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Beauté, relativité et temporalité

Dans ce qu’on appelle Beauté, il n’y a jamais d’absolu, jamais de fixité et ce qu’une époque a pu adorer, a pu trouver beau et désirable, une autre époque le trouvera méprisable et se demandera comment on a pu qualifier cela de beau. Pas seulement une époque mais aussi une culture tout entière. C’est vrai d’un point de vue esthétique : les tableaux adorés à une certaine époque peuvent être aujourd’hui complètement méprisés, oubliés, et de tous les ouvrages écrits qui parfois furent des révolutions pour leur époque, la plupart paraissent aujourd’hui vieillis, et personne ne les lit plus hormis les spécialistes. Et ce jusqu’à ce que quelqu’un d’influent les remette à la mode, les fasse redécouvrir…ou pas.

Lorsque nous regardons les vieux portraits des reines et princesses engoncées dans leur corset, cachées dans leurs froufrous, dénaturées par leurs perruques, on a bien du mal à s’imaginer ce que leurs contemporains pouvaient trouver de beau en elles.

C’est que nous rêvons la Beauté sous forme d’absolu en oubliant qu’elle n’est que la manifestation d’un temps et d’un moment, et avant tout l’objet d’un jugement. Il n’y a pas de beauté s’il n’y a pas d’oeil pour la voir ni de juge pour déterminer selon des critères très relatifs si c’en est ou ça n’en est  pas. En somme, dans chaque estimation de la Beauté, il y a une grande part de leurre, de mythologie et de conditionnement car étant intégrés à notre époque, nous ne pouvons qu’en subir les valeurs et donc involontairement, se les voir imposer plutôt que les accepter consciemment.

Nos critères esthétiques sont d’ailleurs également relatifs à notre désir d’intégration sociale par conformisme ou au contraire notre désir d’émancipation par l’exploration de voies différentes. Et effectivement, une personne en mal de reconnaissance sociale fera les choix de tout le monde et valorisera ce que la société valorise en termes d’art ou de beauté physique tandis que la personne en phase avec son identité et son individualité saura voir la beauté en dehors de tout conditionnement, là où tout le monde ne la verra pas mais où elle se niche peut-être malgré tout.

Cela veut-il dire que cette personne autonome est capable de voir la beauté de Marie-Antoinette ou d’autres souveraines telles qu’elles parurent à leur époque, à travers leurs portraits ? Même avec une formation d’historien ou d’historien de l’art, c’est une chose rigoureusement impossible. Appréhender la beauté d’une princesse ou d’une reine d’autrefois de la même manière que le faisaient ses contemporains ne peut s’esquisser qu’à partir de ce que nous ressentons devant une photo de Kate Middleton, par exemple.

Car la Beauté est une relativité de relativité et s’établit selon des critères restreints à partir desquels elle est envisageable. Si nous prenons pour base ces souveraines ou princesses auxquelles l’imaginaire a toujours donné à priori une forme de beauté de convention, on peut déjà poser un cadre théorique et plausible qui fait pencher le jugement de beauté beaucoup plus du côté de critères sociaux stricts que de critères philosophiques et éthérés. Ainsi, la beauté va se trouver plus facilement du côté de l’élite sociale qui comprend aussi les signes extérieurs tels que la minceur, les vêtements de luxe et les soins esthétiques spécialisés et difficilement accessibles, une histoire glamour qui fasse rêver, dans lequel le peuple puisse se reconnaître, des actions remarquables augmentant le capital sympathie de la personne ainsi jugée et avant tout une adéquation entre ce que nous attendons d’elle et la façon dont elle y répond. Kate Middleton en tailleurs élégants et Béyoncé en body, c’est la beauté. Mais l’inverse ne marcherait pas. Et Marlène Dietrich en bombe sexuelle d’aujourd’hui, ça ne paraît pas vraiment concevable à tout le monde.

Ainsi la Beauté, même si elle se rêve éternelle comme les philosophes la projettent et comme chacun se projette bien malgré lui, elle n’est que l’affaire d’une circonstance, d’une histoire, d’une émotion et donc d’un moment seulement. C’est ce qui fait que les vêtements, les coiffures, les silhouettes, attitudes, oeuvres et gens se démodent. Ce qui est démodé est ce dont nous nous sommes désengagés.

Oui, car la Beauté, c’est aussi une forme d’engagement, un pacte invisible entre la personne qui voit et la personne vue. Et l’oeil, le public, ce qui juge la Beauté, cruels, entendent la revoir telle qu’ils l’ont conçue à partir du moment où ils ne s’en sont pas désengagés. Mais gare à ceux qui trahissent ce pacte sans même le savoir, et ceux qui incarnent la Beauté reconnue n’ont pas intérêt à y faillir ! Ce sont les réseaux sociaux qui rendent le mieux compte de ces phénomènes : le scandale et les insultes qui ont explosé à partir de photos jugées imparfaites de Renée Zellweger, Uma Thurman et Angelina Jolie montrent à quel point la beauté, aussi désirable puisse-t-elle paraître, s’avère en réalité l’aliénante prison du relatif érigé en absolu.

Marlène Dietrich, qui était peut-être plus lucide que belle, l’avait bien compris puisqu’elle vécut sa vieillesse cloîtrée, refusant de montrer à chacun son délabrement physique pour que ne soient conservées d’elle que des images de sa beauté projetée de façon absolue. D’ailleurs, quelles beautés deviennent des icônes incontestées hormis celles fauchées en pleine gloire, avant tout démystifiant vieillissement et donc tout désengagement?

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Rondeurs, féminité et symbolisme

Pour parler du corps de la femme, on va souvent parler de rondeurs, à double sens. Le premier désigne les spécificités du corps féminin, plus en courbes que celui de l’homme, le second désigne des femmes dont la silhouette épaisse par rapport à la norme sociale accentue ces formes. Par un bel euphémisme, on glisse doucement de l’un à l’autre sans paraître offenser, en laissant croire, par ce glissement, que le corps plus rond est le propre du féminin, ce qui est malgré tout juste d’un certain point de vue.

En effet, si c’est juste du point de vue physiologique à cause des hormones et des grossesses que peuvent subir les femmes au cours de leur vie, ce n’est pas juste dans l’image donnée par les médias de ce qu’est un beau corps féminin dans notre société et à laquelle nous adhérons parfois malgré nous.
Le corps qui est beau est le corps qui est mince, voire très mince. Les rondeurs, elles, ne sont acceptées que depuis quelques années car on s’est rendu compte qu’elles constituaient une force économique. Un article du magazine ELLE révélait il y a quelques années que 80 % des femmes taillaient au minimum 40 tandis que les magazines représentent une image inverse, avec peut-être moins de 20 % de femmes taillant à partir de 40 sur les photographies.
Pourquoi un tel désaveu ?
Si à certaines époques et dans certains endroits du globe, les femmes bien en chair ont été appréciées, ce n’est pas le cas dans notre société.
Le corps des femmes, support de fantasmes, de peurs et d’idéaux est le plus aliéné des deux sexes dans une société patriarcale car c’est lui qui est vu comme un objet de convoitise. Selon s’il est gras ou mince, il signifie différentes choses et manifeste une tendance de toute la société.
Ainsi, si au Moyen-Age le corps fluet témoignait d’un plus grand attachement aux plaisirs célestes qu’aux plaisirs terrestres, la Renaissance célébrait la vie et ses plaisirs à travers la représentation de corps gras et puissants comme les femmes de Rubens ou le Christ athlétique de Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine. Mais après plusieurs famines et la Peste Noire pour décimer l’Europe, comment valoriser les corps maigres rappelant ces heures noires ? En opposition avec l’Eglise qui s’était montrée impuissante contre ces fléaux, la Renaissance fit le choix des plaisirs terrestres.
Et maintenant ?
Maintenant, le problème est inversé. Si après la Seconde Guerre Mondiale, le cinéma représente des femmes rondes parce que les années de guerre et de privations avaient donné, comme à la Renaissance, du goût pour l’opulence jusque dans les silhouettes, la société d’abondance, par un mouvement de balancier inverse, génère le goût contraire.
Ainsi, dans notre société, céder à la tentation de ce qui est disponible facilement est le propre de ceux qui ne savent pas se contrôler, se maîtriser, pense-t-on. Dans la majorité des cas, ces gens-là, on les appelle les pauvres – même si la réalité d’un surpoids dépasse la fiction sociale qu’on veut plaquer sur lui. Les élites urbaines savent conserver la ligne, la forme, par l’argent qu’elles peuvent mettre dans les régimes des stars d’Hollywood, les nouveaux sports en vogue à New-York, les soins esthétiques, et surtout, le triomphe de leur volonté.
En sachant rester mince à tout prix, on se montre compétitif, élitiste, adapté, quitte à ne pouvoir partager un repas entre amis parce qu’on suit un régime spécial. Il y a souvent un lien très net entre minceur très contrôlée et haut niveau social, et c’est d’autant plus vrai en vieillissant où le métabolisme n’aidant plus, rester mince demande un travail et des efforts constants qui s’opposent au laisser-aller des classes sociales plus basses.
Le laisser-aller, c’est justement celui dont on a besoin pour atteindre l’orgasme. Contre cette idée de l’hyper-contrôle, il y a cette contre valeur de l’abandon, de la lascivité qu’incarne la femme qui a des formes et qui, comme à la Renaissance, semble avoir choisi les plaisirs de la vie dans une existence où prime l’hédonisme plutôt que l’ascension sociale, et ce même si c’est faux et que la lutte contre le surpoids et la crédibilité au sein de son emploi sont au cœur de sa vie. Son corps doux, accueillant, évoque également les rondeurs maternelles, le moelleux d’une chair qui adoucit les angles des os saillants pour en protéger l’être aimé. Le corps d’une femme ronde est plus sexualisé : il faut mettre une fille très mince à moitié nue pour y trouver une paire de seins ou de fesses, sur le corps d’une femme ronde, on n’a pas besoin de chercher. Pour autant, il n’est pas vu dans sa beauté ou son côté charnel mais comme une difformité par rapport au corps mince ultra médiatisé et admiré.
Le problème de valoriser des silhouettes de femmes plutôt que l’intégralité des femmes est de créer chez les hommes une forme de schizophrénie sociale dans laquelle ils doivent choisir entre l’image qu’ils veulent donner d’eux-mêmes et la construction de leur bonheur personnel. La presse féminine a su le résumer ainsi :  » L’homme aime sortir avec une mince et rentrer avec une ronde. » Par ailleurs, si nous ne sommes habitués qu’à aimer un type de femmes qui n’est représenté qu’à 20 % dans la société, quelle place va-t-on faire aux 80 autres ?
En attendant, tous ceux qui subissent le phénomène sans le comprendre sont malheureux et bien que la société se mette peu à peu à changer pour les besoins du marché, désir d’ascension sociale et épanouissement personnel semblent ne faire bon ménage nulle part, et encore moins à travers le corps des femmes.

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Couleurs de robes et symbolisme

Les vérités universelles sont très rares. Elles ne concernent que ce qui fait l’espèce humaine au sens primordial du terme. Et tout le reste sera culturel et donc relatif. Mais c’est aussi ce qui fait l’intérêt des voyages, des échanges, des découvertes et de l’art.

La robe elle-même, considérée dans nos sociétés comme un vêtement exclusivement féminin, est le symbole de la féminité depuis la Renaissance, alors qu’elle peut être portée par des hommes dans d’autres sociétés et qu’elle fut d’ailleurs portée par eux avant cette période. Les couleurs, de même que leur simple emploi, la beauté également, sont tous relatifs et fluctuent d’une époque à une autre, d’un lieu à un autre.

Que racontent nos robes et leurs couleurs dans la culture occidentale ?

En blanc, nos robes parlent de mariage, mais seulement depuis celui de la reine Victoria, nous rapportent les sites d’histoire de la mode. Autrefois, on a pu se marier dans d’autres couleurs, mais la grande reine a définitivement imposé sa couleur et ce d’autant plus facilement que l’Eglise a entériné l’emploi du blanc dans le mariage car il symbolisait la pureté.

Au-delà des valeurs religieuses, le succès populaire que connaît le blanc lors du mariage est peut-être dû à sa charge symbolique. Pour Victoria, d’abord, qui a pu connaître cette couleur comme symbole de deuil. Porter du blanc lors de son mariage a pu signifier pour elle le deuil de son ancienne vie, comme l’exprime actuellement le rituel de l’enterrement de la vie de jeune fille. Par ailleurs, le blanc symbolise aussi, d’une manière peut-être plus obscure et inconsciente, le drap blanc immaculé d’une fille, d’une femme encore non déflorée.

Sur sa robe de mariée, Victoria s’affirmait pure et vierge alors que la coutume ne l’exigeait pas, ce qui fait aussi du blanc la couleur du caractère, de l’orgueil de Victoria qui, épousant un homme, s’affirme reine par dessus tout en affichant des choix aussi politiques que moraux dans sa simple façon de choisir une robe allant à l’encontre de ce qui a pu être fait auparavant.

Et si la robe de mariée blanche imposée par Victoria perdure, ce n’est pas parce qu’elle symbolise la virginité, valeur complètement démodée dans nos sociétés, mais parce qu’elle porte en elle l’essence du caractère royal de Victoria. Le jour de son mariage, l’épousée est considérée comme la reine du jour, celle dont la beauté et l’élégance ne doivent être éclipsées par aucune invitée. La longue robe, la traîne, la coiffe de la mariée vêtue de façon traditionnelle ne ressemblent à rien d’autre qu’au vêtement d’apparat d’une reine qui vient de se faire couronner. Le blanc symbolise le rêve de toute nouvelle épousée d’être pour son foyer comme Victoria, une reine puissante, emblématique, au règne prospère, long et inoubliable.

Les couleurs, quant à elles, si elles n’ont pas de signification fixe et universelle, leur emploi dans les robes de soirée a malgré tout un sens. Ainsi, dans Les ambassadeurs de Tanna, émissions où des polynésiens vont en Angleterre pour y rencontrer le Prince Philippe, le lord qui les habille en smoking pour la première fois de leur vie leur explique que si chez les canards et autres animaux, ce sont les mâles qui portent les couleurs et les femelles qui sont ternes, dans la société européenne, on a fait l’inverse. Il a raison. Et c’est pour les mêmes raisons que ces positions sont inversées. Dans le règne animal, le mâle doit séduire la femelle par ses belles couleurs pour qu’elle l’agrée puisqu’elle a l’embarras du choix. Dans la société occidentale, en revanche, c’est à la femme de multiplier les techniques de séductions passives basées sur l’apparence, pour des raisons culturelles d’abord, mais aussi parce que, même actuellement, son célibat et son instabilité amoureuse sont plus condamnés que ceux des hommes.

Enfin, la petite dernière par l’ordre d’apparition dans la vie civile et laïque des femmes, mais première par ordre de popularité, »la petite robe noire », grand classique de la garde-robe de la femme sobre et élégante mais bien insérée dans la société. Dans le code couleur de la mode, le noir a d’abord été utilisé par les anglais pour s’imposer complètement au XIX ème siècle, particulièrement dans les affaires. Le choix n’est pas anodin, il provient d’une volonté d’imiter le costume ecclésiastique qui, par son austérité, véhicule des valeurs de sérieux, de discrétion, d’efficacité, et de ce fait inspire confiance. Les hommes d’affaire en avaient bien besoin ! La mode s’est si bien répandue que ces valeurs continuent d’avoir cours en Occident au point que c’est généralement la couleur que nous employons le plus dans notre habillement.

Et la robe noire ?

Elle associe la couleur noire du costume masculin à la forme exclusivement féminine de la robe. Le message semble être celui d’un sérieux, d’une efficacité, d’une capacité de travail et d’adaptation exclusivement féminins. De fait, c’est le vêtement qui se porte au travail comme en soirée avec autant d’aisance, et qui suscite toujours l’admiration. La robe noire a sa place partout, peut s’acquérir à tous les prix. C’est même un classique indémodable revisité sans cesse par tous les créateurs de mode sans risque d’échec. Car la robe noire raconte une histoire. C’est celle d’une femme qui réussit alors qu’elle a tout demandé à la vie : les qualités et avantages que les hommes ont depuis des millénaires dans une incarnation et un mode de vie exclusivement féminins.

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Les secrets de l’élégance

Dans l’Hymne homérique consacré à Aphrodite, on apprend que la déesse, éprise d’Anchise, met des vêtements « magnifiques » et des bijoux en or pour le séduire. Cet adjectif, « magnifique », met l’accent sur la beauté tout en n’en disant rien. Le lecteur reste confronté à son imaginaire, à ce qui, pour lui, peut-être qualifié de magnifique.

Le terme d’élégance est encore plus obscur, à tel point que si on y réfléchit, on s’aperçoit qu’on se fait une idée vague de ce qu’est l’élégance, qu’on a toujours su s’en faire une idée mais que finalement, on n’en connaît pas la définition. Voici celle donnée par le petit Robert : » Qualité esthétique qu’on reconnaît à certaines formes naturelles ou créées par l’homme dont la perfection est faite de grâce et de simplicité ».

C’est là que le mystère devient entier, car la définition ne renvoie pas plus à quelque chose de précis. Quelles formes naturelles ? Quelles formes créées par l’homme ? Comment définir la grâce ? A quoi la reconnaît-on ?

Le langage ne parvient pas à circonscrire ce qui constitue l’élégance comme les théologiens ont rempli des milliers de livres aux innombrables pages pour expliquer qu’on ne pouvait connaître Dieu.

L’élégance a en effet quelque chose de divin : on la désire, la devine, la perçoit sans pour autant la connaître, ce qui est l’essence du divin. Pourtant, autant on est capable de reconnaître l’élégance, autant on est incapable de la définir. C’est d’autant plus vrai qu’aucun vêtement, aucun accessoire ne peut porter à lui seul la responsabilité de l’élégance qui consiste en une harmonie, une construction à laquelle doivent participer tous les éléments qui font dire d’une personne qu’elle est élégante. Une seule pièce inappropriée est capable de faire passer une tenue du divin au commun, ce qui fait de l’élégance un objectif aussi mystérieux, désirable que rarement atteint.

Cette abstraction pure, cet idéalisme esthétique mis en mouvement, ayant besoin d’un visage et d’un corps harmonieux pour lui donner vie et sens, c’est le but recherché par les créateurs de mode, tous mus par une philosophie et un objectif artistiques voulant élever les hommes et les femmes au rang de dieux.

Mais l’une des autres significations de l’élégance, plus personnelle, consiste en le bon goût d’une personne, lequel laisse deviner sa personnalité unique faite de connaissance souvent intuitive, de sensibilité particulière, de capacité à créer de la Beauté. Car dans l’élégance personnelle, ce n’est pas le créateur qui habille le mannequin et donne des directives concernant sa coiffure, son maquillage et ses bijoux. La personne élégante a elle-même construit sa beauté au moyen de vêtements, accessoires, coiffure, maquillage quand c’est une femme, sur la base de capacités que tout le monde n’a pas mais que tout le monde remarque.

L’élégance donne du prix à une personne même si celle-ci est par ailleurs pauvre, puisque le bon goût est une qualité intrinsèque qui n’a pas besoin de luxe pour s’exprimer. C’est comme une belle vitrine qui donne envie d’entrer dans un magasin et de découvrir les objets qu’il contient quitte à ce que ceux-ci soient sans intérêt. De la même façon, c’est l’apparence gracieuse d’un être qui semble promettre la beauté de son esprit, même si ce n’est qu’un leurre, l’élégance pouvant aussi bien être l’écrin magnifique de la plus vulgaire superficialité.

Et pourtant, la seule qualité d’être élégant peut également suffire en tant que manifestation réelle et tangible d’un état de grâce, d’une capacité à faire advenir la Beauté dans un monde contraint par la loi humaine de la nécessité. D’un seul coup, le besoin prosaïque de s’habiller plus ou moins chaudement selon le climat, à sa taille, de façon décente pour la société, etc; est éclipsé par la beauté, l’amour et l’art de le faire.

Et quand le style et les manières de Brummel faisaient seuls sa célébrité sous le nom de dandysme dans l’Europe du XIX ème siècle, de même que quand les rois de la sape magnifient par leur présence les rues boueuses des bidonvilles africains, on hésite toujours entre l’admiration et l’indignation. Pourtant, on finit par trancher en faveur de l’admiration, car les élégants, par leur présence, font s’unir le monde d’en Haut et le monde d’en Bas en une manifestation visuelle unique.

Grâce à eux, un peu de merveilleux pourtant accessible et public s’incarne dans le monde sensible pour transcender l’ordinaire.

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Le mystère de la ceinture

Dans la mythologie, la ceinture est l’accessoire grâce auquel Aphrodite se rend irrésistible, un charme d’Amour divin auquel nul n’échappe. Mais si Zeus ne parvint pas à y échapper lors de la Guerre de Troie, quand Héra l’utilisa pour intervenir dans le conflit à l’insu de son mari, il réussissait malgré tout à résister à son pouvoir avec sa fille adoptive. Mais c’était au prix d’un très grand effort. Pour se venger de le faire vivre dans cette tension permanente, Zeus condamna Aphrodite à s’éprendre d’un mortel, Anchise.

Cette ceinture permit aussi à Aphrodite de manipuler le bel Adonis qu’elle aimait mais qu’elle devait partager avec Perséphone, la première parce qu’elle l’avait découvert, la seconde parce qu’elle l’avait caché et protégé. Dans la rivalité qui opposait les deux déesses, le tribunal des dieux avait tranché le conflit ainsi : le temps du bel Adonis devait être partagé en 3. Dans le premier, il vivrait avec Perséphone, dans le second, avec Aphrodite, le dernier, il le passerait seul. C’est le moins qu’il lui fallait pour se reposer un peu après tant de sollicitations amoureuses…

Mais la ceinture perturba ces règles : le temps qu’il devait passer seul, il le passa avec Aphrodite, et ce ne fut qu’à contrecoeur qu’il consacra le temps imparti à Perséphone, quand il le lui consacra.

Cette tricherie illustre parfaitement le pouvoir de la ceinture de la déesse de l’Amour et de la Beauté.

Comment la ceinture peut-elle être conçue comme un accessoire divin qui rend irrésistible ?

Voyons le vêtement grec antique, le péplos, comme on a pu le rencontrer sur les statues, les bas-reliefs et les poteries. Une longue masse de tissu qui drape le corps d’une seule pièce comme le fait toujours le sari, mais à partir des épaules et non de la taille. Enveloppant le corps, il drape, cachant la nudité et protégeant tout ce qui doit l’être. Mais cette pièce de tissu adopte son propre tombé, et des épaules jusqu’aux chevilles, la pièce de tissu n’a pas vraiment d’autre alternative que de former un large rectangle aux plis irréguliers dont ne doit saillir à peu près que la poitrine.

Les découvertes récentes visant à comprendre les mystères de la séduction révèlent que ce n’est pas la taille ou le poids qui importent dans l’estimation de la beauté d’un corps et son attraction, mais le rapport entre les seins, la taille et les hanches. Une taille fine et des hanches larges sont universellement reconnus comme des critères de beauté d’un corps jusqu’à un niveau si profond qu’il est inscrit au coeur de l’espèce toute entière. Car de toutes les femmes, celles qui possèdent ce corps sont celles qui seront les plus aptes à mettre au monde des enfants en bonne santé.

Ce critère-là, loin d’être basé sur l’esthétique propre à une civilisation, est répandu à l’échelle planétaire et conditionne même ceux qui ne veulent pas d’enfants ! Comment s’étonner de l’universalité d’une attirance sans lui donner un caractère divin, lorsqu’on ne fait que la constater sans la comprendre ?

Et la ceinture ?

La ceinture, qui était un accessoire du péplos et qui existe toujours, est ce qui va révéler la perfection d’une silhouette irrésistible. En ceignant la taille, la ceinture va accentuer la courbe des hanches qui reste ordinairement dissimulée sous le drapé des vêtements. La même femme, d’abord simplement drapée de ce rectangle ou de n’importe quel autre vêtement large, puis la taille sanglée de sa ceinture, passera facilement du statut d’ordinaire au statut de d’irrésistible, de divine, en révélant à tous ce dont l’homme a besoin pour s’enflammer, ce que l’espèce choisit en priorité pour se reproduire et se perpétuer.

Cette silhouette à la taille affinée et aux hanches révélées, est celle qui a le plus été choisie dans l’histoire de la mode, les corsets formant à leur manière une sorte de ceinture en comprimant l’abdomen et donnant alors plus d’amplitude aux hanches et aux seins.

Cette silhouette est aussi celle des pin up des années 40 à 50, Marylin en tête, restées inoubliables, toujours enviées et désirées.

Etrangement indémodables…

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Signifier et embellir par le vêtement

Le vêtement est le plus fascinant, le plus complexe, le plus complet des créateurs de beauté sociale. Obligatoire et nécessaire dans la majorité des sociétés, il répond à des impératifs fondamentaux constructeurs de civilisation. Il répond de ce fait à plusieurs objectifs depuis des millénaires : protéger contre le froid et couvrir la nudité.

D’après Freud, et selon toute vraisemblance, la civilisation n’a pu se créer qu’à partir d’une répression des pulsions et instincts sexuels des hommes qui, déviant les intérêts collectifs de l’activité sexuelle, les ont projetés ailleurs, dans les constructions intellectuelles et artistiques qui ont fondé la civilisation. Cacher la nudité par des vêtements en est le pilier fondamental.

Culturellement, cela peut se traduire chez les Grecs par l’éviction d’Eros et la victoire d’Aphrodite comme divinité de l’Amour.

Dans la mythologie, on raconte qu’Aphrodite fut habillée par les Nymphes dès sa sortie de l’eau. Bien que représentée nue dans l’inconscient collectif, Aphrodite est bien plus souvent une déesse habillée…

Le paradoxe de l’intégration du vêtement dans la société est qu’il est basé au départ sur une contrainte, celle de cacher la nudité. C’est de cette contrainte que va se créer une sorte de page blanche, un espace de liberté, ou hors nudité, on peut tout montrer. De ce fait, le vêtement peut et sait tout exprimer !

Il peut être politique avec des tee-shirt à messages, le choix exclusif de matériaux naturels, l’absence de fourrure, les vêtements indiens de coton filés à l’instigation de Ghandi à l’époque de sa lutte pour l’indépendance, les chemises unisexes à col Mao pour les chinois qui inscrivent l’individu dans le tout politique plutôt que dans le clivage des genres, aboli aussi par les vêtements.

Il peut exprimer un état d’être psychologique avec des vêtements noirs et dissimulant toutes formes pour les gens complexés ou déprimés, des vêtements inappropriés, usés, tachés et endommagés pour ceux qui cumulent mal-être psychologique et détresse sociale.

Il peut encore exprimer plein d’autres choses : l’appartenance sociale, religieuse, l’identification à un groupe, une idéologie, le souci de plaire, d’être à la mode, la volonté d’exciter, d’affoler, mais aussi la créativité, le souci d’étaler ses richesses, la fidélité à un créateur, à une marque, une maison de couture, à son identité nationale. On peut encore célébrer un événement grâce à des habits de fête, signifier son respect par des vêtements soignés, afficher son sérieux par des habits appropriés à l’entreprise, etc..

La société entière s’exprime sur cette page blanche qu’est le vêtement !

Et la Beauté, dans tout cela ?

S’habiller en beauté n’a que deux pré-requis. Le premier est que la Beauté s’exprime selon des critères de société qui l’ont définie, et il est donc impossible de la concevoir sans l’acceptation indirecte de ces canons, dussent-ils changer selon l’époque et le lieu. Le second, c’est que créer sa Beauté en vêtements n’est possible qu’en la construisant avec le corps qu’on a et non celui qu’on voudrait ou devrait avoir. S’habiller en respectant la Beauté, c’est s’habiller en respectant sa beauté, celle dont la déesse a fait don.

A  partir de là, les règles sont très simples. Quelles que soient les coupes, les matières, les couleurs, il s’agit de mettre en avant ce qu’on possède de « beau », c’est-à-dire conforme à l’idée que s’en fait la société, et flouter, cacher ou améliorer ce qu’on possède de moins beau, le tout sans souci de mode vestimentaire, de nom, de marque, de prix, sachant néanmoins que les tissus rigides redessinent les formes en leur donnant des frontières et limitant leurs débordements, les tissus légers épousent et soulignent des formes idéales.

Ces règles étant posées, il ne faut pas oublier que cette nouvelle création de son corps ne peut être harmonieuse que si formes et couleurs s’associent de façon agréable à l’oeil, c’est-à-dire avec art, et c’est certainement ce qui sera le plus dur.

En effet, motifs et couleurs sont désormais ce qui se démode le plus vite par l’usage rare qu’on fait de certains d’entre eux – pour une « saison » ou deux, pas plus – inscrivant irrémédiablement une date sur une pièce aimée. Associer des pièces unies, à une pièce à peu de motifs, une seule pièce extravagante contre toutes les autres ultra-classiques ou encore choisir des couleurs neutres, intemporelles, des formes simples, des lignes épurées augmenteront le potentiel de Beauté éternelle d’une tenue, mais cela se fera toujours aux détriments d’une certaine originalité.

Enfin, dernier point, peut-être le plus inattendu. Il n’est rien de plus authentiquement et mystérieusement féminin qu’une belle jupe ou une belle robe longue faite de tissus légers et souples qui se soulèvent et ondulent à chaque mouvement de la femme mais qui n’en dévoilent rien. Ainsi, il n’est pas rare de voir des hommes se retourner avec admiration devant un tel archétype de la Beauté féminine : une femme marchant avec une jupe longue faite de voiles qui s’envolent gracieusement.

Car nous aimons d’abord ce que nous projetons, et il n’est rien de plus beau qu’un corps qu’on rêve parfait tant qu’on ne l’a pas vu…hormis un corps imparfait mais enfin connu. Car c’est de cela qu’est fait l’amour : de rêveries, d’attente mêlée de respect et de désirs enfin comblés.

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