Mois: décembre 2014

Pourquoi notre sexualité est-elle compliquée ?

Depuis que les hormones se sont manifestées et peut-être même avant, nous percevons que la sexualité est l’une des plus grandes aventures humaines qu’il y ait à expérimenter dès lors que la vie nous a été donnée.

Et pourtant, en la vivant, nous sommes loin d’être tous et tout le temps au Paradis. Pourquoi ?

Tour d’horizon de ce qui constitue le domaine de la belle Aphrodite et ses complexités…

– La sexualité est inscrite au coeur de l’espèce. Se reproduire est vital pour la survie de l’espèce et donc impérieux. Le désir d’avoir des enfants nous traverse tous un jour même si ça ne doit ni rester ni se concrétiser. Le premier problème qui se pose par rapport à cette nécessité, c’est que contrairement à ce qu’on voit dans les documentaires animaliers, nulle saison des amours ne vient déterminer et simplifier la sexualité, le deuxième, c’est que nous avons beau appartenir à une espèce, ce ne sont plus ses lois qui nous gouvernent majoritairement mais celles de la société. Et si par exemple, faire un enfant se conçoit selon les lois de l’espèce, accueillir un enfant se fait selon les lois sociales. Trouver l’équilibre entre ces 2 mondes et réalités peut déjà s’avérer délicat.

– La sexualité peut être le point culminant d’un désir amoureux mais aussi du désir de détruire. Cet étrange paradoxe est au coeur de toutes les questions les plus importantes, souvent secrètes et taboues, liées à la sexualité. Comment peut-elle offrir à la fois le meilleur, le plaisir et la vie, et le pire, l’humiliation et la destruction qui conduisent à la mort psychologique voire physique ? Le viol, véritable arme de guerre en temps de conflit, est aussi le spectre menaçant qui hante toutes les femmes qui en comprennent le risque dès leur enfance, et qui le vivent réellement, parfois dès leur enfance, loin de tout conflit. Dans ces moments-là, le sexe devient réellement ce à quoi il ressemble : une arme plantée dans le corps de la victime. Cette dimension de la sexualité fait également peser sur l’homme une pression : celle de devoir prouver qu’il n’est pas le monstre que la femme craint, ce qui génère aussi de la souffrance.

– La sexualité a une histoire qui pèse sur nous tous, hommes et femmes, et nous pousse inconsciemment à jouer des rôles et prendre position. Le plaisir féminin a pu y être brimé, bridé, générant des craintes et des préjugés incitant à vouloir le limiter par peur de son déchaînement et de la bâtardise. Le plaisir masculin, lui, est l’héritier des préjugés romains sur la virilité qui font également peser sur les hommes l’obligation contraignante de la performance. Mais si toutes ces notions tendent à se relativiser avec des réflexions sociologiques et psychologiques de meilleure qualité, elles sont passées dans la culture et l’éducation, et si elles ne sont pas réinterrogées, elles demeurent un socle malheureusement encore trop stable pour ne pas entraver l’épanouissement à deux.

– Notre sexualité a son histoire, celle de notre construction personnelle et psychologique relativement à elle : ce à quoi nous avons été confrontés, ce que nous avons vécu, compris, ce qui nous a traumatisés, parfois, l’image que nous nous en sommes fait. Une expérience que nous avons eue peut hanter toutes nos autres relations, ou bien encore le comportement de notre père à qui nous voulons ressembler ou non, si on est un homme, les souffrances de notre mère ou au contraire sa tendance envahissante au bonheur et au plaisir qui peut nous entraver si nous sommes une femme, etc., tout peut faire obstacle, momentanément ou non. Ou à l’inverse, nous construire.

– La sexualité est aussi conditionnée par la société dans laquelle on s’inscrit. Or, notre société est une société de consommation qui a eu la bonne idée de s’appuyer directement ou indirectement sur le sexe pour prospérer car elle sait que plus elle en parle et plus on écoute. Mais justement, là est le problème. Entre les études scientifiques qui nous expliquent combien de fois il faut le faire pour créer des anticorps, brûler des calories, avoir une espérance de vie plus longue, être une meilleure mère, un père plus zen quand la vraie motivation de ceux qui véhiculent ces informations est de booster leurs ventes, notre sexualité peut avoir tendance à virer à l’expérience médicale. D’un autre côté, les informations concernant le nombre de fois où on le fait, comment on le fait, où on le fait instituent implicitement des normes qui génèrent des angoisses inutiles et douloureuses chez ceux qui ne s’y reconnaissent pas à 100 %. Parallèlement, les films porno génèrent des complexes de taille et de performances chez les hommes, et font prendre des comportements avilissants pour des normalités à ceux et celles pour qui cela tient lieu d’éducation sexuelle.

– Enfin, et le plus important, la sexualité a une actualité dans la relation qu’entretient le couple qui la partage mais dans laquelle chacun la vit malgré tout à sa manière. Et cette actualité évolue à chaque nouvelle relation sexuelle, qu’elle se vive dans l’extase ou dans les difficultés, entraînée par la qualité du lien existant entre les deux membres du couple…ou bien l’entraînant. Car parfois, sans qu’on le sache consciemment, quelque chose vient perturber l’équilibre d’un plaisir qui se construit comme une cathédrale, certes avec le concours des autres, mais vers une unité qui a emprunté tant de chemins pour se réaliser. C’est pourquoi, comme les architectes qui les construisaient, il faut veiller à faire les réajustements nécessaires à son équilibre, à chaque fissure menaçant ce plus grand et complexe édifice de l’aventure humaine.

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En quoi consistait la séduction de Cléopâtre ?

Reine déjà mythique de son vivant, aucune ne fascine autant que Cléopâtre VII dont le rôle n’aurait pas été si important si elle n’avait vécu à un moment critique de l’histoire, entre l’instauration de l’empire romain et la chute de l’Egypte ptolémaïque, qui eurent lieu à sa mort.

Les textes qui parlent de Cléopâtre émanent tous d’historiens romains, pas forcément objectifs, pas forcément ses contemporains, et dont la rigueur scientifique peut être contestée puisque dans l’Antiquité, collecter des histoires pouvait sembler suffisant. Néanmoins, si plusieurs historiens et auteurs romains se sont donnés autant de peine à parler d’elle, surtout en mal, c’est qu’effectivement, elle avait marqué les esprits comme aucune femme ne l’avait fait auparavant. Et de fait, elle avait séduit César et Marc-Antoine et leur avait donné des enfants.

D’après ce que nous ont laissé les historiens romains, comment y est-elle parvenue ?

– Par sa beauté ?

Seules les monnaies offrent un profil réaliste, d’autant plus qu’elles sont les seules représentations à avoir été faites de son vivant. Oui, son nez est grand, non, elle ne paraîtrait pas belle aujourd’hui, mais que sait-on des critères de beauté de l’époque ? Beaucoup d’historiens parlent de sa beauté légendaire bien que Plutarque nuance le propos : «  Sa beauté, considérée en elle-même, n’était pas si considérable qu’elle ravit d’étonnement et d’admiration« . Plusieurs choses entrent en ligne de compte dans l’estimation de sa beauté dont son caractère et, circonstance non négligeable, son statut royal qui lui offre la meilleure alimentation, les meilleurs soins de santé, les plus beaux vêtements et soins cosmétiques du monde antique, auxquels les autres femmes n’avaient pas accès.

Par contraste, déjà, la différence devait être remarquable !

– Par son pouvoir

C’est une donnée que beaucoup oublient : le pouvoir a quelque chose d’attrayant, voire d’érotique. On s’étonne toujours de voir des chefs d’état laids comme des crapauds séduire tant de femmes. Pourtant, il est dans l’instinct des créatures sociables et qui vivent en groupe de vouloir se rapprocher du plus fort. Cléopâtre était une reine, et de surcroît avait non seulement le pouvoir mais aussi l’étoffe d’un chef d’état, n’hésitant pas à faire assassiner ceux qui l’entravaient, dont son frère et mari, séduisant le colonisateur romain dans le but de voir l’Egypte jouir d’un statut privilégié et plus durable dans l’Empire romain que sa propre existence grâce à l’héritier qu’elle lui aurait donné. Un projet que l’assassinat de César déjoua.

Une reine d’un tel niveau d’intelligence politique devait forcément fasciner les romains qui avaient réduit leurs femmes au rôle de génitrices !

– Par son pouvoir de la mise en scène

Dans la vie de César, Plutarque rapporte que Cléopâtre répondit à une de ses convocations enveloppée dans un sac à matelas pour entrer incognito dans le palais. L’historien prétend que c’est ainsi qu’elle le séduisit. Pour Marc-Antoine, elle apparut sur un navire d’apparat aux voiles pourpres, voguant au son des flûtes, des lyres et des chalumeaux. Couchée sous un pavillon brodé d’or, de l’encens brûlait. L’invitant à souper, des flambeaux attachés au sol ou à la muraille dessinaient des formes géométriques magnifiques et brillantes dans l’obscurité de la nuit. Ce spectacle fut pour lui impressionnant et inoubliable.

Avec l’électricité, Madonna et Beyoncé bénéficient de meilleurs moyens techniques mais utilisent toujours les mêmes vieux trucs à l’efficacité incontestée !

– Par une culture remarquable

Plutarque rapporte que Cléopâtre était polyglote, parlant la langue  » des Ethiopiens, des Troglodytes, des Hébreux, des Arabes, des Syriens, des Mèdes, des Parthes« , et d’autres encore, ajoute-t-il. Elle a reçu la bibliothèque de Pergame donnée par Marc-Antoine et qui était constituée de 200 000 volumes. Jadis comme de nos jours, les bibliothèques ne sont pas de nature à intéresser tout le monde. Des livres de cosmétiques et de magie sont même censés avoir été écrits par elle. C’est certainement sur cette base que Plutarque peut dire que sa conversation et » son commerce », c’est-à-dire, sa fréquentation, étaient ce qui la rendait irrésistible.

Car si c’est facile d’être ébloui quelques minutes par une belle femme, c’est encore plus facile d’être ébloui durablement par une femme brillante.

– Un don pour la psychologie

De Plutarque à Pline l’Ancien en passant par Suétone, maintes anecdotes relatées par eux démontrent que la reine était une personne comprenant fort bien ce que désiraient les uns et les autres et savait au moins s’y adapter, au plus les contenter. D’après Plutarque, Antoine ayant parlé comme un soldat, elle lui avait répondu de même, avec la même brutalité. Mais surtout, elle l’accompagnait dans ses parties de chasse, exercices militaires, elle jouait et buvait avec lui, et même, l’accompagnait dans ses plaisanteries, s’habillant en servante quand lui-même s’habillait en valet. Par ailleurs, tant dans la vie de César que de Marc-Antoine, on peut lire que ces 2 hommes aimaient le luxe à des niveaux scandaleux.

Est-ce pour cela que Cléopâtre les régalait de dîners somptueux dont un en particulier au cours duquel, nous rapporte Pline l’Ancien, la reine avala une perle valant une fortune après l’avoir en partie dissoute dans du vinaigre, pour montrer à Marc-Antoine qu’on pouvait encore augmenter la magnificence de ses repas ?

La question reste posée parce que les vraies motivations de Cléopâtre restent un mystère, mais chacun de ses agissements est un petit indice de ses intentions et plus encore de ses capacités.

En résumé, vous voulez obtenir le pouvoir de séduction de la reine Cléopâtre ?

Une seule voie s’impose : d’une manière ou d’une autre, soyez exceptionnelle par des qualités qui vous mettent à la fois en dessous des autres ( elle était femme dans un monde d’hommes ), à égalité avec les autres ( elle était chef d’état et active politiquement au milieu d’hommes qui avaient le même rôle politique à Rome ) et malgré cela bien au-dessus des autres ( elle était une femme brillante et cultivée face à des soldats ).

Mais ne me demandez pas comment on arrive à un tel équilibre…

– Les citations ou affirmations de Plutarque proviennent soit de sa Vie de Marc-Antoine ( références les plus nombreuses ) soit de sa Vie de César.
– La référence à Pline l’Ancien provient de son Histoire naturelle.

En savoir plus sur Cléopâtre, c’est possible aussi sur le blog consacré à ses cosmétiques : Le labo de Cléopâtre. Pour la version de son cosmétique, vous le trouverez sur ma boutique Etsy consacrée aux parfums de l’Antiquité.

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Il n’y a pas de beauté sans force

En 1789, une pétition de femmes du tiers état fut adressée au roi de France. Elle demandait une formation pour les filles du peuple et le fait de réserver aux femmes certains métiers afin de pouvoir vivre dans la dignité. C’étaient des femmes de modeste condition évoquant la misère de leur sort et demandant humblement le droit à une vie meilleure.

Dans cette pétition, le sort des femmes est évoqué ainsi : les laides avaient droit à une vie de femme mariée entre rudes tâches et grossesses multiples, les belles, elles, avaient droit à un sort pire si elles étaient pauvres, ne bénéficiant ni de protection ni d’éducation car elles étaient rapidement séduites, poussées à la faute. Et de la faute à la femme perdue, elles devenaient prostituées dans les villes avant de s’éteindre dans la misère.

1789. Une date clé pour l’histoire de France. C’était la faute du système monarchique, des inégalités propres à ce temps là. Non. Au XIX ème siècle, on retenait le même genre de pauvres filles dans les lupanars  au moyen de dettes qu’elles ne pouvaient rembourser. Quelque part, n’importe où, partout dans le monde, la beauté est une valeur monnayable, exploitable. Au mieux, elle fait la fortune et le succès d’une jeune fille devenue mannequin surpayé pour porter de jolis vêtements. C’est la minorité. Sinon, vous l’avez vue nue dans un porno, croisé son regard dans une rue où elle se vendait, et plus généralement, elle est en représentation ou à la vente un peu partout dans le monde.

Les inégalités n’ont pas attendu 1789 et 1789 ne les a pas abolies. Dans ce monde conçu comme un grand marché, il y a l’offre et la demande. Et la beauté fait l’objet d’une telle demande depuis toujours ! Elle est l’idéal à atteindre pour les femmes, ce qu’il faut posséder pour les hommes. Des rêves, des désirs ! Et dans les réalités sociales, qu’est-ce que ça donne ?

Et bien, comme le disaient les femmes de la pétition, celles qui sont belles et n’ont aucune force pour protéger leur beauté, le destin est plus dur que pour celles qui sont laides. Et pour celles qui peuvent s’appuyer sur d’autres forces, économique, psychologique, intellectuelle ou sociale, l’avenir est meilleur, surtout quand on est belle. Car la beauté aussi est une force, à condition qu’elle ne soit pas seule.

Ces forces peuvent jouer de diverses manières et se combiner, le summum étant d’être riche, bien entourée, forte psychologiquement et dotée de bonnes capacités intellectuelles. Mais on peut très bien n’avoir que les forces économiques et sociales, comme ces filles de milliardaires qui peuvent se permettre de se mettre nues et être adulées comme des icônes de mode et de beauté quand celles qui font le trottoir font la même chose plusieurs fois par jour tout en n’engendrant que mépris.

On peut aussi être forte psychologiquement sans être riche, cultivée ni même fortement entourée et engendrer le respect grâce à cela.

Parfois, une seule force suffit à compenser les autres faiblesses.

Mais quand il n’y a rien…

Quand il n’y a rien, c’est comme dans le règne animal. Le prédateur guette sa proie, l’isole de son groupe si ce n’est déjà fait, gagne sa confiance, la fait peut-être s’éprendre de lui pour que la dépendance soit plus solide ou lui promet monts et merveilles, tout ce dont elle peut avoir besoin pour vivre et rêver, ce qui lui manque cruellement. Et puis…Comme dans le règne animal, le plus faible disparaît…

On croit que seuls les animaux vivent des vies d’animaux mais c’est faux. Les mêmes lois silencieuses s’appliquent chez les humains, mais les discours sociaux, philosophiques et politiques nous jettent de la poudre aux yeux en voulant nous faire croire que notre supériorité morale et intellectuelle nous ont mis au-dessus de ces lois primaires.

Et la beauté dans tout cela ?

Si on s’imagine qu’on peut la considérer « en soi », comme un philosophe, alors on s’illusionne. Aucune femme dont on profite, use et abuse ne reste belle, dût-elle être aussi parfaire qu’un statue. Car la beauté, c’est d’abord la force, la force du respect qui seul peut la soutenir.

Celle qui est belle, c’est celle qu’au mieux on aime, qu’au minimum on respecte, dût-elle être laide. Car la beauté, avant d’être dans l’oeil de celui qui regarde, est dans l’esprit de ceux qui ont intégré, comme tout animal et tout humain bien qu’il s’en défende, que la loi la plus haute, c’est la loi du plus fort, quelle que soit la forme de cette force.

C’est pourquoi nous pouvons en être assuré : malgré ce qu’ont pu en dire Platon et tous les autres dans leurs rêveries, il n’y a pas de beauté en soi et il n’y a de beauté que dans la force.

Pour ceux que ça intéresse, la pétition des femmes du tiers état, elle est ici : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k426525

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Magie d’amour et cheveux

A la grande honte de l’Europe très civilisée, et notamment de la France dont le cartésianisme fait la fierté, nous avons connu une longue période durant laquelle la magie fut pratiquée. Le problème est qu’elle ne fut pas pratiquée que par des ignorants, comme on veut parfois nous le faire croire, mais aussi par les plus grands savants. Et c’est surtout au pays de Descartes qu’on refuse de savoir que les plus grands scientifiques, comme Einstein ou Freud, entretenaient un rapport particulier à l’esprit et à la matière et avaient des pratiques superstitieuses et magiques. Newton, plus ancien, s’adonnait avec fièvre à l’alchimie.

Dans ces pratiques, surtout celles de la magie d’amour, Aphrodite, Vénus, ont été très présentes, mais les cheveux ont également tenu une place de choix.

Si vous passez par ici, préparez-vous à un voyage au coeur de pratiques qui se sont transmises dans tous les ouvrages spécialisés d’Europe, et qui, en délit de désuétude et d’absurdité ont fait la honte de l’Europe avant de devenir le fonds de l’imaginaire de la société de loisirs qui y puise l’inspiration pour ses romans, films et séries fantastiques, ses jeux video, etc.

Les sortilèges qui suivent viennent du livre d’Alexandre Legran ( un pseudonyme, sans doute ), Les vrais secrets de la magie noire, applications, non daté mais certainement du XIX ème siècle, et qui reprend les sorts de livres plus anciens comme ceux du Grand et Petit Albert, qui datent du Moyen-Age. On trouve cet ouvrage sur le site de la BNF, l’excellent Gallica.

Quelques pratiques divinatoires

– «  La veille de la Saint Pierre, choisir 5 clés. Faire avec ses cheveux une natte à 3 mèches dont on attache les extrémités en en faisant 9 noeuds après les avoir passés dans les têtes de 9 clés. Lier le tout ensemble au poignet gauche au moyen de la jarretière de la jambe gauche et serrer l’autre jarretière sur le front en invoquant :  » St Pierre ne vous courroucez pas. Pour essayer votre faveur, j’ai agi de la sorte. Vous êtes le seigneur des clés, exaucez-moi, je vous en prie; donnez-moi la preuve de votre pouvoir; et faites-moi voir mon amant et mon futur époux. Amen. »

Ici, les cheveux de la personne la symbolisent tout entière, elle et sa destinée. Le noeud autour du poignet gauche, région d’habitude dévalorisée, représente le lien avec la région du coeur. Saint Pierre ouvre les portes du Paradis, et donc, pourquoi pas, celles du Paradis sur Terre qu’est l’amour ? La pratique semble demander au moyen de symboles :  » Qui m’emmènera au Paradis ? »

 » La nuit de vendredi qui précède le dimanche de la Quasimodo, pars seule en secret pour un carrefour à 4 chemins dans la campagne. Arrivée là, défais ta chevelure et rejette tes cheveux en arrière, comme les portaient autrefois les prophétesses en Celtide. Tu auras pris à la maison une aiguille qui n’aura jamais servi et te piquant le petit doigt de la main gauche, tu laisseras tomber 3 gouttes de sang sur le sol en répétant à chaque fois :  » Je donne mon sang à celui que j’aime, que je vais voir et qui sera à moi. » Alors la forme de ton futur s’élèvera doucement pour s’évanouir aussitôt qu’elle sera formée. »

La suite consiste en remerciements aux esprits élémentaires et le livre précise bien qu’il ne faut en manquer aucune prescription sous risque d’accident mortel.

Il y aurait bien des choses à dire sur le rite du sang et l’installation à un carrefour, mais restons-en aux cheveux. Ici, ils ne sont qu’un cliché, le fantasme projeté de la prophétesse Celte qu’on n’a pas connue et qu’on s’imagine seulement, mais c’est pourtant ce qui permettra l’identification grâce à l’état modifié de conscience.

Quelques sortilèges

D’après Papus, célèbre mage du XIX ème siècle, le philtre d’amour se théorise. Il faut frapper l’imagination de la personne qu’on veut atteindre et fixer son fluide magnétique grâce à des substances qui les condensent comme le sang, les cheveux, etc. Si quelqu’un a compris…

– «  Pour que la personne dont vous possédez l’amour vous soit fidèle, prenez une mèche de ses cheveux, brûlez-la et répandez-en la cendre sur le bois de son lit après l’avoir frotté de miel. Elle ne rêvera que de vous. »

Ici les cheveux sont brûlés, comme si on voulait anéantir la personnalité potentiellement trop rebelle de l’être aimé. Dans la magie d’amour, les cheveux valent pour des substances aussi personnelles que sang, sperme et salive, tout ce qui nous fait accéder facilement à notre carte d’identité interne : l’ADN. On brûle sa volonté, on l’adoucit par le miel en on crée une enceinte autour de son lit pour qu’elle ne puisse s’échapper.

« Prenez 5 de vos cheveux, unissez-les à 3 de la personne que vous aimez et jetez-les dans le feu en disant :  » Ure, igne, Sanctis Spiritus, renes nestros et cor nostrum, Domine Amen. »

Cinq cheveux contre trois pour signifier peut-être une domination de la personne qui aime sur celle qui est aimée. La phrase en latin se retrouve très habituellement dans les missels et demande à ce que nos reins et coeurs soient brûlés, ce qui, tourné de façon métaphorique, évoque l’amour : « le coeur » et la sexualité : « les reins ».  En détournant la prière chrétienne pour un projet profane et amoureux, on s’assure ici du concours dérobé de la puissance divine puisque les mots sont d’habitude récités dans de pieuses intentions. Les cheveux brûlés de chacune des personnes destinées à faire un couple valent pour un acte en mimant symboliquement la chose demandée.

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Chevelure et voyage, selon Baudelaire

La chevelure

« Ô toison, moutonnant jusque sur l’encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir !

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d’autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.

J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l’ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève !
Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :

Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse
Dans ce noir océan où l’autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé !

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m’enivre ardemment des senteurs confondues
De l’huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ? »

Avec la propriétaire de cette chevelure, Jeanne Duval, surnommée la Vénus noire, Baudelaire aura sa relation la plus  passionnée en même temps que la plus tumultueuse, sur fond de drames et de misère sociale. La particularité de cette femme est d’être une métisse dans un Paris du milieu du XIX ème siècle qui en connaît peu en dehors d’Alexandre Dumas.

Dans sa chevelure, Baudelaire retrouve l’essence même de l’altérité, si attirante chez l’autre, promesse d’harmonie, comme si s’unir à l’inverse de ce qu’on est nous promettait de devenir enfin complet. Ses cheveux longs presque crépus sont un  élément de l’identité de Jeanne, car au milieu des cheveux européens, ils se distinguent facilement.

L’altérité, c’est d’abord le féminin, quand on est un homme, particulièrement hétérosexuel. C’est aussi l’origine ethnique, visible dans leur matière, leur couleur, leur densité :  » la langoureuse Asie et la brûlante Afrique, tout un monde lointain, absent, presque défunt, vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !« .

La chevelure de Jeanne se distingue aussi par ses parfums :  » l’huile de coco, du musc et du goudron« , typiques des Caraïbes. L’huile de coco prend soin des cheveux afro, le musc les parfume d’une façon toute bestiale et sensuelle, et le goudron, encore malheureusement quelquefois utilisé, a pu les discipliner et les mettre en forme en ce XIX ème siècle.

Pour un français, quel exotisme !

Oui, mais Baudelaire n’a pas connu que la France. Pendant 7 mois, sa famille lui a imposé un voyage qui comprit l’Inde et l’île Maurice dont il a rapporté, comme chacun en voyage, des souvenirs, des émotions, des impressions.

Parmi ces souvenirs, le souvenir olfactif qui fait les madeleines de tous les Proust, écrivant ou non et qui, par la mémoire, rend la rencontre avec les odeurs plus profonde que l’expérience immédiate ne le fait. A la faveur du parfum des cheveux de l’aimée, des souvenirs d’autres chevelures pleines d’huile de coco, de musc, ou juste de parfums ambiants captés au hasard d’une promenade remontent à la surface,   » Des souvenirs dormant dans cette chevelure, je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir!« ,  » N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde où je hume à longs traits le vin du souvenir ?« .

Ce voyage, à l’époque où les avions n’existaient pas, se faisait par mer, semblable à cette chevelure : « mer d’ébène« , « noir océan ou l’autre est enfermé« . Et on abordait heureux, plein d’une expérience unique qui changeait pour toujours la vision du monde et rendait nostalgique à jamais, une fois de retour au pays.

Que vit-on en voyage ?

Tant de choses qu’on ne peut nommer, évoquer, tenter de partager sans se sentir infiniment seul et incapable de réellement communiquer.

Un monde que la chevelure de Jeanne – tour à tour « forêt« , « océan« , « houle« , « oasis« , « port » – enserre et contient. L’ornement capillaire de la femme aimée devient ainsi l’univers des désirs, des souvenirs et des rêves. Un  univers d’exotisme, d’amour et de beauté. Le voyage en lui-même pleinement réalisé.

Cet article est la propriété du site Echodecythere. Il est interdit par le code de la propriété intellectuelle de le reproduire sans l’autorisation de son auteur. La poésie, en revanche, est libre de droits.