Mois: novembre 2016

Reflet de Cythère (10)

Dans Reflet de Cythère, un texte sur Aphrodite permettant de mieux comprendre ses caractéristiques ou son culte est proposé.

Aujourd’hui, c’est un texte du XXI ème siècle inspiré des Anciens qui a été choisi. Il provient de l’ABC de la magie naturelle d’Arnaud de L’Isle, un livre sorti aux éditions Grancher dans la catégorie Esotérisme.

Parmi les livres de magie et de paganisme, il est un des plus poétiques, des plus littéraires et a l’avantage du style, ce qui augmente encore sa puissance d’évocation. Au travers des rites variés qu’il propose, la parole sacrée règne, et avec elle – curieux hasard ! – la nostalgie païenne et le lyrisme de Leconte de L’Isle, qui rappelle Hésiode et Homère. Une qualité qu’on retrouve rarement dans un livre d’ésotérisme ou de magie.

L’hymne qui suit, consacré à Aphrodite, peut aussi bien se prendre comme un texte évoquant quelques caractéristiques d’Aphrodite que comme un rite pour sentir en soi la présence de la déesse grecque de la Beauté et de l’Amour que vous pouvez scénariser avec une image de la déesse, des bougies ou lampes à huile, encens, fleurs, etc..Ce rite peut être personnel et secret, comme il peut être celui d’un couple.

« Hymne a Aphrodite

Hymne à Aphrodite, à prononcer pour toute réharmonisation individuelle

Tu es celle dont tout procède et qui nous a donné la vie. Les trois royaumes, le ciel, la terre et la mer, t’obéissent.

Lorsque tu t’assois aux côtés de Bacchus, tu présides aux festins, tisses les liens conduisant au mariage et répands ta grâce mystérieuse dans le lit des amants. 

Tu es la secrète déesse qui se glisse dans le désir de l’homme et de la femme, louve silencieuse qui traverse la nuit.

Tu es celle que tous les hommes désirent, l’image qui naît de leur esprit, le philtre magique de leur amour et de leur délire sacré. 

Toi qui jadis naquis à Chypre et posas ton pied sur les galets du rivage, approche-toi de moi. 

Ressens mon désir de contempler ton visage et ton corps parfaits.

Tu parcours les terres de Syrie, l’Egypte sacrée et traverses les flots sur ton char immaculé tiré par des cygnes.

 

O bienheureuse déesse de volupté, je t’appelle et te désire. Chevauche les flots jusqu’à moi. Laisse-toi porter par le chant des nymphes sur l’écume des vagues.

O déesse désirable, qu’à cet instant tu m’apparaisses et que je puisse enfin contempler la beauté de ta nudité. 

Que mes paroles saintes te soient agréables et puisse mon pur désir toucher ton être le plus intime. 

O Aphrodite, je t’invoque. »

Arnaud de L’Isle. ABC de magie naturelle. Grancher 2000.

Pour s’immerger un peu plus…

 

Nouvel article Labo de Cléopâtre : Cosmétiques de Cléopâtre et tabous

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Poils, érotisme et ambiguïté

L’épilation est devenue une pratique esthétique centrale dans notre société. Elle trouve sa justification historique dans le fait que des civilisations prestigieuses sont à l’origine de cette pratique, mais son côté aléatoire, subjectif et qui ne devrait en rien être obligatoire tendrait plutôt à le faire prendre pour une pratique aux limites de l’absurde malgré son aspect dictatorial.

En effet, lorsqu’on fait des recherches sur l’histoire de l’épilation, on trouve beaucoup de documents et de matière pour la période antique et beaucoup moins sur toutes les autres. Pourtant, une chose est sûre : nous n’avons pas connu nos mères autrement qu’épilées sur certaines zones et que nous-mêmes le sommes de plus en plus. Effectivement, la pratique de l’épilation a connu des éclipses au fil du temps : présente quand on vouait au culte au corps, comme c’était le cas dans l’Antiquité et comme le révèlent les statues de dieux, de déesses, athlètes nus de l’époque classique, absente des périodes où on donnait de l’importance à l’âme, où les représentations du corps étaient plutôt celles souffrantes, saignantes et suppliciées des martyrs, manifestant de son abandon au bénéfice de valeurs considérées comme plus élevées. Ce n’est alors plus la beauté du corps qui est mise en valeur mais son sacrifice, sa souffrance, sa mise à mort rituelle pour mettre l’accent sur la beauté de l’âme qui ne craint pas la mort, qui refuse les contraintes de la matière pour mieux s’élever vers Dieu.

Ces conceptions judéo-chrétiennes, que notre société laïque a perdues, ont couru jusqu’au début du XX ème siècle. Les manuels d’esthétique et de conseils de beauté ne parlaient encore d’épilation que pour le visage où des poils noirs, durs et disgracieux étaient considérés comme virilisant et enlaidissant la femme. Mais il faut bien se rappeler que la décence empêchait d’exposer les corps, au point qu’il n’y a que dans les années 60 que les femmes ordinaires cessèrent de porter des foulards pour cacher leurs cheveux – en même temps qu’apparaissaient mini-jupes et bikinis.

Dans une société où les différences sociales tendent à s’effacer – du moins en apparence – et où l’égalité est un idéal depuis les révolutions démocratiques initiées par celle des Etats-Unis pour son indépendance, on oublie facilement qu’il y eut de vraies distances entre les classes aisées et les autres. Sur les côtes françaises, par exemple, les immeubles de luxe de la Belle Epoque nous rappellent qu’une population riche venait prendre des bains de mer, mis à la mode par Napoléon III à la fin du XIX ème siècle. C’est par cette exposition du corps des belles aristocrates et bourgeoises que l’épilation fit son entrée. A l’époque, tout le monde n’avait pas accès aux bains de mer.

A présent que les hôtels de luxe d’autrefois ont été transformés en appartements plus accessibles, l’exposition du corps et l’épilation se sont tout autant démocratisés. On était loin, pourtant, du diktat du corps glabre d’aujourd’hui, imposé d’abord par le cinéma, puis par l’industrie de la pornographie qui, découpant la société en femmes et hommes « baisables », a progressivement imposé une esthétique du corps et du sexe épilés, alors qu’il s’agissait avant tout d’une contrainte technique permettant à la caméra de tout voir.

Et pourtant, fut une époque où ce qui était tabou, ce n’était pas le sexe, mais le poil qui le surmontait, comme si, finalement, c’était lui qui donnait son érotisme, son caractère indécent, comme l’explique l’article  du Huffington Post, « Epilation du maillot : Pourquoi a-t-on déclaré la guerre aux poils ?- : »En France, on censure automatiquement les poils des parutions dans les magazines jusque dans les années 60. » Aujourd’hui, par une inversion des valeurs, on considère que le poil est laid, est un obstacle à la beauté de la femme; et l’industrie des crèmes dépilatoires, les esthéticiennes et autres technologies de pointe pour détruire le système pileux n’ont plus qu’à se frotter les mains.

Rappelons-nous l’Origine du monde, le tableau de Courbet – dont il est aussi question dans l’article – qui choqua son époque pour son obscénité quand le nu féminin était représenté depuis presque 500 ans. Son obscénité était-elle dans le gros plan, le sexe exposé ou bien cette abondante touffe de poils qui le surmonte ? A l’époque où il a été peint, seuls les spécialistes peuvent le dire, mais aujourd’hui où la nudité et la pornographie sont courantes, on est en droit de se poser la question de sa fascination et de son succès. En effet, pourquoi celui-ci plus qu’un autre ? Parce qu’on ne peut y échapper à cause du gros plan, ou parce que pour la première fois, le peintre ne semble pas prendre un prétexte pour représenter ce qui l’obsède ? Peut-être aussi parce qu’il y a fort longtemps qu’on n’a pas vu une touffe d’une telle envergure, une masse de poils originelle qui rappelle le côté naturel et sauvage de notre espèce, son aspect animal, et donc plus fortement sexuel, qui se révèle ici.

Autrefois, l’érotisme, le vrai, c’était effectivement ça : le vrai, l’originel, l’odeur naturelle que concentrent les poils et qui contient en elle un aphrodisiaque sur-puissant puisque primitif. Un gadget sexuel étonnant et gratuit que nous possédons toutes et qui pimenterait certainement plus la vie sexuelle par son audace paradoxale que les nombreux joujoux en plastique qu’on veut nous vendre; enfin, si on prenait le parti de l’indépendance par rapport aux diktats.

Plus facile à écrire et à lire qu’à faire…

Labo de Cléopâtre : shopping encens de l’Antiquité

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