Mois: février 2016

N°100 : Aphroditologie

Pour ce centième article qui tombe à peu près en même temps que les 2 ans du blog – même si je suis du genre à penser que ça n’est qu’un blog et qu’en somme, ça n’intéressera pas grand monde – j’ai décidé de vous raconter l’origine d’Echodecythere et du lien que j’entretiens avec Aphrodite. Soyons fous, c’est parti, c’est le numéro 100 ! Merci de continuer à me lire après tout ce temps car dans la jungle des médias et de l’offre proposée, c’est dur de s’intéresser de façon constante à quelque chose créé par une seule personne, surtout si elle est un peu sauvage comme je le suis.

Donc, il y a deux ans, je décide de faire un blog sur Aphrodite dont chaque article, sauf exception, sera illustré par une photo de la déesse, le plus souvent sous la forme de la Vénus de Milo dont j’ai acheté une statuette dans une boutique pour touristes du quartier Saint-Michel. Tout est clair dans ma tête. Je n’ai qu’à commencer.

Tout cela est presque vrai. On va dire que c’est plutôt intuitivement clair, d’autant plus qu’à cette époque, j’ignore ce que c’est que de tenir un blog. Cette histoire t’intéresse ? Viens, lecteur, pour la première fois, je ne fais pas d’analyse, je ne vais pas chercher dans les livres anciens, les grimoires de magie, je ne vais pas interroger le sens d’une oeuvre d’art, je sors tout de moi-même, pour ce centième article, je te raconte une histoire.

Quelle histoire ? La mienne. J’ai horreur d’écrire sur moi pourtant, mais je trouve moi-même cette histoire si surprenante que je te la raconte.

C’est Noël et j’ai entre 12 et 13 ans. Je viens de recevoir un livre sur les mythes et légendes du monde entier adapté à mon âge. La plupart des histoires sont grecques et je les trouve passionnantes car je leur vois du sens et j’ai l’impression que je n’y suis pas habituée. En lettres, je suis la meilleure élève, et je suis une coquette. En lisant l’histoire du Jugement de Pâris, je rencontre Athéna, Héra et Aphrodite, et c’est là que j’ai le coup de foudre pour la déesse de l’Amour et de la beauté des anciens grecs. Je me mets à l’adorer et je n’arrive pas à comprendre comment l’Europe a pu renoncer aux anciens dieux qui me semblent bien plus intéressants que les grandes figures judéo-chrétiennes.

Dans ma vie, depuis toujours, les questions sur la beauté, la séduction, l’amour sont celles qui m’interpellent, m’interrogent, me passionnent sans relâche. Comme toutes les autres figures aphrodisiennes, les pin up, Marylin Monroe, Elisabeth Taylor, Cléopâtre me fascine également. Si tu connais bien ce blog, je suis sûre que tu n’es pas surpris de ce que je te raconte. Mais voici la suite.

Je suis à l’université, en licence de lettres. Un cours sur Homère me fait envie. Je sais que je vais y retrouver les anciens grecs. Je m’y inscris et je découvre l’Iliade et L’Odyssée et j’y retrouve surtout Aphrodite qui parle, bouge, agit, s’habille, joue des tours, exerce son pouvoir ! Je suis en adoration et je devine qu’il y a autre chose, qu’il y a plus à savoir à propos d’elle. Je rêve souvent que quelqu’un ait fait ce travail de compilation à propos de tout ce qui a pu se dire et se réfléchir sur Aphrodite, mais malheureusement ça n’existe pas. Le sujet aurait mauvaise réputation, serait jugé superficiel et de faible intérêt. Si on veut faire valoir son intelligence, on a plutôt intérêt à le faire à partir des codes de société masculins.

Retrouver cet univers m’a tellement enchantée que je m’inscris au cours suivant de ce professeur. Cette fois-ci, j’ose une synthèse sur Aphrodite et Hélène après que ce professeur a dit que malgré ce qu’on croyait, Aphrodite était la déesse de l’intelligence. Forcément, je vois un pont, je m’emballe. Je dois vite déchanter car contrairement à la première fois, je ne reçois pas une excellente note. « Superficiel », paraît-il. Oui, c’est l’adjectif en forme de préjugé qu’on applique toujours à mon intérêt pour l’amour, la beauté, la séduction, les cosmétiques, c’est-à-dire tout ce que j’aime au même titre que l’art, la littérature, la poésie, la réflexion.J’y ai encore droit aujourd’hui et pourtant, il s’était attaché à prouver le contraire. Je comprends que c’était un exercice de rhétorique avant toute chose. Dès que ça devient réel…Pourtant, je refuse de choisir car ce serait me trahir et j’assume de garder tous ces aspects de ma personnalité, que ça plaise ou non.

J’entame mon troisième cycle universitaire et j’apprends à faire de la recherche sans passer par les Grecs, sans passer par Aphrodite, avec un autre profond amoureux de la superficialité néanmoins. Aphrodite, de toutes façons, reste et restera toujours en moi. D’ailleurs, j’ai même acheté une statuette de la Vénus de Milo dans un magasin pour touristes du quartier Saint-Michel.

Bien des années plus tard, lorsque tout à fait par hasard, je conseille à quelqu’un de faire un blog, cette idée : « Et pourquoi pas moi ? » s’impose à mon esprit. Est-ce que ça te surprend, lecteur, si je te dis qu’immédiatement, je sais de quoi je vais parler et que la statuette que j’avais achetée à saint-Michel devient le fil conducteur de mes photos ? Tout vient naturellement, comme si ça m’attendait depuis toujours. et c’est seulement depuis peu de temps que je réalise : cette recherche sur Aphrodite, cette aphroditologie que je rêvais que quelqu’un fasse pour que j’y apprenne tout sur elle, c’est moi qui me la suis finalement apportée, persistant même avec mon second blog Le labo de Cléopâtre. J’ai travaillé à tous mes rêves de jeune fille et ça me donne tellement de joie que je suis bien sûre que ces projets te lasseront avant moi !

Et ça va peut-être te surprendre si tu n’as pas de sensibilité païenne, mais quand j’espère que tu es content de ce que tu as lu, j’espère toujours que la déesse aussi.FullSizeRender (97)

Famille de mes Vénus de Milo élargie au fil du temps pour Echodecythere. Ma première était la plus petite. A gauche, mon indispensable miroir grossissant, à droite, le parfum que j’ai créé à partir du cosmétique original de Cléopâtre.

Le labo de Cléopâtre : Cléopâtre et son célèbre bain au lait d’ânesse

 

Cet article et ces photos sont la propriété du site Echodecythere. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Principes de magie d’amour

Quiconque connaît un peu la magie et toute la culture qui s’y rapporte peut constater plusieurs choses : d’abord, la magie est universelle, et il est donc possible de trouver des recettes, des formules dans toutes les civilisations. Ensuite, la magie possède des règles, des formules particulières qu’il faut toujours respecter scrupuleusement car elles correspondent à une symbolique très précise censée contraindre l’univers à se mettre en marche pour exaucer le désir de celui qui l’a utilisée.

Un autre point particulier à l’univers de la magie est son caractère éparpillé. Ainsi, il peut être facile de trouver des livres de magie assez anciens et publiés s’ils sont assez célèbres, on peut aussi trouver des livres d’historiens très sérieux ayant étudié le phénomène et donc relevé certaines formules et pratiques, mais globalement, la magie relève plutôt d’une culture du privé, du secret, de choix personnels, voilà pourquoi un livre de magie même célèbre peut consister en des mélanges sans cohérence de formules venues de partout dans le temps et dans l’espace en fonction de ce qui aura plu à celui qui les aura retranscrites.

La magie, c’est aussi, malgré ses règles strictes, un ensemble de pratiques où peut entrer une part de créativité parce que chaque demandeur est unique, mais où la loi principale, inchangée depuis les débuts de la magie, considère que ce qui est en bas est comme ce qui en haut et que, mimer son désir ou le mettre en scène de façon symbolique en donnant son nom, en invoquant les bonnes divinités ou juste en faisant les bons gestes avec les bons objets forcera l’univers à l’exaucer. La magie rend actif le désir qui ne fait pas que consumer celui qui l’éprouve mais le rend créatif et injonctif pour que ce désir soit contagieux.

Rituel d’amour de l’Egypte antique

« Quand tu désires qu’une femme aime un homme, 

Tu prends la sève d’un arbre-her;

Tu prononces leur nom exact devant eux.

Tu la mets dans une coupe de vin ou de bière;

Tu la donnes à la femme pour qu’elle la boive. »

( Charme issu d’un papyrus du III ème siècle dans Chants d’amour de l’Egypte antique )

La magie, c’est aussi de la mythologie qui se rejoue symboliquement par certains actes, une imitation de la vie des dieux dont l’efficacité doit pouvoir reposer sur la similitude. Puisque les dieux ont créé l’univers et le manifesté, en faisant des choses semblables à ce qu’ils ont fait, le désir devrait logiquement se réaliser car comment le dieu pourrait-il être insensible à un tel hommage ? Une formule magique, c’est donc toujours l’expression d’un ordre, mais aussi parfois, l’évocation, l’hommage, ou l’imitation de l’acte d’un dieu. Et dans la magie d’amour s’y ajoute très souvent de l’organique, du fluide, du vivant.

Rituel d’amour sumérien ancien

« Je te frappe sur la tête, perturbant ton esprit

Que ma volonté soit ta volonté

Que ma décision soit ta décision

Je te possède comme Ishtar a possédé Dumuzi

Comme la bière attache celui qui la boit

Je t’ai attaché avec ma bouche chevelue

Avec mon vagin ruisselant de liquide séminal

Avec ma bouche qui salive

Avec mon vagin ruisselant de liquide séminal

Aucune rivale ne se mettra entre nous. »

(1974-1954 av. J-C. V. Grandpierre. Sexe et amour, de Sumer à Babylone)

Si on fait appel à une divinité, il est très courant de manifester son intention, son nom, le nom de la personne désirée, utiliser des parfums, représentations ou symboles qui lui sont associés.

Rituel Babylonnien ancien

Prenez une grenade ou une pomme, belle et appétissante, isolez-vous dans une pièce sans lumière et sans témoins, et dites :

« La plus belle des femmes a inventé l’amour ! Ishtar, qui se délecte des pommes et des grenades, a créé le désir. Monte et descends, pierre d’amour, entre en action à mon avantage. C’est Ishtar qui doit présider à notre accouplement. »

Réciter trois fois sur le fruit consacré à la divinité et faire croquer à la personne désirée.

( Jean Botéro. Amour et sexualité à Babylonne )

Et parce que c’est une culture à part, intemporelle et marginale, les livres de magie, ça peut aussi nous offrir la surprise de voir conservé le fragment d’un livre célèbre qu’on a toujours évoqué sans jamais prouver qu’il existait vraiment et qui a donc plus l’air d’un mythe que d’une réalité. La recette mystérieuse, la voici :

« Il est écrit dans le livre de Cléopâtre qu’une femme qui n’est pas contente de son mari comme elle souhaiterait n’a qu’à prendre la moelle du pied gauche d’un loup et la porter sur elle, il est certain qu’elle en sera satisfaite et qu’elle sera la seule qu’il aimera. »

( Alexandre Legran.Les vrais secrets de la magie noire : applications.)

Dans le labo de Cléopâtre : Cléopâtre et son célèbre bain au lait d’ânesse

Cet article et cette photo sont la propriété du site Echodecythere. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Une vie d’amour

Certains ont écrit leur histoire d’amour, certains l’ont racontée à leurs enfants, mais d’une manière générale, les histoires d’amour fondent des couples, marquent les esprits, fondent des destinées et s’évaporent dans l’oubli, ne laissant aucune trace.

Dans l’Anthologie Palatine, une compilation de poèmes grecs de l’Antiquité, une catégorie est réservée aux épigrammes, poèmes courts qu’on inscrivait sur des monuments ou des pierres tombales et qui était un genre à part entière dans l’Antiquité, même si ce sont les épitaphes, réservées aux pierres tombales, qui sont les plus remarquables. Elles savent en effet, en quelques vers, résumer la situation qu’a connue le mort, sa vie, et la restituer en poésie donnant à méditer, s’émouvoir et même rire, parfois. Les cimetières grecs, placés le long des routes au lieu de nos panneaux publicitaires, introduisaient à un autre voyage, celui de ceux partis dans l’Hadès et qui avaient eu une vie, comme le passant qui en découvre ce qu’on a voulu en sauver de l’oubli par la poésie.

C’est le souvenir de cette poésie si particulière qui m’a poussée à mener l’enquête cet été au cimetière de Montmartre à la recherche des restes d’une vie d’amour dont le souvenir a été gravé dans la pierre. Au cours de certaines visites dans différents cimetières, il a pu nous arriver de rencontrer des tombes où demeuraient des témoignages, des messages, ce qu’on avait voulu y graver de particulièrement émouvant. Quelquefois, les messages sont très banals, laconiques, peu révélateurs d’une vie ou des sentiments que la personne a inspirés, et quelquefois, c’est l’inverse.

Dans tous les cas, ce qui reste n’est jamais qu’une émotion, un résumé, ce qu’on a choisi de garder en mémoire d’une personne ou plutôt du lien qu’on entretenait avec elle comme dans les sobres « à mon père », « à ma mère », « regrets » ou d’autres plus intimes. Quelquefois, ce sont des époux qui se sont occupés eux-mêmes d’une pierre tombale qui leur est commune et ce qui demeure comme souvenir d’eux est un petit message, une petite allusion, une impression fugace dont on ne sait si elle représente véritablement les sentiments qu’ils avaient partagés. Mais qu’importe ! Ce dernier message est celui qu’ils ont choisi. Il fera peut-être sens à contrario de ce qu’ils auront voulu, vécu, ou sera peut-être conforme à ce qu’ils avaient désiré, consciemment ou non, laisser comme impression de leur lien ici-bas.

Au milieu des tombes divers messages ordinaires adressés aux chers disparus, j’ai aussi choisi la pierre tombale divisée de ces deux époux à la religion différente, l’un chrétien, l’autre juive manifestant leur volonté d’être distingués même dans la mort mais montrant qu’ils surent malgré tout être unis jusqu’au bout ( photo 1 de la galerie ). J’ai aussi été frappée de prime abord par cette pierre tombale en forme de deux coeurs entrelacés, puis je me suis aperçue que les époux qui doivent y être enterrés ont chacun une date de naissance, mais aucune date de mort ( photo 2 de la galerie )…

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( Sur cette pierre tombale où on ne voit pas grand-chose est écrit : « Nos âmes pour toujours unies veillent et se bercent l’une l’autre Amour murmurent-elles.« )

Un dernier point, lecteur qui passe ici par habitude et par choix ou par le plus grand des hasards, je n’ai pas choisi mes allées, c’est le hasard qui m’a guidée. J’aurais pu trouver mieux, peut-être, mais ça n’a pas vraiment de sens puisque le sens est le voyage, le hasard, qui est une bonne métaphore de la vie : plein d’allées possibles, et pourtant, c’est une ou deux seulement qui seront choisies.

. En revanche, il faut que tu saches, si tu as envie de tenter cette expérience, que si tu es hypersensible comme moi, une mauvaise surprise t’attend. Au bout d’une heure à une heure et demie de recherches, le mort a saisi le vif. L’empathie prenant le dessus, l’émotion a commencé à m’envahir et ce qui était un voyage au coeur des souvenirs d’amour que les gens ont voulu laisser de leur passage sur Terre est devenu rencontre avec les émotions de ceux qui ont perdu quelqu’un. Les larmes ont commencé à couler naturellement, et une fois la machine lancée, chaque message m’a mise en relation avec cette douleur d’avoir perdu un être cher.

Devant le déferlement de ces émotions violentes, il m’a fallu m’en retourner tant j’étais incapable de continuer. Si tu es de même nature que moi, te voilà prévenu. J’ai néanmoins beaucoup aimé ce voyage, je regrette seulement de n’avoir pas pu vous montrer ce que d’autres promenades précédentes m’avaient fait découvrir, auxquelles je n’avais jamais pensé donner un sens et que je n’avais donc pas photographié.

( Image à la Une : tombe d’un couple d’époux de la période étrusque. Musée du Louvre. Toutes les autres, cimetière de Montmartre )

Cet article et ces photos sont la propriété du site Echodecythere. Il est interdit par le code de la propriété intellectuelle de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.