Mois: août 2015

Seins et Renaissance : le retour de Vénus

Dans une anatomie comme dans la société, les seins font office de précurseurs, voire de révolutionnaires à l’avant-garde de la sexualité d’une femme comme des changements de mentalités.

C’est visible à la Renaissance où la femme prend de la valeur, où « le deuxième sexe se transforme en beau sexe », selon l’expression de Georges Vigarello. La femme, admirable et majoritairement représentée n’est plus la Vierge Marie mais Vénus, l’Aphrodite des Romains. La femme, devenue belle et digne d’être admirée pour ça, devient une déesse. Elle est alors chantée notamment par les poètes de la Pléiade, ceux-là même dont on nous a appris tant de poèmes épicuriens sur l’amour et le temps qui passe et dont on nous a tu les poèmes érotiques aux propos de nature à incendier l’âme des lycées qui les ont vus au programme sans en avoir trop su grand-chose.

Car à cette époque, dans les poèmes, on parle autant d’amour que de sexe, et chez Marot comme chez Du Bellay, c’est surtout de « tétin » qu’il est question. D’ailleurs, Guy Bechtel le confirme dans son essai Les quatre femmes de Dieu : « Le 16 ème siècle avait vu quelques excès dans le déshabillage mammaire. » On parlait de seins parce qu’on les voyait, et on les voyait parce qu’on les montrait. En bref, les seins devinrent presque une obsession, offrant une première idée moderne d’un érotisme qui commençait par le haut.

Pourquoi par le haut ? Justement parce que malgré l’influence renaissante des idées de l’Antiquité sur la beauté, le siècle reste pénétré de christianisme et spiritualise ainsi la silhouette : réside en haut ce qui relève du divin et en bas ce qui est bassement terrestre. Dans ce découpage idéologique, les seins, appartenant à la partie haute du corps féminin, sont jugés dignes d’être admirés.

Pourtant, aux siècles précédents, ils n’étaient pas moins jugés dignes d’intérêt. La peinture religieuse du Moyen-Age n’a pas manqué de représenter des Vierges à l’enfant, poitrine nue et allaitante devant laquelle on était en admiration. Mais pour la première fois depuis l’Antiquité, les peintres représentent le sein féminin pour lui-même, sans qu’ils se sentent obligés de s’appuyer sur la religion et sur la figure mariale en particulier. Et pour cause, les seins qu’ils montrent, ce sont ceux de la femme désirable, de celle qu’on pourrait aimer, voire qu’on aime déjà.

Ainsi, à la fin du XV ème, Agnès Sorel, maîtresse de Louis VII et première maîtresse officielle de l’histoire de France, apparaît sur les tableaux de Jean Fouquet avec un sein dénudé dans une représentation de Vierge à l’enfant mais aussi dans un simple portrait, dans l’esprit du Quattrocento.

A sa suite, des tableaux de François Clouet à ceux de l’école de Fontainebleau, des portraits de femmes aux seins dénudés se multiplient. Mais le plus étonnant, c’est qu’y sont représentées des maîtresses royales, des femmes dont les monarques se sont épris d’abord pour leur beauté. De Diane de Poitiers, favorite d’Henri II à Gabrielle d’Estrées, aimée d’Henri IV, les maîtresses aimées s’exposent et dévoilent leur poitrine sans pudeur dans un monde chrétien et pudibond.

Contre les valeurs chrétiennes justement, dans la scène du tableau de François Clouet de la dame au bain et que le tableau de l’école de Fontainbleau reprendra avec Gabrielle d’Estrées, se lit l’aveu des changements de fonctions attribuées aux seins. La belle femme, aimée du monarque expose sa poitrine au regard pour le plus grand plaisir de son royal amant qui l’aime, la désire, la possède et l’expose avec fierté aux yeux de tous, tandis qu’au second plan, la nourrice expose aussi son sein pour allaiter l’enfant illégitime né de leurs amours. Car les grandes dames ne se chargent pas de l’allaitement qui les rabaisserait au rang de bête. C’est donc toujours une nourrice qui s’en charge.

Si ce n’est pas la première fois que les seins d’une favorite royale sont exposés uniquement pour l’agrément, pour le plaisir de la vue, l’opposition entre la fonction nutritive reléguée au second plan et la fonction érotique et sensuelle au premier plan témoigne d’une société qui vient de changer de valeurs et qui fait passer la beauté devant les fonctions reproductives auxquelles l’Eglise voulait limiter les relations entre hommes et femmes.

C’est le triomphe de la femme par le moyen de sa beauté qui caractérise le début de la modernité. C’est paradoxalement à la fois son émancipation possible et son aliénation certaine. C’est aussi un paradoxe dont nous sommes les héritiers et dont nous ne sommes pas complètement sortis.

Et tout ça avec juste une paire de seins !

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Recette aphrodisiaque : omelette du Roi-Soleil

Dans son livre Cinq mille ans de cuisine aphrodisiaque, Pino Correnti, restaurateur sicilien spécialisé dans la cuisine aphrodisiaque, propose des recettes galantes de l’histoire.

Il donne notamment celle d’une omelette sucrée que Louis XIV faisait dans son cabinet particulier quand il était en galante compagnie. Il l’accompagnait, précise-t-il, de champagne.

Comme souvent avec Pino Correnti, on a des recettes dites authentiques mais on a rarement les références. Cela correspond bien à la nature de la recette aphrodisiaque, qui se doit d’être confidentielle, mais c’est toujours un peu gênant, car se pose alors la question de la transmission.

J’ai voulu mener l’enquête avant de vous la proposer, mais en même temps, où trouver la recette ?

Dans les livres de cuisine de l’époque ? J’ai bien tenté, mais elle n’est pas assez raffinée pour une cuisine de cour royale, même si elle l’est trop pour une simple omelette.

Dans les mémoires des proches de Louis XIV ? Les écrits sont nombreux et interminables à cette époque, de Saint Simon à Condé en passant par la Princesse Palatine, mais qui aurait révélé une recette intime ? Et Louis XIV pouvait-il vraiment cuisiner dans son cabinet particulier ?

Les ingrédients pourraient peut-être nous éclairer. Un anachronisme révélerait de façon certaine une supercherie. Mais les marrons glacés et les amaretti de la recette étaient connus de Louis XIV, les amaretti ayant été servi à son mariage. Et les marrons glacés, même si c’est sans certitude, sont réputés avoir été inventés sous son règne.

Il n’y avait plus qu’une chose à faire : s’y mettre.

Omelette du Roi-Soleil, selon Pino Correnti

Pour 2 personnes

  • 6 oeufs
  • 50 gr. de sucre vanillé
  • 4 marrons glacés
  • 50 gr. de beurre
  • 1 bâtonnet de cannelle ( j’ai préféré de la poudre )
  • sel
  • poivre

Séparer les blancs des jaunes, battre les blancs en neige ferme. 

Piler les amaretti et les marrons glacés, les mêler aux jaunes auxquels on ajoutera 40 gr. de sucre glace. Ajouter une pincée de sel, une pincée de poivre et mélanger. Mêler délicatement cette préparation de jaunes aux blancs battus en neige. 

Faire fondre le beurre et quand il mousse, verser la préparation. Faire cuire à feu doux jusqu’à ce que l’omelette soit bien dorée. 

Verser dans le plat de service, saupoudrer de cannelle et du reste de sucre glace. 

Résultats :

  • C’est long ! La préparation, très mousseuse, n’a rien d’une omelette ordinaire parce qu’elle est remplie d’air. Le temps de cuisson est donc au minimum triplé, et ce d’autant plus que la préparation doit cuire à feu doux. Soyez patient. Je ne saurais trop conseiller de mettre un couvercle pour que la cuisson atteigne le haut de la préparation.
  • C’est dense ! C’est censé être une recette pour 2 personnes, on s’est mis à 4 dessus et on était rassasié ! Si vous prévoyez de la faire en amoureux, 3 ou 4 oeufs et  2 ou 3 amaretti et marrons glacés seront suffisants si vous avez d’autres objectifs à 2 qu’une laborieuse digestion en commun ! Sauf, bien sûr si votre motivation est la curiosité historique, auquel cas je vous conseille de respecter la recette originale.
  • C’est très sucré ! Ayant goûté la préparation à tous les stades de la réalisation, je me suis passée des 10 grammes restant de sucre glace, et c’était encore très sucré. Vous pouvez donc retirer un peu de sucre de la recette sans que cela nuise au résultat, sauf si vous voulez la goûter telle qu’elle était réellement.
  • C’est rassurant ! Cette recette correspond bien à ce qu’on savait de Louis XIV : il mangeait comme 4 et, le sucre étant un ingrédient rare, réservé à la noblesse, seul le roi possédait les clés de la réserve. De fait, selon les critères de l’époque, cette recette est trop sucrée pour être roturière ! Enfin, c’est une omelette, le plat préféré des hommes qui ne savent pas cuisiner mais qui ont quand même envie de faire quelque chose. Dans tous les cas, cela ressemble bien à une préparation intime.
  • C’est délicieux ! Je n’aime pas les marrons glacés, je n’aime pas les omelettes sucrées, mais je me suis régalée ! Le goût, la texture trouvent le moyen d’être à la fois classiques et originaux.
  • C’est classe ! Une recette qui est à la fois galante, historique, simple, curieuse et délicieuse, c’est un atout séduction incontestable pour éblouir l’être aimé avec de la cuisine sans passer 5 heures aux fourneaux.

Je ne vous demanderai qu’une chose : si vous la faites, donnez m’en des nouvelles !

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Oui, le jury de Top Chef dirait qu'il n'y a pas de présentation et que l'assiette est moche, mais c'est vraiment délicieux et les saveurs vont très bien ensemble !

Oui, le jury de Top Chef dirait qu’il n’y a pas de présentation et que l’assiette est moche. C’est vrai, on ne l’aurait pas servi à Versailles sous cette forme-là. Mais c’est vraiment délicieux et les saveurs vont très bien ensemble ! Une vraie recette pour emballer…