Dans toutes les cultures du monde, les couleurs symbolisent des sentiments et des valeurs qui donnent un surplus de sens au monde que l’on perçoit par les yeux. Ce surplus constitue l’essence de ce qui fait les oeuvres d’art picturales où le choix des couleurs et leur place dans l’espace sont des éléments fondamentaux choisis par l’artiste pour délivrer son message ou créer de la beauté.
Ces valeurs se retrouvent dans les oeuvres d’art mais aussi dans nos vies quotidiennes où chaque couleur, si elle n’est porteuse d’un sens absolu, est au moins porteuse d’une émotion dont le sens n’est pas forcément universel et est également choisie selon une émotion, celle-là forcément personnelle.
En Occident, les différentes nuances des sentiments amoureux s’expriment dans la gamme des rouges, du plus intense au plus léger, qu’on appelle le rose.
– Le sentiment exprimé par le rouge, c’est d’abord physiologiquement l’émotion brute et soudaine : on rougit de honte ou de plaisir par exemple. Ensuite, plus symboliquement, c’est la passion qu’il exprime, l’amour teinté de sexualité et de dangerosité. Dans sa version musicale ou littéraire, l’histoire de Carmen est universellement connue comme le mythe moderne de la femme libre, insoumise, inspirant la passion jusqu’à la mort des deux amants. Dans la nouvelle de Mérimée, le lien entre les sentiments qu’inspire la belle gitane et sa dangerosité s’expriment au premier regard, dans la couleur de ses vêtements : « Elle avait un jupon rouge fort court qui laissait voir des bas de soie blancs avec plus d’un trou, et des souliers mignons de maroquin rouge attachés avec des rubans couleur de feu.« Cette rencontre s’est faite un vendredi, jour de Vénus évidemment…
L’héroïne porte ainsi fièrement la couleur du sang, celui qu’elle fera couler, que ce soit celui de son précédent mari, le sien ou celui de son amant. Mais le rouge évoque aussi le sang spécifiquement féminin des menstrues qui effraie l’homme depuis la nuit des temps, sang frappé d’interdit dans la plupart des religions et auquel on associe superstitions, malédictions et sorcellerie puisqu’il sert également à fabriquer philtres d’amour et autres potions. La conjonction du rouge, du féminin et du vendredi, l’allusion à Vénus , évoquent d’ailleurs la magie d’amour qui nécessite tous ces éléments.
Du sang qui s’écoule uniquement du sexe féminin, on n’a alors pas de mal à associer sa couleur à la sexualité spécifiquement féminine et plus particulièrement libre et stérile. En effet, au XIX ème siècle, la sexualité de bonnes moeurs est conçue dans le mariage, dans le but de donner des fruits. La seule sexualité valorisée est celle de la femme mariée devenant rapidement mère. Carmen, femme licencieuse, scandaleuse et sans moralité a une sexualité hors mariage chrétien, qui ne la rend jamais mère et qui l’associe implicitement au démon, dont la couleur est également le rouge et qui, dans les traités de démonologie, était censé imposer des relations sexuelles dégradantes mais stériles aux sorciers et sorcières qui se vouaient à lui.
En effet, bien que cela ne soit pas son métier, Carmen utilise la sexualité et son corps lorsqu’elle en a besoin. Se dessine alors un autre rouge, celui des prostituées des temps les plus reculés jusqu’à une époque moderne où c’était encore la couleur qui les distinguait jusqu’à ce que des couturiers l’anoblissent et le rendent blanchi aux femmes, des plus célèbres aux plus ordinaires, à travers le cosmétique le plus populaire et le plus médiatique de l’esthétique féminine : le rouge à lèvres.
Le rouge, enfin réhabilité, devient alors celui de la beauté. Néanmoins, quelque chose de son essence scandaleuse reste puisque le rouge est une couleur finalement délaissée par les plus discrètes et qui sert toujours, à travers les roses, à exprimer l’amour passionné.
– Le sentiment exprimé par le rose, en revanche, comme en peinture, voit la passion dangereuse du rouge neutralisée par la pureté, la puissance virginale du blanc. Ainsi, le rose exprime beaucoup plus la tendresse, les sentiments romantiques exclusivement féminins mais excluant la sexualité au moins comme valeur de premier plan. Le rose étant en effet culturellement la couleur des petites filles, des guimauves et de la barbapapa, beaucoup associent au rose des valeurs mièvres où s’expriment les bons sentiments jusqu’à la niaiserie. Une vision qui pourrait se retrouver dans une expression telle que « voir la vie en rose » qui exprime bien cette façon de vouloir voir le monde avec des yeux d’enfant naïve, uniquement concentrée sur son plaisir et ses jeux, incapable de voir la laideur du monde qu’on appelle aussi réalité.
C’est un peu ce qu’on retrouve dans l’habillement kawaï des sweet lolitas du Japon où le rose domine et où les filles imposent au monde leurs valeurs romantiques et tendres. Dans leur univers, l’amour est un doux rêve où les femmes savent parfois retrouver leur nature de petite fille égoïste et heureuse. Une valeur confirmée dans les hôpitaux psychiatriques où le rose a démontré sa capacité à apaiser les humeurs et à faire ressentir le bonheur même à ceux qui l’avaient oublié.
On résume : vous voulez allumer, réchauffer l’atmosphère, le voir s’enflammer ? Portez du rouge. Si du rouge dans une chambre n’incite pas à dormir en échauffant l’esprit et en l’énervant plutôt que l’apaisant, un petit rappel de rouge invite néanmoins la sexualité dans votre chambre.
Vous voulez calmer ses ardeurs, imposer vos valeurs tendres, romantiques en entendant les faire respecter, vous faire respecter, vous et vos rêves de princesse ? Portez du rose et voyez si la vie se transforme à la faveur de votre rêve coloré.
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