Guerre de Troie

Fruits d’Aphrodite

Dans la mythologie, il existe deux fruits d’amour bien connus associés à des déesses de l’Amour, ce sont la grenade et la pomme, toutes deux consacrées à Ishtar d’abord, grande déesse babylonienne, et à Aphrodite ensuite, sa version hellénisée. Dans les rituels de magie anciens destinés à provoquer l’amour, on retrouve Ishtar associée à la grenade ou la pomme.

La grenade, en effet, avec ses multiples grains rouges, charnus, pleins de jus, symbolise à merveille la fécondité. La couleur rouge de son jus rappelle le sang dont le corps est constitué, qui coule quand la femme est prête à engendrer, qui coule encore quand elle connaît son premier acte sexuel. Ses grains, quant à eux, foisonnant et se dispersant quand on ouvre le fruit, semblent révéler le mystère de vie auquel les Anciens ont eu accès intuitivement par ce symbole : le multiple dont toute unité est faite dans le vivant. Les biologistes l’appellent la division cellulaire.

Ishtar, Tanit, Aphrodite, déesses de l’Amour et de la fécondité et donc de la vie ont toutes été associées à la grenade aussi fortement que Perséphone, femme d’Hadès et déesse des Enfers comme il en était le dieu. Lorsqu’elle fut enlevée par celui-ci et que la dépression de Cérès, sa mère, aurait pu lui valoir sa libération, elle mange 7 grains de grenade qui lui valent d’être associée pour toujours au Royaume des Morts, nous rappelant ainsi que la loi du multiple et donc de la vie est aussi ce qui nous enchaîne à notre destin de Mortels. L’amour, la sexualité, la multiplicité au coeur de l’unité, la fécondité, la vie, la nourriture, toutes ces promesses caractéristiques des lois d’Aphrodite sont autant de promesses de lien futur avec le royaume de l’Hadès où tout ce qui a vécu un jour se retrouvera pour l’éternité.

La grenade est ainsi un fruit initiatique qui, par sa construction surprenante et unique délivre aux Mortels les secrets de leur destinée entre l’amour et la sexualité qui les a fait naître et la mort potentielle contenue dans le vivant. Mais c’est aussi un fruit qui raconte une histoire spirituelle où chaque grain représente les choix multiples s’offrant à chacun pour devenir soi-même, mais aussi le multiple nécessaire pour faire un monde – la grenade représentant aussi bien le multiple au sein d’un seul être vivant que la Terre, constituée de multiples êtres vivants.

Bien que particulière et unique, la grenade a souvent été confondue avec la pomme, l’une pouvant se substituer à l’autre dans les rituels de magie d’amour ou sur les représentations divines. Il faut dire que pour les Anciens, la pomme pouvait signifier beaucoup de fruits, comme c’était le cas dans l’Antiquité avec beaucoup de végétaux, voire d’animaux. Cette latitude devait bien arranger les populations d’Europe du Nord qui ont hérité de la culture méditerranéenne mais pas de son agriculture, son climat étant trop froid. La grenade, incapable de pousser sur ces terres inhospitalières, cède le pas symbolique et culturel à la pomme.

Ainsi, qu’elle prenne appui sur les anciens symboles païens ou qu’elle soit christianisée, la magie d’amour utilise très souvent une pomme à envoûter et à faire croquer à l’être aimé comme ça se faisait déjà dans l’Antiquité. Disney a su le mettre en scène de façon saisissante dans son adaptation de Blanche-Neige des frères Grimm où une fois encore, désir, amour et mort se mêlent au moyen d’une pomme, charnelle, attirante mais ensorcelée, offerte cette fois à l’être détesté, mais procédant selon la même logique que dans les sorts d’amour les plus traditionnels.

Ces symboles de désir, de vie, de mort, communs à la grenade et à la pomme, s’ajoutent à celui, puissant, de la tentation, qu’on retrouve dans le Jugement de Pâris où pour gagner la pomme d’or offerte par la déesse de la discorde « à la plus belle », Athéna, Héra et surtout Aphrodite, sèment le trouble et embrasent l’histoire, offrant à l’Europe son premier récit, sa tragédie fondatrice. La déesse de l’Amour, gagnant le prix de beauté, en paiera le prix en provoquant l’amour et le désir d’un homme et d’une femme, et finalement avec la Guerre de Troie, la mort de presque tous ceux entraînés dans ce conflit.

Enfin, dans l’imaginaire collectif, la pomme, c’est surtout la pomme d’Adam et Eve, représentant pour tous l’acte sexuel sans qu’aucune fois la Genèse n’ait mentionné ni le fruit ni la sexualité, parlant juste du fruit d’un arbre présent au Paradis dont la consommation entraînait la fin de l’innocence par la compréhension de notions de Bien et de Mal et donc la honte de leur propre nudité. Mais comment envisager la sexualité d’Adam et Eve comme un mal quand Dieu exige lui-même de se créatures de « croître et multiplier » après les avoir créés « mâles et femelles » ? Et que viennent faire la pomme et la sexualité absents du texte mais évidents pour tous ?

Entraînés certainement par leur connaissance des symboles du fruit d’Aphrodite qui pouvait si bien perdre les hommes comme les femmes, les peuples récemment christianisés n’ont certainement pas eu de mal à retrouver dans cette nouvelle histoire étrangère à leur culture des liens à tisser avec leur culture ancienne où il y avait des mythes dans lesquels une pomme entraînait hommes et femmes dans une danse de l’Amour, du désir et du malheur irrémédiable.

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Aphrodite la généreuse

Aphrodite est une déesse ambivalente au caractère réputé effroyable : https://echodecythere.com/2014/05/28/aphrodite-la-terrible/, et ce d’abord parce qu’elle nous impose l’amour. « Aphrodite est cruelle en nous forçant d’aimer.« , dit Sappho.

Elle est déesse de l’Amour et de la Beauté, mais lorsqu’elle se venge, on ne dirait jamais que la beauté, l’amour, la douceur sont ses caractéristiques. Un dieu, une déesse, pour une société pré-scientifique, c’est une cause, la cause invisible des actions des Hommes, celle qui les conduit au génie stratégique, aux arts, à la guerre, l’amour, la folie, la mort. Mais ce sont aussi des identités, des amitiés, des inimitiés, des amours, des actions parfois incompréhensibles et ambiguës. Justement, de façon très étonnante, Aphrodite sait être généreuse.

Sa générosité, c’est d’abord celle de sa nature. La déesse de Cythère s’éprend facilement, et des déesses, elle est la seule qui se soit autant offerte aux dieux ou aux mortels. Et si la mythologie nous raconte comment Zeus l’a fait s’éprendre d’Achise dans un sort auquel elle n’a pu échapper, ses autres amants ne semblent pas lui avoir été imposés par la volonté d’un dieu.

En revanche, les mythes nous racontent qu’Héphaïstos avait créé un filet pour emprisonner Aphrodite et Arès dans le lit accueillant leurs ébats pour exposer les deux adultères aux dieux de l’Olympe. Contre ce qu’il désirait, on se moqua de lui et les dieux envièrent Arès, disant que si le prix à payer pour être l’amant d’Aphrodite était d’être emprisonné dans le filet, ils voulaient bien risquer cette humiliation. Qui dit cela ? Trois dieux : Hermès, Poséidon et Dionysos. En récompense de leurs propos galants et leur admiration, Aphrodite conçut Hermaphrodite avec Hermès, Rhodos avec Poséidon et Priape avec Dionysos. C’est dire si elle sait accepter un compliment !

D’autres dons, d’autres actes généreux furent offerts aux mortels par la déesse. Elle sauva Boutès, marin faisant partie de l’équipage de Jason parti à la conquête de la Toison d’Or. Attiré par le chant des Sirènes, il plonge et manque se noyer. Aphrodite le ramène en Sicile dont il devient le roi et lui donne deux enfants.

Mais l’histoire la plus connue parce que la plus réadaptée dans d’autres arts est celle de Pygmalion, sculpteur célibataire endurci tombé amoureux de la statue qu’il réalisait. A cette statue, la déesse va donner vie comme une mère ferait un cadeau d’exception à un enfant prodigue revenu repentant dans le giron de la loi maternelle. Pygmalion acceptant enfin l’amour et en subissant toutes les souffrances, Aphrodite lui permet de le goûter jusqu’au bout avec la belle Galatée, femme de marbre qu’il avait créée devenue femme de chair qu’elle a animée.

Cette figure maternelle, qu’on lui concède rarement à cause de sa fonction sexuelle, est pourtant celle qu’elle adopte le plus volontiers avec les mortels, n’hésitant pas à intervenir pour protéger ses fils lors de la Guerre de Troie, mais aussi sous la forme inattendue d’une vieille femme, laissant penser comme Socrate, qu’il existait deux Aphrodites, l’une ancienne et spirituelle inspirant l’amour éternel, et l’autre plus jeune et superficielle, inspirant l’amour physique.

Ainsi, pour honorer la parole qu’elle a donnée à Pâris de lui permettre de posséder Hélène, la plus belle femme du monde, c’est sous cette forme qu’elle apparaît dans le palais de Priam pour ranimer le désir vacillant de la belle pour celui qui l’a séduite. Car depuis que Grecs et Troyens se font la guerre, Hélène a revu son premier époux, est prise de remords et commence à regretter son ancienne vie d’autant plus facilement qu’Héra et Athéna, du côté des Grecs, tentent d’infléchir son coeur en faveur de son ancien mari Ménélas. Mais Aphrodite veille. Troie sera en flammes plus facilement que la déesse ne manquera à sa parole.

C’est encore sous cette forme qu’elle fait son don le plus surprenant et le plus désintéressé des mythes qui la concernent. Passant par Lesbos, la célèbre île où vécut Sappho, elle emprunte la barque d’un vieux passeur pauvre mais généreux. Croyant que l’aspect misérable de la déesse était dû à sa vieillesse et à sa pauvreté, il décide de ne pas la faire payer. Aphrodite, reconnaissante, lui offre un baume magique lui rendant jeunesse et beauté. La légende raconte que c’est par amour pour lui, Phaon, que Sappho, pourtant peu attirée par les unions hétérosexuelles, s’est jetée d’une falaise par dépit amoureux. Il se dit que la déesse l’aima aussi.

Nos sociétés n’ont plus de déesse de l’Amour et de la Beauté à laquelle ils croient pour comprendre par une culture et des symboles cette partie fondamentale de leur existence qui se verra, au pire exposée vulgairement, au mieux gardée secrète en le coeur de chacun, ou confiée à l’oreille d’un membre du corps médical.

C’est pourquoi, lecteur, lectrice, toi qui as si souvent connu Aphrodite sous son aspect terrible et qui en as gardé le souvenir douloureux, songe pour une minute à Aphrodite la généreuse en te rappelant et honorant tout ce qu’elle t’a donné.

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Le concours de beauté des déesses

A l’origine de la guerre de Troie, on trouve le Jugement de Pâris lors du concours de beauté entre Athéna, Héra et Aphrodite, destiné à déterminer laquelle des trois mérite la Pomme d’Or lancée au mariage de Thétis et Pelée par Eris, la Discorde. Sur cette pomme était gravée cette embarrassante formule :  » A la plus belle ».On pourrait remarquer d’abord ce fait qu’à l’origine des grands maux mythologiques, il y a souvent une pomme. Or, ce n’est pas ce qui frappe le plus.

Ce qui est frappant là-dedans, c’est que lorsqu’il s’agit de la Beauté, les lois divines ne s’appliquent plus. En effet, puisqu’il est admis qu’Aphrodite est la déesse de la Beauté, dans l’Olympe comme sur Terre, comment se fait-il qu’Athéna et Héra puissent oublier cet état de fait et prétendent mériter cette Pomme d’or ? Et comment se fait-il que Zeus n’y mette pas le holà mais nomme plutôt le berger Pâris arbitre de cette discorde ?

Peut-être d’abord parce que s’il n’y a qu’une seule déesse de la Beauté chez les Olympiens, seules les belles déesses peuvent être des Olympiennes là où il n’est pas nécessaire d’être un beau dieu pour être un Olympien. La dictature est la même chez les Hommes : il n’est pas nécessaire d’être bel homme pour être influent et avoir des conquêtes, mais il est indispensable d’être une belle femme pour, au minimum, ne pas être moquée et méprisée. La femme est d’abord jugée sur des critères esthétiques, après quoi peut-être aura-t-elle la chance d’être entendue. La Beauté est donc l’élément minimum et primordial indispensable au pouvoir lorsqu’on est de sexe féminin.

La conclusion de ce mythe est tout aussi étonnante. A aucun moment en effet, Pâris n’a dû être juge de la beauté de l’une ou de l’autre des déesses puisque chacune, corruptrice, a proposé un don en échange du prix : le pouvoir pour Héra, la victoire à la guerre pour Athéna et la plus belle femme du monde pour Aphrodite. Les déesses ne sont absolument pas soucieuses d’être jugées sur de réels critères de beauté. La corruption décomplexée dont elles sont capables est d’ailleurs l’indice de leur pouvoir, qui seul les intéresse. Entre elles, c’est moins un concours de beauté qu’un concours d’influence. D’ailleurs, dans la religion athénienne et dans les oeuvres grecques anciennes, les auteurs affirment que les Hommes sont indispensables aux dieux par les cultes qui leur rendent et dont ils ont besoin. Le lien qu’ils ont avec les Hommes est donc un lien de dépendance. Dans l’Iliade, on voit d’ailleurs que les dieux ne sont pas occupés à autre chose qu’au conflit qui oppose les Achéens aux Troyens.

En définitive, Pâris choisit Aphrodite et ce choix plonge le monde dans la guerre. Mais à y regarder de plus près, il ne choisit pas Aphrodite, il choisit la récompense promise par Aphrodite, à savoir la belle Hélène, et c’est par l’obtention de cette récompense qu’il décide de la Beauté de celle qui l’avait déjà par loi divine. Paradoxal, non ?

Le fait est que dès qu’on parle de Beauté, les choses deviennent toujours un peu compliquées puisque c’est un absolu aussi individuel que mouvant, ce qui est aussi un paradoxe. Ainsi, une personne qu’on a pu trouver laide peut devenir belle à nos yeux quand se découvrent ses qualités morales, sa beauté de coeur. Le mythe de la Belle et la Bête rend d’ailleurs compte de ce phénomène.

La Beauté ne parvient donc pas à se figer dans une vérité immuable et aliénante. Elle est ailleurs, toujours à construire, toujours à découvrir.

A partir de ce mythe du concours des déesses, quelle image de la Beauté se profile ? En analysant, on s’aperçoit que si Pâris ne choisit ni la puissance ni la gloire, c’est que ces deux biens ne l’attiraient pas, mais ils auraient très bien pu. La déesse élue aurait donc été une autre. Pâris n’avait pas besoin des déesses pour révéler ses qualités et les désirs de son âme qui précédaient leur demande d’arbitrage, et Aphrodite était juste la seule à posséder ce qu’il désirait déjà.

Le mythe pourrait donc vouloir dire qu’on peut aussi bien être belle que ne l’être pas, si on possède ce que le coeur d’un homme désire, on sera l’Elue. La Beauté, c’est l’ensemble des qualités, des dons qui répondent aux désirs profonds de notre coeur, même s’ils doivent, comme c’est le cas pour Pâris, avoir pour objectif la Beauté elle-même, absolu qui se dérobe pourtant sans cesse et qui ne se laisse jamais mettre en cage.

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Comment la Beauté est devenue une valeur négative

Bien que le marché de la Beauté soit un secteur qui ne connaisse pas la crise, il est communément admis que s’intéresser à tout ce qui relève de l’apparence est superficiel. En effet, dans la conscience collective, la coquetterie est toujours associée à l’égocentrisme et à l’ignorance induite par la trop grande préoccupation de soi qui empêche l’esprit de s’élever.

Ce paradoxe se trouve dans notre histoire, notre culture commune.

Dans le monde gréco-romain, la Beauté était une préoccupation constante. Les athlètes faisaient l’objet de cultes, pas seulement à cause de leur force physique mais aussi à cause de leur beauté. Aux abords des stades, on a ainsi trouvé maints graffitis évoquant la beauté des athlètes et l’amour qu’on leur portait. Les peintres de ces athlètes eux-mêmes, poussés peut-être par une forme de jalousie, se qualifiaient de beaux sur les poteries où leur nom restait aussi immortel que les corps nus qu’ils avaient peints. Les poètes également célébraient la Beauté des hommes et des femmes qu’ils aimaient, et l’Amour dont ils étaient la proie, sous l’impulsion d’Eros ou d’Aphrodite.

A cette époque, les athlètes concouraient nus, on massait leurs corps sublimes, on se pliait à la loi des dieux qui eux-mêmes se pliaient à la loi d’Aphrodite. On chantait la Beauté, l’Amour, le plaisir mais aussi le temps qui passe, qui ne laisse que cheveux blancs, corps décharnés et fatigués, Amour qui s’éloigne. Des préoccupations toujours actuelles et qui font de nous des consommateurs valorisés par la publicité mais malgré tout complexés et coupables, suspectés par ceux qui nous jugent, soit de superficialité soit de désir maladif de plaire.

Que s’est-il passé ?

Une révolution culturelle dont on ne mesure pas aujourd’hui l’importance tant elle date mais dont la littérature conserve les traces.

Depuis Homère et jusque vers le Vème siècle après JC, la poésie grecque est libre, volontiers érotique dans sa façon d’évoquer l’Amour et les plaisirs. Puis, le monde devenant progressivement chrétien, ces libertés commencent à être critiquées, puis condamnées. Palladas, poète qui assiste à la mort de la pensée païenne qu’il représente, témoigne dans ses vers de  ce changement de valeurs :

 » Sur un Eros de bronze devenu pöelle à frire

Un chaudronnier du bel Eros fit une pöelle : 

Soit ! Puisqu’Eros nous frit et qu’il fond notre moëlle. »

Traduction Marguerite Yourcenar dans La couronne et la Lyre. Poésie Gallimard

Plus tard, les poètes grecs devenus chrétiens, imiteront les Anciens avant de se taire, remplacés par les théologiens, toute autre littérature que religieuse disparaissant jusqu’aux environs du XIII ème siècle.

Chez les Grecs, on passait d’Artémis ( jeune vierge), à Aphrodite ( amoureuse qui découvre la sexualité ), puis seulement après cela à Héra ( femme mariée, matrone). La culture juive, dont la chrétienne est d’abord issue, fait passer la femme directement d’Artémis à Héra, et les seules femmes accomplies sont les mères, les femmes courageuses et surtout fidèles à leur communauté. La culture chrétienne y ajoutera les repenties et les saintes, excluant toute notion de beauté si ce n’est morale.

Dans le monde occidental, on est passé d’une vision positive – qui n’excluait néanmoins pas la violence – à une vision négative de la Beauté, valeur qu’on vend, ruine et exploite mais qu’on ne respecte pas parce qu’elle est accusée de rendre les hommes fous. Et on considère que celles qui s’en préoccupent sont des damnées, peu préoccupées de leur âme.

La Beauté est devenue une menace qu’il faut cacher ou détruire. A un moment de notre histoire, les procès de sorcellerie s’en chargeront.

Qu’en est-il de notre monde ?

Il est l’héritier de ce paradoxe. Les valeurs chrétiennes sont restées son socle idéologique car actives depuis 2000 ans. Mais en même temps, comme l’a montré Freud, les mythes antiques sont notre structure profonde, notre inconscient, la trame essentielle dont nous sommes faits. Et cette vérité n’a pas échappé à son neveu qui, grâce aux découvertes de Tonton, a élaboré l’étau qui nous maintiendra dans notre rôle de consommateur en exploitant les désirs de notre inconscient : le marketing.

Nous restons des êtres fondamentalement épris de Beauté, sinon, pourquoi aurions-nous besoin de mannequins, de belles personnes, de belles photos pour désirer un produit ?

Pour autant, la Beauté demeure une valeur plus essentielle que ce que la conscience collective accepte de lui reconnaître.

– La plupart des sociétés ont eu besoin d’une déesse pour la symboliser

– Elle est une préoccupation philosophique majeure depuis l’Antiquité

– Elle est au coeur du mystère insondable qu’est l’oeuvre d’art

– Elle conditionne la plupart des rapports sociaux de l’Amour à l’admiration en passant par le simple respect

– Elle génère richesse et emplois

– Elle favorise l’estime de soi…

La seule chose qu’on puisse reconnaître néanmoins, c’est qu’elle n’est pas, malgré la légende, à l’origine de la Guerre de Troie, qui était une vulgaire invasion dans un but économique. Mais sans l’évocation de la belle Hélène, ce raid trivial aurait-il pu se changer en épopée immortelle, première oeuvre littéraire de la culture occidentale ?

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