Mois: juin 2014

Fleurs et Beauté

Dans l’Antiquité, Aphrodite était aussi la déesse des fleurs et des parfums. C’est que de tous temps, on a associé les fleurs à la Beauté. Entre les deux, en effet, les liens symboliques sont étroits et nombreux.

La fleur symbolise d’abord l’élan vital du désir, de la sexualité. Recevoir des fleurs et les voir depuis la plus tendre enfance nous font oublier qu’elles sont avant tout les organes de reproduction des plantes et que pour appeler l’insecte pollinisateur, la diversité de leurs beautés comme les odeurs et les couleurs, sont autant de stratégies qui peuvent rappeler celles des êtres humains dans la séduction. De fait, le bouquet de fleurs est le cadeau initial de toute séduction, celui qui doit attendrir le coeur.

D’autre part, la fleur est associée depuis longtemps à la femme qui lui est comparée depuis l’Antiquité au travers de poèmes qui rapprochent l’une et l’autre à  la fois pour leur beauté, leur fragilité et leur caducité, appelé vieillissement chez les humains. Dans la poésie de Ronsard, la plus connue en France pour la poésie amoureuse comparant femmes et fleurs, ce genre de rapprochement sert ses intérêts hédonistes. En montrant à la femme aimée qu’elle sera bientôt  » fanée » comme la rose qui lui ressemble tant, il espère la pousser à partager avec lui l’amour dont elle ne pourra profiter plus tard, dût-il être un vieillard et elle une adolescente :

 » Puisqu’une telle fleur ne dure

Que du matin jusques au soir ! (…)

Cueillez, cueillez votre jeunesse :

Comme à cette fleur la vieillesse

Fera ternir votre beauté. »

Le langage imagé mais couramment employé fait d’ailleurs le rapprochement entre la femme et le végétal mais uniquement à partir de la puberté, âge de la femme où elle peut être enfin  » consommable » et où elle est une jeune fille en fleur, dont on sent le parfum et on admire la beauté mais dont on ne touche pas le fruit, encore défendu peut-être. Bien plus tard, elle finit par être qualifiée de  » femme mûre », adjectif employé principalement pour les fruits, la fleur étant le premier état de ce qui deviendra un fruit.

Mais la particularité d’une fleur peut aussi résider dans son odeur, et là aussi, il y aura une association symbolique entre la jeune fille et la fleur au parfum léger de fleurs délicates, et la femme mûre, amante expérimentée au parfum entêtant d’une fleur exotique, puissante et vénéneuse, sans parler d’autres entre-deux tout à fait possibles et à quoi semble faire écho la diversité des fleurs en général. Cette diversité des fleurs elle-même rappelle les variétés de femmes, de rencontres et de choses à vivre avec elles en amour.

A une époque plus pudibonde, les fleurs ont également pu servir à exprimer une grande variété de sentiments dans ce qu’on a appelé le langage des fleurs dont il reste aujourd’hui principalement le code couleur des roses : blanc pour l’amour chaste, rose pour l’amour jeune ou naissant, rouge pour l’amour passion et jaune pour l’amour teinté de jalousie.

Les fleurs, c’est également ce qu’on offre lors des fêtes. Là aussi, c’est leur beauté et leur diversité qui permettent d’égayer l’instant de couleurs, formes et senteurs. Mais c’est aussi le caractère caduc de la beauté des fleurs qui s’accorde bien avec les fêtes ponctuelles et les rites de passage. En effet, quelques jours plus tard, les fleurs sont fanées comme l’instant de liesse est passé et que le quotidien a repris le dessus. La beauté des fleurs, c’est comme la beauté des vies humaines dans l’aspect physique des hommes et des femmes comme dans les beaux instants qu’ils peuvent vivre : elles sont uniquement de passage. C’est pourquoi on préfère honorer les morts de fleurs plus résistantes comme les chrysanthèmes qui expriment l’attachement durable, voire éternel comme Hugo dans Demain, dès l’aube, qui choisit une fleur vivace pour orner la tombe de sa fille :

 » Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. »

Enfin, dans une chambre d’hôpital, triste et blanche, à l’espace restreint et que seule anime parfois une télé, le bouquet de fleurs – évoquant la forme ronde de la Terre dans un cercle, seule forme géométrique parfaite produite par la Nature et conçue par l’Homme également dans une belle réconciliation – égayera d’un sourire le visage d’un malade en lui rappelant que le monde existe et que, bien que ce soit facile de l’oublier quand on est enfermé, la vie est belle dans sa diversité.

Si la fleur nous rappelle souvent par sa fragilité que nous allons mourir, elle nous promet aussi que nous allons, auparavant, connaître la grande diversité des joies de l’Amour et de la Beauté.

Comment s’étonner alors qu’Aphrodite en soit la déesse ?

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Comment perçoit-on le maquillage ?

Chaque message produit est comme un texte à lire, à interpréter. Dans l’analyse des textes littéraires, il y a plusieurs approches : la critique qui s’intéresse aux origines du texte, celle qui s’appuie sur la psychanalyse, celle qui s’appuie sur les symboles, la sociologie et enfin celle qui s’intéresse à la réception.

La beauté est comme un texte à lire et à comprendre, particulièrement pour la beauté construite : il y a ce qu’on a voulu construire comme image, pourquoi, et bien sûr, ce que les autres en ont compris, qui peut être bien différent de l’objectif visé.

Quand nous voyons une femme maquillée, que voyons-nous, comment l’accueillons-nous ?

Dans l’étude menée par le magazine ELLE auprès de plusieurs hommes et qui rejoint l’expérience commune, leur accueil est paradoxal.

D’un côté, ils prétendent que les femmes sont mieux au naturel, que le maquillage ne leur va pas et qu’elles trahissent leur vraie beauté avec les fards. Ils affirment donc n’apprécier le maquillage que lorsqu’il est naturel et qu’il ne se voit presque pas. Mais d’un  autre côté, ils aiment le khôl le plus noir, le rouge à lèvres et le vernis seulement quand ils sont d’un beau rouge sang.

Si on analyse leurs propos, on se rend compte qu’ils prétendent ne pas aimer le maquillage alors qu’ils adorent qu’il soit criard ! Ce qui est parfaitement incohérent.

Ce paradoxe est l’expression du sentiment éprouvé pour le féminin, entre peur et désir. La femme très maquillée comme la femme décolorée attirent l’oeil de l’homme par les signes extérieurs de leur volonté de séduire, ce à quoi il est plus que sensible. Rouges à lèvres et vernis rouges en sont les panneaux de signalisation les plus évocateurs, et il n’y a pas de pin up sans maquillage sophistiqué, rouge à lèvres rouge sang, ongles parfaitement vernis et yeux chargés. Ici, l’hyper féminité est une manière d’assumer pleinement la séduction dans son identité, d’affirmer sa sexualité sans la craindre, ce qui n’est pas une posture commune à toutes les femmes et est d’autant plus attirant.

A condition que ce soit dans un cadre bien défini, car la sexualité de la femme a toujours fait peur.

Un homme qui veut séduire une femme sera conquis par celle qui sera très maquillée parce qu’elle affichera son ouverture, son expérience, sa maîtrise et semblera promettre ce qu’il désire. Mais si c’est sa mère, sa soeur, sa fille ou toute autre femme dont l’idée de sa sexualité le dérange qui est ainsi maquillée ?

La sexualité des mères, soeurs, filles est interdite ou taboue, et le maquillage de ces femmes est alors nommé  » vulgarité  » pour se dédouaner de cette crainte-là, pour la dissimuler derrière des arguments qui pourraient passer pour raisonnables. Le problème se pose aussi avec les femmes des hommes jaloux : peu de maquillage ou pas du tout leur donnera le sentiment de maîtriser leur sexualité, voire de la rendre inexistante aux yeux des autres. Par ailleurs, la diversité des maquillages possibles fait peur en évoquant les diverses facettes de la femme, les dérobades identitaires infinies que lui permettent les fards qui ont été conçus pour elle, qui seule peut se le permettre. Car ils ont en effet la capacité de rendre méconnaissable une femme qui peut passer, avec une simple palette de couleurs, d’une personne effacée à une reine triomphante. Et une femme soudainement très maquillée n’a aucun mal à n’être pas reconnue de ceux qui l’ont toujours vue sans fards.

Dans les rapports plus lointains, les recherches ont révélé plusieurs effets du maquillage sur les autres.

– Un teint non unifié empêche le rapport émotionnel à l’autre, et la façon d’y réagir sera alors moins empreinte d’empathie. Est-ce alors un hasard si l’homme qui prétend aimer les femmes au naturel déteste par dessus tout les fonds de teint, poudres et autres correcteurs ?

– Une femme maquillée attire plus les regards par la mise en valeur de son visage et sera préférablement choisie dans des situations aussi anodines que le fait de demander un renseignement ou son chemin.

– Enfin, d’une manière générale, loin des préjugés des philosophes antiques plutôt séduits par l’amour entre hommes, les fards ne sont pas vus comme des poisons destinés à tromper le monde mais comme des instruments d’intégration sociale. Car le maquillage est, dans l’inconscient collectif, associé à l’exception : la fête, le cinéma, l’événement officiel et chic. Par transfert, dans les rapports moins émotionnels que ceux de la relation d’un homme jaloux ou anxieux avec une femme, il transmet les valeurs positives de soin, respect d’autrui, estime de soi, bonne connaissance et respect des pratiques sociales, intégration. Ne serait-ce que parce qu’un modèle, mère, femme admirée, a donné à une autre envie de se maquiller et posé les bases de l’image sociale qu’une femme a voulu se construire, il y a déjà transmission de pratiques hautement sociales, très anciennes et positives. Se maquiller est un acte essentiel, dans la construction de soi, « une manière d’ordonner le chaos », explique Camille Saint-Jacques dans son Eloge du maquillage. 

Ordonner le Chaos, c’est la fonction occupée par Eros dans la Cosmogonie d’Hésiode.

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Fille de personne

D’après Hésiode, Aphrodite est née de l’écume fécondée par l’émasculation d’Ouranos, ce qui fait d’elle une exception, une fille de personne. Quelquefois, il est fait mention de Zeus comme père d’Aphrodite, mais plutôt comme d’un père adoptif que comme réel géniteur.

Il faut reconnaître que dans une société telle que la grecque ancienne, Zeus serait un drôle de père de laisser sa fille avoir des moeurs aussi légères. Mais justement, dans l’ordre des choses, une déesse comme Aphrodite est aussi indispensable que subversive. Or, la religion athénienne est celle d’un patriarcat bien ordonné, avec Zeus trônant, et les autres déesses ont une place bien définie par rapport à cette autorité.

D’après des poètes comme Robert Graves, des ethnologues comme James Frazer et autres, il n’en fut pas toujours ainsi. En effet, d’après eux, le monde ancien fut féminin, tant dans ses représentations religieuses et son clergé que dans la société, qui était matriarcale avant que d’autres valeurs s’imposent. Ces autres valeurs séparent les hommes des femmes, donnent tous les droits à l’homme qui étudie, réfléchit, se cultive, vote, fait la guerre, et aucun droit à la femme qu’on cache dans le gynécée pour mieux contrôler ses moeurs sexuelles. Car si celles-ci étaient dévoyées, l’ordre social pourrait être détruit en faisant hériter le fils d’une femme et d’un l’étranger de la fortune de son mari. C’est cette crainte qui est à la base de l’oppression des filles et femmes de bonne famille, à l’époque où les tests ADN n’existaient pas. Quant aux autres femmes que le malheur accablait, elles n’avaient d’autre choix que de se vendre.

Athéna, Artémis, Perséphone sont les filles d’un père autoritaire et puissant, garant de l’ordre patriarcal comme cela se passait dans la société. Aphrodite, fille de personne, est livrée à elle-même comme le sont les courtisanes dont elle est la patronne, femmes indispensables à l’ordre social dans un monde où le risque de mourir en couches étant considérable, les épouses n’étaient pas fâchées de se voir délivrées de la dangereuse besogne, comme l’explique l’Histoire des Femmes, sous la direction de Georges Duby.

Dans son Dialogue des courtisanes, le pseudo Lucien de Samosate met en scène des filles libres parlant entre elles de leurs amours, leurs espoirs, les trahisons et même leurs relations sexuelles. De leur famille, il n’est question qu’une fois, lors d’un échange entre une mère et sa fille qui commence le métier. Sa mère justifie sa motivation : devenue veuve, elle et sa fille sont désormais pauvres et sans protection. En perdant son père, l’orpheline devient fille de personne et donc apte à devenir fille d’Aphrodite.

Mais Cythérée est aussi la déesse des jeunes épousées, celles qui découvrent l’Amour et la sexualité quand Artémis est la déesse des femmes en couches et Héra la déesse des matrones, des femmes mariées et installées dont le caractère est bien représenté par la déesse irascible et aigrie qui doit endurer la douleur émotionnelle de l’adultère en échange du soulagement physique qu’elle y gagne. Les différents stades de la vie des femmes étaient représentés par différentes patronnes qui en étaient les archétypes.

Pour les jeunes épousées qui étaient filles de quelqu’un, pourquoi Aphrodite était-elle leur déesse ?

Qui a déjà vu des amoureux ou qui se rappelle l’avoir été a pu constater à quel point la personne aimée était tout pour l’autre. Dans cet état, tout est vu au travers du filtre de ce nouveau bonheur. La famille, devenue transparente, est complètement délaissée tant le coeur de l’amant est plein de ce nouvel amour. Les amoureux sont alors fils et fille de personne tout le temps que dure la passion.

De même, cet état ne peut exister que si on a la force d’être autre chose que l’enfant de quelqu’un pour créer son état d’homme, d’époux ou de femme, d’épouse. Car la famille, construction éphémère qui rêve d’autant plus d’être éternelle qu’elle est impermanente et a eu du mal à trouver son équilibre, a souvent des difficultés à accepter la « branche rapportée », l’étranger indispensable à sa survie mais qui vient lui rappeler que ses valeurs ne sont ni absolues ni éternelles et qu’il va falloir lutter pour les imposer.

Et dans les récits de nombreuses personnes qui n’ont jamais réussi à se mettre en couple, on comprend que c’est de n’avoir pu s’extraire de l’univers familial ou d’avoir cédé sous le poids des critiques faites sur l’être aimé par un parent, bien entendu bienveillant…

Aimer, c’est parfois avoir la force de briser les liens pour créer un nouvel ordre social. Et pour vivre ce que promet la Déesse, il faut avoir la force d’être comme elle, uniquement fils ou fille du ciel et de la mer.

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L’air des bijoux

L’air des bijoux

Dans le Faust de Gounod, Marguerite, séduite par des bijoux que Faust lui a donnés sur les conseils de Méphistophélès, se voit transformée en fille de roi pour avoir mis la parure offerte.

 » Non, non, ce n’est plus toi, 

Non, non, ce n’est plus ton visage, 

C’est la fille d’un roi

Qu’on salue au passage. »

Bijou et symbolisme

Le bijou est un accessoire qui existe presque depuis le début de l’humanité. Il est apparu bien avant le vêtement puisqu’on en a retrouvé dans des sépultures de l’âge de pierre. A l’époque, il pouvait être fait d’os, de dents ou de coquillages.

L’histoire du bijou, comme toutes les histoires des objets faits par l’Homme et pour l’Homme, se confond avec celle de la technologie et des mentalités, et à chaque âge nommé en fonction de sa maîtrise des matériaux correspond des bijoux faits de ces matériaux, avant que tous soient découverts, travaillés et maîtrisés, le summum ayant été et demeurant toujours l’or.

Or, pourquoi ce métal et pourquoi est-il associé si facilement au bijou ?

Nous connaissons tous la réponse. L’or est rare, beau, cher et ductile, ce qui le rend aussi fascinant à contempler qu’à travailler, à porter qu’à conserver. Sa qualité inaltérable est aussi un symbole d’immortalité. Porter de  l’or, c’est quelque part défier la mort et la transcender dans la transmission familiale de trésors désormais associés à la qualité de la donatrice – grand-mère, grand-tante – dont il ne reste que des bijoux toujours étincelants.

Mais surtout, l’or se prête facilement à la fonction essentielle du bijou toutes civilisations confondues : établir des niveaux sociaux. Dans les sépultures de toutes époques mises au jour par les archéologues, les bijoux, leur finesse et le métal utilisé permettent d’établir le rang social du mort. A l’ère où les premiers bijoux apparaissent, leur simple présence dans une sépulture permet de comprendre que le mort était une personne importante dans le groupe social.

Etablir une hiérarchie sociale passe avant même la nécessité de se vêtir puisque les animaux vivant en groupe ont toujours un chef, garant de l’ordre. Les diverses tribus et sociétés d’Afrique, d’Amérique et d’Asie dont le mode de vie n’est pas influencé par la civilisation peuvent ne pas connaître le vêtement mais ne peuvent pas ne pas connaître le bijou, signe extérieur de puissance d’un chef ou d’un homme médecine, sur qui reposent la paix, la cohésion et la transmission des valeurs du groupe social.

Cette nécessité peut conserver plus ou moins d’importance selon les civilisations. Ainsi, la reine d’Angleterre n’a besoin que de sa couronne officielle et de quelques bijoux discrets lors de ses déplacements un peu partout dans le monde, mais au Moyen-Orient, elle se doit de rajouter encore quelques brillants pour afficher son pouvoir. Ainsi, dans les sociétés traditionnelles, le bijou conserve tout son symbole, de façon pleinement consciente.

Qu’en est-il pour nous ?

D’une manière générale, les bijoux de prix ont toujours du prestige à nos yeux mais le symbole du pouvoir semble s’être porté ailleurs, ce qui leur donne moins d’importance que dans les sociétés traditionnelles.

Dans la séduction, en revanche, une femme est rarement indifférente à des bijoux, et ce depuis toujours. Elle peut ne pas être vénale et malgré tout s’intéresser à la valeur du bijou qu’on va lui offrir ou qu’on lui a offert et ce d’une manière qui peut sembler pour le moins étonnante. De son côté, l’homme peut ne pas être dépensier et mettre malgré tout du prix dans un bijou offert à celle qu’il aime.

C’est que les sentiments établissent une hiérarchie. Aimer quelqu’un, c’est établir une échelle de valeur entre cette personne et toutes les autres et la mettre bien au-dessus. De la même façon, le bijou est ce qu’on porte volontiers pour séduire. Dans les hymnes homériques, qu’elle tente de séduire Anchise ou sortant simplement de la mer, Aphrodite est décrite avec ses bijoux d’une façon précise : couronne, boucles d’oreilles, collier en or. Hésiode, lui, la qualifie « d’Aphrodite aux rayons d’or ».

Constants dans ce qu’ils représentent, les bijoux affirment la supériorité de celle qui les porte sur toutes les autres. Se parer pour séduire, c’est vouloir se mettre au-dessus des autres dans l’oeil de celui à qui on veut plaire. Et les bijoux créent de la beauté en ajoutant celle des ornements finement travaillés du métal et des pierres à celle de la femme, surtout s’ils sont précieux.

Actuellement pourtant, le bijou a cessé de devoir être cher et fait de matières précieuses pour séduire. On ne compte plus le nombre de boutiques proposant des bijoux fantaisie n’ayant à offrir que des accessoires attractifs par leurs formes, leurs couleurs, leur capacité à réfléchir la lumière. Le bijou fantaisie est une révolution à l’échelle symbolique car les matières précieuses n’y comptent pour rien. Le métal en est grossier, fragile, peu coûteux, la verroterie peut être du simple plastique mais qu’importe !

Le bijou fantaisie est un accessoire de beauté démocratique qui a abandonné toute ambition d’immortalité et de grandeur. Il exprime le droit fondamental à briller pour rien, pas longtemps, sans éveiller convoitise ni reconnaissance d’autrui, mais à briller quand même en éveillant une tenue, illuminant une peau, créant un contraste, réveillant un visage, ornant une chevelure, bref, en créant de la beauté. Mais surtout, ils peuvent se porter partout et tout le temps, permettant à la femme d’être une reine, une déesse – les statues des déesses portaient des bijoux offerts par les fidèles – sans se préoccuper du prix, et à chaque instant de leur vie.

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