Mois: septembre 2016

Les fêtes du phallus

Au nombre d’articles qui lui sont consacrés sur le net, on voit que la fête japonaise du phallus, le Kanamara Matsuri, qui a lieu en avril à Kawasaki,  suscite la curiosité et les fantasmes de tous. Un phénomène curieux qui vaut à ce festival autant de touristes que de gens concernés parmi ses célébrants qui suivent le cortège de 3 immenses phallus promenés religieusement. Le plus célèbre, le plus filmé et photographié est rose et est porté par des hommes travestis en femmes. On vend des tas d’objets en forme de phallus, on prend des poses suggestives et la fête est le prétexte à la collecte de fond dans la lutte contre le sida; une fonction contemporaine bien trouvée pour ce temple fréquenté au XVII ème siècle par les prostituées venues prier au temple shintô pour ne pas attraper de MST.

Globalement, c’est malgré tout la fertilité sous toutes ses formes qui est demandée, que cela concerne la famille, les enfants ou la réussite. Des thématiques logiques pour ce début de printemps qui semble annoncer, avec le retour du soleil et de la végétation le meilleur pour le reste de l’année.

Et qu’y voit-on quand on est un touriste étranger ?

Comme à chaque fois qu’on regarde quelque chose qui nous est extérieur, c’est d’abord ce que nous sommes capables de voir que nous voyons.

  • De fait, dans les vidéo circulant sur Youtube, on montre des phallus géants et des lolitas mangeant des sucettes en forme de phallus ou enfourchant un sexe de bronze long de plusieurs mètres si le film est tourné par un otaku dont l’imaginaire est nourri de mangas plus ou moins pornos.
  • Les pros de l’information, pragmatiques, mettent en avant la lutte contre le sida qui sera plus compréhensible par le plus grand nombre et qui permettra de faire accepter l’étrangeté du festival.
  • Ceux qui sont sensibles à l’aspect culturel et cultuel mettent en avant l’aspect religieux de la manifestation en montrant les prêtres shintô, les costumes traditionnels et les voeux laissés au temple, se concentrant sur le facteur humain et universel; des aspects à la spiritualité bien plus présente et ancienne que ce qui apparaît de prime abord.

En effet, non seulement les fêtes du phallus ont toujours existé et remontent à bien plus longtemps qu’aux près de 40 du Kanamara Matsuri, mais de plus, elles ont fait partie de nos traditions européennes. Et cette fête japonaise qui paraît si étrange, érotique, exotique et fascinante aux Occidentaux venus de loin pour y assister, est en réalité très proche de ce qui se passait à Athènes lors des fêtes du dieu Dionysos où on promenait en procession une représentation du phallus. Là aussi, dans le cortège, des hommes travestis faisaient partie de la fête.

Mais le symbole du phallus dépassait largement le cadre du culte à Dionysos pour concerner plusieurs autres dieux de l’Antiquité, notamment ceux de l’Amour, du Désir et de la Fertilité, comme Aphrodite ou Cérès, ou des dieux plus rustiques tel Priape, fils d’Aphrodite qu’on représentait avec une érection permanente comme les satyres – autres divinités champêtres – ou même le dieu Shiva, dont on vénère toujours en Inde, le phallus et le coït avec son épouse. Décomplexé, le symbole du phallus était partout. C’était un symbole joyeux qui portait bonheur.

Tout cela eut lieu il y a bien longtemps, avant que l’ère chrétienne ne condamne toutes ces manifestations…

Pourtant, à Tyrnavos, en Grèce, le carnaval le plus célèbre du pays – mais dont la réputation n’a pas vraiment dépassé ses frontières – le « bourani », s’inspire des anciennes fêtes à la fois religieuses et grivoises de l’Antiquité, particulièrement celle des dionysies rustiques où on promenait une représentation du phallus en procession et où on cuisait pour l’occasion une sorte de bouillie. Fête rebelle et païenne qui s’intercale désormais dans le calendrier religieux orthodoxe – puisqu’elle a lieu le premier lundi de carême -, ce rituel a dû lutter contre la politique qui voulait l’interdire au XX ème siècle et contre la religion, qui lui est toujours hostile pour son caractère obscène.

Pourtant, le carnaval de Tyrnavos continue de célébrer le phallus sous sa forme gigantesque – et comme dans le festival japonais, sous forme de petits objets qu’on vend -. Avec ce symbole phallique, c’est la joie de vivre et de retrouver là encore l’espoir qui renaît avec le printemps que l’on fête. Alors, certes, la « burani », avec sa soupe aux herbes, son ambiance rurale, ses danses traditionnelles et sa musique balkanique a moins de quoi faire rêver les Occidentaux que la propreté, la perfection formelle et le chic urbain et rassurant que représentent les Japonais,  mais elle célèbre toujours ce qu’inspire le retour du printemps : l’espoir, le désir, le réveil de la nature, la montée de toutes les sèves, et la sexualité, au coeur de toutes les vies humaines.

Burani, Tyrvanos 2012.Video Burani, Tyrnavos.

Plus sur ce sujet : Du culte du phallus chez les Grecs

(Image à la Une : http://www.prothema.gr)

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Le double en amour

Dans la littérature comme dans la mythologie, un motif crée toujours le trouble : celui du double. Le double peut prendre de multiples formes : dans la mythologie grecque, ça peut être l’Immortel dissimulé sous une apparence de Mortel, telle qu’Athéna apparaissait à Ulysse ou Aphrodite à Anchise ou à la belle Hélène. Dans la mythologie hindoue, 33 millions de dieux atteignent l’unité par la croyance que quel que soit le dieu adoré, il s’agit toujours du même, Dieu étant unique, seules ses manifestations et représentations sont multiples.

Du divin à l’amour, il n’y a souvent qu’un pas symbolique, comme le démontrent les traditions théologiques de toutes confessions. Dans la tradition hindoue, toujours, les dieux ont des histoires d’amour. Sâti, première femme de Shiva, qui s’était jetée sur le bûcher le jour de son mariage parce que son père s’y opposait, revient ressuscitée sous les traits de Parvatî, avec qui le dieu vivra enfin l’histoire d’amour qu’il n’avait pu partager avec Sâti – dont le nom désigne désormais celle qui se suicide sur le bûcher funéraire de son mari.

Dans la littérature aussi, la personne aimée semble subir un dédoublement qui peut être de natures très diverses. Dans la littérature romantique, la femme aimée, souvent inaccessible ou morte, se perd dans les figures fantasmées de son double, bien vivant, lui. Dans Ligeia, nouvelle des Histoires extraordinaires d’Edgar Poe, le mort saisit le vif, et la première épouse morte hante, possède, et finalement détruit la seconde qui, d’emblée, était présentée comme ne lui arrivant pas à la cheville. Le narrateur qualifie même de folie le fait d’avoir épousé cette seconde femme, qui ressemblait si peu à la première : »Je parlerai seulement de cette chambre, maudite à jamais, où dans un moment d’aliénation mentale, je conduisis à l’autel et pris pour épouse – après l’inoubliable Ligeia !-lady Rowena Trevanion de Tremaine, à la blonde chevelure et aux yeux bleus. »

Epouser quelqu’un par défaut et qu’on aime moins que celle qui la précède, c’est forcément destructeur pour l’un ou l’autre plutôt que pour le couple puisque celui-ci n’existe pas réellement. Dans la nouvelle de Poe, c’est destructeur pour la seconde épouse, qui en meurt. Dans le roman de Tristan et Iseult, c’est l’homme qui est détruit, après avoir détruit les espoirs de sa femme.

Après avoir dû subir les épreuves, séparations et déchirements imposés à leur amour adultère – puisqu’Iseult la blonde est mariée à l’oncle de Tristan – le jeune amant se voit proposer Iseult aux Blanches Mains. Mais elle a beau s’appeler Iseult, ce n’est pas celle qu’il aime. Regrettant sa folie après le mariage, il invente un prétexte pour demeurer chaste, condition de choix pour créer le malheur dans un couple. Lorsqu’il est blessé par une lance empoisonnée, sa femme se venge de son dédain en lui faisant croire que son amante, qu’il a fait demander à son chevet, n’est pas présente dans le bateau faisant voile jusqu’à lui. Il en meurt, et la blonde Iseult, de chagrin rend alors l’âme elle aussi. Femme trompée, la seconde Iseult reste la seule en vie de ce triangle amoureux inégal.

Quelquefois, le double en amour est la marque de l’indécision, de la confusion mentale qui ramène plutôt le sujet à la perte, au deuil, à l’impossibilité d’être heureux. Dans Sylvie, de Gérard de Nerval, le narrateur est ballotté entre trois femmes : Sylvie, petite paysanne qu’il aimait dans son enfance, Adrienne, jeune aristocrate promise à la vie religieuse rencontrée furtivement telle une apparition lors d’une fête provinciale, et Aurélie, actrice parisienne en laquelle il croit voir Adrienne. De ces trois femmes, Sylvie est réelle, l’autre, Adrienne, est fantasmée et représente l’idéal inaccessible, et la dernière, Aurélie, est un double qui a tôt fait de le ramener à la réalité. Trois femmes qu’il ne rejoindra jamais : Sylvie, réaliste, a cessé de l’attendre et s’apprête à se marier avec son double – son frère de lait -, Aurélie, femme réelle, se moque de cet amour d’une religieuse projeté sur elle, Adrienne, vue certainement une seule fois, est morte depuis longtemps tandis que le narrateur la cherchait encore vainement.

Mais le double, c’est aussi celui qui semble s’incarner dans ces gens qu’on va aimer avant de trouver l’amour de toute une vie, et qui, lorsqu’on y réfléchit, semblait nous amener vers lui. Qui n’a jamais constaté ce fait – à moins d’avoir été vraiment déçu par quelqu’un et donc attiré par la suite par une personnalité qui lui est totalement opposée – des ressemblances de caractère, d’attitude ou de psychologie, semblant avoir été à l’origine de notre attirance vers eux, comme si le grand amour, en préparation, procédait par étapes ?

Car si notre désir, notre idéal peuvent se chercher et ainsi paraître un peu flottants dans un premier temps, dans l’expectative de ce qu’on pourrait désirer, les grandes tendances de notre personnalité – avec toutes les contradictions qu’elle comporte – s’expriment aussi dans nos amours, de notre recherche à nos tâtonnements, du pâle reflet de notre idéal jusqu’à son incarnation parfaite.

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Beauté et image

Envahissante au point de devenir une véritable dictature, l’estimation de la beauté, ancrée dans les sociétés humaines depuis fort longtemps nous semblerait presque naturelle. De fait, elle l’est un peu. Pour améliorer l’espèce, les animaux cherchent un partenaire pour se reproduire, sont attirés par le plus beau, celui qui a donc à la fois la santé et la force. Car la base de la beauté, à l’origine, c’est la santé, qui induit de la vigueur aux membres, un poids équilibré, la symétrie liée à la jeunesse procréatrice, des yeux vifs, des dents saines et des cheveux brillants et forts. On a envie d’ajouter : »et tout le reste est littérature ».

Car c’est vrai. Le monde de la beauté reposant sur des concepts est un pur produit né du langage, des conceptions liées à la culture et qui peuvent tout à fait se faire en dépit du bon sens qu’on prête au contraire à la nature. En témoigne cet étrange goût du XIX ème siècle pour les femmes atteintes de « chlorose », maigres et anémiées, s’évanouissant souvent mais aussi rongées par la tuberculose. Ce sont les héroïnes d’Edgar Allan Poe, de Nerval, Chateaubriand, Lamartine, Baudelaire, etc., pour qui l’amour et la beauté  prennent le masque de la mort à une époque où la médecine, à la fois savante et paradoxalement impuissante, comprenait précisément les mécanismes de la plupart des maladies sans parvenir à les éradiquer.

Dans Ligeia, une des Histoires extraordinaires où la première épouse décédée du narrateur possède et anéantit la seconde, Poe écrit : »Il n’y a pas de beauté exquise, dit Lord Verulan, parlant avec justesse de toutes les formes et de tous les genres de beauté, sans une certaine étrangeté dans les proportions.« . Une définition que partageait Baudelaire mais que ne pouvaient goûter les sculpteurs de la période classique.

Et pourtant, dans l’un et l’autre cas, on reste frappé par ce constat : quels qu’aient été les idéaux esthétiques d’une époque, ils n’ont jamais pu se représenter autrement et traverser le temps que dans des images fixes, qu’elles aient été mentales reposant sur l’imagination personnelle comme dans une description, ou physiques comme dans les arts visuels consacrant les Vénus de l’époque classique, des Joconde, Marylin Monroe, Amber Heard ou même Kim Kardashian. Ils sont pourtant sans mouvements, ces photographies prises au bon moment, ces peintures figeant les regards dont on dit pourtant qu’ils vous suivent partout, ces marbres qui ont traversé les millénaires pour nous faire entrevoir quelques principes esthétiques auxquels on s’est appliqué à donner une sorte de dynamisme qui ne peut être que feinte.

Et même lorsqu’une forme de mouvement a malgré tout été captée, comme le cinéma a immortalisé l’image mobile d’une actrice au temps de sa beauté, ce sont toujours les mêmes mouvements qui se jouent; mouvements et gestes que reprennent les fans qui les connaissent par coeur et qui les répètent dans l’adoration sans jamais parvenir à ressusciter la beauté unique de l’instant, de l’actrice, de la scène, de tout ce que nous pouvons croire y prendre comme modèle quand l’image que nous voyons coïncide si parfaitement avec l’image mentale idéale que nous portons en nous.

A l’époque où William Curtis photographiait les derniers amérindiens vivant en tribus, ceux-ci pensaient que l’image qu’on prenait d’eux allait leur voler leur âme. Près de deux siècles plus tard, on comprend que c’est l’inverse : la photo, l’image, l’oeuvre d’art quelconque ont saisi non la beauté d’une personne – qui est l’ensemble de ses mouvements, de sa vie, de son caractère, son humeur, ses émotions, etc.- mais la beauté conjuguée d’un instant figé et choisi, d’une capacité momentanée de l’artiste à la restituer, de la réussite du cliché et de l’acceptation passagère d’un public. Un équilibre fragile, en vérité : l’individu en mouvement aurait très bien pu être laid ou rendu méconnaissable par l’image qui fait la décomposition de ce mouvement, le public aurait pu ne pas s’y reconnaître, etc.

Pourtant, rien n’a plus de pouvoir que l’image pour définir nos conceptions pourtant illusoires de la beauté, certainement parce que notre cerveau fonctionne par images fixes, concepts immobiles, catégorisations stables à l’origine des processus cognitifs qui nous permettent d’appréhender le monde.C’est d’ailleurs pourquoi nous pouvons sans problèmes vénérer des idoles vivantes, mortes ou juste symboliques pour peu que nous ayons photos, statues et images pour support de notre adoration. Mais à l’inverse, un animal n’y est pas sensible, n’y voyant qu’un objet inanimé auquel il ne peut donner du sens. Et même lorsqu’il lui arrive de réagir au mouvement de la télévision, il s’en détourne bien vite car son instinct ne lui fait pas perdre de vue que seul le mouvement fluide, varié et imprévisible est la marque du vivant, qui seul l’intéresse.

Et c’est à cette frontière-là que se situe la limite entre aimer la beauté, être obsédé par sa représentation et vivre l’amour qui, lui, nécessite le vivant, bien plus complexe, et sur lequel plaquer des idéaux figés peut aussi bien s’avérer créatif que destructeur.

Nouvel article : khôl antique aux pétales de rose

 

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Représenter les amoureux : symboles et enjeux

Mièvres, les amoureux qu’on représente ?

A partir d’un certain âge et d’un certain niveau socio-culturel, c’est beaucoup l’image qu’on en a. C’est surtout vrai en France où un certain élitisme intellectuel – que nous reprochent souvent les anglo-saxons -nous pousse à considérer que l’intelligence va de pair avec une certaine vision critique ou acerbe de l’existence que nous ont apportée nos intellectuels les plus estimés – au contraire du sentimentalisme de culture plus féminine et donc plus volontiers déconsidéré.

Une tendance bien ancrée que la loi du marché en matière de littérature n’a pas totalement réussi à dépasser puisque la meilleure littérature sentimentale jouissive et décomplexée vient le plus souvent d’Angleterre, dont la culture a accepté avec fierté et en s’y reconnaissant, l’apport d’auteures de romans sentimentaux telles que les soeurs Brontë ou Jane Austen.

Mais dans les communautés où l’amour est perçu comme une menace parce que les « lois de Dieu » se doivent de diriger le coeur des êtres plutôt que leurs sentiments, représenter l’amour ou des amoureux – même sans évoquer la sexualité – pose de nombreux problèmes. Ils ne sont certes pas les seuls, mais dans les écoles confessionnelles de garçons de familles ultra-orthodoxes destinés à épouser quelqu’un de leur communauté dans un cadre très contrôlé, on censure préventivement toute évocation de fille ou de femme qui pourrait leur permettre « d’imaginer ». Là où seul doit exister le mariage que les familles plus que le futur couple ont contribué à former, l’idée que l’amour puisse pré-exister représente un tabou et une vraie menace : menace de voir la sexualité avoir lieu avant le mariage, menace de voir un membre d’une autre communauté faire sortir un individu de la sienne et lui faire prendre conscience des libertés que le droit lui donne hors de son clan.

Dans les pays où l’interdit religieux pèse sur toute la société, c’est l’ensemble de celle-ci qui est paralysée dans son droit à l’expression et la représentation du sentiment; avec toutes les frustrations et les violences que cela entraîne. Et là où la société est déchirée entre son attachement aux valeurs nationales et identitaires et sa volonté d’avancer, cette question peut tourner au conflit. Ainsi, en Inde, chaque Saint-Valentin est prise en otage par les ultras qui menacent la fête et tous ceux qui veulent la célébrer – le plus souvent très innocemment, pourtant. Ainsi, en 2015, ils ont menacé de marier les couples qui s’embrasseraient ce jour-là, embrasant logiquement l’espoir des homosexuels pour qui le mariage est interdit dans ce pays. En effet, s’embrasser en public en Inde est encore un tabou, et la Saint-Valentin est accusée par les ultras de corrompre les moeurs, de pousser à la sexualité avant le mariage et de menacer l’identité nationale.

Représenter l’amour et les amoureux est donc loin d’être mièvre et peut même constituer un enjeu aussi personnel que politique, en interrogeant ou militant pour le droit, la liberté et le désir de chacun au sein de sa vie individuelle, familiale et même de la société.

A titre psychologique et individuel également, la perception de l’amour et des amoureux peut être variable, comme chacun a pu le voir dans sa propre histoire. Très souvent, une déception amoureuse rend allergique aux représentations picturales, musicales et narratives d’histoires d’amour ou de figures d’amoureux quand un amour naissant ou puissant nous y rend au contraire plus réceptifs. Qu’il est facile de vibrer avec des amoureux de fiction quand on l’est soi-même et comme il est tout aussi facile de hurler contre l’aspect commercial de la Saint-Valentin et de la mièvrerie des amoureux quand on vient d’être trahi ! De la même manière, une insatisfaction nous porte facilement à regarder les amoureux, leurs représentations et les oeuvres qui en parlent avec une certaine envie, des regrets teintés de mélancolie devant le spectacle de ce que nous n’avons pas atteint.

Mais accepter ou non la représentation des amoureux est aussi l’effet du contexte historique, c’est pourquoi il est plus courant de voir célébrer l’amour et les amoureux après une guerre. Il ne faut donc pas s’étonner que le succès des Amoureux de Peynet dans les années 50 et 60 ait été mondial, au sortir de  la guerre, au point que les poupées qui faisaient jouer et rêver les petites filles françaises aient été celles de ces amoureux célèbres. Puis, l’art et l’expression plus heureux de l’époque ayant permis à la société d’équilibrer son besoin d’amour et de douceur après 6 ans de massacres et de terreur, et surtout d’oublier, les petites filles sont désormais séduites par de nouveaux désirs de consommation, beauté et richesse incarnés par la poupée Barbie.

Il y a pourtant des nations où la guerre et le massacre ont atteint de telles proportions que la représentation des amoureux en ce qu’ils incarnent ce qu’il y a de meilleur en nous -tendresse, douceur, respect de l’autre- devient si indispensable qu’il investit les lieux les plus effroyables de l’humanité. C’est certainement pour cela qu’au Mémorial de la Bombe atomique, à Hiroshima, trône une statue des célèbres amoureux environnés de colombes, que Peynet a offerte à la ville pour lui transmettre ses valeurs d’amour et de bonheur.

L’artiste de Valence continue d’ailleurs d’être adoré dans ce pays qui lui a consacré autant de musées que le sien.

Satue de Peynet

(Photos à la Une : poupées Peynet sur le site kraicheline.overblog.com; statue des amoureux de Peynet au Mémorial de la bombe atomique. Hiroshima sur le site de lagriotteanice.wordpress.com)

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