histoire d’amour

Pourquoi rêvons-nous d’histoires d’amour ?

Dans l’existence humaine, alors que nous sommes soumis aux plus écrasantes nécessités autant pour conserver sa santé physique, mentale, que sa qualité de vie, réussir sa vie amoureuse est un idéal immatériel jugé souvent supérieur à toute autre forme de réussite ou d’épanouissement. Depuis l’enfance et l’amour parental qui nous a permis de prendre confiance en nous et nous élever, nous percevons que l’amour est un pilier fondamental de la confiance en soi autant qu’en le monde. L’amour est une drogue douce qui nous met sur un petit nuage, décuple notre force et améliore notre humeur quand on l’éprouve et met à mal notre santé physique et surtout psychique pendant des années, voire la vie entière, quand on en est exclu.

De fait, en tant qu' »animaux sociaux », comme disait Aristote, notre bien-être, notre expansion et notre épanouissement sont intrinsèquement liés à notre intégration dans un tissu social dans lequel l’amour occupe la place plus importante, puisqu’à partir de lui va s’articuler la construction d’une vie organisée, celle d’un couple, d’une famille, d’une génération et s’établir une transmission d’histoires, de valeurs, d’affects et de profils psychologiques. Tout ce qui s’organise d’important dans la vie humaine se fait à partir de la famille, qui elle-même s’est construite à partir d’un couple et de son histoire d’amour réussie ou non.

Mais sur quoi se base cette construction ?

C’est tout le paradoxe de l’humanité. Dans la vie réaliste, matérialiste remplie de nécessités de boire, manger, se couvrir, se vêtir, avoir chaud, se protéger, se soigner, avoir suffisamment de moyens de satisfaire à ces exigences, la construction que nous établissons se fait sur des rêves, sur ce qu’il y a de moins réaliste. Pour vivre, affronter cette vie de contingences aliénantes, accepter d’en prendre le risque et de relever le défi, c’est l’idéalisme, la rêverie, un pari fou basé sur la plus folle des illusions : l’amour !

Car s’il existe bien des lieux où se former à l’éducation tels que les diverses écoles, où on nous enseigne l’histoire, les langues, les mathématiques, les lois, les métiers, les sciences, les techniques, les droits et les devoirs, l’amour, domaine encore sauvage et basé sur la liberté, s’apprend au sein de la famille, au coeur de ses émotions, dans la violence de la confrontation avec cet autre qui nous bouleverse, auquel on ne s’attendait pas et à quoi on n’a pas appris à faire face.

Dans ce désert théorique, les histoires d’amour nourrissent alors notre imagination, notre rêve d’absolu, ce vide que nous sentons devoir combler depuis que l’amour parental a cessé de nous satisfaire car nous sentons que notre être doit se prolonger dans et par un autre. Un idéal qui passe par des histoires depuis des millénaires, comme celle des humains cherchant leur moitié tranchée par les dieux dans le récit fait par Aristophane pour expliquer la quête d’amour, dans le Banquet de Platon.

Une histoire d’amour, des histoires d’amour sous toutes les formes, picturales – peintures, photographies, bandes dessinées – littéraires – épopées, romans, poésies, pièces de théâtre – mais aussi récits personnels et familiaux, chacun cherche dans des histoires réelles et imaginaires à reconnaître son propre idéal, des parts de son propre rêve et des raisons de croire que celui-ci est possible.

C’est pourquoi les comédies romantiques, les films indiens, la poésie lyrique et romantique, les récits d’amour courtois, les mariages de contes de fées construisent nos rêves d’amour dès notre plus jeune âge et donnent le désir d’entrer dans une vie qui, pourtant, n’y ressemble jamais. D’où ce sentiment de trahison lorsque la relation s’avère loin d’offrir ce que les récits promettaient. Au point qu’après un grand nombre de déceptions amoureuses, certaines personnes désenchantées accusent les contes de fées de les avoir induites en erreur.

Oui, c’est vrai, mais ce n’est pas aussi simple que ça. Les communautés humaines se sont structurées autour de leurs mythes qu’elles propagent depuis la Préhistoire. L’Homme est une espèce à histoires, comme l’a confirmé la réussite du storytelling dans la publicité plutôt qu’un argumentaire des qualités d’un produit qu’on veut nous vendre pourtant dans ce supposé but. Et comme l’ont avant tout confirmé les triomphantes religions du Livre mais aussi les histoires mythologiques qui ont su perdurer sans écriture, juste par la force narrative. L’histoire est en nous, elle fait briller nos yeux, nous en avons besoin, elle nous fait rêver et nous fait avancer.

Les histoires nous mentent, pourtant ? Oui, parce que leur but est narratif, et que malgré cela, notre idéalisme les a prises pour la réalité. Pourtant, si nous avons le choix entre un livre scientifique qui nous décrit le mécanisme amoureux et comment faire de bons choix, et une histoire d’amour littéraire, nous conservons, de nos ancêtres les premiers Hommes qui se sont raconté des mythes, le goût pour les histoires d’amour. En somme, nous préférons en avoir envie en en entendant le récit et en en rêvant plutôt que de le construire en en comprenant le mécanisme pour le maîtriser.

Et pour le coup, la faute n’est pas imputable aux contes de fées, mais à notre espèce tout entière !

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La colline des deux amants : toponymie amoureuse

La grande Histoire, « avec sa grande hache », comme disait Perec, marque et construit les territoires, donnant des frontières, des noms, un cachet à des endroits où eurent lieu des batailles, où se dressaient des châteaux, des tours, prisons dont on conserve la mémoire directement ou indirectement. Mais il y a aussi le folklore, la petite histoire, celle imprécise, qui se nourrit d’anecdotes, de rumeurs, de superstitions, d’explications hasardeuses au moyen de légendes obscures. Elle aussi imprègne les lieux du monde entier, des fleuves de la mythologie qui étaient des dieux aux montagnes dans lesquelles les Immortels vivaient mais aussi les villes, les villages et même les mers.

Près de la ville de Pîtres, dans le département de l’Eure, en Normandie, c’est une histoire d’amour malheureuse et légendaire qui donne son nom à une colline d’environ 100 mètres: la colline des deux amants. La légende raconte en effet qu’un tyran, roi de Pîtres avait une fille qui s’était éprise d’un chevalier à qui il ne voulait pas la marier. Il donne alors comme condition au mariage que l’amant gravisse la colline d’une seule traite en portant celle qu’il aime sur ses épaules. Il est à deux doigts de réussir quand son pied chancelle. Il tombe, et quand la jeune fille tente de le relever, constatant qu’il est mort, elle se jette du haut de la colline avec son amant. Le roi fit alors construire une chapelle funéraire  qui devint un monastère : le prieuré des deux amants.

De quand date cette histoire ? Comme pour toutes les légendes, tout cela est bien mystérieux et imprécis. Mais quelque part entre le XII ème et le XIII ème siècle, Marie de France, la première des écrivaines de langue française – et sa première fabuliste bien avant La Fontaine – donne une version romantique et courtoise de cette histoire. Elle lui donne néanmoins un sens plus dramatique et propre à l’amour courtois dans l’égalité des sentiments, l’intensité amoureuse et le tragique.

Ainsi, sous sa plume, le père est avant tout un veuf éploré que sa fille console un peu de la perte de son épouse chérie. Son égoïsme le pousse à la garder pour lui seul, mais à l’âge où une jeune fille peut enfin se marier, on reproche au père son attitude. Pour donner l’impression de céder et de penser aux intérêts de sa fille, il accepte de la donner à qui parviendra à gravir la colline en la portant dans ses bras. Quelques uns parviennent à mi-pente, mais tous les prétendants échouant, on renonce finalement à demander sa main.

Un jeune homme s’éprend pourtant de la fille du roi, et craignant l’épreuve de la colline, lui demande de s’enfuir avec lui. La jeune fille refuse : cela tuera son père de chagrin, explique-t-elle. Elle envoie plutôt son amoureux à Salerne, ville réputée au Moyen-Age pour sa légendaire école de médecine qui ne se laissait pas influencer par les préjugés de race ou de sexe pourtant courants à l’époque. Pour preuve, c’est une femme médecin, tante de la jeune qui doit l’aider par sa science. Ainsi, quand il montera la colline – épreuve pour laquelle la jeune fille a fait un jeûne pour être plus facile à porter – un breuvage efficace que cette grande dame lui a concocté lui rendra sa vigueur aussi fatigué soit-il. Mais au moment de subir l’épreuve, il refuse de se servir du philtre quand il en a besoin pour ne devoir sa force qu’à son amour.Son obstination le tue, et quand son amante porte le breuvage à ses lèvres, il est déjà trop tard.

Comme savent le faire les amants à cette époque-là, et comme Iseult avant elle, la jeune fille rend l’âme par la simple tristesse de voir son ami mourir. Fou de douleur, le roi les laisse là 3 jours avant de les enterrer au sommet de la colline à laquelle leur histoire malheureuse a donné son nom. Finalement, il aura tout perdu.

La légende reste vivante dans la région de Pîtres et la colline est un lieu de randonnée et de promenade prisé, et peut-être aussi, un lieu inspirant pour ceux qui s’aiment ou que les lieux romantiques font rêver…

L’histoire ? Elle est ici :

Marie de France : lai des deux amants

Labo de Cléopâtre : le khôl : mythe et réalité

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Bollywood : des histoires d’amour pour changer la société

En France, et plus généralement en Europe, on apprécie peu le cinéma indien taxé de superficialité et auquel on reproche son goût pour les vêtements colorés, le chant et la danse. Un comble dans les pays où le sérieux protestant a imposé les couleurs sombres et la retenue dans ses actions comme valeur sociale ! Pourtant, dans le reste du monde et surtout dans son pays – où le cinéma national peut se vanter d’une fréquentation de 100 % là où ailleurs, une fréquentation de 25 % est considérée comme une véritable réussite – le cinéma indien séduit malgré des films durant parfois près, voire plus de 3 heures.

Même s’il a fini par se mettre aux films comiques et aux films d’action, c’est malgré tout par ses films d’amour que Bollywood a fait sa révolution. Et dans un pays où les mariages sont encore souvent arrangés, et où une union contre la volonté parentale dégénère encore parfois en « crime d’honneur », la révolution opérée par le cinéma concerne pourtant le droit des jeunes gens à faire un mariage d’amour.

Le premier à faire la révolution fut un film de 1995, Dilwale Dulhania Le Jayenge – l’amant emportera la mariée -, qui connut un tel succès qu’il est diffusé depuis maintenant plus de 20 ans en Inde. Dans ce film, Simran, une jeune fille d’origine indienne mais vivant en Angleterre accepte d’épouser celui que lui a choisi son père, un homme d’autant plus attaché à ses traditions indiennes qu’il a quitté le pays d’origine. Mais avant de se marier, la jeune fille veut voyager en Europe. C’est une fille sérieuse et une bonne élève : ses parents acceptent.

Au cours de ce voyage, elle rencontre Raj, un autre étudiant d’origine indienne que le hasard rapproche d’elle. Alors qu’ils ne se croyaient qu’amis, leur séparation et l’annonce du prochain mariage de la jeune fille les éclairent sur leurs sentiments : ces deux-là s’aiment. Mais l’engagement est pris et, tout en rêvant de Raj, elle part en Inde rejoindre son promis, le fils indigne d’un ami de son père. Obstiné et encouragé par son père, Raj décide aussi de s’envoler pour l’Inde avec l’idée de ramener celle qu’il aime. Parvenant à se faire inviter incognito à la noce, il se rapproche de sa bien-aimée. Quand la mère découvre la vérité, elle les pousse à s’enfuir en leur offrant ses bijoux pour qu’ils aient de l’argent. Mais Raj ne l’entend pas ainsi : c’est avec la bénédiction du père de la mariée qu’il épousera celle qu’il aime !

Un parti pris surprenant qui a changé la société. Car les films indiens ont souvent abordé avec tact ces questions de la conciliation des valeurs anciennes avec les nouvelles, surtout quand il s’agissait de mariages. Ainsi, les questions abordées dans les films indiens sont très variées, et c’est d’autant plus vrai que le mariage, souvent envisagé comme dénouement d’une intrigue qui s’y opposait, intervient parfois en début de film, suscitant alors d’autres interrogations comme :

  • Comment faire pour vivre sereinement quand on est marié avec quelqu’un dont la famille ne voulait pas ?
  • Une fois qu’on a fait un mariage d’amour, pourquoi cet amour ne suffit-il pas à faire tenir un couple quand les difficultés surviennent ?
  • Comment accepter de décevoir ceux à qui on doit tout en épousant la personne dont on est amoureux ?
  • Comment faire pour vivre avec quelqu’un qu’on aime, qui nous aime, quand tout nous sépare néanmoins ?
  • Quand on sait qu’on va bientôt mourir et qu’on tombe amoureux, doit-on vivre cet amour pour les derniers instants qui nous restent ou se sacrifier pour ne pas créer très prochainement une veuve et donc entraîner des souffrances qui n’existeraient pas sans cette union?
  • Quand la personne qu’on aime souffre d’une maladie qui la met, elle et les siens en danger, faut-il la confier à une institution ou respecter son engament de veiller sur elle et de l’aimer quoi qu’il arrive ?

Toutes ces questions, et bien d’autres, dont certaines avec des problématiques qui ne concernent que la société indienne comme le mariage arrangé ou l’expression des sentiments chez la femme – bridée depuis longtemps -, les Indiens les ont posées dans leur cinéma. Depuis, les mariages d’amour sont devenus courants dans les villes, cédant la place à un désir de cinéma plus engagé sur les questions sexuelles, qui demeurent un tabou et un problème.

A l’inverse, étant revenus de la révolution sexuelle des années 60 à 70 qui nous a laissé un héritage mitigé, nous pouvons regretter parfois que nos histoires se doivent de finir par « ils finirent ensemble » et non « ils eurent des problèmes comme beaucoup d’autres couples et les résolurent ensemble, unis par leur amour qui devint plus solide au fil des épreuves ». Juste pour voir si le cinéma indien qui a, en Inde, la possibilité de changer la loi des mariages arrangés en mariage d’amour n’aurait pas la possibilité, en Europe, de changer le nombre d’un mariage sur 2 en divorce en un taux un peu plus bas, en nous poussant à nous rapprocher et à réfléchir. Car au risque d’en surprendre certains, les questions et sujets qu’on aborde et auxquels on réfléchit ont toujours un peu plus de chances de se régler.

Allez, on peut toujours rêver…

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