Dans Costume de la donne, en 1536, Morpugo établit une liste de 33 perfections que doit avoir la femme idéale. Ce n’est pas une nouveauté, depuis ce 16 ème siècle, on fait des listes de perfections féminines allant de 3 à 30. Morpugo ne fait qu’en ajouter 3 autres. 3,30,33…On ne peut que remarquer la récurrence du 3 et ses multiples.
Voici cette liste, citée dans l’Histoire des femmes en Occident :
« Trois longues : les cheveux, les mains, les jambes
Trois menues : les dents, les oreilles et les seins
Trois étroites : la taille, les genoux et » l’endroit où la nature a placé tout ce qui est doux »
Trois grandes ( mais bien proportionnées ) : la taille, les bras et les cuisses
Trois fines : les sourcils, les doigts, les lèvres
Trois rondes : le cou, le bras et le…
Trois petites : la bouche, le menton et les pieds
Trois blanches : les dents, la gorge, les seins
Trois rouges : les joues, les lèvres et les tétons
Trois noires : les sourcils, les yeux et ce que vous savez. »
Chacune de ces perfections s’assemble par triades où domine la géométrie : large, longue, ronde, ou la simple représentation spatiale : grande, fine, menue. Les couleurs, elles, sans nuances aucune, renvoient à l’imaginaire alchimique : l’oeuvre au noir, au blanc, au rouge. La pierre philosophale des alchimistes était censée aussi bien changer le plomb en or que faire obtenir l’immortalité à son possesseur. Normal que les critères censés définir la beauté d’une femme s’inspirent de certains de ses symboles, d’autant plus que la pratique de l’alchimie explosa à la Renaissance. Le chiffre 3, quant à lui, a le pouvoir de représenter Dieu dans presque toutes les cultures ( le Père, le Fils, le Saint Esprit des catholiques; Brâma, Vishnou, Shiva, la trinité des hindous; Le Bouddha, le Dharma, le Sangha, les 3 refuges des Bouddhistes, etc..), logique donc de le retrouver, lui et ses multiples, dans ce qui doit définir, les « perfections », la première des perfections étant Dieu lui-même.
Si les symboles mathématiques énoncés dans cette liste sont propres à leur époque, ne pensons pas être épargnés par le phénomène. Le critère de beauté minimal établi par notre Indice de Masse Corporelle, s’établit à partir d’un chiffre – un nombre pour être exact – obtenu grâce à la conjonction, dans un tableau, d’un poids établi en chiffre avec une taille également en chiffres, à quoi s’ajoutent la nécessité de la symétrie dans les traits, les sourcils qu’on redessine en les épilant, un rapport seins-taille-hanches suffisamment marqué et qui a pu également se traduire par des chiffres, le fameux 90-60-90, mensurations idéales établi dans les années 90 quand les journalistes, pour créer de la nouveauté, décidèrent de stariser les mannequins. Toute récurrence d’un multiple de 3 dans l’établissement d’une mesure visant à exprimer l’idéal s’avère bien évidemment culturellement fortuite. ..
On pourrait continuer la liste : nos tailles s’établissent en chiffres, nécessairement pairs en France, lesquelles expriment l’idéal à partir du moment où elles ne dépassent pas la trentaine, 36, pour être tout à fait exact, représentant l’idéal de la taille mannequin. La trentaine, c’est également le somment de la vie d’un homme et d’une femme, tant, en ce qui concerne la beauté et la forme physique que l’épanouissement socio-professionnel et personnel.
Pourquoi tant de chiffres ?
Les lois mathématiques et physiques définissent l’univers et contribuent donc à faire disparaître beaucoup de son arbitraire, de son côté hasardeux et angoissant. Il y a ainsi un ordre du monde, et pour les physiciens qui ont étudié l’univers comme pour certaines religions, Dieu est souvent vu comme un architecte, celui qui en a établi les lois perceptibles dans les mesures, règles, chiffres et autres systèmes mathématiques permettant de définir cet univers.
Et la beauté ?
La beauté rejoint une autre grande merveille du monde qu’on appelle l’Amour, et les définir tous deux d’une façon rationnelle leur ôte à la fois de leur mystère, de leur pouvoir et donc de tout ce qui les rend angoissants. Contrôlés et maîtrisés, la Beauté et l’Amour n’ont plus ce caractère terrible défini par les Grecs à travers des figures comme Eros et Aphrodite.
Mais Aphrodite finit toujours par renaître : « L’imperfection est beauté, la folie est génie, et il vaut mieux être totalement ridicule que totalement ennuyeux. » Marylin Monroe.
Une invitation à rendre leur liberté à la beauté, au charme, à la spontanéité en séduction et en amour, et à laisser tomber les chiffres aussi ridicules qu’ennuyeux dès qu’il s’agit d’Amour et de Beauté.
Quand c’est la plus belle qui le dit, il n’y a qu’à s’incliner.
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