Dans reflet de Cythère, une poésie ou une invocation à Aphrodite est mise à l’honneur.
Ici, ce sera la plus célèbre, la plus évidente et pourquoi pas la plus connue de toutes les poétesses, Sappho qui vivait dans l’île de Lesbos au VI ème siècle et dont le nom comme le lieu où elle habitait n’ont plus fini que par désigner les amours entre femmes, au mépris de l’auteure et son oeuvre.
Pourtant, Sappho fut certainement une femme remarquable dont les talents furent malgré tout reconnus dès l’Antiquité. C’était une aristocrate, éducatrice de jeunes filles destinées au mariage à qui elle apprenait le chant, la poésie et la danse. Elle composait également, outre les rares poésies qu’on a conservées d’elle, la musique sans laquelle ces poésies ne pouvaient se dire, puisque la poésie, à cette époque, était chantée. Sa musique est aujourd’hui perdue.
Que chantait Sappho ?
Ca, tout le monde le sait : son amour pour certaines jeunes filles qu’elle éduquait, comme les philosophes et poètes masculins de l’Antiquité évoquaient leurs amours pour leurs disciples et leurs amants.
En quoi le contenu de la poésie de Sappho diffère-t-il ? A créer des mondes dans lesquels hommes et femmes ne se rencontrent pas, on crée plus facilement des rencontres entre gens du même sexe. Logique, non ?
Pourtant, même la Grèce ancienne finit par trouver les amours de Sappho répréhensibles et on se moqua d’elle. Car outre qu’on est toujours plus dur pour les femmes que pour les hommes, dans une structure patriarcale, voir une femme se comporter de la même manière qu’un homme tout en les ignorant, ce n’est pas acceptable.
De façon plus personnelle, Sappho était une dévote d’Aphrodite à qui sa musique, sa poésie, ses sentiments et les jeunes filles qu’elle préparait au mariage, étaient entièrement consacrés.
Le seul poème qui nous soit parvenu entier est l’hymne à Aphrodite, et pour donner un profil moderne et délicat à son auteure, la belle sculpture de Sappho de James Pradier que l’on trouve au musée d’Orsay donne le ton, même si à côté de la poétesse un peu mélancolique, se trouve posée la lyre en carapace de tortue telle qu’elle fut fabriquée par Hermès selon la mythologie.
La poésie choisie est une prière que Sappho adresse à sa déesse, une prière pour être aimée de la personne qui la dédaigne. Cette prière, le texte le révèle, n’est pas la première que la poétesse lui adresse. Car Sappho, digne dévote d’Aphrodite que ses dons ont touchée, semble aimer sans cesse, dans ce lieu où les jeunes filles, destinées à se marier, ne restent pas. Sappho aime et s’attache en pure perte, prise dans le mouvement inexorable de la vie.
Parmi les traductions disponibles, celle de Renée Vivien a été choisie parce qu’elle ne change ni Aphrodite en Vénus ni le « elle », qualifiant la personne aimée, en « il », comme le font d’autres versions plus consensuelles.
N’importe, tendons l’oreille à la prière d’Aphrodite, et qu’elle aussi nous entende…
Hymne à Aphrodite
« Toi dont le trône est d’arc-en-ciel, immortelle Aphrodita, fille de Zeus, tisseuse de ruses, je te supplie de ne point dompter mon âme, ô Vénérable, par les angoisses et les détresses. Mais viens, si jamais, et plus d’une fois, entendant ma voix, tu l’as écoutée, et, quittant la maison de ton père, tu es venue, ayant attelé ton char d’or. Et c’était de beaux passereaux rapides qui te conduisaient. Autour de la terre sombre ils battaient des ailes, descendus du ciel à travers l’éther.
Ils arrivèrent aussitôt, et toi, ô Bienheureuse, ayant souri de ton visage immortel, tu me demandas ce qui m’était advenu, et quelle faveur j’implorais, et ce que je désirais le plus dans mon âme insensée. « Quelle Persuasion veux-tu donc attirer vers ton amour ? Qui te traite injustement, Psappha ? Car celle qui te fuit promptement te poursuivra, celle qui refuse tes présents t’en offrira, celle qui ne t’aime pas t’aimera promptement et même malgré elle. »
Viens vers moi encore maintenant, et délivre-moi des cruels soucis, et tout ce que mon cœur veut accomplir, accomplis-le, et sois Toi-Même mon alliée. »
— Traduction Renée Vivien, 1903.
Cet article et cette photo sont les propriétés du site Echodecythere. Il est interdit par le code de la propriété intellectuelle de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.