Poésie grecque ancienne

Reflet de Cythère (8)

Dans Reflet de Cythère, un texte ancien nous éclaire sur le culte d’Aphrodite ou sur ses caractéristiques ou la manière qu’on avait de la concevoir.

L’épigramme qui suit est signée Asclépiade de Samos dont il ne reste pratiquement rien et dont nous ne savons pas grand-chose non plus sauf qu’il vécut au III ème siècle av. J-C et écrivit de la poésie érotique. Les épigrammes étaient à l’origine de courtes poésies gravées sur des monuments funéraires ou de commémoration devenues au IV ème siècle un genre poétique à part entière destiné à parler de certains sujets.

Le poème qui suit, très imagé, marque l’esprit durablement une fois qu’on le connaît car on a rarement parlé aussi bien d’amour, mais surtout de sexe sans pour autant l’évoquer directement. Ainsi, à la question : « Qu’est-ce que faire l’amour pour deux êtres qui s’aiment ? », Asclépiade de Samos répond naturellement : »s’offrir mutuellement en offrande à la grande Aphrodite, sous son nom de Cypris ou Cythérée, peu importe. ».

Le corps de l’être aimé qui donne et reçoit le plaisir est l’offrande.

Comment le dire de façon plus belle ?

 

La cachette des amants

« Douce en un chaud midi une boisson de neige,

Doux au printemps les vents légers, les flots cléments,

Lorsque l’hiver enfin a levé son long siège.

Mais plus doux le manteau qui couvre deux amants,

Couchés sur le sol tiède, également épris,

Et se donnant l’un l’autre en offrande à Cypris. »

Anthologie Palatine. V. 169

Traduction Marguerite Yourcenar dans La couronne et la lyre. Poésie Gallimard

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Reflet de Cythère (2)

 

Les Grecs sont plutôt connus pour des poèmes libertins. Les moeurs en effet étaient légères et on parlait volontiers de l’amour entre hommes, entre femmes, voire les 2, et on sut même philosopher parfois très sérieusement sur la valeur de ces inclinations, plus volontiers portées sur les hommes pour des raisons culturelles. Car les hommes ayant accès à l’éducation tandis que les femmes non, le fossé intellectuel se creusait entre les deux sexes et l’un et l’autre ne partageaient plus grand chose quand ils faisaient partie des familles de l’élite.

Cette liberté d’écriture sera condamnée quand le christianisme prendra de l’importance, et finira par disparaître avec son triomphe et l’interdiction des cultes païens.

Mais parfois, les poètes célébrèrent l’amour conjugal, l’attachement à vie basé sur l’intelligence représenté par Aphrodite Ouranie, la déesse primordiale chantée  par Hésiode, à la différence de l’Aphrodite dite populaire, plus moderne, fille de Zeus et de Dioné, qui inspirait l’amour physique.

Pour une statue d’Aphrodite-Ouranie

 » Cette Aphrodite n’est point l’Aphrodite populaire, c’est l’Aphrodite-Ouranie. La chaste Chrysogone l’a placée dans la maison d’Amphiclès, à qui elle a donné plusieurs enfants, gages touchants de sa tendresse et de sa fidélité. Le premier soin, tous les ans, de ces heureux époux est de vous invoquer, puissante déesse, et en récompense de leur piété, tous les ans, vous ajoutez à leur bonheur. Ils prospèrent toujours, les mortels qui honorent les dieux. »

Théocrite, poète de la célèbre Pléiade antique, III ème siècle avant notre ère.

Reflet de Cythère (1)

 

Ecoutons la poésie et laissons-la mener notre esprit dans les lieux où elle a célébré la déesse de l’Amour et de la Beauté. ici, c’est Anyté qui nous décrit un ancien site près de la mer où s’élevait une statue de la déesse, aujourd’hui disparue. Un lieu bien choisi, en effet, pour une déesse née de l’écume de la mer…

 

Une image d’Aphrodite

 » Le lieu est bien choisi, Cypris, pour ta statue, 

Près de la mer, ô toi sa reine, ô toi sa fille, 

Protectrice des nefs ! La tempête s’est tue ;

L’eau calme réfléchit ton beau bronze qui brille. »

 

Anyté, poétesse grecque du IV ème siècle avant notre ère.

L’aphrodite des poètes

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Comment les anciens grecs voyaient-ils leur déesse de l’Amour, et donc, par extension, de quelle image de l’Amour et de la Beauté notre culture occidentale a-t-elle hérité ?

Les poètes en ont laissé quelques images aussi éclairantes que mystérieuses, sublimes et immortelles.

Hésiode, le premier, nous parle de sa naissance du côté de Cythère, à partir de l’écume formée autour du membre viril d’Ouranos, le ciel. Elle gagna Chypre avant de sortir de la mer. Comme Athéna qui naquit tout armée de la tête de son père, Aphrodite naquit jeune fille et faisait croître l’herbe sous ses pieds en gagnant la terre.

«  Amour l’escorta et le beau Désir la suivit dès qu’elle fut née et alla rejoindre le peuple des dieux.

Depuis le début, parmi les dieux et les hommes, lui sont réservés comme un privilège, les babillages de jeune fille, les sourires, les tromperies, les délices du plaisir, la tendresse et la douceur.« 

Hésiode. La Théogonie. Traduction Claude Terreaux. Arléa.

Sappho la voit couverte de fleurs et ce qu’elle n’offre plus se retrouve dans la poésie qui lui est consacrée :.

«  Je tremble et la vieillesse couvre déjà ma peau.

L’amour s’envole à la poursuite des jeunes.

Prends ta lyre et chante-nous Aphrodite au sein couvert de violettes. »

Sappho. Le désir. Traduction Frédérique Vervliet. 1001 nuits.

Dans un registre plus philosophique et fondamental, Aphrodite est aussi au coeur de la manifestation de l’univers. Empédocle place en effet l’univers et sa manifestation sous la double impulsion de l’Amour, qui unit, et la haine qui désunit. Cette conception ressemble à celle des hindous qui pensent qu’attraction et répulsion sont à l’origine des multiples renaissances de l’Homme après sa mort, entraînant un nouveau cycle de vie terrestre et donc de souffrance. En Inde, et ailleurs dans le monde, cette conception motive la pratique des yogas, qui libèrent de ce cycle infernal.

 » Ainsi, commun à tous, mais s’amorçant sur des cercles contraires, 

Le même être tantôt se défait, tantôt croît, 

Gros ici de ce qu’il perd là; et tantôt frères, 

Les éléments qui ne sont qu’Un forment l’Unique, 

Sous l’effet de l’Amour, et tantôt sous le froid

Empire de la Haine, ils forment l’Innombrable. »

« …Amour, qu’on nomme aussi Aphrodite et Délice. »

« …C’est dans le corps mortel que le mieux s’aperçoit

L’impérissable effet de cette grande loi.

Tantôt l’Amour fleurit la chair et nous unit

A tout ce qui est beau; tantôt triste, terni, 

Luttant contre soi-même, errant sur les rivages

Extrêmes de la vie, en butte à de sauvages

Houles, le coeur se lasse, et nos corps, usés, meurent. »

De façon plus surprenante, c’est encore Aphrodite qui est à l’origine de la vue, selon la même loi :

« Aphrodite a uni sous son joug les 2 yeux, 

Infatigable paire; à eux deux, ils produisent

L’image unique. »

Empédocle. Traduit par Marguerite Yourcenar. La Couronne et la Lyre. Poésie Gallimard.

Pour finir – parce qu’il y en a encore bien d’autres ! -, cette qualité de la vue, de l’éveil de l’entendement, se retrouve aussi chez la poétesse Nossis, être un privilège d’Aphrodite.

Eloge de l’Amour

« La douceur de l’amour surpasse toutes choses, 

Croyez-m’en, moi, Nossis. Le miel a moins de prix.

Celle qui n’a pas eu le baiser de Cypris

Ne sait pas distinguer quelles fleurs sont les roses. »

Nossis. Traduit par Marguerite Yourcenar. La Couronne et la Lyre. Poésie Gallimard