Depuis l’Antiquité et certainement avant, les cheveux font l’objet d’une attention et d’un soin particuliers dans toutes cultures ayant donné à leur couleur ou leur longueur une signification particulière. » Don de Dieu » qu’on ne doit pas couper, symbole de force ou indice de beauté, de santé ou de séduction, la manière de les entretenir occupe les savants de toute époque, de la Cléopâtre du Kosmetikon à Hans Schwarzkopf, et leur apporte la fortune.
Bien entendu, ce sont les cheveux de la femme qui occupent le plus à la fois les commerçants, les artisans du cheveu et ceux qui jugent des moeurs. Car si les hommes ont pu porter les cheveux longs dans beaucoup de cultures comme le démontre l’histoire de Samson dans l’Ancien Testament, l’Europe moderne reste héritière des valeurs romaines donnant aux hommes cheveux courts et visage rasé, et aux femmes les cheveux longs propres aux jeunes femmes et aux matrones. A celles-ci, destinées à une vie oisive de gynécée plutôt qu’à une vie active, il était possible et permis de prendre du temps pour leur physique, d’autant plus que leur rôle auprès de l’homme était essentiellement de lui plaire, dans les limites imposées par la société. On doit plaire à celui à qui on est destinée et non aux autres.
Ils sont également une manière de se cacher par leur longueur dissimulant d’autres charmes. Pourtant, progressivement, de voile que les cheveux étaient, selon l’Epître aux Corinthiens, les cheveux deviennent aussi de plus en plus souvent ce qui doit être voilé.
La réputation sulfureuse des cheveux est telle qu’avec le sang et le sperme, ils sont un ingrédient privilégié des philtres magiques destinés à séduire. Ce statut particulier a de quoi étonner quand on sait que ce n’est pas un caractère sexuel secondaire et qu’à priori, il n’y a pas vraiment de quoi s’exciter.
Pourtant, leur pouvoir de séduction est bien réel, mais loin d’être immédiat, il est moins brut et déploie une finesse étonnante car il vient à la fois de l’espèce et de la culture dont dépendent des codes de société.
Ainsi, une chevelure, c’est quelque chose de préhistorique, le souvenir impudique d’une intimité oubliée puisqu’elle est la somme des poils de l’ensemble du corps qui l’ont déserté pour se concentrer sur le haut de la tête suite à des pratiques proprement humaines les rendant inutiles telles que la bipédie et l’habillement. Mais en même temps, c’est une matière transfigurée par l’intelligence et la créativité où peuvent s’exercer toutes sortes d’arts liés à l’une des premières techniques découvertes par l’humanité: le tissage. Dans la chevelure, le naturel imposé par l’espèce s’est fait ornement, vecteur de culture et de civilisation tout en prenant racine dans un corps humain, mortel et imparfait. Un paradoxe qu’on retrouve dans cette image de l’épouillage, présente encore au début du XX ème siècle, quand l’hygiénisme n’avait pas encore édicté de nouvelles règles sanitaires et que la recherche du parasite tenait lieu de constructeur positif de lien social moins critiqué que Facebook…
Les cheveux sont d’ailleurs des révélateurs aux limites des mondes naturel et culturel : par leur matière et couleur, ils laissent deviner une origine ethnique, un patrimoine génétique et sa mystérieuse loterie qui décide de qui de l’ascendance du père ou de la mère sera la plus évidente, la santé et le soin de la personne par leur propreté, leur coupe, un âge par leur couleur intense ou non, grisonnante, blanche ou systématiquement colorés pour que ça n’arrive pas, par une façon de se coiffer aussi, marquée par le temps, la mode de ce » à mon époque » où on a parfois posé ses valises esthétiques. Enfin, les cheveux trahissent aussi un budget qu’on y a consacré, ainsi qu’un caractère, une psychologie par le choix qu’une femme fait de couleurs, coiffures excentriques ou originales qui pourront témoigner d’une personnalité extravertie, obsessionnelle ou créative, une absence totale de soin pourra être le signe d’une détresse psychologique ou d’un choix plus philosophique de détachement, des cheveux toujours attachés de la même manière un certain goût pour l’ordre, une psychorigidité ou un désintérêt, une indifférence pour des pratiques esthétiques qu’on peut aussi juger vaines ou superficielles.
Ca, c’est la séduction universelle de la chevelure mais qu’en est-il de la séduction interpersonnelle ?
Par ses cheveux, vous avez déjà une foule d’informations sur la femme qui vous intéresse. Mais ce n’est pas tout. La séduction de la chevelure d’une femme est au maximum lorsqu’elle lâche ses cheveux car selon la loi inconsciente des symboles, des cheveux qu’on lâche annoncent des moeurs que l’on relâche. Et de fait, une femme qui voudra séduire ne le dira jamais mieux qu’en jouant avec une de ses mèches de cheveux lâchés, un de ces gestes qui trahissent l’intérêt même si, le raisonnement poussé à l’extrême tourne à la dictature dans les sociétés craignant la femme et voulant entraver ses libertés.
Car lâcher ses cheveux, cela signifie d’abord se sentir libre, sans entraves, de même nature que le vent qui les fait s’envoler et qui se fout de savoir si un oeil masculin les regarde ou non et si Dieu, qui les a, paraît-il, créés, est d’accord avec ça.
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