chirurgie plastique

Dans l’ombre de la beauté

La beauté, qui passe par le regard, est une manifestation, un signe, une information. Elle peut être le signe de bons gènes et d’une bonne santé, mais lorsqu’elle est construite avec minutie, lorsqu’un long et savant travail est nécessaire à son élaboration, la beauté raconte une histoire, celle de la personne qui la désire ardemment tandis qu’est dissimulée la raison pour laquelle elle la désire autant.

Dans toutes les questions qui concernent la beauté, on retrouve la psychologie liée à des problèmes d’image de soi et un certain rapport au monde où entre une volonté de l’influencer ou au moins d’avoir un certain contrôle sur lui. Chez certaines personnes, cette volonté de contrôle peut être si forte qu’elles acceptent de prendre des risques ou de sacrifier une partie d’elles-mêmes pour obtenir cette beauté. Jane Fonda qu’on dit s’être fait retirer les côtes pour avoir une taille amincie, celles qui se sont fait retirer des dents pour se creuser les joues, celles qui se sont fait liposucer, refaire le nez, les seins, les fesses, les dents, changer la couleur des cheveux, toutes veulent la beauté. On peut aussi penser à Maria Callas qui accepta pendant des années d’héberger dans son corps un ver solitaire pour lui permettre de maigrir et de rester mince. Tous ces cas témoignent d’une volonté d’être belle qui a dépassé la peur que pouvaient inspirer certaines pratiques pour y arriver.

Quand on songe que pour acheter un objet de consommation courante tel qu’un canapé ou une voiture, on doit s’interroger si c’est nécessaire, choisir le meilleur rapport qualité-prix, évaluer la solidité des matériaux, le sérieux de la marque, les conséquences à long terme, on se demande comment on peut parvenir à faire ces projections sur soi-même alors que les risques sur la santé sont plus que probables. Le consommateur étudie sérieusement non seulement pour s’équiper de grandes choses mais également de petites, et il n’hésite pas à rejoindre ou consulter des associations de ses semblables pour s’informer et se protéger. Dans ce contexte, il paraît difficile de se projeter dans l’état d’esprit de quelqu’un qui décide de faire pratiquer sur lui-même un changement majeur en vue de son propre embellissement car il accepte une immense part de risque que le consommateur ordinaire ne prendrait pas. Un risque qui peut aller jusqu’à la mort comme on l’a vu en début d’année avec Miss Equateur morte à 19 ans lors de sa liposuccion pour quelques centimètres de taille en moins.

Qu’est-ce qui peut bien faire franchir le pas ?

A l’origine de tout ce qu’on veut changer, posséder ou faire, il y a le désir. Si nous avons le désir d’une voiture, il y a le désir pour soi-même, pour les qualités qu’on lui croit posséder, et parfois aussi pour les autres si le choix de la voiture a été motivé directement ou indirectement par eux, comme une personne qu’on admire et qu’on veut imiter ou une personne qu’on envie et qu’on veut égaler ou dépasser par ce moyen.

Quand on désire être plus belle, on le fait en apparence pour le regard de l’autre mais en réalité, c’est une démarche qui prend appui sur le regard de cet autre pour un bénéfice néanmoins tout à fait personnel. Car à la base de toute transformation physique radicale et voulue, le jugement de la société est le levier d’une volonté extraordinaire dont les racines profondes se trouvent soit du côté d’une ambition démesurée soit d’immenses complexes physiques anciens et personnels qu’on veut régler.

Mais plus généralement, il y a les deux. Car chez une personne équilibrée et confiante en elle, les problèmes d’image de soi, s’ils existent, ne parviennent pas à déstabiliser son esprit au point qu’elle puisse envisager des changements radicaux dans son apparence, même par ambition. Et les biographies des stars décédées et qui sont assez anciennes pour que s’exerce le recul nécessaire à la compréhension d’un phénomène éclairent très nettement sur cette question. Les grandes transformations physiques par chirurgie esthétique en pleine jeunesse ou les régimes draconiens sont beaucoup le fait de stars qui ont vécu des traumatismes liés à l’image de soi : abus sexuels, violence familiale, manque d’amour, rejet quelconque.

C’est le cas de Marylin Monroe, Rita Hayworth ou même la grande Maria Callas. Les points communs entre ces trois femmes sont nombreux : enfance sans amour, dans la violence ou le rejet, volonté et force de travail extraordinaire, choix de la construction méticuleuse de sa propre image pour toucher les étoiles, conquête unanime du public. Ces femmes ont été considérées à leur époque comme les plus sexy ou les plus élégantes, les plus extraordinaires devant toutes les autres. La postérité en a conservé l’image car elles sont parvenues à atteindre l’idéal qu’elles ont désiré et ont réussi à nous le faire embrasser. Ce sont encore des sex symbols et des modèles indépassables !

Et dans ces trois destins, ce qu’il a de commun également, c’est une fin de vie pleine de solitude où les hommes sont passés comme des ombres que nul bras n’a réussi à retenir, comme si le vide appelait le vide. Finalement, c’est comme si à se traiter soi-même comme un objet, on poussait un peu les autres à faire de même.

Divinisée par le travail sur son physique encore plus que par la qualité de sa voix, Maria Callas dut se justifier toute sa vie de l’annulation d’une représentation parce qu’elle était juste devenue aphone. Car honnêtement, qui peut croire qu’une déesse, qu’une icône, qu’un objet puissent s’enrhumer ?

De la part d’une chanteuse ordinaire, on l’aurait pourtant certainement accepté.

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Les objets de la beauté

Ils nous fascinent, nous attirent, nous font peur, et surtout, nous font des promesses de beauté plus ou moins tenues : ce sont les objets de la beauté. Ils accompagnent notre désir d’accomplissement esthétique, condition première au bonheur dans la destinée féminine. Au moins dans l’imaginaire collectif. Car la beauté ne fait pas nécessairement le bonheur, et l’absence de beauté n’y fait pas forcément obstacle.

Pourtant, dès le début de l’humanité, dès que des mains habiles ont été capables de ramasser des plumes, concevoir des perles ou employer une plante tinctoriale, la beauté a cessé d’être une faveur uniquement génétique pour devenir la marque d’une distinction sociale. Car en effet, malgré la démocratisation des nombreux accessoires de beauté qui ont été inventés et ont jalonné l’histoire de l’esthétique, l’accès aux améliorateurs d’apparence a toujours été le privilège d’une élite avant de devenir le privilège de tous et surtout celui des industriels et parfois des artisans dont ça a fait la fortune.

Si on les rassemblait quelque part, les objets de la beauté formeraient un immense bric-à-brac fascinant où on trouverait de tout et pour modifier toute partie du corps ou du visage : des ciseaux pour tailler cheveux, ongles, pièces de cuir et de vêtements, des pinces pour extirper les poils anarchiques ou pour fermer un collier. On trouverait également de nombreux produits utilisant la couleur : teintures pour vêtements, pour cheveux, couleurs des fards, des crèmes, des correcteurs, des embellisseurs, des autobronzants, des vernis, des tatouages. Il y aurait encore des objets pour trouer : le vêtement pour le coudre, la peau pour la percer, la tatouer ou la réparer chirurgicalement,

Il y aurait également les objets qui redressent, redessinent, améliorent la silhouette – voire le visage – en serrant, compressant comme les gaines, les ceintures, les corsets, les culottes ventre-plat, les collants amincissants, les soutien-gorge minimisant ou au contraire rembourrant, gonflant la poitrine, les pantalons remontant les fesses, affinant les cuisses, mais aussi les chaussures à talons nous rehaussant, nous faisant gagner une taille et prendre de la hauteur.

Ces objets peuvent avoir toutes matières : métal, huile, plastique, gel, poudre, liquide, laine, satin, soie, viscose, et toutes textures : souple, rigide, mou, dur, froid, soyeux, gélatineux, granuleux, aérien…Ils nous lavent, nous parfument, assouplissent notre peau, font luire les cheveux, les éclaircissent, luttent contre le relâchement cutané, la grisaille de la peau, donnant l’illusion du maintien, de la beauté, de la jeunesse, nous font « perdre une taille » ou juste cassent l’austérité d’un vêtement par une touche de fantaisie.

A l’avant-dernier stade de l’utilisation des objets de la beauté, nous trouvons les outils médicaux utilisés dans la chirurgie plastique et les technologies de pointe comme des ultra-sons, des lasers, des appareils de cryogénisation dans l’amincissement ciblé, et autres procédés « brevetés » et « uniques ».

Rien de tout cela n’est nouveau, pourtant. Mettre son inventivité au service de la beauté, l’Homme le fait depuis qu’il fabrique des objets. Lui donner une dimension technologique, en revanche, il le fait depuis le triomphe conjugué de la science, de l’industrie et de l’économie de marché, c’est-à-dire le début du XX ème siècle.

Le dernier stade de l’utilisation des objets de la beauté est celui du XXI ème siècle, où la technologie, avançant à pas de géant, court plus vite que son concepteur, ne lui permettant pas de se projeter lui-même de façon cohérente dans l’avenir qu’il est en train de créer. Et les objets qui, autrefois dans le domaine de la beauté, servaient à se rendre plus beau qu’on ne l’était auparavant, à devenir un être humain en mieux, peuvent désormais incarner par eux-mêmes l’idéal de beauté à atteindre, prouvant que dans tous domaines, esthétique y compris, la créature a dépassé le créateur.

Et dans cette aventure contemporaine du mythe de Pygmalion, les gourous étranges d’un nouveau type de beauté – Valeria Lukyanova, Justin Jedlica – nous montrent la voie d’un idéal en plastique, originellement de 29 centimètres, né en 1959 dans les usines Mattel.

http://orleansactu.fr/valeria-lukyanova-et-justin-jedlica-alias-barbie-et-ken/

Un phénomène qui, au-delà du ridicule apparent, nous interroge fortement…

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Photo à la Une : masques et appareillages anti-rides de l’institut Anglais de Beauté de Mary Earle, vers 1900.

Seins et symbolisme

Spécificité du corps féminin, caractère sexuel secondaire qui, paradoxalement prend la première place par sa visibilité bien qu’il soit couvert, le sein, de toutes les manières qui lui sont possibles, occupe bien souvent l’espace principal du rapport homme-femme.

Les seins apparaissent chez la femme à la puberté, comme le reste des autres caractères sexuels secondaires, mais celui-ci, contrairement aux autres – les poils, qu’on peut épiler, les règles, qui ne se manifestent que 5 jours par mois – s’installe aussi bien dans la durée que dans la contrainte.

Car les seins paraissent libres, poussant comme ils le veulent, en taille, en forme, apparaissent selon des lois génétiques et hormonales se déclarant soudainement et évoluant selon des changements hormonaux ou relatifs à d’autres causes pas toujours identifiables et qui peuvent laisser perplexes. En bref, ils semblent mener leur propre vie sur le corps de la femme, comme ces parasites qui colonisent d’autres espèces pour pouvoir vivre, occasionnant parfois des gênes, des douleurs, et, parce qu’ils sont également une zone érogène, le plaisir et l’excitation.

Ils sont si contraignants, si envahissants, si puissants qu’ils exigent même un appareillage, un vêtement, qui leur est réservé pour pouvoir les dresser, les sangler et les contraindre à plus d’obéissance et de discrétion !

Mais ce ne sont pas les seuls problèmes qu’ils génèrent, car apparaissant à un âge où les idées de séduction, de désir et d’identité, commencent à émerger, ils ont le pouvoir d’occasionner bien des complexes selon qu’une jeune fille se voit dotée bien malgré elle d’une poitrine conforme à ce que les autres désirent ou non. Trop petite, on se moquera d’elle, trop grosse, on se moquera également d’elle et elle attirera bien souvent des comportements grossiers d’une violence d’autant moins certaine qu’elle se prétendra souvent involontaire. Un sein frôlé, n’est-ce pas un petit plaisir que certains s’offrent hypocritement, à peu de frais, se retranchant derrière l’accident ?

Ainsi, en plus d’être des parasites, les seins sont les éclaireurs à  l’avant-poste de la vie sexuelle, laissant deviner sa part violente et pulsionnelle qu’il faudra cerner et maîtriser avant de pouvoir la vivre sereinement. Car les seins, de par leur position comme de leur fonction initiale destinée à nourrir l’être à qui on a donné la vie, nous projettent hors de nous-mêmes, dans cette arène désirante que constitue le monde.

Et dans ce monde d’hommes où la femme est l’objet du désir, les seins ont la première place, créant des inégalités entre celles qui en ont et celles qui n’en ont pas, celles qui en ont de gros, celles qui en ont de petits, celles qui sont inhibées, celles qui ne le sont pas, tournant la roue du destin dans un sens inattendu, révélant à certaines leur pouvoir, à d’autres qu’elles n’en ont pas, et donnent l’idée aux plus ambitieuses et limitées à leur enveloppe physique, d’en acquérir de plus gros. Comment s’en étonner quand certaines publicités pour la lingerie, entre autres, cachant le visage du mannequin et se focalisant sur la poitrine pour une meilleure identification, symbolisent à merveille le rapport que la société entretient vis-à-vis des femmes, c’est-à-dire avec leur corps plutôt qu’avec leur esprit, ce corps muet sur lequel projeter tous ses désirs ?

Cette réduction, assez courante pour finir par devenir inaperçue est donc logiquement autant ce qui aliène la femme au désir que ce par quoi elle va pouvoir manifester son pouvoir, sa colère et sa contestation dans la langue où on a le plus envie de l’entendre, c’est-à-dire l’exposition de son corps. En mai 68, les femmes brûlaient leur soutien-gorge dans un rituel destiné à brûler également toute entrave faisant de la femme un être aliéné. Dans les années 70, une femme se promenait dans les rues de Paris, les seins enfermés dans une boîte, proposant à des hommes inconnus de les caresser, montrant combien le corps de la femme était un objet. Seuls nos seins vous intéressent ? Et bien, c’est désormais eux qui parleront, semblent dire au monde les Femen, féministes activistes dont les seins sont les pancartes sur lesquelles elles inscrivent leurs revendications.

Ainsi, les seins, lieu de notre faiblesse et de notre aliénation, savent aussi devenir lieu de notre pouvoir et de notre révolte.

Ce pouvoir, c’est aussi celui de participer à la nature quand une femme décide d’allaiter ou de revendiquer sa liberté quand elle choisit à l’inverse de ne pas le faire, mais aussi de le faire en public, comme la nature le lui permet et comme la société ne l’accepte plus. Car à force de les avoir érotisés, exposés dans un but d’excitation purement sexuel depuis que la Renaissance a adopté le point de vue hédoniste des Grecs de l’Antiquité, les seins dénudés ne signifient plus désormais, dans nos vies où ils sont à vendre, ce don de l’amour et de la vie offerts à un nouvel être tel que le Moyen-Age en avait l’habitude dans les représentations de Vierge à l’enfant.

Logique alors qu’ils soient le lieu de tous les paradoxes, clivages, oppositions et révoltes. Les seins sont donc les contestataires qui remplissent nos soutien-gorge, des bombes sociales qui ne se désamorcent que dans la maturité de la relation apaisée d’une femme avec elle-même, dans toutes ses dimensions physiques et spirituelles – qu’elle peut découvrir parfois à la suite d’une ablation – mais aussi avec le monde, quand celui-ci accepte qu’elle soit aussi autre chose qu’une belle femme : une belle personne.

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La beauté est équilibre

Quand on analyse ce qui conduit à juger du sentiment de beauté, on en revient à d’autres qualificatifs tout aussi mystérieux tels que l’élégance, la grâce, quelque chose d’assez indéfinissable qui nous fait aboutir à un autre plus clair : l’équilibre.

Dans la beauté, tout nous ramène à l’équilibre, à l’harmonie naturelle ou créée et dans tous ses aspects.

La beauté féminine instinctive et universellement jugée en quelques instants, par les adultes comme par les plus petits enfants, concerne le rapport taille-hanches pour le corps et la symétrie des traits pour le visage. Une taille bien marquée par rapport aux hanches est le signe d’une saine fécondité à quoi l’espèce est sensible, mais ce que les études oublient de dire à ce propos, c’est que si la taille était démesurément marquée et les hanches trop larges, tout le monde trouverait cela en réalité monstrueux.

Il en est de même pour la symétrie du visage. Oui, il faut que les traits soient symétriques, oui, il faut que le côté droit ressemble au côté gauche, mais l’oeil et le cerveau savent que la stricte symétrie n’appartient qu’aux mathématiques et que dans le vivant, rien ne peut être rigoureusement symétrique. D’ailleurs, quand on regarde une femme refaite par la chirurgie plastique, on n’en a pas toujours conscience et pourtant le regard ne cesse d’être attiré par quelque chose qu’il ressent comme anormal et qu’il tente alors de comprendre.

Oui, mesdames les refaites ou qui souhaitez le faire, si vous passez par là, sachez que nous vous regardons plus lorsque vous êtes passée par la chirurgie mais ce n’est pas parce que nous vous trouvons belles, c’est parce que nous voyons sur votre visage quelque chose qui nous choque et que nous ne cessons d’interroger, d’analyser, de tenter de comprendre.
Pourtant, et puisqu’il est question d’équilibre, la chirurgie n’est pas complètement exclue pour créer de la beauté. La chirurgie corrective qui vient rectifier une dissymétrie du visage est un des exemples que l’on peut citer. De façon très commune, l’orthodontie qui corrige l’alignement des dents refusé par la nature fait beaucoup pour la symétrie d’un sourire qui devient magnifique après avoir été hideux.

Mais la beauté, ce ne sont pas que les traits. Ce sont aussi mille et une petites choses que le cerveau juge en quelques secondes sans s’arrêter pour les analyser et qui sont néanmoins opérantes.
Tout d’abord, la beauté, c’est la santé. Dans les pays dont le niveau de vie est élevé, les gens sont plus beaux. Quand nous venons d’un de ces pays, nous oublions de le prendre en compte et les critères de beauté s’élèvent. Ailleurs, là où on a moins de chance, moins d’argent, moins de médecins accessibles à tous et compétents, on est plus petit, on a plus de problèmes qui affectent le physique et avec lesquels on doit vivre sans réel soulagement. Un état de santé équilibré est un socle stable pour la beauté.
La beauté, c’est également le moral. Quand on va bien, on rayonne de l’intérieur d’une pulsion de vie communicative, car le vivant attire le vivant. A l’inverse, quand on est déprimé et donc dominé par la pulsion de mort, le regard s’éteint et plus rien de beau ne se dégage de celui qui subit cet état. Qui a déjà vu des bipolaires subissant l’une puis l’autre de ses phases maniaque ou dépressive sait de quoi il s’agit à maints niveaux. Les photos d’une même personne dans chacune de ces deux phases sont très efficaces pour se rendre compte de cette réalité : la beauté vient de l’intérieur, et elle n’est rien sans équilibre.

Enfin, la beauté, c’est aussi la beauté de l’âme et une personne dont les traits physiques nous semblent laids peut être transfigurée par la découverte de sa bonté de coeur, de sa grande humanité. Cette expérience qu’on a tous vécue un jour a été scientifiquement démontrée par un anthropologue, Kevin Kniffin et un biologiste Sloan Wilson au cours de trois études qui ont mis en évidence que lorsque nous devons juger de la beauté physique de personnes que nous ne connaissons pas, nous nous basons uniquement sur leur aspect extérieur, mais lorsque nous évaluons quelqu’un que nous connaissons, nous nous basons aussi sur ce que nous avons évalué de son caractère. Et à traits également beaux chez une personne connue et non connue, celle qui sera connue, pourvu qu’elle ait une belle âme pour celui qui la juge, verra sa beauté appréciée. Dans l’estimation inverse, ses beaux traits ne seront pas reconnus comme tels par celui qui la connaît alors que ceux qui ne la connaissent pas la jugeront belle.

En bref, la beauté est une valeur dans laquelle l’équilibre est valable à double niveau : dans le premier, chaque partie jugée doit se trouver dans une sorte de juste milieu, dans le second, la beauté ne s’établit qu’à partir d’un ensemble qui doit former un équilibre de toutes les parties.
Ainsi, s’il n’est pas dans la nature du vivant d’être rigoureusement symétrique, le cerveau qui conceptualise, lui, n’arrive pas à concevoir les choses autrement.

Tant mieux, parce qu’ainsi, tout défaut peut être compensé pour nous faire parvenir à un équilibre dans lequel nous parvenons malgré tout à une certaine beauté, voire à une beauté certaine.

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