Mois: juin 2016

Divinités de l’amour dans le vocabulaire

Après avoir constitué les fondements de nos croyances et de notre culture, les divinités apparaissent désormais comme les premières tentatives d’explications scientifiques de phénomènes perçus comme supérieurs. La personnification de ces phénomènes en des divinités aux traits connus rassurait en unissant phénomènes et comportements incompréhensibles sous la volonté d’un seul qui leur donnait un sens et justifiait leur caractère parfois aussi irrépressible qu’apparemment dément.

Mais quand les dieux tombent et que cette vision du monde n’est plus autorisée ? Alors le langage rassemble les miettes, reconstitue ce dont il a besoin à un moment donné pour comprendre le monde et révèle, par l’usage, où sont allés se cacher les divinités. Evidemment, les dieux de l’amour et du désir sont les plus importants du domaine langagier parce qu’ils sont à la fois premiers dans les nécessités du vivant, des espèces, mais aussi, comme on le sait depuis plus d’un siècle, dans la construction de notre psyché.

En terme d’usage proprement dit, les mots semblent suivre la logique culturelle et historique dans l’ordre de préséance et d’association. En premier lieu, néanmoins, Aphrodite, Eros et Vénus gardent, dans le langage, le sens qu’ils ont toujours eu en qualifiant par des noms propres, des divinités de l’Antiquité avec toutes les connotations que cela implique.

Aphrodite a donné peu de mots : « aphrodisiaque », désignant à la fois un nom et un adjectif et signifiant « propre à exciter le désir sexuel ». Le mot apparaît au XVIII ème siècle, époque des romans libertins mais désigne plutôt des substances issues de la pharmacopée. Le mot associe donc cette force primordiale qu’est le désir, et son contrôle, sa récupération dans une visée personnelle par des moyens presque scientifiques. Dans son deuxième sens, « aphrodisiaque », utilisé exclusivement comme adjectif et depuis moins longtemps, désigne la nature du culte. On parle de culte aphrodisiaque comme de culte dionysiaque, mais bien sûr, uniquement dans le vocabulaire historique et archéologique.

Eros, beaucoup plus important dans le vocabulaire, a donné de nombreux mots associés soit au libertinage, apparu au XVIII ème siècle comme le mot « érotisme » et ses dérivés « érotique », « érotiquement »  dans le sens que nous leur connaissons actuellement, soit au vocabulaire de la médecine, apparu aussi vers cette époque-là mais plus généralement au XIX ème et XX ème siècle avec la psychanalyse. C’est le cas de mots comme « érotisation », « érotiser », qui renvoient à des phénomènes psychiques, et « érotomane », »érotomanie », plus franchement dans la psychiatrie puisqu’ils évoquent une forme de paranoïa où la certitude délirante d’être aimé vire à l’obsession.

A la Renaissance, pourtant, l’adjectif « érotique » désignait simplement quelque chose qui parlait d’amour, ce qui n’était pas rien puisqu’en redécouvrant notre culture antique, nous nous réappropriions ce droit d’en parler d’abord en poésie comme le firent Ronsard, du Bellay, quelques italiens avant eux et quelques autres d’un peu partout après, puis en parler tout court.

Mais si Eros est si important dans l’histoire du vocabulaire, c’est peut-être aussi parce qu’il fut primordial dans la philosophie de Socrate, Platon et la pensée chrétienne après elles qui virent dans la beauté et l’amour le plus élevé dont il était le concept, le moyen de connaître Dieu, la vérité, et d’y avoir accès. Eros est donc une notion philosophique qui n’a cessé d’interroger, contrairement à l’Aphrodite d’Empédocle qui, redécouverte tardivement et de façon fragmentaire, n’a pas rayonné de façon claire et continue sur la pensée européenne. Ce sera néanmoins avec Freud qu’Eros, en tant que principe de vie, va prendre son sens psychique moderne et paradoxalement primordial puisque c’est déjà le sens qu’Hésiode lui donnait il y a presque 3000 ans dans sa Théogonie.

Vénus, quant à elle, peut-être parce qu’elle est romaine et que notre langue est à 80 % d’origine latine, a donné un vocabulaire beaucoup plus prosaïque et ancien que celui associé aux divinités grecques. En effet, quand Vénus ne désigne pas les belles femmes ou leurs représentations diverses dans la culture, elle est associée au vocabulaire plus sexuel, du « mont de Vénus » aux maladies « vénériennes », qualifiées ainsi depuis la fin du Moyen-Age.

Mais Vénus, dont les habitants imaginaires, les « vénusiens », parcourent notre espace langagier depuis les premières science-fiction du XVII ème siècle, c’est aussi la planète la plus belle et la plus brillante de notre espace étoilé. Les dieux, on se le rappelle, ont aussi été vus comme des phénomènes astraux. Enfin, « vendredi », « veneris dies », jour consacré depuis l’Antiquité à Vénus, l’est aussi de manière indirecte même chez ceux utilisant une autre mythologie pour leur calendrier. En effet, « friday », « freitag » dans les pays anglo-saxons, c’est le jour de Freya, déesse nordique de l’Amour et la guerre dont dérivent aussi certainement les termes « free », « frei », libre. Pour presque tout le monde, le vendredi annonce justement la fin de la semaine de travail et marque le début du week-end, période de repos et de liberté retrouvée.

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IMC : indice de santé ou de beauté ?

 

L’Indice de Masse Corporelle est un outil pratique utilisé pour évaluer les risques liés au surpoids et surtout agréé par l’organisation Mondiale de la Santé. En soi, c’est un indicateur clair qui a le bénéfice de la rapidité d’évaluation, mais c’est avant tout un outil inventé par un statisticien, et tout ce qui relève des mathématiques se rapproche toujours d’un idéal abstrait – au rang desquels figure la beauté – et beaucoup moins de la santé, laquelle est beaucoup plus soumise à la relativité et à la multiplicité des paramètres, plus conformes à la diversité du vivant.

A titre d’exemple parlant, le Nombre d’Or qui définit un idéal dans les proportions – établi par des mathématiciens il y a plus de deux millénaires – n’a cessé de constituer le canon des oeuvres picturales et architecturales, et désormais photographiques et cinématographiques, sur lesquelles nous continuons de réfléchir et nous interroger. Le lien entre mathématiques et beauté est ainsi fait depuis les temps les plus anciens et est d’autant plus solide qu’il fait partie de notre culture, conditionnant aussi notre inconscient. Et si dans l’Antiquité, le sculpteur Phidias concevait les statues de dieux selon les divines proportions, Saint Thomas, à l’époque des cathédrales, affirmait : « Les choses qui sont dotées de proportions correctes réjouissent les sens. »

Ah ! Le plaisir des sens, jusqu’où peut-il nous mener ? En l’occurrence, peut-être à faire confondre aux médecins les notions de beauté et de santé…Ca paraît peut-être un peu exagéré de dire ça, d’autant plus que beaucoup de personnes seront très contentes de se sentir dans la norme, ce qui est tout à fait naturel.

Pourtant, les exceptions sont nombreuses et problématiques, notamment sur la limite supérieure à ne pas atteindre. Outre que cela ne prend pas en considération les problématiques normales de l’âge dans la prise de poids, cela ne vaut que pour les adultes à condition que ces personnes ne soient ni enceintes, ni naines, ni très grandes, ni sportives. Un poids dû à la graisse ou aux muscles très développés n’a effectivement pas les mêmes conséquences sur la santé d’autant plus que le muscle développé pèse plus lourd, entraînant facilement l’illusion d’un surpoids. Ce problème est pris en compte pour les sportifs professionnels, mais pour ceux qui ne sont pas reconnus comme tels, comment font-ils valoir l’origine de leur poids élevé sur la simple base de l’IMC ? Munis de la simple grille de conversion du rapport taille-poids en indice de masse corporelle, ils peuvent vite passer pour des obèses nécessitant une bonne mise en garde dont ils n’ont pas besoin.

D’autre part, un autre problème se pose. Du point de vue strict de la santé, il est désormais prouvé qu’à situation de danger identique, une personne en surpoids sans atteindre l’obésité est mieux protégée contre divers problèmes de santé et survit mieux qu’une personne à la corpulence normale. Cette information, diffusée par des médecins à la télévision – notamment sur Arte dans l’émission de vulgarisation scientifique Xenius – est confirmée par le Dr David Khayat, chef du service de cancérologie à la Pitié Salpêtrière dans le cas du cancer du côlon : « Les personnes en surpoids (et non obèses) seraient 55 % moins susceptibles de décéder de la maladie que les patients de poids normal.« , affirme-t-il sur le site de Sciences et Avenir. On voit bien que la diabolisation systématique du surpoids au nom de la santé gagnerait à être nuancée…

En réalité, c’est la localisation de la masse grasse sur l’abdomen qui est déterminante dans les problèmes de santé liés au surpoids, et cette mesure est reconnue comme bien plus fiable pour évaluer les risques que court un individu pour sa santé en fonction de son surpoids. Cela paraît bien plus logique pour une espèce qui doit sa survie à la capacité de stockage de ses femmes dans un temps où la nourriture était difficile à trouver. Et de fait, le problème de graisse abdominale dangereuse est plutôt le fait des hommes. En effet, les femmes stockent la graisse plutôt vers le bas du corps, ce qui est inoffensif pour la santé; l’IMC, malheureusement, n’en parle pas. Dans ce contexte, est-il réellement en lien avec des questions de santé ?

Car malheureusement, dans ces problèmes de santé liés au surpoids et à un calcul de l’IMC qui ne serait pas à l’avantage des personnes figure un grand absent : la question de la santé mentale. En effet, comment pense-t-on que doivent se sentir des gens à qui on dit qu’ils sont en surpoids ou en obésité sur ce simple calcul statistique quand ce n’est pas dû à leur masse grasse, que leur santé n’est pas en danger, voire, quand c’est le cas et qu’il faut malgré tout apprendre à vivre avec parce qu’aucun régime ne fonctionne et qu’il n’y a rien à faire ? A-t-on plus de chances de voir des problèmes résolus en créant du mal-être ?

A une époque où l’élection de Miss Ronde passe aux heures de grande écoute, on peut regretter que celle-ci soit ne soit due qu’à une initiative privée de lutte contre les préjugés et le manque d’estime de soi induit par des codes culturels et des jugements à l’emporte-pièce de la société. Certes, statisticiens et médecins qui acceptent que les notions de mathématiques remplacent les réalités de la biologie et de la psychologie croient sûrement bien faire, mais ils égratignent néanmoins souvent des amour-propre, isolent des gens et les poussent au mépris de soi. Une méthode qui entraîne certainement moins de volonté de dépassement que de mal-être. On peut se demander ce qui justifie encore aux yeux de l’OMS un outil statistique imprécis qui sert plus aujourd’hui à confirmer aux filles venues faire un test sur internet qu’elles sont des canons qu’à déterminer réellement qui est en surpoids et à quel point c’est dangereux pour la santé.

Allez, hop ! Tous en surpoids ! De cette manière, vous aurez moins de chances de l’être ! Au XXI ème siècle, à l’ère où les sciences humaines ont tellement progressé, on est en droit d’attendre mieux que ça.

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Si je n’étais pas dans un musée…

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…je retournerais à mon lieu de naissance, la mer.

Aphrodite pose

Je contemplerais au lieu d’être contemplée…

Aphrodite seins

Je laisserais le froid durcir mes tétons de marbre.

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Comme vous, je rêverais d’amour et d’infini devant l’immensité du ciel.

Aphrodite ciel

Et, libre, je rejoindrais cet Infini…

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