Aphrodite

Aphrodite au Labo de Cléopâtre

Aphrodite a toujours été la souveraine de ce blog qui m’a conduit plus loin que je n’aurais pu l’espérer. Elle est ma source d’inspiration de longue date et semble avoir guidé tous mes pas. Dans la boutique du Labo de Cléopâtre, elle est évidemment très présente à travers ses parfums historiques et ses plantes consacrées.

Elle a encore accompagné la publication de mon livre Fabriquez vos soins naturels de l’Antiquité, grâce au porte-encens Aphrodite au coquillage que j’ai entièrement réalisé sur base d’éléments entièrement naturels – la petite statue exceptée. Une figure qui est devenue mascotte de mon travail par le choix qu’en a fait Céline Morange, directrice de la publication et photographe chez Améthyste.

Néanmoins, la déesse était déjà mon guide, et pensant à ceux et celles qui, comme moi, la portent dans leur cœur tout en ne trouvant pas assez d’objets évoquant son culte et l’ancienne religion, j’avais décidé de créer quelques objets artisanaux.

Il n’y en a pas des tonnes, ce sont souvent des exemplaires uniques, mais vous trouvez sur la boutique du Labo de Cléopâtre quelques pièces dans la lignée d’Echodecythere et mon amour premier pour la belle Cythérée. Parfois, plus que discrets, ils ne se remarquent pas..Et parfois, l’hommage est très clair.

J’ignore si ça a du sens pour vous, mais quand j’ai appris qu’Aphrodite était aussi la déesse des parfums, le lien du blog Echodecythere au projet Labo de Cléopâtre m’a semblé un petit clin d’œil divin. On n’est pas obligé d’y croire, ni même aux anciens dieux, mais pour moi, les choses sont différentes…

N’y a-t-il que des roses dans les produits consacrés à Aphrodite ? Non, mais vous ne ferez jamais une faute à son égard en lui en offrant, car il y en a malgré tout souvent. Est-ce à dire que c’était aussi simple que la symbolique associée à la magie d’amour d’aujourd’hui ? Et bien, là encore, non.

Le culte à Aphrodite, c’était une culture riche, totale, de dévotion mais qui prenait racine dans son lieu d’apparition : les symboles marins lui sont associés, mais aussi les colombes de son char – d’où peut-être plus tard la colombe comme symbole de la paix.

Enfin, Aphrodite, ce sont les coquillages, les bijoux, les parfums de toutes sortes, la séduction, la nudité, mais aussi la gentillesse et le sourire.

Aimez-la follement et aimez follement, c’est encore le meilleur que je peux vous souhaiter dans cette période de fous !

D’autres encens consacrés totalement ou partiellement à Aphrodite se cachent encore dans la boutique du Labo de Cléopâtre. N’hésitez pas à la visiter si vous en êtes curieux. https://www.etsy.com/fr/shop/Lelabodecleopatre?ref=seller-platform-mcnav

https://www.etsy.com/fr/listing/1009021463/porte-encens-temple-grec?ref=shop_home_active_16&frs=1
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Aphrodite et la prison de la frivolité

Un passage de la mythologie raconte une anecdote à propos de la déesse de l’Amour et de la Beauté. Un jour, celle-ci essaya le travail et se mit à la tapisserie. Scandalisée, Athéna alla se plaindre à son père Zeus. Elle était la déesse associée aux travaux d’aiguille – travail malgré tout essentiellement féminin – et il n’était pas question qu’Aphrodite empiète sur son domaine. Zeus donna raison à Athéna, et on ne vit plus jamais Aphrodite faire quoi que ce soit de ses mains qui ressemblait à du travail.

Le récit mythologique répartissait donc ainsi les rôles, entre la femme qui est belle et sert à embellir le monde en obéissant strictement aux règles définissant sa place – « Souris sur les photos », « Tu es tellement plus belle quand tu souris »-, et celle qui fait, agit au risque de faire peur au monde, de la priver de sexualité et de risquer d’être considérée comme marginale dans la société.

En grandissant, quand apparaissent les caractères sexuels secondaires, ce choix se présente à toute jeune fille qu’on trouve assez désirable pour la pousser à la sexualité. Que sera-t-elle ? Belle, frivole, et agréable à fréquenter, ou studieuse, ambitieuse et donc non disposée pour l’homme qui pourrait la désirer ?

C’est l’histoire d’une jeune fille qui ne se trouvait pas très jolie et qui regardait avec envie et jalousie la plus jolie fille de sa classe après qui tous les garçons couraient. Elle ne voulait pas spécialement qu’on lui courre après, mais elle voulait juste parfois avoir l’impression d’exister dans une société où il y a le sexe fort et où sa façon de représenter le sexe faible ne correspond pas à l’image qu’on désire en avoir.

Dans son traité sur l’éducation, Rousseau dit en 1762 : « Toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce. »

Le doux contre le fort, le sexe fort, qui agit, le sexe faible – aussi appelé beau sexe, en référence à la beauté qu’on associe au féminin et à la force, qu’on associe au masculin – qui grandit à l’ombre des tentations qui la feraient passer du côté des femmes qu’on dit paradoxalement « libres », c’est-à-dire les prostituées, qui seules, avaient le droit d’avoir de l’argent bien à elles.

Si cette vision de la femme est très associée dans notre imaginaire aux religions monothéistes, les mythes grecs ne laissent pas de place au doute quant aux rôles bien définis des uns et des autres Olympiens selon leur sexe : ceux qui agissent et décident sont masculins (Zeus, Poséidon, Hadès, Hermès, Apollon…), sont féminins ceux qui subissent (Perséphone, Héra, Aphrodite) ou qui s’écartent du jeu matrimonial ou sexuel pour ne pas subir (Athéna, Artémis).

Le monde d’Aphrodite – plus qu’aucune autre – c’est effectivement l’empire statique de la frivolité. Tout comme les textes anciens nous décrivent longuement la déesse de la Beauté qui, éprise d’Anchise, met ses plus beaux vêtements et bijoux, pour aller à sa rencontre, le cinéma, les réseaux sociaux, les clips musicaux sont pleins d’images de femmes et filles qui, apprêtées, maquillées, sur-sexualisées et esthétisées, semblent prêtes à se perdre dans leur propre image d’elle-même et le désir qu’elles inspirent.

C’est l’histoire d’une fille qui fait de l’art avec ses mains et le diffuse sur les réseaux sociaux pour ne gagner qu’une dizaine de like quand une autre en gagne près de 200 avec juste une photo d’elle en décolleté ou en tenue sexy. A cette dernière – celle qui fait ce qu’on désire d’elle – la plus grande distribution de dopamine !

Cette façon de voir le monde entre masculin et féminin perdure partout dans le monde – et même chez ceux qui se croient assez intelligents pour y échapper – lui assurant une stabilité rassurante pour les uns plus que pour les autres, mais malgré tout plusieurs fois millénaire.

Tant que tu es jeune et belle, séduis ! Tiens le rôle qu’on donne à la femme par excellence, puisque tu es née femme ! « Quand vous serez bien vieille, Hélène, assise au coin du feu (…)Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle… » Hélène a eu l’audace de ne pas faire ce que Ronsard attendait d’elle. Elle ne profitera pas du plaisir et des honneurs qui ne reviendraient de toute façon qu’à lui, de qui on admet la sexualité libre et la conquête, quand on la condamnerait chez elle.

Aux femmes le monde du maquillage, de la mode, de la beauté et de la frivolité ? En fait, non. Aux uns et aux autres le monde et la place que la société et les proches acceptent de leur céder et leur reconnaît, en fonction de leurs croyances, leur culture et leur ouverture d’esprit.

La mythologie raconte aussi qu’Héphaïstos avait décidé de piéger Aphrodite et son amant Arès pour exposer aux Olympiens leur culpabilité et l’adultère de la déesse. Un filet tomba donc sur eux quand ils étaient au lit et exposa aux autres dieux leur nudité. Une ruse qui ne profita pas à Héphaïstos car la plupart des dieux envièrent Arès et eurent une aventure avec Aphrodite, flattée et reconnaissante de leur admiration. La déesse eut ainsi des enfants avec chacun, lui assurant une descendance assurée et nombreuse dans le monde des dieux. Les déesses, qui avaient aussi été invitées au spectacle, refusèrent, par pudeur. Chastes déesses, sans descendance autre que leur nom immortel…

A se demander pourquoi, avec autant de succès dans le monde qui lui a toujours reconnu sa place de déesse dont la beauté suffit à justifier son existence et l’immortalité de son nom et son image, elle éprouva le désir de faire autre chose que paraître pour se mettre à travailler de ses mains…

Cet article est la propriété du site Echodecythere. Il est interdit par le code de la propriété intellectuelle de le reproduire sans l’autorisation de son auteur.

Chypre, île d’Aphrodite

Avec l’évocation des poudres de Chypre, parfums anciens que je reconstitue dans la boutique du Labo de Cléopâtre, on peut dire que mes 2 blogs sont sous le règne de Chypre. Quand on parle d’Aphrodite, ceux qui connaissent la mythologie se souviennent qu’elle est née à Chypre, de l’émasculation d’Ouranos dont le membre rencontrait l’écume en tombant dans la mer, donnant naissance à la plus belle des déesses. Un récit mythique qu’on retrouve chez Hésiode, loin de toute évocation plus tardive d’une éventuelle filiation avec Zeus.

A Chypre, l’endroit exact de sa naissance est marqué par un rocher Petra tou Romiou, dit Rocher d’Aphrodite. Certains points de vue font d’ailleurs apparaître le rocher comme les organes génitaux coupés d’un géant.

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Dans l’Antiquité, puisque l’île était considérée comme le lieu de naissance d’Aphrodite, un grand sanctuaire lui était consacré – célèbre dans toute la région, notamment pour sa pratique de la prostitution sacrée – dont il ne reste que des ruines mais que chaque visiteur avec un rêve secret d’amour contribue à rendre encore vivant, et ce d’autant plus que d’anciennes coutumes restent vivaces. Des arbres à voeux ponctuent la route allant du rocher au sanctuaire d’Aphrodite, et une ancienne tradition recommande de plonger dans les eaux du rocher pour s’assurer de connaître un amour éternel.

Car en vérité, on ne plaisante pas avec la déesse de l’Amour et de la Beauté, et si on croit que son culte est tombé avec le triomphe du christianisme, c’est mal connaître le pouvoir d’une telle divinité et l’importance qu’elle peut avoir sur le destin des Hommes comme de tout ce qui est vivant. Pour preuve, les vestiges de l’île semblent démontrer qu’une déesse informe de la fertilité habitait déjà les lieux bien avant que l’époque classique fixe dans la statuaire la forme que nous lui connaissons bien et qui hante les musées.

Quand on regarde les commentaires de ceux qui suivirent la route d’Aphrodite, on voit de la déception : des paysages magnifiques, certes, mais finalement, rien d’inoubliable : une plage, un rocher, une baignade, une grotte, un jardin botanique plein d’espèces végétales en lien avec la mythologie, et le mythe d’Aphrodite en particulier; et quelques musées. Certes, pour un touriste habitué à voir des châteaux, des attractions, des spectacles et consommer de la culture comme on le fait des autres types de produits, un lieu dit sacré et mythologique – pour lequel on a dû faire des heures de randonnée sous un soleil de plomb – n’a pas grand-chose d’excitant.

Les montagnes, de l’Olympe à l’Himalaya, abruptes terres où vivent les dieux, nous sont bien connues à présent, malgré le danger qu’elles représentent encore, et chaque nouvelle ascension en diminue un peu le prestige et la dangerosité inscrits dans la mémoire collective de l’humanité. Les menhirs et autres mégalithes qu’on prenait autrefois pour des autels de géants ou des portes du monde des fées ont repris leur dimension humaine en même temps que progressaient les découvertes scientifiques et la reconstitution de plus en plus cohérente de l’histoire de la Terre.

Et pourtant, nous sommes les héritiers de ces homo sapiens, les hommes de sagesse qui se racontaient des histoires pour se créer une culture, des représentations communes, des attachements qui feront qu’on sera fiers d’être nés, attachés à une terre ou même tout simplement d’y avoir posé les pieds.

Mais le destin de Chypre est aussi dans sa partition : une partie nord de l’île étant occupée par l’armée turque, rappelant qu’aux temps des Troyens et des Achéens, la déesse savait provoquer les conflits pour la beauté et pour un territoire :

« Je chanterai Kythérée née de Kypros et qui fait de doux présents aux mortels. Son visage charmant sourit toujours, et elle porte la fleur aimable de la jeunesse. Saut, Déesse qui commandes à Salamis bien bâtie, et à Kypros entière. » Hymne homérique à Aphrodite. Traduction Lecomte de Lisle.

Enfin, Aphrodite, c’est aussi la déesse des parfums, ce qu’on sait peut-être moins, et Chypre est décrite comme une île odorante déjà par les auteurs de l’Antiquité, ce que va confirmer l’histoire des parfums qui la désigne comme une île des parfumeurs, entre Orient et Occident, grâce à la présence des plantes à parfum : ciste, myrte, mousse de chêne, roses, iris, origan. L’eau de Chypre, qui donnera ensuite la poudre de Chypre, puis les parfums chyprés, achevèrent d’associer la déesse, son île et les parfums.

Vous aimez Aphrodite et ne savez pas quoi faire pour vous rapprocher d’elle ? Renseignez-vous peut-être sur Chypre, l’antique déesse de l’Amour y a même sa route culturelle : La route culturelle d’Aphrodite

Nouvel article Labo de Cléopâtre : Poudres de Chypre

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Quelle déesse êtes-vous ?

Non, ce n’est pas un titre destiné à flatter votre ego ou un énième test de la presse féminine.

L’importance des mythes dans la structure de notre personnalité comme construction à la fois individuelle et inconsciemment collective a été soulignée par les psychanalystes – au premier rang desquels Freud – et les philosophes, qui ont puisé des ressources pour révéler certains complexes, archétypes ou problèmes psychologiques – complexe d’Oedipe, d’Electre, syndrome de Cassandre, etc..-

Des problèmes de construction identitaire qui paraissent universels, tant on peut les généraliser, et qui pourtant s’avèrent en réalité civilisationnels. Si bien qu’au Japon, le complexe d’Oedipe n’existe pas et essayer de le traiter est inutile, mais qu’on y trouvera le complexe d’Amaterasu, leur déesse du soleil. Et pour cause..

Dans le Sciences et Avenir consacré il y a quelques années aux mythes, on apprenait que l’informatique, mise au service de l’anthropologie, avait révélé une trame commune à beaucoup d’entre eux, à partir d’un récit initial plus ancien que l’invention de l’écriture. De ce récit initial, des variantes découlaient au fil des grandes migrations humaines. Nos mythes sont ainsi notre mémoire collective en même temps que notre socle identitaire à  la fois commun et variant.

Une donnée que nous voulons oublier et dépasser dans une société moderne qui ne croit plus aux mythes. Pourtant, nous gardons la même structure que nous n’avons pas réussi à dépasser même en passant par le monothéisme. Logique quand on sait qu’en tant que récit, il est uniquement dévolu à une seule cause : la révélation et reconnaissance du Dieu unique par les prophètes, saints, et figures ancestrales.

Pourtant, comme l’Inde traditionnelle considère la période de vie sociale d’un homme en fonction des doshas ( terre – apprentissage – Feu – vie active – air – détachement et vie spirituelle ), l’Europe occidentale a pu avoir sa période de vie sociale féminine dominée par ses déesses emblématiques qui en sont les archétypes.

  • Artémis, l’enfance indomptable

Quand les jeunes filles grecques allaient se marier, elles sacrifiaient d’abord leurs jouets à Artémis en signe de renoncement à leur enfance, leur nature sauvage et leur virginité. Artémis n’était en effet pas qu’une déesse chasseresse : elle avait surtout fait le voeu de rester vierge, de vivre à l’écart, dans la forêt, entourée de jeunes filles comme elle. Artémis, c’est une sauvage, une fille indisciplinée qui a refusé le joug de la société et les lois sociales qui lui imposent de prendre sa place. Elle va rester éternellement et volontairement une jeune fille refusant de quitter son aire de jeux.

Mais si la jeune chasseresse reste indocile par nature divine, ses compagnes ne sont pas aussi bien protégées, notamment contre l’Amour et le désir des hommes qui représentent le plus grand danger et ce qui provoque le plus la colère de la soeur d’Apollon. Artémis, c’est donc la petite fille ou la jeune fille, non encore opprimée par les obligations sexuelles et sociales, celle qui, dans la cour de l’école ne fréquente pas les garçons, car de toute façon, elle ne les aime pas., et qui, lorsqu’elle rentre de l’école fait le récit, agacée, de toutes les bêtises dont ils sont capables.

  • Aphrodite, l’âge de la sexualité

Aphrodite était autant la déesse de  l’Amour, du désir, de la séduction, de la sexualité que de la prostitution. A partir du moment où on entre dans le domaine de la séduction et de l’attirance sexuelle, on est sous la domination d’Aphrodite. Dans le cadre normé de la vie d’une fille de citoyen, la sexualité féminine n’était concevable que dans le cadre du mariage. C’est pourquoi la déesse de l’Amour est également associée à ce rite de passage fondamental dans la vie d’une femme de bonne famille. Mais pour ses aspects amoureux et sexuels uniquement : « les travaux d’Aphrodite » comme disait Hésiode.

Sappho, bien connue pour ses poèmes d’amour lesbiens, était éducatrice pour jeunes filles de l’aristocratie, qu’elle préparait au mariage. Cette institution était sous le patronage d’Aphrodite, également déesse de prédilection de Sappho qui n’a malgré tout laissé aucun écrit sur la nature de l’enseignement qui s’y déroulait, mais qui était destiné à préparer les jeunes filles à leur future vie d’épouse. Aphrodite, c’est la femme dans tout son pouvoir de séduction.

  • Héra, la matrone dans un monde inégal

On a souvent moqué Héra pour sa jalousie. Elle est l’archétype de la femme mariée, mère de famille, qu’on dira respectée, qu’on envie pour sa situation élevée dans la société, mais qui va malgré tout souffrir des infidélités de son mari qui la ridiculisent et mettent l’accent sur sa perte de séduction. Une caricature, Héra ? Malheureusement, presque une obligation dans un monde de rivalité sexuelle et sociale où, même quand la femme est puissante, voire, la mère des dieux, elle ne peut, contrairement à son mari, jouir de la liberté de son corps, de ses activités, de sa libre circulation.

Finalement, ce qui lui est reconnu, c’est le droit d’être jalouse et mécontente. Et de fait, Zeus le lui reconnaît comme un droit.  Il ne frappe pas sa femme, ne la brutalise pas, lui reconnaît son rôle et tente de lui cacher ses amantes sans jamais tenter de la détrôner au profit de l’une d’entre elles. Coincée dans une vie qu’elle sait être aisée et opulente, le statut le plus élevé parmi celui des femmes, Héra est la femme qui a réussi dans le cadre normé de la société patriarcale, mais malheureuse des inégalités qu’elle doit subir pour y avoir droit.

Finalement, il n’existe d’archétype, de déesse ou femme mythique que dans le cadre d’une société qui les a fait apparaître par ses règles. Une fille trop jeune pour subir les lois sociales, qui découvre son pouvoir de séduction et la sexualité avant de subir des devoirs plus que des droits, voici l’histoire des femmes occidentales dans la norme.

Bien sûr, d’autres figures apparaîtront, que nous connaissons toujours : Athéna, l’intellectuelle ou femme de pouvoir qui ne veut pas se marier, seul moyen, selon elle, de pouvoir réaliser ses ambitions, Cérès, qui, mère célibataire, vit plus durement que si elle avait été entourée ou avait eu plus d’enfants, la disparition de sa fille unique, etc.

Dernier article du Labo : Le cérat

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Reflet de Cythère (12)

Reflet de Cythère, c’est un texte, une poésie, un fragment qui permet de nous rapprocher de l’image que les Anciens se faisaient de leur déesse de l’Amour. J’écris les Anciens, mais en 5 ans de ce blog, j’ai aussi mis des modernes, des païens contemporains, tant il est vrai que les figures divines ne meurent pas.

Aujourd’hui, cité par Stobée dans son Florilège, c’est le grand Sophocle, auteur, au V ème siècle avant notre ère, des plus belles tragédies de l’Antiquité – dont Oedipe et Antigone, son incorruptible fille, qui va nous chanter la belle et terrible déesse de l’Amour. Un rôle qu’elle tient bien souvent chez les poètes et les philosophes, l’Amour étant vu comme une nécessité douloureuse apportant bien plus de malheur et de destruction que le bonheur qu’on vient y chercher.

Sophocle lui-même, au-delà des pièces à la perfection formelle que les Alexandrins ont bien voulu nous laisser intacts, fut un homme qui s’y brûla les ailes et dont la personnalité sensuelle s’est plutôt révélée dans les fragments conservés par d’autres auteurs.

Dans la Couronne et la Lyre, Marguerite Yourcenar précise même : « Vieillard, il se félicita d’être débarrassé du désir comme d’un tyran sauvage. » Une expression qui paraît n’avoir été que figures rhétoriques puisqu’il s’éprit dans cet âge de deux courtisanes, prouvant bien quà la fin, c’est toujours « Cypris » qui règne.

PUISSANCE DE L’AMOUR

« ..L’Amour, ô doux enfants, n’est pas rien que l’Amour.

On l’adore partout sous mille noms divers.

Il est la Mort, il est la Force impérissable.

Et la démence et le désir inguérissable.

Il est la Plainte. Il est activité et calme, 

Et violence..Et en tout lieu, dans l’univers, 

L’âme vivante et respirante le reçoit

Et se soumet, aussi bien le poisson qui erre

Dans l’océan, que le quadrupède sur terre; 

Pour les oiseaux et pour la bête carnassière, 

Pour l’homme, pour les dieux immortels, il est Loi.

Quel lutteur devant lui  n’a mordu la poussière, 

Fût-il divin ? S’il est permis, comme il se doit, 

De dire ce qu’il est, il dompte Zeus lui-même, 

Sans se servir du glaive. A chaque stratagème

De l’homme, à chaque plan des dieux, il fait échec, 

Et Cypris règne seule… »

Nouvel article Labo de Cléopâtre : Parfums antiques du Labo

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L’image athénienne d’Aphrodite

À Athènes, évidemment, impossible d’échapper à Aphrodite puisque c’est une figure à la fois historique, culturelle, mythologique locale. Partout ailleurs qu’en Grèce, où elle n’a pas fait l’objet d’un culte religieux et donc d’un récit mythologique riche et varié, nous en conservons plus une image sublimée, une forme d’idéal universel dans lequel elle rejoint un archétype.

Qu’on regarde d’ailleurs l’empressement fiévreux autour de la Vénus de Milo et on comprendra immédiatement. La même folie a existé et existe encore à travers la Vénus d’Arles. Finalement, certaines images d’Aphrodite adhèrent parfaitement avec l’idéal, et c’est là que la vénération et le sublime se produisent. Dans les salles du Louvre, sa mise en évidence traduit cette attente.

Au musée archéologique d’Athènes, quand j’y suis allée, certaines statues d’Aphrodite avaient été mises en scène de façon sublime pour l’exposition sur le Beau qui s’y déroulait. On les reconnaît sur les photos à leur habit de lumière et d’ombre.

Pourtant, lors de cette exposition, la figure d’Aphrodite s’incarnait aussi dans la petite déesse au cou potelé portant sur ses genoux un miroir, et une autre, avec des restes de polychromie, en compagnie d’Eros, son fils, lui donnant un statut maternel.

Ailleurs, on la rencontre ailleurs sous les traits d’une toute jeune fille naissant d’un coquillage, une sublime jeune femme essayant de cacher sa nudité mais aussi tentant de repousser les assauts de Pan un peu trop insistant.

Une figure banale de la vie d’une femme, n’est-ce pas ?

En cela beaucoup plus, elle rejoint son rôle d’archétype dans le fait d’assumer tous les rôles de la vie de femme, même les plus ordinaires, à la limite du vulgaire.

Car pour les Grecs de l’Antiquité, il existait deux Aphrodite : une céleste et une vulgaire. Celle-là, vous ne la voyez pas trop dans les musées internationaux. En revanche, vous la rencontrez plus facilement à Athènes : elle porte un pot à eau dans la main ou pire, elle a la main posée sur une hanche légèrement déboîtée pour la mettre en valeur d’une façon qui nous rappelle d’autres icônes appelées Carmen, Arletty, Amy Winehouse..

Oui, des images fort loin des belles Vénus de Milo et d’Arles, je vous l’accorde.

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Exposition Eloge de la Beauté

Dans l’article précédent, vous avez découvert le parfum antique reconstitué que j’étais allée découvrir au musée archéologique d’Athènes. Ce parfum était présenté dans le cadre d’une exposition thématique sur la beauté qui comprenait beaucoup d’objets, mais aussi beaucoup de gens devant les vitrines.

De par mon activité, bien évidemment, j’ai plus été portée à photographier les pixies – boîtes à cosmétiques – et autres flacons de parfum remarquables rencontrés lors de l’exposition, et ce d’autant plus volontiers que je n’attendais qu’une chose : sentir le liquide rose dans le ballon – raison pour laquelle j’étais venue. Cadrer correctement une photo quand il y a beaucoup de gens autour de vous qui s’agite et s’excite, c’est vraiment difficile.

Car la beauté reste un thème universel et teinté de soufre. Dans la salle d’exposition, il y a plus de monde que dans les autres pièces du musée. Alors, oui, on a choisi des pièces d’exception, et par rapport aux flacons existant déjà et étant proposés à l’étage, ici, sont présentés préférablement ceux avec des matériaux remarquables ou des scènes de toilette et d’esthétique – comme des sortes de mises en abîmes, de petits miroirs sur le passé – tel ce petit miroir ouvert sur les genoux de cette minuscule et remarquable Aphrodite.

Aphrodite, c’est elle qu’on est venu voir, et c’est surtout elle qu’on trouve représentée, en petit ou en grand, sur les abalastres, les statues, elle qui domine l’exposition et les commentaires du guide grec, qui, en anglais, raconte que la beauté est ce que tout le monde désire, recherche, et que les femmes cherchent toutes à séduire et c’est normal, etc..Mais bien sûr, il y a des Françaises dans cette expositions qui commentent dans leur langue : »C’est un peu caricatural… »Moi aussi, je suis Française. Mais j’ai créé ce blog et même si j’aimerais qu’elle ait raison…

Ce guide, lui, il est Grec. Comment ça se passe, d’ailleurs, la beauté, en Grèce ?

Les femmes y conservent quelque chose d’ultra-féminin dans la manière d’être sages. Les cheveux y sont toujours longs et détachés, les coupes de cheveux et les coiffures jamais folles, artifices laissés plutôt aux hommes. Globalement, le maquillage y est discret et les bijoux plutôt absents, hormis souvent un piercing de nez pour les plus jeunes, préférablement un anneau. Le sourcil, lui, est bien travaillé – mais c’est devenu une constante un peu partout depuis ces dernières années, sans doute venue des pays arabes.

Parallèlement, on rencontre un autre type de jeunes femmes plus sexuellement agressives, courant dans les Balkans et les pays slaves, chez qui décoloration, maquillage et sur-valorisation annoncent la couleur. A la limite, même, dans cette sur-fémininisation, il y a quelque chose d’un peu viril, du point de vue grec ancien : le côté actif de la féminité. Une féminité sur-jouée, sur-travailée dans un but précis, a forcément quelque chose de prospectif, d’agressif, propre à ce que le Méditérranéen attribue à la virilité.

Alors, ce guide, un peu caricatural ?

Des femmes qui peuvent se permettre un laisser-aller androgyne à la limite physique de la masculinité et qu’on pourrait qualifier d’absence de recherche minimale de beauté, je n’en ai pas rencontré, même pas chez les femmes âgées. Je pense donc que cet homme sait de quoi il parle et que d’une culture à l’autre, nous pouvons prendre certaines choses pour superficielles. Mais si elles n’étaient pas si structurelles, elles ne modèleraient certainement pas silencieusement mais si complètement une société.

Nouvel article Labo de Cléopâtre : Flacons du musée archéologique d’Athènes

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Le parfum d’Aphrodite ?

Si sur le blog sont développés des articles qui demandent réflexions et construction, la Page Facebook du Labo de Cléopâtre – qui mêle nouveautés de la boutique, créations parfumées, images d’art ou nouvelles archéologiques – véhicule des informations plus fugaces.

C’est ainsi qu’à la suite d’une recherche sur Athènes  où je devais me rendre en octobre, j’appris par un article en ligne pour voyageurs, ici que le musée archéologique y avait ressuscité le parfum d’Aphrodite. Le parfum d’Aphrodite ? Un rêve quand on a créé Echodecythère, le domaine d’Aphrodite, une aberration quand on a créé le Labo de Cléopâtre et qu’on sait qu’il n’y eut jamais de parfum d’Aphrodite qui puisse se prétendre ressuscité. Une appellation qui doit sûrement faire rêver par son évocation mythologique, érotique et racoleuse puisqu’on la retrouve dans un autre titre à propos du même événement.

Certes, c’est une absurdité pour moi qui recréé ces parfums anciens, néanmoins, je partage l’article sur la Page FB pour les informations qu’il contient et surtout parce qu’en tant que créatrice de senteurs anciennes, habituée à refaire les parfums selon les recettes des médecins de l’Antiquité au plus près de la manière dont ils les ont transmises dans leurs écrits, si moi je ne ne fais pas, qui le fera ?

Et bien entendu, je garde en tête l’information pour mon voyage et n’ai de cesse de me renseigner sur le lieu où se trouve ce fameux musée car je ne suis jamais allée à Athènes.

Le parfum est présenté dans le cadre d’une exposition « Les aspects du Beau », qui réunit de magnifiques pièces de l’Antiquité autour de ce qu’on considérait comme la Beauté. La première à nous accueillir est l’Aphrodite pudique, en tête de cet article. Dans le fond de la pièce, dans un ballon de verre de chimiste transparent, vissé au mur et le col protégé par une grille, apparaît le fameux parfum.

Tant qu’il n’a pas révélé son secret olfactif, un parfum, au visuel, c’est tout et c’est rien. Celui-là, il est rose fuschia, presque rouge, et c’est notamment pour ça qu’il attire l’oeil. Il est aussi mis en scène grâce à un éclairage accentué et des panneaux tendus de tissu noir pour le mettre en valeur. Impossible de le manquer, donc ! Il faut dire qu’au milieu des statues et des objets anciens d’une grande beauté, sa présentation dans du matériel de laboratoire de chimie fait tache. Pourtant, ce n’est pas pour ça qu’il est rouge. Dans l’Antiquité, les parfums huileux étaient en effet teintés en rouge.

 

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Alors, qu’est-ce que ça sent ? Et comment ça sent ?

Ca sent bon, ça sent la rose, ça sent les ingrédients naturels de qualité, et ce de façon puissante. La rose – qui n’était pas un ingrédient exotique mais courant – et un autre aromate européen assez simple et délicieux – tel que coriandre, romarin, sauge, je ne sais pas trop -. Le résultat est vraiment excellent d’un point de vue qualitatif.

D’un point de vue technique et historique, pourtant, la senteur est trop puissante pour un parfum antique dont la recette entraîne une durée de réalisation malgré tout limitée dans le temps, ce qui impose nécessairement une intensité plus faible à l’odeur – problème auquel je suis confrontée en permanence à l’atelier – mais qui devait entrer aussi dans les données culturelles puisque choisies pour des raisons symboliques et magiques – ce que chacun oublie un peu trop.

L’autre problème majeur est le solvant, le « corps » du parfum, comme disait Pline. Ici, ce n’est pas de l’huile, comme c’était le cas dans l’Antiquité – et tels que je les reproduits dans mon atelier avec les aléas que ça comporte – mais de l’alcool. Un choix qui se comprend pour un produit soumis aux bactéries de millions de visiteurs curieux de cette ancienne fragrance, car la solution est en effet stérile et sans danger. Pourtant, cela a une incidence réelle au niveau de la tenue du parfum et de son intensité. Il n’est ainsi pas de choix, pas de sacrifice technique qui ne se fasse au prix de l’odeur elle-même, tout excellent qu’ait été ce parfum.

Finalement, ce parfum, qu’est-ce que c’est ?

C’est un produit fait par une grande marque grecque de cosmétiques et parfumerie, KORRES, qui s’exporte bien et qui a bonne réputation; une valeur sûre pour ceux qui veulent s’assurer que c’est fait par quelqu’un qui sait. Sauf que c’est une notion contemporaine, les parfums n’étant pas conçus par des chimistes dans l’Antiquité mais par des artisans, parfumeurs de profession ou médecins apothicaires en accès direct avec les matières premières.

La notion « parfum d’Aphrodite » des articles français est bien sûr racoleuse, la déesse, ayant bien, selon la mythologie portés des parfums dont elle est aussi la déesse, aucune recette ne peut se targuer d’avoir été décrite comme son parfum, ce qui amplifie d’ailleurs son pouvoir d’évocation comme savent le faire le Nectar et l’Ambroisie dont elle se nourrissait.

L’exposition précise : parfum de l’époque mycénienne.

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Au musée archéologique lui-même comme dans les livres d’historiens spécialisés sur les parfums de l’Antiquité, on apprend que ce qui reste de la parfumerie antique et de l’idée qu’on peut se faire d’un parfum aussi ancien que l’époque mycénienne – de 1650 à 1100 av J-C – ne consiste qu’en des listes de plantes aromatiques sans mentions de quantités, recettes, techniques, ni produits finis. Autrement dit, il ne reste pas grand-chose.

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Si on le recoupe avec les informations données par les médecins ou botanistes tels que Galien, Dioscoride ou Théophraste, le parfum présenté constitue une recette tout à fait probable – de laquelle est bien sûr exclue l’alcool comme solvant, et l’origine de cette couleur rouge, autrefois dévolue au cinabre, minéral toxique, les matières premières brutes qui ont de fortes chances d’avoir été – par commodité, et ça se comprend – des huiles essentielles. Tout l’inverse de ce que j’utilise en atelier pour recréer des parfums anciens qui ne soient pas que dans l’odeur mais dans la matière également, tout détail conservé sur le produit d’origine étant une dimension de vérité ajoutée et des informations précieuses.

 

 

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Reflet de Cythère (11)

Dans Reflet de Cythère, un poème, texte littéraire ou autre permet d’éclairer un peu un aspect de la déesse Aphrodite ou de son culte.

Aujourd’hui, c’est un petit bijou que je vous propose. Il nous vient de la poétesse grecque Nossis qui vivait au III ème siècle avant notre ère. Il ne reste d’elle qu’une dizaine d’épigrammes et rien de connu sur sa vie, pas même sur le lieu où elle vivait.

Mais le poème qui suit est si beau, si célèbre, et lui donna une telle réputation qu’on a pu dire d’elle que le dieu Amour fondait lui-même la cire pour ses tablettes ! A l’époque de Nossis, en effet, le stylet s’enfonçait dans la cire pour y graver la poésie qu’on recopiait plus tard, notamment sur papyrus. C’est grâce à ça qu’elle est ainsi parvenue jusqu’à nous.

Ici, la déesse de l’Amour paraît sous le nom de Cypris. On lui donnait ce nom parce qu’elle était censée être née à Chypre.

Eloge de l’amour

« La douceur de l’amour surpasse toutes choses,

Croyez-m’en, moi, Nossis. Le miel a moins de prix.

Celle qui n’a pas eu le baiser de Cypris

Ne sait pas distinguer quelles fleurs sont les roses. »

Anthologie Palatine. V, 170

Dernier article du Labo de Cléopâtre : Importance des matières premières

Aphrodite, douceur et rage

Aphrodite, déesse de l’Amour et de la Beauté, est associée à d’autres caractéristiques ou bien, voit son caractère se préciser au fil des récits mythologiques, ou se révéler dans des qualificatifs qui la décrivent et qui reviennent tout au long des épopées : les « épithètes homériques ».

Aphrodite est ainsi souvent qualifiée de « tout sourire », qui révèle son caractère enjoué et charmeur. Un sourire d’une importance capitale dans les rapports sociaux qu’une femme entretient grâce à l’image qu’elle renvoie à celui qui la regarde, la juge, la condamne ou l’admire. Cette expression qui éclaire le visage, l’illumine, semble rendre la femme tellement accessible et aimable qu’elle est exigée sur les photographies engageant le commerce, ou quand le contact avec l’autre et la clientèle sont nécessaires.

La douceur d’Aphrodite, c’est aussi celle de la fragilité. La déesse de l’Amour, de par sa nature douce et délicate, est la première parmi les Immortels à être blessée sur le champ de bataille opposant Achéens et Troyens. De la même manière, elle est celle qui est la plus impliquée, la plus investie dans ses histoires d’amour avec les Mortels. Plusieurs textes classiques racontent ainsi son grand deuil lors de la mort du bel Adonis, son amant, tué par Arès rendu jaloux par leur relation, et qui a pris la forme d’un sanglier pour éliminer son rival. Dans le Dialexis de la rose, Procope de Gaza explique comment, à la suite de ce deuil, Aphrodite éperdue, se blessant aux épines des rosiers, fit passer les roses de la couleur blanche à la couleur rouge en y faisant couler son sang.

C’est une histoire de métamorphose, comme il en existait beaucoup dans la mythologie. Le texte précise : »Son corps était d’une grande délicatesse (qui d’autre, il faut le préciser, l’eût été plus qu’Aphrodite) » Un corps d’une grande délicatesse, et une blessure de plus pour la déesse douce et délicate.

Sa douceur, c’est aussi son implication dans la vie des Mortels avec lesquels elle se lie, par l’amour pour un homme ou la faveur accordée à ses protégés. Certes, les autres dieux peuvent entretenir des liens particuliers d’amitié avec les Mortels qui traversent leur destin, comme Athéna avait créé des liens avec Ulysse et Artémis avec Hippolyte, ou d’amour, comme certains dieux avec des Mortelles qu’ils ont séduites. Il existait pourtant une frontière au-delà de laquelle le lien entre Mortels et Immortels ne pouvaient plus avoir de relations : celles de la mort, justement.

Pour les Immortels, le contact avec un cadavre était une impureté, un tabou; assister à la mort leur était interdit. C’est pourquoi, au moment de mourir, Hippolyte est abandonné par Artémis dont il est pourtant un ami très cher. Un tabou qui n’a pas l’air d’arrêter la déesse de l’Amour. Au chant XXIII de l’Iliade, on apprend que le cadavre d’Hector est protégé de la putréfaction grâce aux soins que lui apporte l’Immortelle : « Autour d’Hector, cependant, les chiens ne s’affairent pas. La fille de Zeus, Aphrodite, nuit et jour, de lui les écarte. Elle l’oint d’une huile divine, fleurant la rose, de peur qu’Achille lui arrache toute la peau en le traînant. »

Un soin jaloux qui pourrait bien avoir pour origine l’Amour dont elle est la divine incarnation, tout comme dans l’Enéide, le soin et la protection de son fils Enée seront constants.

Et pourtant, malgré tout son amour, Aphrodite est une déesse qui peut être tyrannique envers ceux qu’elle aime. Voici ce qu’elle dit à Hélène qui lui tient tête et refuse de faire ce qu’elle dit : « Arrête, malheureuse, ou je te laisse à ma colère. Crains que mon fol amour pour toi ne se transforme en haine et que je ne provoque, entre Troyens et Achéens, des haines sans pitié dont tu périrais misérable. » Un cas loin d’être unique pour cette déesse dont les colère et les vengeances sont célèbres.

Certes, les Olympiens ont leur caractère, et les Anciens étaient autant soucieux de leur colère que de leur faveur. Néanmoins, seuls ceux capables d’un grand amour sont aussi capables d’une grande haine, à la manière de Tosca, le personnage de l’opéra de Puccini, sentimentale, tendre, ardente amoureuse autant que jalouse et rageuse meurtrière de l’odieux Scarpia; comme si la force de sentiments d’amour amenaient forcément une force contraire en cas de contrariété, dans un équilibre nécessaire.

De façon plus élémentaire encore, on peut songer au dieu de l’Ancien Testament : « Moi, Yahvé, je suis un dieu jaloux. » Parce qu’il a élu un peuple, semble dire le texte, parce qu’il l’aime plus que les autres, son amour se transformera en colère et en punition chaque fois qu’il se sentira trahi dans cet amour. Attention aux dieux d’Amour : ils sont aussi ceux qui se transforment le plus facilement en dieux de colère et de haine, tant ces deux sentiments sont les deux faces d’une même puissance émotionnelle.

Méfiez-vous toujours des sentiments d’un dieu ou d’un Mortel qui vous aime trop fort; chaque puissance de sentiment contient en elle son contraire, et ce qui vous a tant nourri pourrait bien alors vous engloutir.

Photo à la Une : Aphrodite et Hélène sur une amphore du V ème siècle av J-C .www.theoi.com )

Dernier article Labo de Cléopâtre : les encens aphrodisiaques

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