Le magazine féminin n’a pas toujours bonne presse. Accusé d’être superficiel, de pousser à la consommation, d’être blindé de pubs, de photos de mannequins à la plastique de rêve, inatteignable et génératrice de complexes, on l’entend beaucoup plus blâmer que louer. Et il faut reconnaître qu’effectivement, ses motivations peuvent paraître floues.
Des magazines féminins, il en existe des dizaines et les plus célèbres d’entre eux ont une histoire qui remonte aux années 30 et 40, époque de l’essor des grandes maisons de couture et de parfum. Certains se revendiquent féministes et intellectuels, d’autres s’adressent aux femmes par tranche d’âge, certains sont axés sur la mode, d’autres s’adressent à des femmes d’origines variées, d’autres encore s’avèrent plus populaires ou généralistes.
Comment faire alors pour s’y retrouver ? Justement, il ne faut pas s’y retrouver. Il faut s’y perdre pour qu’apparaisse quelque chose. Trouver Aphrodite est de toute façon une tâche assez difficile, quelles que soient les circonstances, alors, la trouver dans un magazine féminin peut paraître encore plus ardu. Car si on juge ce type de magazines par rapport à son contenu majoritaire et apparent, on y verra un produit dont l’objectif est de faire des femmes des acheteuses compulsives, victimes de leurs complexes et qui n’a parfois pas de scrupules pour choisir ses pubs.
Ainsi, au milieu des mille et une publicités vantant les crèmes traditionnelles, vous pouvez en trouver une affirmant que 80% des crèmes proposées sur le marché sont inefficaces, voire nocives ! Vous avez dit incohérence ? Il y en a d’autres ! Ces magazines féminins intelligents qui affirment que les femmes taillant du 34 à 38 constituent seulement 20% de la population sont aussi ceux qui font des numéros « spécial rondes » pour parler des 80% restant, qu’on devrait en bonne logique appeler au contraire des « normales » puisqu’elles constituent la norme. Non, les normales doivent être les 20%, tout comme les numéros post fêtes sont consacrés à la detox, le printemps vous propose des régimes « objectif maillot », une fois dans le maillot comme on vous l’a dit, les numéros d’été mettent l’accent sur les meilleures façons de draguer et de faire l’amour, comme si tout le monde avait attendu cette période-là pour s’y mettre.
Et pourtant…
Pourtant, dans ces pages, au milieu des pubs envahissantes, des publicités déguisées en articles, vous avez une longue tradition féminine qui se perpétue, où, Aphrodite, comme elle l’a toujours fait, aime la coquetterie, les bijoux, vêtements, parfums, cosmétiques, accessoires parfois jusqu’à l’excès, au point de nécessiter, dès l’Antiquité, des lois somptuaires pour limiter l’ostentation.
Depuis toujours aussi, c’est l’Amour que les femmes recherchent, et les questions sur l’amour et les relations sont toujours au coeur des problématiques des magazines féminins, de la drague à la conception des enfants en passant par les différentes formes d’engagement. Bien sûr, ces questions s’articulent aujourd’hui autour de préoccupations plus complexes et contemporaines telles que l’équilibre à trouver entre travail, vie de famille et vie de couple, mais rien n’a changé néanmoins dans le désir d’une union stable et épanouissante. Ces questions, traitées dans des articles enrichis de paroles expertes de juristes et professionnels de l’éducation, ont le bénéfice d’éclairer les zones d’ombre en laissant malgré tout souvent le dialogue ouvert.
Depuis toujours aussi, même teintées de tabou autrefois, les questions de sexualité sont au premier plan des interrogations des femmes malgré certains articles s’avèrant parfois dans une veine plus consumériste – avec la valorisation des gadgets et autres propositions de positions de Kâma Sûtra, par exemple – que vraiment constructive. Et la sexualité, c’est aussi la santé, une santé délicate pour les femmes, et sur cette question, le magazine féminin, c’est le conseil des Sages, des anciennes qui informent, guident et rassurent les autres femmes. Et à l’ère de l’égalité et de l’information, ce conseil est celui des expertes, des professionnelles, des médecins, gynécologues et psychologues, chercheuses, etc.
Mais le magazine féminin, c’est aussi la voix des femmes ordinaires, et parfois aussi des hommes, qui, par leurs témoignages, nous aident à élargir notre point de vue logiquement limité à notre domaine de croyances et d’expériences qui s’avère nécessairement restreint. C’est le plus souvent de leurs récits, courts et accessibles, que nous nous enrichissons, dans les magazines féminins qui ont tenu à leur laisser de la place.
On peut découvrir par exemple, à la lecture d’un témoignage sur la vie sexuelle, qu’il y a une différence entre donner son consentement à quelque chose qu’on imagine et à quelque chose qu’on connaît, car le premier procède de l’illusion et l’autre du savoir, et que la sortie du fantasme et la rencontre de la réalité peut s’appeler le traumatisme. Un traumatisme que certaines nous racontent dans l’espoir que d’autres n’aient pas à le vivre. Rien que pour cet espoir, nous pouvons avoir de la gratitude, et ce d’autant plus que le souvenir d’une lecture peut nous permettre de faire parfois un choix avisé grâce à ce savoir par procuration qu’on appelle l’expérience d’autrui.
Et, vous l’avez vu, ce petit rituel ancien, sans importance, qui pousse les femmes à commencer leur magazine par la fin ? C’est une vieille coutume, qui a des millénaires d’âge et qui consiste à aller regarder, même si on prétend ne pas y croire, si la conjonction des planètes nous est favorable, quitte à l’oublier aussitôt. Une tradition merveilleuse qui survit à sa propre croyance, et qui nous relie à des millénaires de rêves féminins d’amour, de bonheur, et de destinée fantastique.
Vénus est dans votre signe : Foncez !
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Bravo pour ton article ! Une belle analyse des magazines féminins ! Pour moi, les lire est surtout un bon moment de détente, même s’il est tout à fait juste que certains articles ou témoignages peuvent également nous aider à relativiser ou à réfléchir à notre situation ou à un pb particulier…sur les aspects mode, j’avoue que j’aime aussi regarder les compositions de tenues, qui peuvent parfois être ensuite source d’inspiration.
Oui, c’est vrai qu’en mode, j’ai parfois été bluffée. Personnellement, je suis inspirée par l’hyper féminité des magazines italiens que je ne soupçonnais pas du tout. Comparé aux mannequins exposés dans les magazines français, ça tranche : rouge à lèvres rouge, des bijoux voyants, de l’or, des dentelles…Les magazines féminins des autres cultures nous renvoient à d’autres modèles de féminité, c’est pourquoi ton blog est également inspirant : découvrir la féminité grecque, c’est une chance rare.
Très pertinent, éclairant, et intelligemment écrit ! Créateurs de normes, ces magazines répondent tout de même à certaines de nos questions, aussi normalisées soient-elles. Questions d’apparence, de bien-être, de plaire à soi et à l’autre, finalement, on y revient, par intérêt ou curiosité, jusqu’à se demander comment ces magazines se renouvellent. Et quand bien même ils se répètent (x régimes miracles, x 10 astuces pour être une déesse au lit,…), on se laisse toujours aller à les relire, pour participer au mouvement ou se rassurer. Un peu plus de caractère, d' »a-normal serait bien aussi, de temps en temps… mais il existe sûrement des lignes éditoriales un peu moins superficielles, du moins, creusant la surface !
Comment ces magazines se renouvellent, c’est une bonne question. Et j’ai cru trouver la réponse dans la présence constante d’articles de société que je trouve bien plus pointus qu’ailleurs. Les nouveaux phénomènes de société sont analysés avec un vrai intérêt pour ce qui change, évolue dans le monde contemporain. Et je me demande bien pourquoi ce sont toujours les magazines féminins qui s’y intéressent le plus…Question ouverte. Merci du commentaire, en tous cas.