Reflet de Cythère : textes sur Aphrodite

Reflet de Cythère (12)

Reflet de Cythère, c’est un texte, une poésie, un fragment qui permet de nous rapprocher de l’image que les Anciens se faisaient de leur déesse de l’Amour. J’écris les Anciens, mais en 5 ans de ce blog, j’ai aussi mis des modernes, des païens contemporains, tant il est vrai que les figures divines ne meurent pas.

Aujourd’hui, cité par Stobée dans son Florilège, c’est le grand Sophocle, auteur, au V ème siècle avant notre ère, des plus belles tragédies de l’Antiquité – dont Oedipe et Antigone, son incorruptible fille, qui va nous chanter la belle et terrible déesse de l’Amour. Un rôle qu’elle tient bien souvent chez les poètes et les philosophes, l’Amour étant vu comme une nécessité douloureuse apportant bien plus de malheur et de destruction que le bonheur qu’on vient y chercher.

Sophocle lui-même, au-delà des pièces à la perfection formelle que les Alexandrins ont bien voulu nous laisser intacts, fut un homme qui s’y brûla les ailes et dont la personnalité sensuelle s’est plutôt révélée dans les fragments conservés par d’autres auteurs.

Dans la Couronne et la Lyre, Marguerite Yourcenar précise même : « Vieillard, il se félicita d’être débarrassé du désir comme d’un tyran sauvage. » Une expression qui paraît n’avoir été que figures rhétoriques puisqu’il s’éprit dans cet âge de deux courtisanes, prouvant bien quà la fin, c’est toujours « Cypris » qui règne.

PUISSANCE DE L’AMOUR

« ..L’Amour, ô doux enfants, n’est pas rien que l’Amour.

On l’adore partout sous mille noms divers.

Il est la Mort, il est la Force impérissable.

Et la démence et le désir inguérissable.

Il est la Plainte. Il est activité et calme, 

Et violence..Et en tout lieu, dans l’univers, 

L’âme vivante et respirante le reçoit

Et se soumet, aussi bien le poisson qui erre

Dans l’océan, que le quadrupède sur terre; 

Pour les oiseaux et pour la bête carnassière, 

Pour l’homme, pour les dieux immortels, il est Loi.

Quel lutteur devant lui  n’a mordu la poussière, 

Fût-il divin ? S’il est permis, comme il se doit, 

De dire ce qu’il est, il dompte Zeus lui-même, 

Sans se servir du glaive. A chaque stratagème

De l’homme, à chaque plan des dieux, il fait échec, 

Et Cypris règne seule… »

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Reflet de Cythère (11)

Dans Reflet de Cythère, un poème, texte littéraire ou autre permet d’éclairer un peu un aspect de la déesse Aphrodite ou de son culte.

Aujourd’hui, c’est un petit bijou que je vous propose. Il nous vient de la poétesse grecque Nossis qui vivait au III ème siècle avant notre ère. Il ne reste d’elle qu’une dizaine d’épigrammes et rien de connu sur sa vie, pas même sur le lieu où elle vivait.

Mais le poème qui suit est si beau, si célèbre, et lui donna une telle réputation qu’on a pu dire d’elle que le dieu Amour fondait lui-même la cire pour ses tablettes ! A l’époque de Nossis, en effet, le stylet s’enfonçait dans la cire pour y graver la poésie qu’on recopiait plus tard, notamment sur papyrus. C’est grâce à ça qu’elle est ainsi parvenue jusqu’à nous.

Ici, la déesse de l’Amour paraît sous le nom de Cypris. On lui donnait ce nom parce qu’elle était censée être née à Chypre.

Eloge de l’amour

« La douceur de l’amour surpasse toutes choses,

Croyez-m’en, moi, Nossis. Le miel a moins de prix.

Celle qui n’a pas eu le baiser de Cypris

Ne sait pas distinguer quelles fleurs sont les roses. »

Anthologie Palatine. V, 170

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Reflet de Cythère (10)

Dans Reflet de Cythère, un texte sur Aphrodite permettant de mieux comprendre ses caractéristiques ou son culte est proposé.

Aujourd’hui, c’est un texte du XXI ème siècle inspiré des Anciens qui a été choisi. Il provient de l’ABC de la magie naturelle d’Arnaud de L’Isle, un livre sorti aux éditions Grancher dans la catégorie Esotérisme.

Parmi les livres de magie et de paganisme, il est un des plus poétiques, des plus littéraires et a l’avantage du style, ce qui augmente encore sa puissance d’évocation. Au travers des rites variés qu’il propose, la parole sacrée règne, et avec elle – curieux hasard ! – la nostalgie païenne et le lyrisme de Leconte de L’Isle, qui rappelle Hésiode et Homère. Une qualité qu’on retrouve rarement dans un livre d’ésotérisme ou de magie.

L’hymne qui suit, consacré à Aphrodite, peut aussi bien se prendre comme un texte évoquant quelques caractéristiques d’Aphrodite que comme un rite pour sentir en soi la présence de la déesse grecque de la Beauté et de l’Amour que vous pouvez scénariser avec une image de la déesse, des bougies ou lampes à huile, encens, fleurs, etc..Ce rite peut être personnel et secret, comme il peut être celui d’un couple.

« Hymne a Aphrodite

Hymne à Aphrodite, à prononcer pour toute réharmonisation individuelle

Tu es celle dont tout procède et qui nous a donné la vie. Les trois royaumes, le ciel, la terre et la mer, t’obéissent.

Lorsque tu t’assois aux côtés de Bacchus, tu présides aux festins, tisses les liens conduisant au mariage et répands ta grâce mystérieuse dans le lit des amants. 

Tu es la secrète déesse qui se glisse dans le désir de l’homme et de la femme, louve silencieuse qui traverse la nuit.

Tu es celle que tous les hommes désirent, l’image qui naît de leur esprit, le philtre magique de leur amour et de leur délire sacré. 

Toi qui jadis naquis à Chypre et posas ton pied sur les galets du rivage, approche-toi de moi. 

Ressens mon désir de contempler ton visage et ton corps parfaits.

Tu parcours les terres de Syrie, l’Egypte sacrée et traverses les flots sur ton char immaculé tiré par des cygnes.

 

O bienheureuse déesse de volupté, je t’appelle et te désire. Chevauche les flots jusqu’à moi. Laisse-toi porter par le chant des nymphes sur l’écume des vagues.

O déesse désirable, qu’à cet instant tu m’apparaisses et que je puisse enfin contempler la beauté de ta nudité. 

Que mes paroles saintes te soient agréables et puisse mon pur désir toucher ton être le plus intime. 

O Aphrodite, je t’invoque. »

Arnaud de L’Isle. ABC de magie naturelle. Grancher 2000.

Pour s’immerger un peu plus…

 

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Reflet de Cythère (8)

Dans Reflet de Cythère, un texte ancien nous éclaire sur le culte d’Aphrodite ou sur ses caractéristiques ou la manière qu’on avait de la concevoir.

L’épigramme qui suit est signée Asclépiade de Samos dont il ne reste pratiquement rien et dont nous ne savons pas grand-chose non plus sauf qu’il vécut au III ème siècle av. J-C et écrivit de la poésie érotique. Les épigrammes étaient à l’origine de courtes poésies gravées sur des monuments funéraires ou de commémoration devenues au IV ème siècle un genre poétique à part entière destiné à parler de certains sujets.

Le poème qui suit, très imagé, marque l’esprit durablement une fois qu’on le connaît car on a rarement parlé aussi bien d’amour, mais surtout de sexe sans pour autant l’évoquer directement. Ainsi, à la question : « Qu’est-ce que faire l’amour pour deux êtres qui s’aiment ? », Asclépiade de Samos répond naturellement : »s’offrir mutuellement en offrande à la grande Aphrodite, sous son nom de Cypris ou Cythérée, peu importe. ».

Le corps de l’être aimé qui donne et reçoit le plaisir est l’offrande.

Comment le dire de façon plus belle ?

 

La cachette des amants

« Douce en un chaud midi une boisson de neige,

Doux au printemps les vents légers, les flots cléments,

Lorsque l’hiver enfin a levé son long siège.

Mais plus doux le manteau qui couvre deux amants,

Couchés sur le sol tiède, également épris,

Et se donnant l’un l’autre en offrande à Cypris. »

Anthologie Palatine. V. 169

Traduction Marguerite Yourcenar dans La couronne et la lyre. Poésie Gallimard

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Reflet de Cythère (7)

Dans Reflet de Cythère, une poésie, un texte, un extrait choisi permettent de mieux comprendre Aphrodite et son culte, comment nous pouvons ou avons pu la percevoir, la chanter, la célébrer.

Après avoir traité de femmes favorisées par Aphrodite dont le destin les a conduites à être courtisanes ou prostituées avant de connaître la célébrité, la reconnaissance et la fortune, consacrer un Reflet de Cythère sur cette question allait de soi.

Sur ce sujet, les textes ne manquent pas, de la comédie ancienne aux poésies érotiques de l’Anthologie Palatine en passant par les Deipnosophistes, le repas des sophistes d’Athénée, texte tardif d’érudition plein des citations des plus grands auteurs antiques, dont celui qui a été choisi. Le sexe est en effet un sujet qui ne manque pas d’inspirer les auteurs et d’attirer curieux et voyeurs quelle que soit l’époque, c’est pourquoi nombre d’auteurs de l’Antiquité en parlent déjà d’une façon triviale.

Mais il fut un temps où ces sujets étaient traités religieusement comme faisant partie du culte à Aphrodite. On était alors au V ème siècle avant J-C, et le plus grand poète lyrique de tous les temps, Pindare, associait – avec la plus grande sincérité – prostitution et destin sacré et paradoxalement vertueux voulu par la déesse de l’Amour; le tout avec une naïveté dont semblèrent ne faire preuve que peu de ses successeurs. Quant à savoir s’il faut s’en plaindre ou s’en féliciter, c’est une question à laquelle il est bien difficile de répondre.

A l’occasion d’une offrande de cinquante courtisanes au temple d’Aphrodite à Corinthe faite par Xénophon, vainqueur au stade et au pentathle aux jeux olympiques

« Jeunes femmes très accueillantes aux étrangers, servantes de Cypris dans la riche Corinthe, tandis que souvent vos pensées volent vers la mère des amours, vers l’ouranienne Aphrodite…

Elle vous autorise, ô belles, sans encourir les mépris avilissants, à cueillir en de tendres étreintes, le doux fruit de votre jeunesse, ô chères enfants caressées, quand le destin ainsi le veut, nulle chose n’est interdite, nulle occupation n’est vile…

Mais je crains, pour moi, certains dangers, me demandant c e que diront de ce discours les gens de bien de cette ville, qui m’entendent ainsi louer l’amour peu farouche. Tant pis ! Notre or s’éprouve à la pierre de touche.

Ô maîtresse de Chypre, Xénophon , joyeux vainqueur, t’offre cet aimable choeur : pour ton sanctuaire, cinquante filles expertes, cent jambes de femmes offertes à ton service. »

Pindare, V ème siècle av. J-C, cité par Athénée dans le repas des Sophistes au III ème siècle ap. J-C. Traduction Marguerite Yourcenar.

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Reflet de Cnide

Il existe plusieurs statues d’Aphrodite réalisées en Grèce ancienne. Elles font la fierté des musées et des villes qui les possèdent car elles éblouissent par leur beauté, une beauté qui illustre une certaine idée de l’oeuvre d’art, de ce qu’on attend de la perfection esthétique. Cette beauté sert également au prestige national : l’Italie, la France et d’autres pays possèdent chacun une statue des plus remarquables de la déesse qui les honore et dont le prestige rejaillit un peu sur eux.

Mais autrefois ?

Dans l’Antiquité, déjà, l’Aphrodite de Cnide, sculptée par Praxitèle, était célèbre pour sa beauté comme pour sa nudité. On venait la voir de loin et elle faisait le prestige et la fierté de la ville. Mais ce n’est pas dans un musée, au milieu d’autres oeuvres représentant elles aussi l’art qu’on pouvait l’admirer. C’était dans un temple, dans son temple, parce qu’elle représentait non la beauté de l’art mais l’incarnation de la Beauté même, de la Séduction et de l’Amour vus comme des absolus. Comme telle, elle était une divinité entourée des symboles qui, à l’époque, donnaient une idée profonde et spirituelle de son empire, de ce qu’on pouvait considérer venir de son royaume ou émaner de son essence divine.

Pour l’occasion, Reflet de Cythère devient Reflet de Cnide et vous invite dans le jardin du temple de l’Aphrodite de Cnide immortalisé par la plume de Lucien de Samosate, pour découvrir comment les Anciens concevaient un jardin à la gloire de la divinité régnant sur l’Amour et la Beauté.

« la cour était loin d’être revêtue de dalles en pierres polies, ce qui l’eût vouée à l’infécondité, mais comme il est naturel dans un temple d’Aphrodite, tout n’était que riches cultures fruitières. Les arbres au dense feuillage s’élevaient déjà fort haut et enfermaient l’espace alentour. Surpassant les autres essences, dans une débauche de baies, croissait, près de sa reine, le myrte luxuriant, et avec lui chaque espèce d’arbres qui avait reçu le don de la beauté. En dépit de leur âge avancé, ces derniers n’étaient pas flétris et desséchés, mais toujours dans la fleur de la jeunesse, ils arboraient des rameaux encore verts et tout gonflés de sève. Quelques arbres qui ne portaient que leur beauté en guise de fruits se mêlaient à cet ensemble : cyprès et platanes se dressaient au plus haut des airs et, parmi eux, Daphné ( le laurier ), la fugitive contemptrice d’Aphrodite, qui échappa jadis à la déesse. Autour de chaque tronc qu’il tenait enlacé serpentait le lierre, cet ami de l’amour. Des vignes pleines d’entrelacs étaient chargés de lourdes grappes. Aphrodite, en effet, a plus de volupté lorsque Dionysos l’accompagne et nous devons conjuguer les plaisirs que l’un et l’autre nous procurent : séparés, ils flattent moins nos sens. Dans les endroits où l’ombre était plus épaisse, des couches plaisantes s’offraient à ceux qui désiraient y festoyer. Les honnêtes gens de la cité venaient rarement ici, tandis que le peuple de la ville s’y portait en foule les jours de fête, sans doute pour y rendre d’intimes hommages à Aphrodite. »

Lucien de Samosate, Les Amours, traduit par Pierre Maréchaux

Aucun jardin n’a été, n’est ni ne sera conçu au hasard. Ici aussi, on voit bien que les espèces sont choisies selon des lois aphrodisiennes : la beauté, la fécondité et la jeunesse éternelle puisque les végétaux choisis sont à la fois d’un « âge avancé » et « dans la fleur de la jeunesse ». Des caractéristiques qu’ils ont en commun avec la déesse. On choisit aussi les espèces en fonction de leur consécration à la déesse, comme le myrte, mais aussi de la mythologie. Daphné fait ainsi référence à une nymphe aimée d’Apollon et changée en laurier, plante normalement consacrée au dieu. Mais ici, elle est comme un témoignage du triomphe de la déesse sur celle qui avait voulu échapper à son pouvoir et qui en est désormais un ornement. On choisit également les espèces en fonction de leur comportement : le lierre s’attache fortement à ce qu’il enserre, comme l’amour nous attache à ceux que nous aimons. Enfin, on peut les choisir en fonction des réalités sociales dans lesquelles prend place l’amour, comme c’est le cas pour la vigne. En effet, en Grèce ancienne, c’est lors des banquets où le vin – consacré à Dionysos – coulait à flot que les courtisanes – consacrées à Aphrodite – exerçaient leurs talents.

Et comble de luxe aphrodisien, des petites zones d’ombre préparent au visiteur des couches agréables pour sacrifier à la déesse de la manière qu’elle leur a inspirée, en permettant qu’ils s’embrassent ou fassent l’amour, ces « intimes hommages », en toute tranquillité.

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Reflet de Cythère (6)

Dans Reflet de Cythère, une poésie, invocation, ou texte permettant de mieux connaître Aphrodite et son culte est choisi. Aujourd’hui, pour continuer sur le thème des fesses, Aphrodite se fera plus lointaine.

Dans l’Antiquité, la mythologie, les dieux restaient une référence; dans la philosophie de Socrate lui-même, ce sont des motifs très employés car leur diversité permet d’illustrer les vérités qui ont l’art d’être flexibles.

Dans la poésie amoureuse et érotique, Aphrodite et Eros sont logiquement des références sur lesquelles axer le discours. Eros est alors le petit dieu cruel et inflexible qui a l’art de rendre fou ceux qu’il tourmente, Aphrodite, aux fonctions plus polyvalentes, joue des rôles plus variés. Mais bien souvent, Cythérée est la divinité à laquelle comparer la femme aimée, à égalité ou en défaveur de la déesse de l’Amour.

Dans ce poème extrait des épigrammes érotiques de l’Anthologie Palatine – seul ouvrage où apparaît Rufin, poète dont on ne sait presque rien -, c’est le concours de Beauté d’Athéna, Aphrodite et Héra menant au Jugement de Pâris qui est pris pour référence.

« J’ai jugé des fesses de trois beautés. D’elles-mêmes m’ayant pris pour arbitre, elles me montrèrent à nu leur corps éblouissant. L’une avait les fesses d’une peau blanche et douce, et l’on y remarquait de petites fossettes comme sur les joues d’une personne qui rit. L’autre, étendant les jambes, laissa y voir une chair aussi blanche que la neige et des couleurs plus vermeilles que des roses. De la troisième la cuisse ressemblait à une mer tranquille, la peau délicate n’offrant que de légères ondulations. Si le berger Pâris eût vu ces fesses, il n’aurait plus voulu voir celles des déesses. »

Rufin. Anthologie Palatine.

Une liberté de ton qui attendit plus de mille ans pour revenir en Occident.

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Reflet de Cythère (5)

Dans Reflet de Cythère, une poésie, invocation, ou texte permettant de mieux connaître Aphrodite et son culte est choisi.

Aujourd’hui, ce sera le poète Léonidas de Tarente qui s’y collera.

Il s’était attaché à décrire avec tendresse la vie des petites gens et s’était fait une spécialité des ex-voto réels ou fictifs. Il a été choisi pour illustrer un poète et non une poétesse vénérant la déesse de l’Amour et de la Beauté.

Car le domaine d’Aphrodite intéresse aussi bien les hommes que les femmes, et malgré mon étonnement constant face à cette réalité et la grande discrétion de la majorité d’entre eux, les hommes sont nombreux à suivre ce blog, bien plus nombreux que ce que j’aurais pu m’imaginer.

C’est à leur intention et en pensant d’abord à eux que ce poème a été choisi, bien qu’il s’adresse à tout le monde.

Hymne à Aphrodite

« Je vais chanter Cythérée, née à Chypre. Elle fait aux mortels de doux présents; son aimable visage toujours sourit et elle porte la gracieuse fleur de la beauté. 

Je te salue, déesse, reine de Salamine et de Chypre; accorde-moi des chants qui excitent les désirs; je me souviendrai de toi et des autres chants. »

Léonidas de Tarente. III ème siècle av. J-C

Dans cette poésie, on portera notre attention sur la notion de chant. Aujourd’hui, le chant est quelque chose de laïc, banal et récréatif, mais à la base, c’est une pratique religieuse et magique ( en latin, le chant, c’est carmen, qui signifie le charme, la formule magique ) et pouvait donc inspirer des désirs en convoquant les dieux.

La parole inspirée et le chant n’ont pas perdu de leur pouvoir sous prétexte que les dieux grecs ne sont plus vénérés. Il y a toujours quelque chose d’Orphée dans la parole inspirée de celui qui aime.

Toi aussi, quand tu auras été inspiré par l’Amour au point que tes paroles et tes chants suscitent le désir, souviens-toi d’Aphrodite l’espace d’un instant.

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Reflet de Cythère (4)

Dans reflet de Cythère, une poésie ou une invocation à Aphrodite est mise à l’honneur.

Ici, ce sera la plus célèbre, la plus évidente et pourquoi pas la plus connue de toutes les poétesses, Sappho qui vivait dans l’île de Lesbos au VI ème siècle et dont le nom comme le lieu où elle habitait n’ont plus fini que par désigner les amours entre femmes, au mépris de l’auteure et son oeuvre.

Pourtant, Sappho fut certainement une femme remarquable dont les talents furent malgré tout reconnus dès l’Antiquité. C’était une aristocrate, éducatrice de jeunes filles destinées au mariage à qui elle apprenait le chant, la poésie et la danse. Elle composait également, outre les rares poésies qu’on a conservées d’elle, la musique sans laquelle ces poésies ne pouvaient se dire, puisque la poésie, à cette époque, était chantée. Sa musique est aujourd’hui perdue.

Que chantait Sappho ?

Ca, tout le monde le sait : son amour pour certaines jeunes filles qu’elle éduquait, comme les philosophes et poètes masculins de l’Antiquité évoquaient leurs amours pour leurs disciples et leurs amants.

En quoi le contenu de la poésie de Sappho diffère-t-il ? A créer des mondes dans lesquels hommes et femmes ne se rencontrent pas, on crée plus facilement des rencontres entre gens du même sexe. Logique, non ?

Pourtant, même la Grèce ancienne finit par trouver les amours de Sappho répréhensibles et on se moqua d’elle. Car outre qu’on est toujours plus dur pour les femmes que pour les hommes, dans une structure patriarcale, voir une femme se comporter de la même manière qu’un homme tout en les ignorant, ce n’est pas acceptable.

De façon plus personnelle, Sappho était une dévote d’Aphrodite à qui sa musique, sa poésie, ses sentiments et les jeunes filles qu’elle préparait au mariage, étaient entièrement consacrés.

Le seul poème qui nous soit parvenu entier est l’hymne à Aphrodite, et pour donner un profil moderne et délicat à son auteure, la belle sculpture de Sappho de James Pradier que l’on trouve au musée d’Orsay donne le ton, même si à côté de la poétesse un peu mélancolique, se trouve posée la lyre en carapace de tortue telle qu’elle fut fabriquée par Hermès selon la mythologie.

La poésie choisie est une prière que Sappho adresse à sa déesse, une prière pour être aimée de la personne qui la dédaigne. Cette prière, le texte le révèle, n’est pas la première que la poétesse lui adresse. Car Sappho, digne dévote d’Aphrodite que ses dons ont touchée, semble aimer sans cesse, dans ce lieu où les jeunes filles, destinées à se marier, ne restent pas. Sappho aime et s’attache en pure perte, prise dans le mouvement inexorable de la vie.

Parmi les traductions disponibles, celle de Renée Vivien a été choisie parce qu’elle ne change ni Aphrodite en Vénus ni le « elle », qualifiant la personne aimée, en « il », comme le font d’autres versions plus consensuelles.

N’importe, tendons l’oreille à la prière d’Aphrodite, et qu’elle aussi nous entende…

                                                                              Hymne à Aphrodite

« Toi dont le trône est d’arc-en-ciel, immortelle Aphrodita, fille de Zeus, tisseuse de ruses, je te supplie de ne point dompter mon âme, ô Vénérable, par les angoisses et les détresses. Mais viens, si jamais, et plus d’une fois, entendant ma voix, tu l’as écoutée, et, quittant la maison de ton père, tu es venue, ayant attelé ton char d’or. Et c’était de beaux passereaux rapides qui te conduisaient. Autour de la terre sombre ils battaient des ailes, descendus du ciel à travers l’éther.

Ils arrivèrent aussitôt, et toi, ô Bienheureuse, ayant souri de ton visage immortel, tu me demandas ce qui m’était advenu, et quelle faveur j’implorais, et ce que je désirais le plus dans mon âme insensée. « Quelle Persuasion veux-tu donc attirer vers ton amour ? Qui te traite injustement, Psappha ? Car celle qui te fuit promptement te poursuivra, celle qui refuse tes présents t’en offrira, celle qui ne t’aime pas t’aimera promptement et même malgré elle. »

Viens vers moi encore maintenant, et délivre-moi des cruels soucis, et tout ce que mon cœur veut accomplir, accomplis-le, et sois Toi-Même mon alliée. »

— Traduction Renée Vivien, 1903.

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Reflet de Cythère (3)

Dans Reflet de Cythère, une poésie ou une invocation à Aphrodite est mise à l’honneur. Généralement, il s’agit d’une poésie de l’Antiquité, époque où on croyait encore aux dieux anciens. Mais il existe des exceptions, et certaines fois, des gens conservent un coeur et une sensibilité païens sans qu’eux-mêmes sachent pourquoi.

C’est le cas de Leconte de Lisle, un de nos poètes un peu oubliés du XIX ème siècle. Parnassien, épris de Beauté, il était inspiré par la Grèce ancienne dont il traduisit des poèmes dans des vers d’une grande perfection formelle. C’est sans doute même ce qu’on lui reprocherait aujourd’hui.

Mais peut-on vraiment reprocher à un être épris de Beauté d’être prisonnier des formes ?

Cette poésie s’affirme comme Hymne orphique, imitant des Hymnes d’Orphée consacrés à chaque divinité sous le nom de « parfum » suivi du nom de la divinité et qui sont parvenus jusqu’à nous. Mais rares sont ceux qui les lisent encore.

La myrrhe était le parfum précieux de l’Antiquité consacré à Aphrodite, du nom de l’arbre d’où venait la sève odorante à la base du parfum et d’où sortit son grand amour Adonis. Une vieille histoire, encore !

PARFUM D’APHRODITE
« La Myrrhe
Ô Fille de l’Écume, ô Reine universelle,
Toi dont la chevelure en nappes d’or ruisselle,
Dont le premier sourire a pour toujours dompté
Les Dieux Ouraniens ivres de ta beauté,
Dès l’heure où les flots bleus, avec un frais murmure,
Éblouis des trésors de ta nudité pure,
De leur neige amoureuse ont baisé tes pieds blancs,
Entends-nous, ô Divine aux yeux étincelants !
Par quelque nom sacré que la terre te nomme,
Ivresse, Joie, Angoisse adorable de l’homme
Qu’un éternel désir enchaîne à tes genoux,
Aphrodite, Kypris, Érycine, entends-nous !
Tu charmes, Bienheureuse, immortellement nue,
Le ramier dans les bois et l’aigle dans la nue ;

Tu fais, dès l’aube, au seuil de l’antre ensanglanté,
le lion chevelu rugir de volupté ;
Par Toi la mer soupire en caressant ses rives,
Les astres clairs, épars au fond des nuits pensives,
Attirés par l’effluve embaumé de tes yeux,
S’enlacent, déroulant leur cours harmonieux ;
Et jusque dans l’Érèbe où sont les morts sans nombre,
Ton souvenir céleste illumine leur ombre ! »

Leconte de Lisle. Derniers poèmes publiés à titre posthume par José Maria de Hérédia. 1899.