourtant, du diktat du corps glabre d’aujourd’hui, imposé d’abord par le cinéma, puis par l’industrie de la pornographie qui, découpant la société en femmes et hommes « baisables », a progressivement imposé une esthétique du corps et du sexe épilés, alors qu’il s’agissait avant tout d’une contrainte technique permettant à la caméra de tout voir.

Et pourtant, fut une époque où ce qui était tabou, ce n’était pas le sexe, mais le poil qui le surmontait, comme si, finalement, c’était lui qui donnait son érotisme, son caractère indécent, comme l’explique l’article  du Huffington Post, « Epilation du maillot : Pourquoi a-t-on déclaré la guerre aux poils ?- : »En France, on censure automatiquement les poils des parutions dans les magazines jusque dans les années 60. » Aujourd’hui, par une inversion des valeurs, on considère que le poil est laid, est un obstacle à la beauté de la femme; et l’industrie des crèmes dépilatoires, les esthéticiennes et autres technologies de pointe pour détruire le système pileux n’ont plus qu’à se frotter les mains.

Rappelons-nous l’Origine du monde, le tableau de Courbet – dont il est aussi question dans l’article – qui choqua son époque pour son obscénité quand le nu féminin était représenté depuis presque 500 ans. Son obscénité était-elle dans le gros plan, le sexe exposé ou bien cette abondante touffe de poils qui le surmonte ? A l’époque où il a été peint, seuls les spécialistes peuvent le dire, mais aujourd’hui où la nudité et la pornographie sont courantes, on est en droit de se poser la question de sa fascination et de son succès. En effet, pourquoi celui-ci plus qu’un autre ? Parce qu’on ne peut y échapper à cause du gros plan, ou parce que pour la première fois, le peintre ne semble pas prendre un prétexte pour représenter ce qui l’obsède ? Peut-être aussi parce qu’il y a fort longtemps qu’on n’a pas vu une touffe d’une telle envergure, une masse de poils originelle qui rappelle le côté naturel et sauvage de notre espèce, son aspect animal, et donc plus fortement sexuel, qui se révèle ici.

Autrefois, l’érotisme, le vrai, c’était effectivement ça : le vrai, l’originel, l’odeur naturelle que concentrent les poils et qui contient en elle un aphrodisiaque sur-puissant puisque primitif. Un gadget sexuel étonnant et gratuit que nous possédons toutes et qui pimenterait certainement plus la vie sexuelle par son audace paradoxale que les nombreux joujoux en plastique qu’on veut nous vendre; enfin, si on prenait le parti de l’indépendance par rapport aux diktats.

Plus facile à écrire et à lire qu’à faire…

Labo de Cléopâtre : shopping encens de l’Antiquité

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Représenter les amoureux : symboles et enjeux

Mièvres, les amoureux qu’on représente ?

A partir d’un certain âge et d’un certain niveau socio-culturel, c’est beaucoup l’image qu’on en a. C’est surtout vrai en France où un certain élitisme intellectuel – que nous reprochent souvent les anglo-saxons -nous pousse à considérer que l’intelligence va de pair avec une certaine vision critique ou acerbe de l’existence que nous ont apportée nos intellectuels les plus estimés – au contraire du sentimentalisme de culture plus féminine et donc plus volontiers déconsidéré.

Une tendance bien ancrée que la loi du marché en matière de littérature n’a pas totalement réussi à dépasser puisque la meilleure littérature sentimentale jouissive et décomplexée vient le plus souvent d’Angleterre, dont la culture a accepté avec fierté et en s’y reconnaissant, l’apport d’auteures de romans sentimentaux telles que les soeurs Brontë ou Jane Austen.

Mais dans les communautés où l’amour est perçu comme une menace parce que les « lois de Dieu » se doivent de diriger le coeur des êtres plutôt que leurs sentiments, représenter l’amour ou des amoureux – même sans évoquer la sexualité – pose de nombreux problèmes. Ils ne sont certes pas les seuls, mais dans les écoles confessionnelles de garçons de familles ultra-orthodoxes destinés à épouser quelqu’un de leur communauté dans un cadre très contrôlé, on censure préventivement toute évocation de fille ou de femme qui pourrait leur permettre « d’imaginer ». Là où seul doit exister le mariage que les familles plus que le futur couple ont contribué à former, l’idée que l’amour puisse pré-exister représente un tabou et une vraie menace : menace de voir la sexualité avoir lieu avant le mariage, menace de voir un membre d’une autre communauté faire sortir un individu de la sienne et lui faire prendre conscience des libertés que le droit lui donne hors de son clan.

Dans les pays où l’interdit religieux pèse sur toute la société, c’est l’ensemble de celle-ci qui est paralysée dans son droit à l’expression et la représentation du sentiment; avec toutes les frustrations et les violences que cela entraîne. Et là où la société est déchirée entre son attachement aux valeurs nationales et identitaires et sa volonté d’avancer, cette question peut tourner au conflit. Ainsi, en Inde, chaque Saint-Valentin est prise en otage par les ultras qui menacent la fête et tous ceux qui veulent la célébrer – le plus souvent très innocemment, pourtant. Ainsi, en 2015, ils ont menacé de marier les couples qui s’embrasseraient ce jour-là, embrasant logiquement l’espoir des homosexuels pour qui le mariage est interdit dans ce pays. En effet, s’embrasser en public en Inde est encore un tabou, et la Saint-Valentin est accusée par les ultras de corrompre les moeurs, de pousser à la sexualité avant le mariage et de menacer l’identité nationale.

Représenter l’amour et les amoureux est donc loin d’être mièvre et peut même constituer un enjeu aussi personnel que politique, en interrogeant ou militant pour le droit, la liberté et le désir de chacun au sein de sa vie individuelle, familiale et même de la société.

A titre psychologique et individuel également, la perception de l’amour et des amoureux peut être variable, comme chacun a pu le voir dans sa propre histoire. Très souvent, une déception amoureuse rend allergique aux représentations picturales, musicales et narratives d’histoires d’amour ou de figures d’amoureux quand un amour naissant ou puissant nous y rend au contraire plus réceptifs. Qu’il est facile de vibrer avec des amoureux de fiction quand on l’est soi-même et comme il est tout aussi facile de hurler contre l’aspect commercial de la Saint-Valentin et de la mièvrerie des amoureux quand on vient d’être trahi ! De la même manière, une insatisfaction nous porte facilement à regarder les amoureux, leurs représentations et les oeuvres qui en parlent avec une certaine envie, des regrets teintés de mélancolie devant le spectacle de ce que nous n’avons pas atteint.

Mais accepter ou non la représentation des amoureux est aussi l’effet du contexte historique, c’est pourquoi il est plus courant de voir célébrer l’amour et les amoureux après une guerre. Il ne faut donc pas s’étonner que le succès des Amoureux de Peynet dans les années 50 et 60 ait été mondial, au sortir de  la guerre, au point que les poupées qui faisaient jouer et rêver les petites filles françaises aient été celles de ces amoureux célèbres. Puis, l’art et l’expression plus heureux de l’époque ayant permis à la société d’équilibrer son besoin d’amour et de douceur après 6 ans de massacres et de terreur, et surtout d’oublier, les petites filles sont désormais séduites par de nouveaux désirs de consommation, beauté et richesse incarnés par la poupée Barbie.

Il y a pourtant des nations où la guerre et le massacre ont atteint de telles proportions que la représentation des amoureux en ce qu’ils incarnent ce qu’il y a de meilleur en nous -tendresse, douceur, respect de l’autre- devient si indispensable qu’il investit les lieux les plus effroyables de l’humanité. C’est certainement pour cela qu’au Mémorial de la Bombe atomique, à Hiroshima, trône une statue des célèbres amoureux environnés de colombes, que Peynet a offerte à la ville pour lui transmettre ses valeurs d’amour et de bonheur.

L’artiste de Valence continue d’ailleurs d’être adoré dans ce pays qui lui a consacré autant de musées que le sien.

Satue de Peynet

(Photos à la Une : poupées Peynet sur le site kraicheline.overblog.com; statue des amoureux de Peynet au Mémorial de la bombe atomique. Hiroshima sur le site de lagriotteanice.wordpress.com)

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Qu’est-ce qu’un secret de beauté ?

Je vous vois déjà vous demander si vous allez continuer à lire, indignés que j’aie la prétention de vous enseigner ce qu’est un secret de beauté. Pourtant, vous allez le voir, la question est plus complexe qu’il n’y paraît, et la réponse également. La beauté qui se construit nécessite effectivement des savoir et des savoir-faire qui s’exécutent dans l’ombre, dans le secret. De ce secret dépend toute la force d’apparition, le mystère de la beauté.

Un mystère en effet bien plus profond qu’on ne pourrait le penser puisque si une femme apparaît comme globalement belle, la composition exacte de sa beauté est impossible à déterminer, à moins d’exercer tous les métiers auxquels elle doit ses qualités esthétiques. Malgré cela, quelle part peut-on attribuer à ses gènes, à sa bonne santé, à son humeur, à sa qualité de vie, qui comptent pour la majorité dans son apparence, et quelle part attribuer à tout ce qui se construit, comme le choix des vêtements, du maquillage, des soins, des divers trucs et astuces qui rajeunissent, grossissent les seins, remontent les fesses, amincissent, colorent, donnent du soin aux cheveux, etc. ?

Dans le laboratoire esthétique d’une femme qu’on peut considérer comme belle, tant d’éléments entrent en ligne de compte qu’il est impossible en réalité d’en percer le mystère qui, de plus, dans le cas des stars, réside sur un certain  art de l’image obligeant le photographe à vouloir prendre les plus beaux clichés et donc décider des plus belles poses, des plus belles expressions, puis resserrer ces choix aux plus belles images qui seront ensuite certainement retouchées. La beauté construite s’étoile alors en des paramètres encore plus nombreux et complexes mais dont les ressorts, de plus en plus cachés, sont logiquement de plus en plus secrets.

Les secrets de beauté se situent ici, dans la part considérée comme travaillée, attribuable à une cause accessible à toutes les femmes. Elle est belle; en posant son regard sur elle, nous voyons une femme à laquelle, quand nous sommes femme, nous pouvons nous identifier et à la fois ressembler. Que nous manque-t-il ? La coupe, la couleur de cheveux, la minceur, le style, le maquillage ? Tout cela est facile à reproduire. Mais le reste, ce qui demeure mystérieux ?

Ce désir de leur ressembler, ce besoin d’identification et des points de rapprochement entre n’importe quelle femme et une autre représentant son idéal de beauté n’a pas échappé aux marques qui utilisent des actrices prestigieuses comme ambassadrices de leurs produits et ce pour toutes les tranches d’âge afin de cibler au mieux la clientèle en même temps que toutes les femmes. Ce désir, grand levier dans une société où la femme a toujours eu la nécessité d’être belle pour faire valoir d’autres droits ou qualités, a fait vendre du lait d’ânesse parce que Cléopâtre était censée l’avoir utilisé en bain – ce qui est faux – et du n°5 de Chanel depuis que Marylin Monroe a révélé innocemment ne dormir qu’avec ça.

Qu’en est-il alors réellement des secrets de beauté ?

Le mieux qu’on pourrait en dire est qu’ils procèdent du muthos , le mythe, à la fois dans son sens de récit originel et fondateur, et à la fois dans son sens de mensonge, qu’on retrouve dans le nom de mythomane. Autrement dit, les secrets de beauté, ce sont des mythes auxquels on croit encore et qui font vendre des millions de produits de cosmétiques et autres produits de beauté, faisant de l’esthétique un secteur qui ne connaît pas la crise. Mais pris dans cette spirale de désir qui nous avale aussi, difficile d’y voir clair. Un peu de recul s’avère nécessaire.

La Bibliothèque Nationale recèle quelques secrets scientifiques d’un autre âge dissimulés dans des traités d’esthétique et d’hygiène. L’un d’entre eux, A travers la beauté du Dr Jean d’Auteuil, écrit au début du siècle dernier, propose ses crèmes, mélanges, lotions, mélanges pour bains censés avoir été utilisés par les personnalités les plus prestigieuses de l’histoire et être issus d’ouvrages anciens de cosmétiques qui ont pourtant complètement disparu depuis longtemps comme le livre d’Ovide ou celui d’Aspasie, compagne de Périclès. Mais après tout, qui ira vérifier ? Personne, semble-t-il, et même si c’était le cas, cela aurait-il empêché sa dixième édition, marque de son succès durable ?

A partir du succès de cet ouvrage, véritable tissu de mensonges pour vendre des produits, que penser de ceux qui nous proposent des secrets de beauté miracle dont l’efficacité ne peut être vérifiée ? Dans son article sur les cosmétiques, de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Louis de Jaucourt écrit : «  Celse a judicieusement remarqué que la plupart des cosmétiques vantés ne sont qu’un vain amusement, un pur charlatanisme; qu’il est inutile d’entreprendre de détruire le hâle, les taches de rousseur, les rougeurs du visage; que c’est une folie d’espérer de changer la grosseur du teint, la couleur de la peau naturelle; encore plus de vouloir remédier aux rides : mais que les femmes sont tellement éprises de la beauté, et du désir d’éloigner ou de réparer les débris de la vieillesse, qu’il est impossible de vaincre en elles ce penchant, et de leur persuader la futilité de tous ces beaux secrets qui portent le nom de cosmétiques. »

Les secrets de beauté seraient-ils donc un leurre ?

A cette question, on peut répondre par une autre : à quoi doit-on  que de tous les ouvrages, pourtant très nombreux, qui nous restent de l’Antiquité, seuls ceux sur les cosmétiques aient presque complètement disparu ?

Et on peut également y ajouter une affirmation : un monde sans espoir, à quelque niveau que ce soit, est un monde sans beauté. Et c’est peut-être ça le vrai secret.

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La Vénus de Milo vous souhaite de bonnes fêtes

Venue faire un cadeau de Noël à la boutique du Louvre, quelle n’a pas été ma surprise de voir que pour cette occasion, la Vénus de Milo avait revêtu ses habits d’or et d’argent, couleurs traditionnelles de Noël, du retour de la lumière amenée par le solstice. Pour la première fois, les jours rallongent; l’or et l’argent symbolisent l’espoir que représente cette victoire du soleil contre les ténèbres qui doit amener bientôt le retour du printemps.

Lors de ma précédente visite, la gigantesque Vénus rouge trônait déjà au milieu du magasin, mais aujourd’hui, elle s’associe discrètement à de joyeux lustres de même couleur ajoutés pour les fêtes. Ma déesse préférée revêtait aussi aléatoirement les couleurs du pop art dans une volonté de modernisation et de banalisation induite par cette transformation d’une oeuvre d’art unique en produit manufacturé en série et rendu contemporain par les couleurs criardes de la bande dessinée.

Je la retrouve aujourd’hui avec les mêmes couleurs, mais l’aléatoire a disparu. En disposant les Vénus colorées dans cet ordre plutôt qu’au hasard, le symbole peut évoquer selon les valeurs de chacun, le spectre de l’arc-en-ciel, les symboles des chakras ou celui de la fierté gay. Flexible dans les symboles qu’elle incarne, la Vénus de Milo s’adapte pour parler à chacun le langage de ses valeurs, de ce à quoi il tient ou de ce dont son imaginaire se nourrit.

Et comme le monde contemporain, c’est aussi la consommation, l’achat des cadeaux en ces fêtes de fin d’année, les Vénus de Milo argentée et dorée en série limitée trônent parmi d’autres objets dans ces couleurs, de simples ornements de fêtes qui disparaîtront certainement après elles, aux bijoux permanents de la boutique. De façon très appropriée également, une Vénus de Milo violette vient renforcer le prestige et la beauté des bijoux en améthyste.

Ces derniers arrangements rappellent ceux qu’on a fait dans les grands magasins pour nous séduire avec des thématiques colorées et des mises en scène appropriées qu’Emile Zola a immortalisées dans son livre Au bonheur des Dames. Ces valeurs, où la beauté se met au service des industries, du commerce et de la consommation, sont les nôtres depuis le XIX ème siècle. Elles ont commencé à bercer nos grands-parents et nos parents, et envahissent plus que jamais notre monde contemporain.

Quand on sait que la Vénus de Milo a plus de 2000 ans, on s’étonne quand même de voir un symbole aussi ancien avoir traversé les âges en commençant  comme divinité, puis comme idôle à faire tomber, en poursuivant sa route en symbole artistique de la beauté à admirer, puis à détourner pour finir intégrée à la modernité, accompagnant nos valeurs et notre vie contemporaine, comme une vieille amie plutôt que comme une divinité lointaine ou comme une oeuvre d’art un peu austère.

Et parce que mon rapport à l’écriture passe d’abord par la sensualité du papier et que je ne sais pas écrire sur ordinateur sans avoir d’abord écrit au crayon, je n’ai pu, malgré son prix, résister à ce carnet pourvu de lignes, agrémenté de la déesse et faisant discrètement office de miroir, avec d’un côté écrit « Beauté » et de l’autre « Beauty ». Je ne pouvais pas rêver plus approprié pour les articles de mon blog.IMG_4900.JPG

Bonnes fêtes de fin d’année à tous ceux qui ont la Beauté et l’Amour pour valeurs. Pleins de voeux de bonheur pour l’année à venir.

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La beauté vient-elle de l’intérieur ?

« La beauté vient de l’intérieur » est une de ces affirmations pleines de bon sens et surtout de bonnes intentions qui a le bénéfice de paraître attacher son regard sur la profondeur d’une personnalité plutôt que sur l’apparence physique qui seule, en réalité, attire le regard. C’est d’ailleurs un type de discours qu’on entend au moment où, ayant dû vivre ou ressentir un rejet à cause de notre physique, une âme secourable tente de nous rassurer par cette sentence qui sent quand même un peu sa mauvaise foi.

Pourquoi la mauvaise foi ? Et bien tout simplement parce que les filles exposées dans les médias ne sont pas montrées pour leur beauté intérieure mais pour leur capacité à attirer le regard, qui se fiche de leur valeur personnelle. Si c’était pour leur beauté intérieure qu’on s’intéressait à elle, on ne les exposerait pas à moitié nues car on n’en aurait pas besoin. On les ferait parler d’elle et de leurs qualités morales et leur vision supérieure du monde qui suffirait à nous éclairer. En guise de vision supérieure du monde, elles posent dans leur bikini et se roulent au ralenti dans des draps cachant suffisamment leur nudité pour donner à la fois l’impression qu’on n’a rien vu et à la fois nous en montrer assez pour nous pousser à la consommation.

Il n’y a que les filles qui ne peuvent pas se considérer comme des beautés qui doivent déployer des qualités morales à défaut du reste, n’est-ce pas ? La beauté intérieure, compensation des moches et consolation pour ceux qui se mettent avec des laiderons ?

Et si on menait honnêtement l’enquête ?

La beauté est extérieure, c’est clair et elle est, surtout pour une femme, la vitrine qui va lui permettre de se faire connaître plus rapidement, à tel point que la beauté correspond à deux années d’études supplémentaires du fait des avantages sociaux qu’elle représente. Car la beauté, c’est une crédibilité accrue, des possibilités de rencontres multipliées et donc une augmentation des opportunités de travail, de confort, de vie sociale, etc. Mais c’est aussi une augmentation des convoitises pouvant déboucher sur de vrais traumatismes et un rapport aux autres où perce une méfiance devenue nécessaire au fil du temps.

C’est visible chez certaines actrices dont le corps nu a été exposé trop tôt, mais également chez des mannequins qu’on fait parler, quelquefois. Certaines manifestent des propos teintés de désillusion, de méfiance et de misanthropie alors qu’elles sont encore jeunes, d’autres exposent le choc qu’elles ont éprouvé à vivre la vie d’un mannequin : évaluation des dents, des seins, sans respect ni considération pour leur personne, comme dans une vente aux bestiaux…Car ça peut être le prix à payer pour être célèbre d’abord pour sa « belle enveloppe ». De même, souffrir de s’être entendu dire que la beauté vient de l’intérieur à un moment où on ne s’est pas sentie belle, c’est oublier que les belles femmes souffrent du problème inverse : focalisés sur leur beauté physique, beaucoup peinent à voir reconnue leur beauté intérieure.

Quant à la beauté, elle est dans l’oeil de celui qui décide de qui est belle ou non, et parfois, celui qui dit que vous êtes  laide, c’est celui qui disait que vous étiez belle avant que vous refusiez de sortir avec lui…Etre dite « belle » ou « moche », ça peut aussi d’abord être un mot qu’on emploie pour sa puissance d’évocation et sa capacité à construire ou détruire. Et parfois, c’est juste la manifestation de la relativité. C’est pourquoi même celles que nous trouvons sublimes aujourd’hui ont pu être et sont encore parfois qualifiées de laides, juste parce que pour les yeux de quelqu’un, c’est vrai.

Par ailleurs, il ne faut jamais perdre de vue que dans une société de consommation, la beauté médiatiquement exposée n’existe pas matériellement, c’est d’abord un produit, une image construite à partir d’une photo choisie parmi des centaines d’autres et qu’on a traitée à l’aide de logiciels de retouches des plus précis dans le but de provoquer le désir qui, dans le commerce, a l’art de se transformer en millions. Aucune personne réelle ne peut rivaliser avec ça.

Et finalement, la beauté vient-elle de l’intérieur ou pas ?

Oui, mais pas tout de suite. A terme, si une femme est sublime mais possède une personnalité infecte, sa beauté physique n’aura plus d’impact sur ceux qui la connaissent vraiment car notre attrait pour la beauté n’existe que parce que nous voulons propager de bons gènes ou nous flatter l’ego, mais si elle n’est pas en même temps porteuse de bonheur, qui seul sait défier le temps, alors son pouvoir d’illusion ne reste pas. La beauté extérieure n’apporte pas le bonheur à ceux qui croient la posséder si elle n’est pas renforcée par la beauté intérieure. Mais à l’inverse, la beauté intérieure se suffit à elle-même, car le potentiel de bonheur qu’elle contient dépasse les avantages de l’image sociale apportés par la beauté physique, peu durable.

Alors, c’est vrai que parfois, nous sommes comme ces gens qui se sont cassé la tête à acheter un jouet magnifique et intelligent à un enfant et qui ont de la peine à le voir ne s’intéresser qu’à l’emballage. Un jour, pourtant, la valeur de ce jouet sera reconnue. En attendant, on souffre, c’est vrai, car la compréhension de la qualité des gens au-delà des illusions ne dépend pas de notre désir et met du temps à s’apprendre.

Mais vous aussi, vous pouvez apprendre, apprendre que celui qui ne vous reconnaît pas pour ce que vous êtes ne vous mérite certainement pas, d’abord parce qu’il a d’autres objectifs ou d’autres croyances, et que son bonheur passe d’abord par son image sociale. Et vous pouvez apprendre aussi que vous obstiner pour une telle personne, c’est nuire à votre beauté intérieure, qui sera sûrement mieux placée auprès de quelqu’un qui saura l’apprécier.

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Que reste-t-il d’Aphrodite dans les magazines féminins ?

Le magazine féminin n’a pas toujours bonne presse. Accusé d’être superficiel, de pousser à la consommation, d’être blindé de pubs, de photos de mannequins à la plastique de rêve, inatteignable et génératrice de complexes, on l’entend beaucoup plus blâmer que louer. Et il faut reconnaître qu’effectivement, ses motivations peuvent paraître floues.

Des magazines féminins, il en existe des dizaines et les plus célèbres d’entre eux ont une histoire qui remonte aux années 30 et 40, époque de l’essor des grandes maisons de couture et de parfum. Certains se revendiquent féministes et intellectuels, d’autres s’adressent aux femmes par tranche d’âge, certains sont axés sur la mode, d’autres s’adressent à des femmes d’origines variées, d’autres encore s’avèrent plus populaires ou généralistes.

Comment faire alors pour s’y retrouver ? Justement, il ne faut pas s’y retrouver. Il faut s’y perdre pour qu’apparaisse quelque chose. Trouver Aphrodite est de toute façon une tâche assez difficile, quelles que soient les circonstances, alors, la trouver dans un magazine féminin peut paraître encore plus ardu. Car si on juge ce type de magazines par rapport à son contenu majoritaire et apparent, on y verra un produit dont l’objectif est de faire des femmes des acheteuses compulsives, victimes de leurs complexes et qui n’a parfois pas de scrupules pour choisir ses pubs.

Ainsi, au milieu des mille et une publicités vantant les crèmes traditionnelles, vous pouvez en trouver une affirmant que 80% des crèmes proposées sur le marché sont inefficaces, voire nocives ! Vous avez dit incohérence ? Il y en a d’autres ! Ces magazines féminins intelligents qui affirment que les femmes taillant du 34 à 38 constituent seulement 20% de la population sont aussi ceux qui font des numéros « spécial rondes » pour parler des 80% restant, qu’on devrait en bonne logique appeler au contraire des « normales » puisqu’elles constituent la norme. Non, les normales doivent être les 20%, tout comme les numéros post fêtes sont consacrés à la detox, le printemps vous propose des régimes « objectif maillot », une fois dans le maillot comme on vous l’a dit, les numéros d’été mettent l’accent sur les meilleures façons de draguer et de faire l’amour, comme si tout le monde avait attendu cette période-là pour s’y mettre.

Et pourtant…

Pourtant, dans ces pages, au milieu des pubs envahissantes, des publicités déguisées en articles, vous avez une longue tradition féminine qui se perpétue, où, Aphrodite, comme elle l’a toujours fait, aime la coquetterie, les bijoux, vêtements, parfums, cosmétiques, accessoires parfois jusqu’à l’excès, au point de nécessiter, dès l’Antiquité, des lois somptuaires pour limiter l’ostentation.

Depuis toujours aussi, c’est l’Amour que les femmes recherchent, et les questions sur l’amour et les relations sont toujours au coeur des problématiques des magazines féminins, de la drague à la conception des enfants en passant par les différentes formes d’engagement. Bien sûr, ces questions s’articulent aujourd’hui autour de préoccupations plus complexes et contemporaines telles que l’équilibre à trouver entre travail, vie de famille et vie de couple, mais rien n’a changé néanmoins dans le désir d’une union stable et épanouissante. Ces questions, traitées dans des articles enrichis de paroles expertes de juristes et professionnels de l’éducation, ont le bénéfice d’éclairer les zones d’ombre en laissant malgré tout souvent le dialogue ouvert.

Depuis toujours aussi, même teintées de tabou autrefois, les questions de sexualité sont au premier plan des interrogations des femmes malgré certains articles s’avèrant parfois dans une veine plus consumériste – avec la valorisation des gadgets et autres propositions de positions de Kâma Sûtra, par exemple – que vraiment constructive. Et la sexualité, c’est aussi la santé, une santé délicate pour les femmes, et sur cette question, le magazine féminin, c’est le conseil des Sages, des anciennes qui informent, guident et rassurent les autres femmes. Et à l’ère de l’égalité et de l’information, ce conseil est celui des expertes, des professionnelles, des médecins, gynécologues et psychologues, chercheuses, etc.

Mais le magazine féminin, c’est aussi la voix des femmes ordinaires, et parfois aussi des hommes, qui, par leurs témoignages, nous aident à élargir notre point de vue logiquement limité à notre domaine de croyances et d’expériences qui s’avère nécessairement restreint. C’est le plus souvent de leurs récits, courts et accessibles, que nous nous enrichissons, dans les magazines féminins qui ont tenu à leur laisser de la place.

On peut découvrir par exemple, à la lecture d’un témoignage sur la vie sexuelle, qu’il y a une différence entre donner son consentement à quelque chose qu’on imagine et à quelque chose qu’on connaît, car le premier procède de l’illusion et l’autre du savoir, et que la sortie du fantasme et la rencontre de la réalité peut s’appeler le traumatisme. Un traumatisme que certaines nous racontent dans l’espoir que d’autres n’aient pas à le vivre. Rien que pour cet espoir, nous pouvons avoir de la gratitude, et ce d’autant plus que le souvenir d’une lecture peut nous permettre de faire parfois un choix avisé grâce à ce savoir par procuration qu’on appelle l’expérience d’autrui.

Et, vous l’avez vu, ce petit rituel ancien, sans importance, qui pousse les femmes à commencer leur magazine par la fin ? C’est une vieille coutume, qui a des millénaires d’âge et qui consiste à aller regarder, même si on prétend ne pas y croire, si la conjonction des planètes nous est favorable, quitte à l’oublier aussitôt. Une tradition merveilleuse qui survit à sa propre croyance, et qui nous relie à des millénaires de rêves féminins d’amour, de bonheur, et de destinée fantastique.

Vénus est dans votre signe : Foncez !

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La Vénus de Milo version Pop Art

A la boutique du Louvre, la Réunion des Musées Nationaux a décliné certaines oeuvres emblématiques du musée telles que la Joconde et la Vénus de Milo en version Pop Art. La raison invoquée pour la Vénus de Milo est le fait que les statues et oeuvres d’art grecques antiques étaient polychromes. Bon, admettons même si elles sont ici monochromes en série ( non, ce n’est pas un nouveau profil de tueurs, seulement de moulages ).

Néanmoins, je me demande la raison qu’ils ont invoquée pour la Joconde…

Allez, reconnaissons à cette initiative la qualité de faire du neuf avec du vieux, de nous en mettre plein la vue et de nous inciter à réfléchir sur la valeur de l’oeuvre d’art et son accessibilité. De toute façon, tout le monde aime le Pop Art…

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Chair et symbolisme

Il est des mots, comme ça, qu’on emploie depuis toujours mais dont on ne connaît pas la signification exacte tant elle est recouverte par un emploi à sens presque unique et obsessionnel. Le mot chair fait partie de ceux-là. Dans le dictionnaire, la chair est définie comme le tissu conjonctif du corps que recouvre la peau. Autrement dit, la zone qui va du squelette à la peau tout en les excluant, c’est la chair. C’est une chose que nous comprenons tout à fait lorsque nous mangeons de la viande, de la chair, en bon carnivore – littéralement, mangeur de chair.

En revanche, lorsqu’il s’agit du corps humain, les choses deviennent plus floues parce que culturellement, dans un monde qui fut très chrétien, le sens moral a pris le pas sur le sens premier et la signification du mot chair, connoté négativement, désigne surtout ce qui est bas, vil, faillible et médiocre dans le vivant. Dans une société héritière du christianisme, la chair est le plus souvent associée à  la sexualité : « plaisir charnel » : au péché « le péché de la chair », et la pulsion irrésistible et condamnable : « la chair est faible ». Le tissu conjonctif comprenant muscles, vaisseaux, veines, artères, nerfs, tendons, organes, etc. et associé à de multiples fonctions allant du maintien de la vie aux diverses actions les plus complexes et variées concernant le miracle et la mécanique du vivant se trouve ainsi réduit par le langage aux actions les plus viles au premier rang desquelles la sexualité la plus dévoyée, celle qui se perd entre la volonté de plaisir et la pulsion incontrôlable.

Son étymologie déjà, impose au mot sa bassesse, car chair vient de « cadere », tomber, que l’on perçoit plus clairement dans le verbe choir auquel le mot chair ressemble tant.

Derrière cette chute se devine toute une idéologie que possèdent la plupart des religions qui opposent l’esprit, pur, spirituel et apte à rejoindre les sphères du Salut, et la chair, vivante, et donc entraînée par les plaisirs mais soumise à la souffrance, et finalement mortelle, si mortelle et si basse qu’elle finira en terre. Dans cette configuration, l’Homme est comme un moyen terme entre le plus haut et infaillible, Dieu, désigné souvent comme le Ciel, et le plus bas et faillible, l’animal, attaché à la Terre. Pris entre l’étau de ses contradictions, son esprit qui, rendu pur, peut le faire devenir semblable à Dieu, et sa chair qui l’entraîne vers le bas, l’Homme a toute une vie d’actions pour révéler dans quel plateau, pur ou impur, de la balance il va pencher.

Mais la chute, c’est aussi celle d’Adam et Eve, déchus – encore un dérivé du verbe choir – du Paradis, tombés du Ciel à la Terre pour avoir découvert leur nudité après avoir croqué la pomme de l’arbre de connaissance du Bien et du Mal. Dans le judaïsme, Dieu donne un ordre à Adam et Eve qui, ne le respectant pas, sont punis tandis que lui-même jamais ne déchoit. Dans le christianisme, en revanche, Dieu accepte de déchoir, de s’incarner, autrement dit, d’être dans une chair, pour vivre une vie d’homme par amour pour le genre humain.

Cette sensualité du christianisme, sa relation particulière à la chair se manifeste pour le croyant dans l’Eucharistie, consommation symbolique de la chair et du sang de Dieu incarné ainsi que dans le culte des reliques dont, outre des squelettes et des bouts d’os, on peut exposer à l’adoration des fidèles des momies entières dont les chairs, si elles n’ont pas pourri, sont néanmoins mortes. C’est paradoxalement avec la partie charnelle des saints que peut s’établir une connexion spirituelle qui élève l’âme.

Ce rapport ambigu à la chair, entre lieu de l’incarnation de Dieu en une figure historique nommée Jésus pour les chrétiens d’une part, et lieu de tous les péchés d’autre part, est peut-être ce qui entraîne la culture occidentale sur la voie de l’obsession maladroite pour le corps et la sexualité en même temps que leur condamnation inconsciente et donc la souffrance irrémédiable provoquée par cette contradiction qui le pousse justement à avilir tout ce qui est sexuel quand il faudrait au contraire l’embellir et l’élever.

Car dans les traditions hindoues et bouddhistes, si la chair, vile et mortelle, s’oppose également à l’esprit, de nature divine, la solution à ce dilemme se trouve dans l’intégration plutôt que dans la dissociation ou le déni. L’Homme étant corps et esprit, il est possible de se purifier, rejoindre Dieu et dépasser son état mortel et charnel par les disciplines corporelles telles que le Hâtha Yoga ou, à l’extrême et dans un cadre strict, ritualiste et rigoureux, le Tantrisme de la main gauche consistant à manger de la chair, boire de l’alcool et à pratiquer la sexualité là où les autres pratiques ascétiques l’interdisent. La voie privilégiée de ce dernier Salut étant justement la femme et son corps, manifestation de la Grande Déesse, pure énergie dont procède le monde.

Entre temps, en Occident, la religion étant devenue la consommation, on vend des cours de soi-disant Tantrisme, qui bien sûr et heureusement n’en est pas, à des couples blasés en mal d’exotisme sexuel, et pour comble d’absurdité, quand les magazines ont envie de voir augmenter leurs ventes, ils annoncent un article sur le sujet, débarrassé de toute considération spirituelle qui n’intéressent personne, avec parfois, ce slogan évocateur : « Tantrisme, croquez la pomme ! ».

L’élévation spirituelle par la chair, ce n’est pas pour tout de suite, apparemment…

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Qu’y a-t-il dans les vrais Kâma Sûtra ?

Lorsqu’on évoque ce qu’il appelle « le Kâma Sûtra » avec un Occidental, il connaît toujours, même lorsque ce n’est pas un lecteur – thème de nature obsessionnelle oblige ! -, mais il le connaît comme un manuel de postures sexuelles. Tapez Kâma Sûtra dans un moteur de recherche et vous aurez bien souvent dans les premières pages des propositions de postures excitantes pour pimenter vos nuits, proposées très généralement par des magazines bien intentionnés. Du Kâma Sûtra de la femme enceinte au Kâma Sûtra de l’avent, pour vendre, tout y passe !

Or, les Kâma Sûtra, ce n’est pas un manuel de postures. Tout comme dans le temple de Khajurao célèbre pour ses bas-reliefs érotiques, les postures ne représentent qu’une faible portion de l’ouvrage, mais en matière d’exotisme, notre culture est l’héritière de ces voyageurs colonialistes projetant volontiers leurs obsessions sexuelles qui se débridaient hors du cadre judeo-chrétien strict dans lequel ils vivaient en Europe. Cette capacité colonialiste et méprisante à réduire la culture des autres à un fantasme trouve un prolongement favorable dans une société qui a la consommation pour logique, où seul ce qui se désire et peut être satisfait semble digne d’intérêt, alimentant le circuit de l’offre et de la demande.

Alors, que trouve-t-on dans les Kâma Sûtra, littéralement les versets du Désir ?

D’abord, on y trouve une culture différente dans toute sa complexité, c’est sûrement ce qui embarrasse le consommateur. C’est un manuel qui a du sens dans une société où les codes sociaux et moraux ne sont pas les mêmes que les nôtres, l’ouvrage étant déjà très ancien puisqu’il remonte à une période indéterminée, entre le I er et le V ème siècle d’une Inde dans laquelle nous ne vivons pas.

Ensuite, on y trouve des gens. Des hommes qui veulent faire l’amour ou se marier, à qui les Kâma Sûtra expliquent comment réaliser une approche et conclure, des femmes, belles ou laides, jeunes ou vieilles qui viennent de se marier ou qui vont le faire, à qui on donne des conseils pour conserver l’être aimé, des courtisanes à qui le manuel apprend à évaluer les hommes et les situations, à calculer pour soutirer le plus d’argent à un amant en le choisissant bien puis en adoptant certaines attitudes et employant certaines ruses pour le conserver assez longtemps pour lui soutirer le maximum. Il y a aussi des entremetteuses, des eunuques, des soeurs de lait, des amies, des femmes de harem, etc. Enfin, et c’est sûrement ce qui est le plus étonnant, il y a, pour l’écrire, un brahmane motivé et rigoureux, qui compile et résume, sous le nom de Kâma Sûtra, un ensemble d’ouvrages écrits antérieurement. Ce brahmane n’hésite pas à prendre la parole et à l’assumer. Ce n’est donc pas l’ouvrage honteux d’un anonyme mais un ouvrage d’érudit s’acquittant du mieux possible de sa mission.

Puis il y a aussi des considérations techniques : le type de plaisir éprouvé selon la taille du pénis et du vagin des deux partenaires, des intentions mutuelles qui président à l’accouplement, les conditions dans lesquelles ça se fait, des liens logiques de cause à effet entre un type de comportement adopté et la réaction qui viendra de la part du partenaire. Les Kâma Sûtrâ sont d’une incroyable finesse psychologique, ce qui ne doit pas non plus être fait pour exciter un consommateur pressé.

On y trouve enfin des pratiques. Pratiques sexuelles qui ont beaucoup fait rêver les Occidentaux alors qu’il semble évident qu’à part une ou deux postures très techniques, ils les ont déjà pratiquées tant tout cela, en Inde comme ailleurs, est plus instinctif que scientifique, bien heureusement. C’est bien sûr le cas de la fellation qui, contrairement à ce qu’on croit, est assez unanimement considérée comme une pratique méprisable. D’autres pratiques sont mentionnées comme des baisers et des caresses qui ont toujours des noms surprenants mais qui ne font pas toujours envie et des pratiques qu’on peut trouver barbares comme celle qui consiste à mettre de légers coups de poing entre les 2 seins de la femme pendant l’acte sexuel ou les morsures et griffures qui, exhibées ensuite, rappellent l’acte d’amour qui les a provoquées et sont de nature, paraît-il, à raviver la flamme.

Mais les pratiques les plus importantes, et c’est certainement ce qu’il y a de plus surprenant, ce sont celles des 64 arts qui vont de la musique au jeu en passant par la poésie, la cuisine, la conversation, les divertissements, la danse, l’architecture, la stratégie militaire ( si, si !), l’art floral, etc. Ces 64 arts à maîtriser, exigés en tête du livre avant toute autre considération et estimés comme garants d’une séduction infaillible, témoignent d’une culture qui entend malgré tout faire passer les plaisirs de l’esprit avant ceux du corps.

Finalement, quelle est la qualité des Kâma Sûtra ?

Comme souvent dans la pensée indienne, la qualité des Kâma Sûtra réside dans leur tolérance car ils se nourrissent d’abord du génie des autres et donnent sur tous les sujets aussi bien le point de vue généralement admis – englobant celui de l’auteur – que celui des auteurs d’avis contraire. C’est également un manuel qui donne des conseils pour faire l’amour mais qui précise aussi que dans le feu de l’action, aucune règle n’existe. Ouvrage inscrit dans une société, il propose aussi des conseils pour se marier selon sa caste mais admet qu’ « on ne trouve le bonheur qu’avec celle que l’on aime vraiment, quelle qu’elle soit » et que « le meilleur des maris reste celui qui possède toutes les qualités qu’une femme a pu souhaiter. »

C’est donc leur subtilité qui fait des Kâma Sûtra une lecture intéressante, bien au contraire de ce à quoi on a voulu les réduire.

Pour les courageux dont l’intérêt aurait été éveillé, on peut trouver l’ouvrage notamment ici : http://www.atramenta.net/lire/les-kamasutra/2696/3#oeuvre_page

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