fesses

Reflet de Cythère (6)

Dans Reflet de Cythère, une poésie, invocation, ou texte permettant de mieux connaître Aphrodite et son culte est choisi. Aujourd’hui, pour continuer sur le thème des fesses, Aphrodite se fera plus lointaine.

Dans l’Antiquité, la mythologie, les dieux restaient une référence; dans la philosophie de Socrate lui-même, ce sont des motifs très employés car leur diversité permet d’illustrer les vérités qui ont l’art d’être flexibles.

Dans la poésie amoureuse et érotique, Aphrodite et Eros sont logiquement des références sur lesquelles axer le discours. Eros est alors le petit dieu cruel et inflexible qui a l’art de rendre fou ceux qu’il tourmente, Aphrodite, aux fonctions plus polyvalentes, joue des rôles plus variés. Mais bien souvent, Cythérée est la divinité à laquelle comparer la femme aimée, à égalité ou en défaveur de la déesse de l’Amour.

Dans ce poème extrait des épigrammes érotiques de l’Anthologie Palatine – seul ouvrage où apparaît Rufin, poète dont on ne sait presque rien -, c’est le concours de Beauté d’Athéna, Aphrodite et Héra menant au Jugement de Pâris qui est pris pour référence.

« J’ai jugé des fesses de trois beautés. D’elles-mêmes m’ayant pris pour arbitre, elles me montrèrent à nu leur corps éblouissant. L’une avait les fesses d’une peau blanche et douce, et l’on y remarquait de petites fossettes comme sur les joues d’une personne qui rit. L’autre, étendant les jambes, laissa y voir une chair aussi blanche que la neige et des couleurs plus vermeilles que des roses. De la troisième la cuisse ressemblait à une mer tranquille, la peau délicate n’offrant que de légères ondulations. Si le berger Pâris eût vu ces fesses, il n’aurait plus voulu voir celles des déesses. »

Rufin. Anthologie Palatine.

Une liberté de ton qui attendit plus de mille ans pour revenir en Occident.

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Danse africaine : fesses, séduction et expression

Dans la culture africaine, les fesses ont un grand rôle à jouer, et la stéatopygie (grosses fesses) y est tellement appréciée que dans beaucoup de capitales africaines, un immense marché se développe autour des techniques de grossissement des fesses, inoffensives ou dangereuses.

Mettre en valeur ses fesses, les montrer, les mettre au centre du regard de l’autre et de sa propre beauté, c’est vraiment l’apanage des africaines. A tel point que lorsque certaines stars américaines d’origine afro-américaine ou non font le show avec des danses lascives mettant en scène leur postérieur, celles-ci ne sont pas du tout impressionnées :  » C’est du leumbeul ! », s’écrient-elles.

Le leumbeul, c’est la version érotisée d’une pratique culturelle essentiellement féminine qui a surtout lieu au Sénégal : le sabar. Le sabar, c’est tout à la fois un style de musique, une danse, l’ensemble des percussions nécessaires à celles-ci, une fête traditionnelle et populaire. Mais c’est avant tout une pratique sociale organisée à l’initiative des femmes dans un pays où ce sont les hommes qui font la loi.

Les femmes d’un même quartier ou d’une même communauté s’invitent à tour de rôle pour cet événement créé à l’instigation d’une seule, même si l’argent nécessaire vient d’une caisse commune. Dans cette fête qui dure près de 4 heures, les musiciens jouent tandis que les femmes dansent souvent à tour de rôle au centre d’un cercle formé par les danseuses et les autres spectateurs.

En plus de jouer un grand rôle social dans le sens de la cohésion, le sabar peut également avoir une fonction thérapeutique qu’il a toujours eue traditionnellement, notamment dans la lutte contre la dépression.

Et les fesses dans tout ça ?

Si le sabar en tant que danse sollicite fortement les jambes, il sollicite nécessairement les fesses, muscles nés dans leur prolongement lors de la bipédie. Chez la femme, les fesses sont généralement plus grasses que chez l’homme, les remuer lors de la danse accentue cette différence, manifestant alors la spécificité féminine.

Car justement, de façon plus profonde, le sabar est une danse de l’expression de la féminité et, dans un monde où la séparation entre les sexes est si marquée, de la différence. Les spécialistes l’expliquent d’ailleurs : dans des cultures où l’inégalité entre les sexes est si grande puisque la polygamie y est fréquente, génératrice d’insécurité chez les femmes, le sabar est un espace de liberté au coeur duquel la femme règne.

Quant au leumbeul, c’est la version hyper-sexualisée du sabar qui fait même l’objet d’une interdiction depuis 2001 tant la récupération à la limite de la pornographie est facile, en témoignent les video qui circulent et donnent en effet une image très sexuelle du sabar un peu éloigné de son aspect traditionnel. En même temps, une société dans laquelle on pratique la polygamie n’implique pas seulement des situations où une épouse doit partager son mari avec une autre, mais aussi où elle risque de voir n’importe quelle femme venir rejoindre le domicile conjugal dès lors qu’elle aura tapé dans l’oeil de son époux.

Dans ce climat sensuellement et sexuellement très concurrentiel, la danse se transforme alors en battle, démonstrations de puissances érotiques et sexuelles mises en scène publiquement lors d’un sabar quand il se déroule de jour ou d’un tannebeer lorsqu’il a cours de nuit. Ces mises en scène engagent naturellement le postérieur qu’on apprécie gras, généreux autant que tonique.

Et progressivement, ce que les femmes ont vécu comme une contrainte en plus d’une nécessité s’est transformé en une culture unique dans laquelle on ne sait pas très bien ce qu’elles manifestent dans leur danse : leur jalousie, leur pouvoir sexuel à l’adresse des hommes ou des autres femmes, leur beauté personnelle, leur liberté d’expression même s’il reste réservé au sabar ou tout simplement la puissance féminine en soi.

Les mêmes armes, rien de moins, sont employées par les stars américaines au premier rang desquelles Beyoncé, dont le déhanché, le postérieur insolent, l’image hyper-sexualisée et féminisée se conjugue pourtant avec le féminisme nourri des idées et des textes de l’auteure nigériane Chimamanda Ngozi Adichie.

Un hasard  ?

Rien n’est moins sûr…

Un très bon article des cahiers d’ethnomusicologie sur le sabar : http://ethnomusicologie.revues.org/294

(Photo à la une : GuYom pour http://scenesdunord.fr/ lors du Grand sabar Takoussane du 21/05/2009 à Lille.)

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Fesses et symbolisme

S’il y a bien, dans l’anatomie, un élément exclusivement humain et dont la séduction n’est propre qu’à notre espèce, ce sont bien les fesses. Muscles développés essentiellement par l’effort considérable que réclame la bipédie, aucune autre espèce n’en est doté. L’intérêt que nous portons aux fesses est une chose qui ne relève donc pas de l’impératif de reproduction mais serait plutôt une caractéristique humaine, un trait de civilisation. D’ailleurs, les premières représentations impressionnantes de muscles postérieurs dans l’art nous viennent des débuts de la civilisation, avec les statues stéatopyges – aux grosses fesses – de la Préhistoire, toutes féminines. Dans l’Antiquité, par contre, il est plus courant de remarquer un magnifique fessier sur la statue d’un athlète ou d’un héros mythologique que sur celle d’une déesse même qualifiée de callipyge – aux belles fesses -. Là encore, le développement des muscles fessiers et leur beauté sont associés à des disciplines aux origines de la civilisation – et dont les femmes sont exclues à cette époque – : la philosophie et l’athlétisme au service d’un idéal de citoyenneté.

Spécifiquement humaines, les fesses jouent un rôle symbolique très fort dans notre imaginaire. Leur forme et leur emplacement en font une sorte de face inversée, une rondeur cachée placée dans le bas de notre dos quand notre visage constitue une rondeur visible au sommet de notre corps. Sorte de « face cachée », on a d’ailleurs souvent métaphoriquement qualifié les fesses de « lune », nom qui n’a pas été donné par hasard. Car les fesses, face cachée de notre être, en sont également la séduction dont nous n’avons pas conscience puisqu’elle se joue derrière notre dos. Beaucoup de films et de photos mettent d’ailleurs en scène une femme marchant tandis qu’un homme admire ses fesses sans qu’elle le sache, comme dans la scène mythique de Certains l’aiment chaud où Tony Curtis et Jack Lemmon, travestis en femmes, admirent les fesses de Marylin Monroe rejoignant le train à petit pas rapides.

L’opposition et le rapprochement entre « face » et « fesses » – qui en français ont la particularité intéressante d’avoir des sonorités proches – marquent une existence de femme toute sa vie durant. Lorsque la vieillesse commence à se faire sentir, Gabrielle Chanel recommandait : « Entre la face et les fesses, il faut choisir.« , signifiant qu’en vieillissant, on doit choisir entre avoir des fesses minces mais un visage ridé et de grosses fesses et un visage mieux préservé des ravages visibles du temps.

Le visage est donc au soleil ce que les fesses sont à la lune. Le visage, comme le soleil, est haut, toujours visible et peu mobile quand les fesses, comme la lune, sont basses, cachées, en mouvements. Les fesses sont ainsi le symbole de la dualité de l’individu, son côté obscur comme ce qu’il cache, mais également le lieu de la sexualité interdite par Dieu dans la Bible, celle de Sodome.

Mais comme rien n’est jamais simple avec les fesses dont le symbole est lui aussi mobile et ambivalent, elles peuvent être investies d’une valeur contradictoirement positive, à condition d’être généreuses ou plutôt…ouvertes. Oui, parce que les fesses, ce sont aussi les portes de la fonction d’excrétion sur laquelle plane moins de tabous que sur la sexualité. Selon que l’excrétion d’une personne lui est facile, on lui associe un tempérament ouvert; si ce n’est pas le cas, on lui soupçonne un tempérament fermé. Les expressions pour qualifier les tempérament coincés et psychorigides sont d’ailleurs assez claires : »avoir un manche à balai dans le derrière« , « être coincé du cul« , « être constipé« , associent bien, dans le langage populaire, une certaine rigidité mentale avec des difficultés d’excrétion.

Et pourtant, dans la société occidentale moderne, on ne peut pas dire que les fesses soient vraiment développées ne serait-ce que dans une certaine image sensuelle de la femme. En même temps, comment s’en étonner ? Ce sont les valeurs protestantes et puritaines de l’Amérique du XIX ème siècle qui constituent le socle de cette société dans laquelle la discipline, le travail, le sérieux et l’hyper-contrôle sont valorisés, mettant du même coup un frein au naturel, à la liberté, à la sensualité qu’à l’inverse les Grecs ne reniaient pas dans leur conception de la civilisation et qui s’incarnent métaphoriquement dans des fesses larges et généreuses.

Faut-il alors s’étonner que les seules faisant de leurs fesses un atout de séduction soient les femmes d’origine africaine dont la culture, parfois aussi jusqu’au danger, valorise les belles fesses et la sensualité des femmes plutôt que leur valeur sociale ? Comme d’habitude, tout est une question d’équilibre dans lequel il serait bon d’apprendre des autres dans un bel échange de valeurs appréciable.

Un idéal malheureusement rarement atteint.

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