Textes littéraires et poésie

Fabriquez vos soins naturels de l’Antiquité

Vous suivez ce blog et êtes déjà intéressés par mon travail depuis longtemps ?

Si vous voulez en apprendre plus, sachez que mon projet s’est aussi incarné dans un livre qui sortira ce 27 mai 2021 chez Améthyste, du groupe Alliance Magique. Et déjà en prévente à partir de ce jeudi, avec un marque-page offert pour les 50 premières commandes.

Qu’est-ce que vous allez retrouver dans ce livre ? Exclusivement des recettes de beauté datant authentiquement de l’Antiquité, que j’ai cherchées dans les livres anciens pendant des années. Ces recettes concernent toutes ce qu’on peut appeler la médecine ancienne de notre civilisation.

Oui, il y a dedans des recettes de Cléopâtre, la reine d’Egypte ayant aussi été une référence médicale au point que les médecins compilateurs ont conservé quelques-uns de ces écrits en les copiant et citant leur origine.

Mais il y sera surtout question de beauté, hygiène, soins et parfums. Vous vous demandez comment les Anciens nettoyaient leur visage, leurs cheveux, leurs dents, comment ils teignaient leurs cheveux ou se maquillaient et comme ils prenaient soin de leur peau ?

Je vous le raconte dans ce livre en vous , de manière très facile et accessible, vous donnant la possibilité de faire de même. C’est donc à un voyage dans le temps et en beauté que je vous invite avec cet ouvrage. Une dimension que vous connaissez bien si vous suivez le blog du Labo de Cléopâtre depuis longtemps.

Un voyage où ne sont invitées que des matières premières, principalement végétales et quelquefois dérivées d’animaux mais dont vous avez l’habitude comme la cire ou le miel.

Ce sera aussi l’occasion de comparer avec les autres cultures traditionnelles des soins de beauté : monde indien et arabo-musulman.

Alors, je vous embarque ?

Les photos et illustrations sont toutes de Céline Morange et de son équipe au sein d’Améthyste, du groupe Alliance Magique.

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Partez découvrir les secrets de beauté au temps de Cléopâtre avec Fabriquez vos soins naturels de l’Antiquité ! Avec cet ouvrage, vous apprendrez à confectionner vous-même vos propres soins naturels avec des ingrédients accessibles, le tout accompagné de nombreuses références historiques. ❤️

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👉 C’est par ici : https://www.alliance-magique.com/plantes-huiles-essentielles-et-cristaux/428-fabriquez-vos-soins-naturels-de-l-antiquite.html#info

Cet article est la propriété du site Le labo de Cléopâtre, les photos sont la propriété de Céline Morange pour Alliance Magique.

La Bouqala, poèmes des femmes d’Alger

Les questions sur l’identité féminine et les droits des femmes touchent toutes les sociétés, des plus traditionnelles aux plus contemporaines. Sur cette question, il y aurait bien des choses à dire, qui loin de tous préjugés et de conclusions hâtives, nous surprendraient par leurs complexités de points de vue possibles.

Pour l’heure, je partage avec vous une merveilleuse découverte grâce à Mohammed Kacimi et Rachid Koraïchi, écrivains et artistes d’origine algérienne qui lui ont consacré un livre. C’est une tradition unique et exclusivement féminine associant poésies et divination : la Bouqala.

Lors de réunions nocturnes et conviviales exclusivement féminines, les femmes d’Alger s’adonnent souvent à un jeu complexe dans lequel chaque convive dépose un bijou dans un bocal rempli d’eau par la maîtresse de maison. Puis, le bocal est pris et tourné 7 fois au-dessus de l’encens pendant que des formules incantatoires sont récitées.

Chaque femme présente doit penser à une personne ou situation qui la préoccupe puis réciter un poème de son choix, motivée par la mémoire ou l’inspiration du moment.

Ensuite, une jeune fille est nommée pour sortir au hasard un bijou de l’eau qui désignera celle dont on interprétera le poème.  Au regard de ses désirs, attentes et ambitions, on interprétera le choix du poème qu’elle a fait pour le projeter dans son avenir possible. De cette interprétation, nous ne saurons rien. C’est un secret mystérieux du gynécée, celui que toute femme garde dans son coeur sans le partager avec ceux qui ne comprennent pas ses attentes ou qui voudraient lui en faire le reproche.

Une belle tradition presque initiatique qui touche un univers à part, celui des femmes d’Alger associant dans quelque chose de bien vivant la poésie, la culture, leurs désirs, leurs rêves et espoirs.

– Quelques poèmes d’amour de la « Bouqala, chants des femmes d’Alger » de Mohammed Kacimi et Rachid Koraïchi, aux Editions Thierry Magnier :

  • « Une fenêtre face à une à une autre dérobée

Une gazelle du quartier s’y tient

Je veux lui offrir une coupe d’or

Avant de l’enlever. »

 

  • Ramiers et tourterelles sur le dôme du hammam

Une blanche colombe se tenait sur la terrasse

J’ai baisé sa joue et lui mis une rose dans les cheveux. »

 

  • « J’aimerais tant revoir ta gracieuse taille

Tes joues de roses et tes lèvres au goût de pomme

Puissions-nous jouir d’une nuit 

Avant de goûter au repos. »

 

  • « Un jeune homme passa une canne à la main

Portant beau le chéchia et le costume

Pour lui, j’abandonnerais mari et enfants

Et je ferais de la ville un désert. »

 

Les poèmes, profonds, ne parlent pas que d’amour mais aussi du temps qui passe, de la vie, des émotions, des désirs d’amour et même de Dieu et de sexualité. Laissez-vous emporter par cette façon qu’ont les femmes d’Alger de déposer leurs désirs et laisser le jeu du hasard décider du sens à donner au poème qui leur est venu en tête.

  • « Je ne veux de la pomme que le rouge sur mes joues

Je ne puis prendre un vieillard pour époux

Je préfère un beau jeune homme avec lequel je jouerai au lit. »

 

Par cette tradition, la poésie est un art très ancien pourtant toujours vivant :

  • « Maîtresse, ô maîtresse, pourquoi cette détresse

Aurais-tu perdu ton aiguille ou ton coupon de soie ?

J’ai tout ce qu’il faut pour broder

Un jeune homme aux yeux noirs m’a quittée. »

Ce poème rappelle en effet un ancien poème de Sappho, cité dans Héphestion, traîté des mètres :

  • « Ma mère, ô tendre mère, ô ma mère indulgente,

Je n’ai plus rien filé, je n’ai plus rien tissé,

Car j’aime un beau jeune homme et mon coeur est blessé. »

(Photo à la Une : illustration de Rachid Koraïchi pour le livre Bouqala, chants des femmes d’Alger)

Nouvel article Labo de Cléopâtre

Cet article est la propriété du site Echodecythere. Il est interdit par le code de la propriété intellectuelle de le reproduire sans l’autorisation de son auteur.

 

Les blasons érotiques

Dans l’histoire occidentale, la Renaissance est une période de redécouverte de la culture gréco-romaine de l’Antiquité. A ce titre, elle prend ses racines dans son passé fait de dieux païens, de concepts philosophiques ignorants des aliénantes Ecritures Saintes, de poésie lyrique amoureuse et érotique. Parallèlement, elle se construit aussi sur des valeurs d’avenir : la découverte du Nouveau Monde, du mouvement des planètes, du renouveau de la religion, des philosophies et des arts.

Avec les blasons, la poésie fait l’éloge d’une partie anatomique du corps féminin, semblant traduire en poésie le mouvement qui s’amorce dans la peinture, consistant à exhiber soudainement des corps nus féminins érotisés comme on n’en avait plus jamais vus depuis l’Antiquité, où on représentait des statues et des peintures de corps nus. A la Renaissance, on redécouvre la représentation du corps via les Anciens. Mais si la poésie antique savait aussi être érotique, la création des blasons n’appartient qu’à la Renaissance, période où on pouvait aussi bien faire l’éloge de certaines abstractions propres au baroque – comme la mort ou l’esprit – que du pet – sujet apprécié de Rabelais et de la farce du Moyen-Age, qu’on vient à peine de quitter -.

Dans ces blasons érotiques, plusieurs barrières s’érigent entre notre curiosité et ce que les poèmes les plus osés ont à offrir : la langue, qui vient à peine de se fixer, le style poétique, la préciosité du langage, et la pudeur simulée. Au final, et c’est certainement ce qui peut surprendre : tout cela parle de sexe d’une manière qu’on n’a jamais connue avant, qu’on ne connaîtra pas non plus après, même si semble s’être amorcé, dans cette nouvelle façon de parler de la femme et de la désirer, quelque chose d’un peu obsessionnel et fétichiste de nos cultures modernes.

D’ailleurs, à la plupart des thèmes choisis dans les blasons correspondent des soins esthétiques ciblés : beauté des sourcils, yeux, cheveux, pieds, mains, mais aussi de chirurgie plastique : grossissement des lèvres, des seins, des fesses, rétrécissement du vagin. Tout cela paraît propre à la culture contemporaine mais tout commença pourtant bien à cette époque où les femmes, louées pour leur beauté, devinrent pour la première fois précisément scrutées et représentées.

Voici donc, pour ceux à qui on n’a présenté en classe que le meilleur et le plus sage de la poésie de la Renaissance, la version non censurée de ce que la langue française a produit poèmes sur les détails de l’anatomie féminine, voire au-delà :

 

Blasons anatomiques du corps féminin

Nouvel article labo de Cléopâtre : le cèdre

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La colline des deux amants : toponymie amoureuse

La grande Histoire, « avec sa grande hache », comme disait Perec, marque et construit les territoires, donnant des frontières, des noms, un cachet à des endroits où eurent lieu des batailles, où se dressaient des châteaux, des tours, prisons dont on conserve la mémoire directement ou indirectement. Mais il y a aussi le folklore, la petite histoire, celle imprécise, qui se nourrit d’anecdotes, de rumeurs, de superstitions, d’explications hasardeuses au moyen de légendes obscures. Elle aussi imprègne les lieux du monde entier, des fleuves de la mythologie qui étaient des dieux aux montagnes dans lesquelles les Immortels vivaient mais aussi les villes, les villages et même les mers.

Près de la ville de Pîtres, dans le département de l’Eure, en Normandie, c’est une histoire d’amour malheureuse et légendaire qui donne son nom à une colline d’environ 100 mètres: la colline des deux amants. La légende raconte en effet qu’un tyran, roi de Pîtres avait une fille qui s’était éprise d’un chevalier à qui il ne voulait pas la marier. Il donne alors comme condition au mariage que l’amant gravisse la colline d’une seule traite en portant celle qu’il aime sur ses épaules. Il est à deux doigts de réussir quand son pied chancelle. Il tombe, et quand la jeune fille tente de le relever, constatant qu’il est mort, elle se jette du haut de la colline avec son amant. Le roi fit alors construire une chapelle funéraire  qui devint un monastère : le prieuré des deux amants.

De quand date cette histoire ? Comme pour toutes les légendes, tout cela est bien mystérieux et imprécis. Mais quelque part entre le XII ème et le XIII ème siècle, Marie de France, la première des écrivaines de langue française – et sa première fabuliste bien avant La Fontaine – donne une version romantique et courtoise de cette histoire. Elle lui donne néanmoins un sens plus dramatique et propre à l’amour courtois dans l’égalité des sentiments, l’intensité amoureuse et le tragique.

Ainsi, sous sa plume, le père est avant tout un veuf éploré que sa fille console un peu de la perte de son épouse chérie. Son égoïsme le pousse à la garder pour lui seul, mais à l’âge où une jeune fille peut enfin se marier, on reproche au père son attitude. Pour donner l’impression de céder et de penser aux intérêts de sa fille, il accepte de la donner à qui parviendra à gravir la colline en la portant dans ses bras. Quelques uns parviennent à mi-pente, mais tous les prétendants échouant, on renonce finalement à demander sa main.

Un jeune homme s’éprend pourtant de la fille du roi, et craignant l’épreuve de la colline, lui demande de s’enfuir avec lui. La jeune fille refuse : cela tuera son père de chagrin, explique-t-elle. Elle envoie plutôt son amoureux à Salerne, ville réputée au Moyen-Age pour sa légendaire école de médecine qui ne se laissait pas influencer par les préjugés de race ou de sexe pourtant courants à l’époque. Pour preuve, c’est une femme médecin, tante de la jeune qui doit l’aider par sa science. Ainsi, quand il montera la colline – épreuve pour laquelle la jeune fille a fait un jeûne pour être plus facile à porter – un breuvage efficace que cette grande dame lui a concocté lui rendra sa vigueur aussi fatigué soit-il. Mais au moment de subir l’épreuve, il refuse de se servir du philtre quand il en a besoin pour ne devoir sa force qu’à son amour.Son obstination le tue, et quand son amante porte le breuvage à ses lèvres, il est déjà trop tard.

Comme savent le faire les amants à cette époque-là, et comme Iseult avant elle, la jeune fille rend l’âme par la simple tristesse de voir son ami mourir. Fou de douleur, le roi les laisse là 3 jours avant de les enterrer au sommet de la colline à laquelle leur histoire malheureuse a donné son nom. Finalement, il aura tout perdu.

La légende reste vivante dans la région de Pîtres et la colline est un lieu de randonnée et de promenade prisé, et peut-être aussi, un lieu inspirant pour ceux qui s’aiment ou que les lieux romantiques font rêver…

L’histoire ? Elle est ici :

Marie de France : lai des deux amants

Labo de Cléopâtre : le khôl : mythe et réalité

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Deux mille ans d’histoires d’amour

A parcourir l’histoire de la littérature et l’histoire des mentalités, on voit que ce que nos contemporains appellent l’amour, ce qu’hommes et femmes recherchent dans une union réside dans une forme de complémentarité teintée d’idéalisme où les sentiments triomphent de toutes les différences et de tous les obstacles. Une histoire d’amour qui nous fait rêver, c’est le parcours amoureux de deux êtres qu’aucune différence sociale, raciale, religieuse ne peut fragiliser. C’est une conception en réalité très moderne qui semble suivre l’idéal philosophique des Lumières proposant l’égalité entre les hommes – même s’il oublie largement les femmes-.

Pourtant, le rêve d’égalité, d’amour partagé et de respect au sein d’un couple d’amoureux apparut très tôt dans l’histoire de la littérature.

Certes, on ne trouve pas d’amour qui puisse nous faire rêver dans les épopées dont les personnages sont pris dans des histoires qui les dépassent, néanmoins, l’aspect absolu, hors conventions et tout puissant de l’amour est connu et évoqué dans les caractéristiques d’Aphrodite et d’Eros. La capacité de l’Amour à nous  rendre complet est sensible dans la conception d’Aristophane rapportée par Platon qui veut qu’homme et femme soient les deux moitiés d’un même être qui cherchent à se réunir. Dans de petits récits plus tardifs, néanmoins, se profilent des histoires d’amour absolu : celle de Psyché et du dieu Eros ou de Pyrame et Thisbé qui deviendront célèbres à la Renaissance sous les noms de Roméo et Juliette, ou encore celle de Daphnis et Chloé, deux bergers orphelins en réalité de haute naissance qui inspireront les amours de bergers et bergères des romans pastoraux de l’époque classique et qui resteront en vogue suffisamment longtemps pour donner à Marie-Antoinette envie de jouer à la bergère plus d’un millénaire après. Rêver d’amour sincère et idéal, on le voit, toucha toute femme.

Car le mariage, dans toutes classes sociales, a d’abord été une question intéressant clans et familles voulant accroître domaines ou prestige avant d’être l’union de deux êtres qui s’aiment et s’unissent pour leur bonheur individuel et mutuel, préoccupations qui n’émergeront que plus tard. C’est sur cette faille, ce manque à combler dans la réalisation personnelle du bonheur et donc d’un des sens de la vie humaine que va s’élaborer la littérature amoureuse.

Quand les arts et la culture émergent de leur longue éclipse depuis la fin de l’Antiquité, on est déjà à l’époque des cathédrales. Sous l’inspiration de Marie de France, Chrétien de Troyes met en romans avec la matière de Bretagne ce que les troubadours d’Aliénor d’Aquitaine ont créé dans leurs chansons sous le nom de « fine amor » et que nous connaissons mieux sous celui d’Amour courtois. Guenièvre et Lancelot, Tristan et Iseult nous évoquent effectivement les premiers amants à l’amour éternel mais aussi adultères. L’époque était pourtant très chrétienne.  Néanmoins, dans ces romans, les amants, investis de valeur spirituelle, étaient protégés par Dieu. Dans le système féodal lui-même, pour mettre de l’ordre parmi les chevaliers, tous célibataires, le seigneur permettait une sorte d’amour platonique et très contrôlé entre sa dame et ses vassaux, ce qui maintenait la cohésion sociale de façon plus émotionnelle, voire légèrement érotique.

A la Renaissance, l’amour revient en France sous forme de poésie imitée des Italiens que leur Antiquité retrouvée inspirait depuis déjà un siècle. Les poètes de la Pléiade chantent l’amour en même temps qu’apparaissent à la cour les grandes maîtresses royales. Au XVII ème siècle, les romans pastoraux de bergers et bergères qui s’aiment innocemment reviennent avec notamment Honoré d’Urfé, entre autres. Le siècle des Précieuses verra l’amour triompher et des femmes modestes devenir les grands amours voire les épouses des souverains, comme madame de Maintenon dont Louis XIV s’éprit sur ce constat : »Comme elle sait bien aimer, et il y aurait du plaisir à être aimé d’elle. »

Le XVIII ème siècle, que les liens avec le Nouveau Monde avait éclairé sur les inégalités, commence à faire discrètement exploser les frontières sociales s’opposant à l’amour, comme on le voit dans les pièces de Marivaux ou les romans de Jane Austen. Au XIX ème siècle, les amours absolues mais contrariées hantent la poésie et les romans des auteurs romantiques où les femmes aimées n’en finissent pas de mourir ou d’être inaccessibles, nous faisant revenir aux « amours de loin » de nos troubadours, comme si le véritable amour, toujours fantasmé, ne pouvait être que celui qu’on ne peut pas vivre.

Devenue entre temps un genre à part entière destiné principalement aux femmes, la littérature amoureuse nous pousse à nous interroger toujours plus entre les vides qu’elle comble et les rêves d’impossible qu’elle suscite dans un monde devenu accessible et consommable et où le bonheur, toujours un rêve plus loin, semble parfois se dérober.

Labo de Cléopâtre : Analyse du khôl égyptien

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Si je n’étais pas dans un musée…

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…je retournerais à mon lieu de naissance, la mer.

Aphrodite pose

Je contemplerais au lieu d’être contemplée…

Aphrodite seins

Je laisserais le froid durcir mes tétons de marbre.

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Comme vous, je rêverais d’amour et d’infini devant l’immensité du ciel.

Aphrodite ciel

Et, libre, je rejoindrais cet Infini…

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Qu’y a-t-il dans les vrais Kâma Sûtra ?

Lorsqu’on évoque ce qu’il appelle « le Kâma Sûtra » avec un Occidental, il connaît toujours, même lorsque ce n’est pas un lecteur – thème de nature obsessionnelle oblige ! -, mais il le connaît comme un manuel de postures sexuelles. Tapez Kâma Sûtra dans un moteur de recherche et vous aurez bien souvent dans les premières pages des propositions de postures excitantes pour pimenter vos nuits, proposées très généralement par des magazines bien intentionnés. Du Kâma Sûtra de la femme enceinte au Kâma Sûtra de l’avent, pour vendre, tout y passe !

Or, les Kâma Sûtra, ce n’est pas un manuel de postures. Tout comme dans le temple de Khajurao célèbre pour ses bas-reliefs érotiques, les postures ne représentent qu’une faible portion de l’ouvrage, mais en matière d’exotisme, notre culture est l’héritière de ces voyageurs colonialistes projetant volontiers leurs obsessions sexuelles qui se débridaient hors du cadre judeo-chrétien strict dans lequel ils vivaient en Europe. Cette capacité colonialiste et méprisante à réduire la culture des autres à un fantasme trouve un prolongement favorable dans une société qui a la consommation pour logique, où seul ce qui se désire et peut être satisfait semble digne d’intérêt, alimentant le circuit de l’offre et de la demande.

Alors, que trouve-t-on dans les Kâma Sûtra, littéralement les versets du Désir ?

D’abord, on y trouve une culture différente dans toute sa complexité, c’est sûrement ce qui embarrasse le consommateur. C’est un manuel qui a du sens dans une société où les codes sociaux et moraux ne sont pas les mêmes que les nôtres, l’ouvrage étant déjà très ancien puisqu’il remonte à une période indéterminée, entre le I er et le V ème siècle d’une Inde dans laquelle nous ne vivons pas.

Ensuite, on y trouve des gens. Des hommes qui veulent faire l’amour ou se marier, à qui les Kâma Sûtra expliquent comment réaliser une approche et conclure, des femmes, belles ou laides, jeunes ou vieilles qui viennent de se marier ou qui vont le faire, à qui on donne des conseils pour conserver l’être aimé, des courtisanes à qui le manuel apprend à évaluer les hommes et les situations, à calculer pour soutirer le plus d’argent à un amant en le choisissant bien puis en adoptant certaines attitudes et employant certaines ruses pour le conserver assez longtemps pour lui soutirer le maximum. Il y a aussi des entremetteuses, des eunuques, des soeurs de lait, des amies, des femmes de harem, etc. Enfin, et c’est sûrement ce qui est le plus étonnant, il y a, pour l’écrire, un brahmane motivé et rigoureux, qui compile et résume, sous le nom de Kâma Sûtra, un ensemble d’ouvrages écrits antérieurement. Ce brahmane n’hésite pas à prendre la parole et à l’assumer. Ce n’est donc pas l’ouvrage honteux d’un anonyme mais un ouvrage d’érudit s’acquittant du mieux possible de sa mission.

Puis il y a aussi des considérations techniques : le type de plaisir éprouvé selon la taille du pénis et du vagin des deux partenaires, des intentions mutuelles qui président à l’accouplement, les conditions dans lesquelles ça se fait, des liens logiques de cause à effet entre un type de comportement adopté et la réaction qui viendra de la part du partenaire. Les Kâma Sûtrâ sont d’une incroyable finesse psychologique, ce qui ne doit pas non plus être fait pour exciter un consommateur pressé.

On y trouve enfin des pratiques. Pratiques sexuelles qui ont beaucoup fait rêver les Occidentaux alors qu’il semble évident qu’à part une ou deux postures très techniques, ils les ont déjà pratiquées tant tout cela, en Inde comme ailleurs, est plus instinctif que scientifique, bien heureusement. C’est bien sûr le cas de la fellation qui, contrairement à ce qu’on croit, est assez unanimement considérée comme une pratique méprisable. D’autres pratiques sont mentionnées comme des baisers et des caresses qui ont toujours des noms surprenants mais qui ne font pas toujours envie et des pratiques qu’on peut trouver barbares comme celle qui consiste à mettre de légers coups de poing entre les 2 seins de la femme pendant l’acte sexuel ou les morsures et griffures qui, exhibées ensuite, rappellent l’acte d’amour qui les a provoquées et sont de nature, paraît-il, à raviver la flamme.

Mais les pratiques les plus importantes, et c’est certainement ce qu’il y a de plus surprenant, ce sont celles des 64 arts qui vont de la musique au jeu en passant par la poésie, la cuisine, la conversation, les divertissements, la danse, l’architecture, la stratégie militaire ( si, si !), l’art floral, etc. Ces 64 arts à maîtriser, exigés en tête du livre avant toute autre considération et estimés comme garants d’une séduction infaillible, témoignent d’une culture qui entend malgré tout faire passer les plaisirs de l’esprit avant ceux du corps.

Finalement, quelle est la qualité des Kâma Sûtra ?

Comme souvent dans la pensée indienne, la qualité des Kâma Sûtra réside dans leur tolérance car ils se nourrissent d’abord du génie des autres et donnent sur tous les sujets aussi bien le point de vue généralement admis – englobant celui de l’auteur – que celui des auteurs d’avis contraire. C’est également un manuel qui donne des conseils pour faire l’amour mais qui précise aussi que dans le feu de l’action, aucune règle n’existe. Ouvrage inscrit dans une société, il propose aussi des conseils pour se marier selon sa caste mais admet qu’ « on ne trouve le bonheur qu’avec celle que l’on aime vraiment, quelle qu’elle soit » et que « le meilleur des maris reste celui qui possède toutes les qualités qu’une femme a pu souhaiter. »

C’est donc leur subtilité qui fait des Kâma Sûtra une lecture intéressante, bien au contraire de ce à quoi on a voulu les réduire.

Pour les courageux dont l’intérêt aurait été éveillé, on peut trouver l’ouvrage notamment ici : http://www.atramenta.net/lire/les-kamasutra/2696/3#oeuvre_page

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Chevelure et voyage, selon Baudelaire

La chevelure

« Ô toison, moutonnant jusque sur l’encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir !

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d’autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.

J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l’ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève !
Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :

Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse
Dans ce noir océan où l’autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé !

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m’enivre ardemment des senteurs confondues
De l’huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ? »

Avec la propriétaire de cette chevelure, Jeanne Duval, surnommée la Vénus noire, Baudelaire aura sa relation la plus  passionnée en même temps que la plus tumultueuse, sur fond de drames et de misère sociale. La particularité de cette femme est d’être une métisse dans un Paris du milieu du XIX ème siècle qui en connaît peu en dehors d’Alexandre Dumas.

Dans sa chevelure, Baudelaire retrouve l’essence même de l’altérité, si attirante chez l’autre, promesse d’harmonie, comme si s’unir à l’inverse de ce qu’on est nous promettait de devenir enfin complet. Ses cheveux longs presque crépus sont un  élément de l’identité de Jeanne, car au milieu des cheveux européens, ils se distinguent facilement.

L’altérité, c’est d’abord le féminin, quand on est un homme, particulièrement hétérosexuel. C’est aussi l’origine ethnique, visible dans leur matière, leur couleur, leur densité :  » la langoureuse Asie et la brûlante Afrique, tout un monde lointain, absent, presque défunt, vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !« .

La chevelure de Jeanne se distingue aussi par ses parfums :  » l’huile de coco, du musc et du goudron« , typiques des Caraïbes. L’huile de coco prend soin des cheveux afro, le musc les parfume d’une façon toute bestiale et sensuelle, et le goudron, encore malheureusement quelquefois utilisé, a pu les discipliner et les mettre en forme en ce XIX ème siècle.

Pour un français, quel exotisme !

Oui, mais Baudelaire n’a pas connu que la France. Pendant 7 mois, sa famille lui a imposé un voyage qui comprit l’Inde et l’île Maurice dont il a rapporté, comme chacun en voyage, des souvenirs, des émotions, des impressions.

Parmi ces souvenirs, le souvenir olfactif qui fait les madeleines de tous les Proust, écrivant ou non et qui, par la mémoire, rend la rencontre avec les odeurs plus profonde que l’expérience immédiate ne le fait. A la faveur du parfum des cheveux de l’aimée, des souvenirs d’autres chevelures pleines d’huile de coco, de musc, ou juste de parfums ambiants captés au hasard d’une promenade remontent à la surface,   » Des souvenirs dormant dans cette chevelure, je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir!« ,  » N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde où je hume à longs traits le vin du souvenir ?« .

Ce voyage, à l’époque où les avions n’existaient pas, se faisait par mer, semblable à cette chevelure : « mer d’ébène« , « noir océan ou l’autre est enfermé« . Et on abordait heureux, plein d’une expérience unique qui changeait pour toujours la vision du monde et rendait nostalgique à jamais, une fois de retour au pays.

Que vit-on en voyage ?

Tant de choses qu’on ne peut nommer, évoquer, tenter de partager sans se sentir infiniment seul et incapable de réellement communiquer.

Un monde que la chevelure de Jeanne – tour à tour « forêt« , « océan« , « houle« , « oasis« , « port » – enserre et contient. L’ornement capillaire de la femme aimée devient ainsi l’univers des désirs, des souvenirs et des rêves. Un  univers d’exotisme, d’amour et de beauté. Le voyage en lui-même pleinement réalisé.

Cet article est la propriété du site Echodecythere. Il est interdit par le code de la propriété intellectuelle de le reproduire sans l’autorisation de son auteur. La poésie, en revanche, est libre de droits.

2300 ans de poèmes de femmes, de fleurs et de beauté

Femmes et fleurs sont rapprochées depuis longtemps dans la tradition poétique et littéraire en raison de leur beauté et du caractère éphémère de celles-ci. Il y a d’autres rapprochements entre elles dans la littérature ancienne, notamment à propos de la virginité. La libération du corps des femmes, longue à émerger, a malgré tout fini par avoir raison du mythe de la virginité, du moins dans la société occidentale. Ne reste alors plus que la vieillesse pour unir femmes et fleurs dans une même métaphore qui perdure.
Voici une généalogie – sommaire et donc incomplète malgré tout- de cette tradition très épicurienne et née en même temps que cette philosophie.
 » Si tu t’enorgueillis de ta beauté, considère avec quel éclat passager la rose fleurit. Elle se fane dans un instant, et soudain elle est confondue avec les choses les plus viles. Les fleurs et la beauté ont la même durée; le temps envieux les flétrit également. » Anthologie Théocrite, Bion, Moschus. III ème siècle av. J-C
– Ici le constat est sévère et cru : le vocabulaire péjoratif « enorgueillis », »les choses les plus viles », « flétrit ». Il y a autant de hargne que de poésie, les grecs anciens n’ayant jamais craint la brutalité. L’invitation épicurienne à jouir de la vie n’est pas présente et on sent quelque chose comme du ressentiment à l’égard d’une femme qui repousse un amant.

 » …Nous nous plaignons, nature, que la beauté des fleurs soit fugitive : les biens que tu nous montres, tu les ravis aussitôt. La durée d’un jour est la durée que vivent les roses : la puberté pour elle touche à la vieillesse qui les tue. Celle que l’étoile du matin a vue naître, à son retour le soir elle le voit flétrie. Mais tout est bien : car si elle doit périr en peu de jours, elle a des rejetons qui lui succèdent et prolongent sa vie. Jeune fille, cueille la rose, pendant que sa fleur est nouvelle et que nouvelle est ta jeunesse, et souviens-toi que ton âge est passager comme elle. » Ausone. IV après J-C.
– Ausone est un poète bordelais de langue latine aujourd’hui oublié. Ce morceau est extrait d’une poésie plus longue et plus naturaliste qui parle longuement de la rose. D’une manière générale, sa poésie est champêtre et s’intéresse donc beaucoup à la nature. L’invitation à « cueillir » est enfin présente : elle aura une longue lignée. Ici, et ce sera la seule fois dans l’histoire de ce motif littéraire, il y a un espoir dans la génération future :  » elle a des rejetons qui lui succèdent et prolongent sa vie ».

– Ce n’est pas ce motif qu’utiliseront ses imitateurs très connus de la Renaissance, Malherbe : «  Et rose elle a vécu ce que vivent les roses.. » qui exprimait le deuil d’une petite fille de 3 ans qui ne pouvait alors pas avoir eu de rejetons, et Ronsard, qui emploie ces vers et la métaphore de la rose flétrie pour inviter Cassandre à partager son amour avant qu’il ne soit trop tard :
« A Cassandre
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté. »
Ronsard 1545

– Enfin, Raymond Queneau, comme dans un de ces exercices de style, reprend le thème bien connu dans une chanson de 1947 pour Julienne Gréco, mêlant langage familier et descriptions peu flatteuses d’un siècle qui depuis peu manipule les images devenues fixes permettant d’avoir un recul et une image enfin précise du délabrement de la beauté féminine. L’invitation à cueillir les roses de la vie est la même que celle d’Ausone et de ceux qui le suivent, mais les Grecs anciens s’invitent dans cet hommage sous la forme de la brutalité du propos néanmoins réaliste.
« Si tu t’imagines
Si tu t’imagines
Fillette fillette
Si tu t’imagines
Xa va xa va xa
Va durer toujours
La saison des za
La saison des za
Saison des amours
Ce que tu te goures
Fillette fillette
Ce que tu te goures
Si tu crois petite
Si tu crois ah ah
Que ton teint de rose
Ta taille de guêpe
Tes mignons biceps
Tes ongles d’émail
Ta cuisse de nymphe
Et ton pied léger
Si tu crois xa va
Xa va xa va xa
Va durer toujours
Ce que tu te goures
Fillette fillette
Ce que tu te goures
Les beaux jours s’en vont
Les beaux jours de fête
Soleils et planètes
Tournent tous en rond
Mais toi ma petite
Tu marches tout droit
Vers sque tu vois pas
Très sournois s’approchent
La ride véloce
La pesante graisse
Le menton triplé
Le muscle avachi
Allons cueille cueille
Les roses les roses
Roses de la vie
Roses de la vie
Et que leurs pétales
Soient la mer étale
De tous les bonheurs
De tous les bonheurs
Allons cueille cueille
Si tu le fais pas
Ce que tu te goures
Fillette fillette
Ce que tu te goures »
Queneau.1947

Alors, à qui le tour ?

Poèmes indiens d’amour et de spiritualité

La Centurie est un recueil de 101 poèmes amoureux de l’Inde du VII ème siècle, écrits originellement en sanskrit. Ils sont censés avoir été écrits par Amaru, roi cachemirien.

La spiritualité indienne peut être portée par des idées contradictoires qui vont la pousser à glorifier le renoncement, le détachement comme moyens les plus sûrs de parvenir au divin contenu en tous et qu’il nous faut seulement découvrir et révéler, et paradoxalement l’amour, la passion, le désir qui sont les meilleurs sentiments pour connaître Dieu par les actes de dévotion absolue qu’ils génèrent.

Cette apparente contradiction, qui n’existe que pour qui est soumis à la dualité ( bien/mal, etc.) se retrouve dans l’image du dieu Shiva, ascète, grand méditant mais aussi amant passionné qui fit l’amour à son épouse Parvatî pendant 1000 ans !

C’est pourquoi, sans doute, les poèmes de la Centurie sont surtout ceux de l’abandon, de la trahison, des scènes de colère entre amants, mais d’un autre côté, ils peuvent aussi être ceux de l’amour qui fait parvenir jusqu’au divin, que ce soit :

– dans l’amour d’abord non partagé peut-être, où la quête, l’attente suffisent :

 » Esprit plein de joie à simplement la voir,

Souci constant d’en trouver le moyen,

Passion à son comble,

lettres innombrables confiées à une messagère…

Qu’importe alors d’atteindre au bonheur

Que dispense l’étreinte ardente de l’aimée ?

Emprunter seulement les rues près de chez elle

Promet le parfait accomplissement. »

– dans la beauté de la femme qui, attendant son époux, est l’offrande faite au dieu, son époux, qui n’a besoin de nul autre sacrifice :

« Longue guirlande d’accueil, son regard,

Pour tous lotus ;

Jonchée de fleurs, son sourire,

Pour les jasmins de toutes sortes;

La sueur de ses seins, oblation,

Pour l’eau du vase :

Des parties de son corps,

A son époux qui rentre,

La belle rend hommage. »

– dans l’union sexuelle, enfin, où chevauchant l’homme, la femme devient Shakti, c’est-à-dire le principe féminin et parfois terrible du divin, qui anime le principe divin masculin, passif et donc dépendant du principe féminin. Les divinités du védisme et de l’hindouisme s’effacent alors devant la Grande Déesse dont la religion est attestée de plus longue date en Inde et que rien n’a pu éclipser.

 » Les boucles dansent, emmêlées,

Les anneaux d’oreilles se balancent,

La marque au front s’estompe,

Sous les fins réseaux de sueur,

L’oeil est alangui après le plaisir.

Le visage de jeune femme

Qui, dans la volupté, a échangé les rôles,

Qu’il te protège longtemps :

A quoi bon Vishnou, Shiva et les autres dieux ? »

Amaru, La Centurie. Traduction Alain Rebière. Collection Folio

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