Poèmes indiens d’amour et de spiritualité

La Centurie est un recueil de 101 poèmes amoureux de l’Inde du VII ème siècle, écrits originellement en sanskrit. Ils sont censés avoir été écrits par Amaru, roi cachemirien.

La spiritualité indienne peut être portée par des idées contradictoires qui vont la pousser à glorifier le renoncement, le détachement comme moyens les plus sûrs de parvenir au divin contenu en tous et qu’il nous faut seulement découvrir et révéler, et paradoxalement l’amour, la passion, le désir qui sont les meilleurs sentiments pour connaître Dieu par les actes de dévotion absolue qu’ils génèrent.

Cette apparente contradiction, qui n’existe que pour qui est soumis à la dualité ( bien/mal, etc.) se retrouve dans l’image du dieu Shiva, ascète, grand méditant mais aussi amant passionné qui fit l’amour à son épouse Parvatî pendant 1000 ans !

C’est pourquoi, sans doute, les poèmes de la Centurie sont surtout ceux de l’abandon, de la trahison, des scènes de colère entre amants, mais d’un autre côté, ils peuvent aussi être ceux de l’amour qui fait parvenir jusqu’au divin, que ce soit :

– dans l’amour d’abord non partagé peut-être, où la quête, l’attente suffisent :

 » Esprit plein de joie à simplement la voir,

Souci constant d’en trouver le moyen,

Passion à son comble,

lettres innombrables confiées à une messagère…

Qu’importe alors d’atteindre au bonheur

Que dispense l’étreinte ardente de l’aimée ?

Emprunter seulement les rues près de chez elle

Promet le parfait accomplissement. »

– dans la beauté de la femme qui, attendant son époux, est l’offrande faite au dieu, son époux, qui n’a besoin de nul autre sacrifice :

« Longue guirlande d’accueil, son regard,

Pour tous lotus ;

Jonchée de fleurs, son sourire,

Pour les jasmins de toutes sortes;

La sueur de ses seins, oblation,

Pour l’eau du vase :

Des parties de son corps,

A son époux qui rentre,

La belle rend hommage. »

– dans l’union sexuelle, enfin, où chevauchant l’homme, la femme devient Shakti, c’est-à-dire le principe féminin et parfois terrible du divin, qui anime le principe divin masculin, passif et donc dépendant du principe féminin. Les divinités du védisme et de l’hindouisme s’effacent alors devant la Grande Déesse dont la religion est attestée de plus longue date en Inde et que rien n’a pu éclipser.

 » Les boucles dansent, emmêlées,

Les anneaux d’oreilles se balancent,

La marque au front s’estompe,

Sous les fins réseaux de sueur,

L’oeil est alangui après le plaisir.

Le visage de jeune femme

Qui, dans la volupté, a échangé les rôles,

Qu’il te protège longtemps :

A quoi bon Vishnou, Shiva et les autres dieux ? »

Amaru, La Centurie. Traduction Alain Rebière. Collection Folio

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