symbolisme

Beauté : la tentation mathématique

Dans Costume de la donne, en 1536, Morpugo établit une liste de 33 perfections que doit avoir la femme idéale. Ce n’est pas une nouveauté, depuis ce 16 ème siècle, on fait des listes de perfections féminines allant de 3 à 30. Morpugo ne fait qu’en ajouter 3 autres. 3,30,33…On ne peut que remarquer la récurrence du 3 et ses multiples.

Voici cette liste, citée dans l’Histoire des femmes en Occident :

« Trois longues : les cheveux, les mains, les jambes

Trois menues : les dents, les oreilles et les seins

Trois étroites : la taille, les genoux et  » l’endroit où la nature a placé tout ce qui est doux »

Trois grandes ( mais bien proportionnées ) : la taille, les bras et les cuisses

Trois fines : les sourcils, les doigts, les lèvres

Trois rondes : le cou, le bras et le…

Trois petites : la bouche, le menton et les pieds

Trois blanches : les dents, la gorge, les seins

Trois rouges : les joues, les lèvres et les tétons

Trois noires : les sourcils, les yeux et ce que vous savez. »

Chacune de ces perfections s’assemble par triades où domine la géométrie : large, longue, ronde, ou la simple représentation spatiale : grande, fine, menue. Les couleurs, elles, sans nuances aucune, renvoient à l’imaginaire alchimique : l’oeuvre au noir, au blanc, au rouge. La pierre philosophale des alchimistes était censée aussi bien changer le plomb en or que faire obtenir l’immortalité à son possesseur. Normal que les critères censés définir la beauté d’une femme s’inspirent de certains de ses symboles, d’autant plus que la pratique de l’alchimie explosa à la Renaissance. Le chiffre 3, quant à lui, a le pouvoir de représenter Dieu dans presque toutes les cultures ( le Père, le Fils, le Saint Esprit des catholiques; Brâma, Vishnou, Shiva, la trinité des hindous; Le Bouddha, le Dharma, le Sangha, les 3 refuges des Bouddhistes, etc..), logique donc de le retrouver, lui et ses multiples, dans ce qui doit définir, les « perfections », la première des perfections étant Dieu lui-même.

Si les symboles mathématiques énoncés dans cette liste sont propres à leur époque, ne pensons pas être épargnés par le phénomène. Le critère de beauté minimal établi par notre Indice de Masse Corporelle, s’établit à partir d’un chiffre – un nombre pour être exact – obtenu grâce à la conjonction, dans un tableau, d’un poids établi en chiffre avec une taille également en chiffres, à quoi s’ajoutent la nécessité de la symétrie dans les traits, les sourcils qu’on redessine en les épilant, un rapport seins-taille-hanches suffisamment marqué et qui a pu également se traduire par des chiffres, le fameux 90-60-90, mensurations idéales établi dans les années 90 quand les journalistes, pour créer de la nouveauté, décidèrent de stariser les mannequins. Toute récurrence d’un multiple de 3 dans l’établissement d’une mesure visant à exprimer l’idéal s’avère bien évidemment culturellement fortuite. ..

On pourrait continuer la liste : nos tailles s’établissent en chiffres, nécessairement pairs en France, lesquelles expriment l’idéal à partir du moment où elles ne dépassent pas la trentaine, 36, pour être tout à fait exact, représentant l’idéal de la taille mannequin. La trentaine, c’est également le somment de la vie d’un homme et d’une femme, tant, en ce qui concerne la beauté et la forme physique que l’épanouissement socio-professionnel et personnel.

Pourquoi tant de chiffres ?

Les lois mathématiques et physiques définissent l’univers et contribuent donc à faire disparaître beaucoup de son arbitraire, de son côté hasardeux et angoissant. Il y a ainsi un ordre du monde, et pour les physiciens qui ont étudié l’univers comme pour certaines religions, Dieu est souvent vu comme un architecte, celui qui en a établi les lois perceptibles dans les mesures, règles, chiffres et autres systèmes mathématiques permettant de définir cet univers.

Et la beauté ?

La beauté rejoint une autre grande merveille du monde qu’on appelle l’Amour, et les définir tous deux d’une façon rationnelle leur ôte à la fois de leur mystère, de leur pouvoir et donc de tout ce qui les rend angoissants. Contrôlés et maîtrisés, la Beauté et l’Amour n’ont plus ce caractère terrible défini par les Grecs à travers des figures comme Eros et Aphrodite.

Mais Aphrodite finit toujours par renaître : « L’imperfection est beauté, la folie est génie, et il vaut mieux être totalement ridicule que totalement ennuyeux. » Marylin Monroe.

Une invitation à rendre leur liberté à la beauté, au charme, à la spontanéité en séduction et en amour, et à laisser tomber les chiffres aussi ridicules qu’ennuyeux dès qu’il s’agit d’Amour et de Beauté.

Quand c’est la plus belle qui le dit, il n’y a qu’à s’incliner.

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Bêtes et sexualité dans les contes de fées

Depuis son apparition, la civilisation n’a cessé de produire des histoires pour générer du sens et du social, et selon la période de son apparition, la façon de les raconter va d’un collectif à un collectif puis d’un individuel à un individuel. Mythes, contes et légendes étaient en effet les récits collectifs et primitifs, sans auteurs et oraux qu’on a mis par écrit par la suite, sans doute pour ne pas les perdre. Romans, nouvelles, poésies sont en revanche des histoires écrites par un auteur pour le plaisir d’un lecteur individuel.

Détail ? Non, différence fondamentale, au contraire. Car le récit d’un auteur va de la culture de cet auteur à celle d’un lecteur au moyen d’une culture commune mais pas obligatoirement.  Le récit traditionnel d’une civilisation va d’un groupe d’individus plus large vers une universalité d’êtres humains via une culture visant l’humanité qu’on appelle les symboles. Cette façon de raconter des histoires est aussi universelle qu’intemporelle. Quand le récit d’un auteur est daté, le mythe inscrit son empreinte au coeur d’une identité avec laquelle nous sommes nés et avec laquelle nous mourrons : celle de l’humanité, même si celle-ci se raconte dans des mythes apparemment localisés et dont sont nés différentes civilisations.

Et les bêtes dans tout cela ?

Si, à peu de choses près, elles sont absentes des récits individuels, en revanche elles envahissent les récits traditionnels et les cauchemars des enfants dans une ressemblance qui n’est pas le fruit du hasard. Et comme les récits traditionnels sont différents selon qu’ils concernent l’individu en tant que membre d’une collectivité dont les membres sont unis par une identité commune ou en tant qu’être mortel et sexué dans un environnement social,  le symbole de la bête, bien que stable dans sa globalité, diffère d’un de ces types de récits à l’autre.

– Le récit traditionnel d’une collectivité qui revendique une identité culturelle, c’est le mythe. Sa particularité est d’être à la fois collectif et local. Collectif parce qu’on y retrouve les mêmes motifs sur tous les continents : la création du monde, les héros à la naissance exceptionnelle, les monstres et démons, les catastrophes naturelles suite à la colère des dieux, etc. Local parce que du mythe de la Création écrite dans la Torah ou Ancien Testament à celui du Mâhabhârata, ces récits sont locaux et ont fondé des identités, des unités géopolitiques ou sociales.

Dans ce cas-là, la bête, le monstre, ce sont les forces du Chaos, ce qui fait obstacle à la civilisation à créer ou qui a été créée. Le héros des mythes est toujours un héros civilisateur, un conquérant qui fonde sa royauté sur sa victoire contre le dragon, l’Hydre de Lerne, le démon du lieu – Humbaba de l’épopée de Gilgamesh, Râvana du Ramayana -. La Bête, le démon, pour les Chrétiens, ce sont les représentations de ce qui fait s’écarter du chemin de Dieu : tentations, luxure, plaisirs individuels sans retenue. Si les hommes s’y abandonnent en masse, ils menacent la civilisation qui a besoin de règles pour perdurer. L’Homme, qui s’est pensé comme un être sorti de la condition animale pour s’élever plus haut, craint de retrouver un ancien état qu’il sait avoir connu : celui, naturel, de la créature plutôt que du créateur.

– Le récit traditionnel d’un individu mortel et sexué en société, c’est le conte. Le conte ne fait pas du lien identitaire mais permet à chacun de prendre sa place au sein de la société. Et au coeur de celle-ci, il peut être garçon, fille, se sentir stupide, être le dernier de la fratrie, toutes choses qui peuvent le faire se sentir misérable. Pour chacune de ces personnes, explique Bruno Bettelheim, le conte encourage à prendre sa vie en main et à ne pas craindre l’issue malheureuse. C’est pourquoi chaque conte se termine bien. Il est le récit de la sagesse populaire des anciennes générations, des aînés qui guident les plus jeunes dans les différentes étapes de leur vie.

Dans ces récits-là, la bête, c’est bien souvent la sexualité, la vie sexuelle redoutée des toute jeunes filles qu’on a éduquées dans la peur du  » démon de la chair » auquel elles devaient ensuite se soumettre par devoir conjugal.

Or, comment passer de la peur et du dégoût au plaisir ?

Les contes savent raconter ces histoires là où les mères n’y arrivaient pas. Et ces histoires de princes qu’un mauvais sort a transformés en bêtes que l’acceptation de la jeune fille permet d’anéantir ne sont pas autre chose que les récits d’une initiation qui va de la peur et du dégoût de l’acte sexuel appréhendé comme une violence et une barbarie qui se transforme progressivement en un des ciments du mariage, également apprécié par l’un et l’autre des époux. Ce schéma permet à la fille d’être rassurée en voyant que toutes les autres ont éprouvé la même crainte qu’elle et que ce problème finit par se résoudre.

Et si nous avons oublié cet aspect de la bête dans les contes, le langage populaire perpétue cette tradition de parler d’un animal pour ne pas parler de sexe dans une expression telle que  » voir le loup », souvent réservée à une jeune fille déniaisée…

Le lien entre la bête des mythes et celle des contes ?

Dans tous les cas, les bêtes représentent les forces pulsionnelles et inquiétantes dont la puissance risque de nous détruire, qu’on soit individu ou société, et que l’enfant perçoit inconsciemment sans les identifier – et que nous percevons aussi – dans les cauchemars.

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Seins et symbolisme

Spécificité du corps féminin, caractère sexuel secondaire qui, paradoxalement prend la première place par sa visibilité bien qu’il soit couvert, le sein, de toutes les manières qui lui sont possibles, occupe bien souvent l’espace principal du rapport homme-femme.

Les seins apparaissent chez la femme à la puberté, comme le reste des autres caractères sexuels secondaires, mais celui-ci, contrairement aux autres – les poils, qu’on peut épiler, les règles, qui ne se manifestent que 5 jours par mois – s’installe aussi bien dans la durée que dans la contrainte.

Car les seins paraissent libres, poussant comme ils le veulent, en taille, en forme, apparaissent selon des lois génétiques et hormonales se déclarant soudainement et évoluant selon des changements hormonaux ou relatifs à d’autres causes pas toujours identifiables et qui peuvent laisser perplexes. En bref, ils semblent mener leur propre vie sur le corps de la femme, comme ces parasites qui colonisent d’autres espèces pour pouvoir vivre, occasionnant parfois des gênes, des douleurs, et, parce qu’ils sont également une zone érogène, le plaisir et l’excitation.

Ils sont si contraignants, si envahissants, si puissants qu’ils exigent même un appareillage, un vêtement, qui leur est réservé pour pouvoir les dresser, les sangler et les contraindre à plus d’obéissance et de discrétion !

Mais ce ne sont pas les seuls problèmes qu’ils génèrent, car apparaissant à un âge où les idées de séduction, de désir et d’identité, commencent à émerger, ils ont le pouvoir d’occasionner bien des complexes selon qu’une jeune fille se voit dotée bien malgré elle d’une poitrine conforme à ce que les autres désirent ou non. Trop petite, on se moquera d’elle, trop grosse, on se moquera également d’elle et elle attirera bien souvent des comportements grossiers d’une violence d’autant moins certaine qu’elle se prétendra souvent involontaire. Un sein frôlé, n’est-ce pas un petit plaisir que certains s’offrent hypocritement, à peu de frais, se retranchant derrière l’accident ?

Ainsi, en plus d’être des parasites, les seins sont les éclaireurs à  l’avant-poste de la vie sexuelle, laissant deviner sa part violente et pulsionnelle qu’il faudra cerner et maîtriser avant de pouvoir la vivre sereinement. Car les seins, de par leur position comme de leur fonction initiale destinée à nourrir l’être à qui on a donné la vie, nous projettent hors de nous-mêmes, dans cette arène désirante que constitue le monde.

Et dans ce monde d’hommes où la femme est l’objet du désir, les seins ont la première place, créant des inégalités entre celles qui en ont et celles qui n’en ont pas, celles qui en ont de gros, celles qui en ont de petits, celles qui sont inhibées, celles qui ne le sont pas, tournant la roue du destin dans un sens inattendu, révélant à certaines leur pouvoir, à d’autres qu’elles n’en ont pas, et donnent l’idée aux plus ambitieuses et limitées à leur enveloppe physique, d’en acquérir de plus gros. Comment s’en étonner quand certaines publicités pour la lingerie, entre autres, cachant le visage du mannequin et se focalisant sur la poitrine pour une meilleure identification, symbolisent à merveille le rapport que la société entretient vis-à-vis des femmes, c’est-à-dire avec leur corps plutôt qu’avec leur esprit, ce corps muet sur lequel projeter tous ses désirs ?

Cette réduction, assez courante pour finir par devenir inaperçue est donc logiquement autant ce qui aliène la femme au désir que ce par quoi elle va pouvoir manifester son pouvoir, sa colère et sa contestation dans la langue où on a le plus envie de l’entendre, c’est-à-dire l’exposition de son corps. En mai 68, les femmes brûlaient leur soutien-gorge dans un rituel destiné à brûler également toute entrave faisant de la femme un être aliéné. Dans les années 70, une femme se promenait dans les rues de Paris, les seins enfermés dans une boîte, proposant à des hommes inconnus de les caresser, montrant combien le corps de la femme était un objet. Seuls nos seins vous intéressent ? Et bien, c’est désormais eux qui parleront, semblent dire au monde les Femen, féministes activistes dont les seins sont les pancartes sur lesquelles elles inscrivent leurs revendications.

Ainsi, les seins, lieu de notre faiblesse et de notre aliénation, savent aussi devenir lieu de notre pouvoir et de notre révolte.

Ce pouvoir, c’est aussi celui de participer à la nature quand une femme décide d’allaiter ou de revendiquer sa liberté quand elle choisit à l’inverse de ne pas le faire, mais aussi de le faire en public, comme la nature le lui permet et comme la société ne l’accepte plus. Car à force de les avoir érotisés, exposés dans un but d’excitation purement sexuel depuis que la Renaissance a adopté le point de vue hédoniste des Grecs de l’Antiquité, les seins dénudés ne signifient plus désormais, dans nos vies où ils sont à vendre, ce don de l’amour et de la vie offerts à un nouvel être tel que le Moyen-Age en avait l’habitude dans les représentations de Vierge à l’enfant.

Logique alors qu’ils soient le lieu de tous les paradoxes, clivages, oppositions et révoltes. Les seins sont donc les contestataires qui remplissent nos soutien-gorge, des bombes sociales qui ne se désamorcent que dans la maturité de la relation apaisée d’une femme avec elle-même, dans toutes ses dimensions physiques et spirituelles – qu’elle peut découvrir parfois à la suite d’une ablation – mais aussi avec le monde, quand celui-ci accepte qu’elle soit aussi autre chose qu’une belle femme : une belle personne.

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Cheveux : symbolisme et séduction

Depuis l’Antiquité et certainement avant, les cheveux font l’objet d’une attention et d’un soin particuliers dans toutes cultures ayant donné à leur couleur ou leur longueur une signification particulière.  » Don de Dieu » qu’on ne doit pas couper, symbole de force ou indice de beauté, de santé ou de séduction, la manière de les entretenir occupe les savants de toute époque, de la Cléopâtre du Kosmetikon à Hans Schwarzkopf, et leur apporte la fortune.

Bien entendu, ce sont les cheveux de la femme qui occupent le plus à la fois les commerçants, les artisans du cheveu et ceux qui jugent des moeurs. Car si les hommes ont pu porter les cheveux longs dans beaucoup de cultures comme le démontre l’histoire de Samson dans l’Ancien Testament, l’Europe moderne reste héritière des valeurs romaines donnant aux hommes cheveux courts et visage rasé, et aux femmes les cheveux longs propres aux jeunes femmes et aux matrones. A celles-ci, destinées à une vie oisive de gynécée plutôt qu’à une vie active, il était possible et permis de prendre du temps pour leur physique, d’autant plus que leur rôle auprès de l’homme était essentiellement de lui plaire, dans les limites imposées par la société. On doit plaire à celui à qui on est destinée et non aux autres.

Ils sont également une manière de se cacher par leur longueur dissimulant d’autres charmes. Pourtant, progressivement, de voile que les cheveux étaient, selon l’Epître aux Corinthiens, les cheveux deviennent aussi de plus en plus souvent ce qui doit être voilé.

La réputation sulfureuse des cheveux est telle qu’avec le sang et le sperme, ils sont un ingrédient privilégié des philtres magiques destinés à séduire. Ce statut particulier a de quoi étonner quand on sait que ce n’est pas un caractère sexuel secondaire et qu’à priori, il n’y a pas vraiment de quoi s’exciter.

Pourtant, leur pouvoir de séduction est bien réel, mais loin d’être immédiat, il est moins brut et déploie une finesse étonnante car il vient à la fois de l’espèce et de la culture dont dépendent des codes de société.

Ainsi, une chevelure, c’est quelque chose de préhistorique, le souvenir impudique d’une intimité oubliée puisqu’elle est la somme des poils de l’ensemble du corps qui l’ont déserté pour se concentrer sur le haut de la tête suite à des pratiques proprement humaines les rendant inutiles telles que la bipédie et l’habillement. Mais en même temps, c’est une matière transfigurée par l’intelligence et la créativité où peuvent s’exercer toutes sortes d’arts liés à l’une des premières techniques découvertes par l’humanité: le tissage. Dans la chevelure, le naturel imposé par l’espèce s’est fait ornement, vecteur de culture et de civilisation tout en prenant racine dans un corps humain, mortel et imparfait. Un paradoxe qu’on retrouve dans cette image de l’épouillage, présente encore au début du XX ème siècle, quand l’hygiénisme n’avait pas encore édicté de nouvelles règles sanitaires et que la recherche du parasite tenait lieu de constructeur positif de lien social moins critiqué que Facebook…

Les cheveux sont d’ailleurs des révélateurs aux limites des mondes naturel et culturel : par leur matière et couleur, ils laissent deviner une origine ethnique, un patrimoine génétique et sa mystérieuse loterie qui décide de qui de l’ascendance du père ou de la mère sera la plus évidente, la santé et le soin de la personne par leur propreté, leur coupe, un âge par leur couleur intense ou non, grisonnante, blanche ou systématiquement colorés pour que ça n’arrive pas, par une façon de se coiffer aussi, marquée par le temps, la mode de ce  » à mon époque » où on a parfois posé ses valises esthétiques. Enfin, les cheveux trahissent aussi un budget qu’on y a consacré, ainsi qu’un caractère, une psychologie par le choix qu’une femme fait de couleurs, coiffures excentriques ou originales qui pourront témoigner d’une personnalité extravertie, obsessionnelle ou créative, une absence totale de soin pourra être le signe d’une détresse psychologique ou d’un choix plus philosophique de détachement, des cheveux toujours attachés de la même manière un certain goût pour l’ordre, une psychorigidité ou un désintérêt, une indifférence pour des pratiques esthétiques qu’on peut aussi juger vaines ou superficielles.

Ca, c’est la séduction universelle de la chevelure mais qu’en est-il de la séduction interpersonnelle ?

Par ses cheveux, vous avez déjà une foule d’informations sur la femme qui vous intéresse. Mais ce n’est pas tout. La séduction de la chevelure d’une femme est au maximum lorsqu’elle lâche ses cheveux car selon la loi inconsciente des symboles, des cheveux qu’on lâche annoncent des moeurs que l’on relâche. Et de fait, une femme qui voudra séduire ne le dira jamais mieux qu’en jouant avec une de ses mèches de cheveux lâchés, un de ces gestes qui trahissent l’intérêt même si, le raisonnement poussé à l’extrême tourne à la dictature dans les sociétés craignant la femme et voulant entraver ses libertés.

Car lâcher ses cheveux, cela signifie d’abord se sentir libre, sans entraves, de même nature que le vent qui les fait s’envoler et qui se fout de savoir si un oeil masculin les regarde ou non et si Dieu, qui les a, paraît-il, créés, est d’accord avec ça.

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Rondeurs, féminité et symbolisme

Pour parler du corps de la femme, on va souvent parler de rondeurs, à double sens. Le premier désigne les spécificités du corps féminin, plus en courbes que celui de l’homme, le second désigne des femmes dont la silhouette épaisse par rapport à la norme sociale accentue ces formes. Par un bel euphémisme, on glisse doucement de l’un à l’autre sans paraître offenser, en laissant croire, par ce glissement, que le corps plus rond est le propre du féminin, ce qui est malgré tout juste d’un certain point de vue.

En effet, si c’est juste du point de vue physiologique à cause des hormones et des grossesses que peuvent subir les femmes au cours de leur vie, ce n’est pas juste dans l’image donnée par les médias de ce qu’est un beau corps féminin dans notre société et à laquelle nous adhérons parfois malgré nous.
Le corps qui est beau est le corps qui est mince, voire très mince. Les rondeurs, elles, ne sont acceptées que depuis quelques années car on s’est rendu compte qu’elles constituaient une force économique. Un article du magazine ELLE révélait il y a quelques années que 80 % des femmes taillaient au minimum 40 tandis que les magazines représentent une image inverse, avec peut-être moins de 20 % de femmes taillant à partir de 40 sur les photographies.
Pourquoi un tel désaveu ?
Si à certaines époques et dans certains endroits du globe, les femmes bien en chair ont été appréciées, ce n’est pas le cas dans notre société.
Le corps des femmes, support de fantasmes, de peurs et d’idéaux est le plus aliéné des deux sexes dans une société patriarcale car c’est lui qui est vu comme un objet de convoitise. Selon s’il est gras ou mince, il signifie différentes choses et manifeste une tendance de toute la société.
Ainsi, si au Moyen-Age le corps fluet témoignait d’un plus grand attachement aux plaisirs célestes qu’aux plaisirs terrestres, la Renaissance célébrait la vie et ses plaisirs à travers la représentation de corps gras et puissants comme les femmes de Rubens ou le Christ athlétique de Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine. Mais après plusieurs famines et la Peste Noire pour décimer l’Europe, comment valoriser les corps maigres rappelant ces heures noires ? En opposition avec l’Eglise qui s’était montrée impuissante contre ces fléaux, la Renaissance fit le choix des plaisirs terrestres.
Et maintenant ?
Maintenant, le problème est inversé. Si après la Seconde Guerre Mondiale, le cinéma représente des femmes rondes parce que les années de guerre et de privations avaient donné, comme à la Renaissance, du goût pour l’opulence jusque dans les silhouettes, la société d’abondance, par un mouvement de balancier inverse, génère le goût contraire.
Ainsi, dans notre société, céder à la tentation de ce qui est disponible facilement est le propre de ceux qui ne savent pas se contrôler, se maîtriser, pense-t-on. Dans la majorité des cas, ces gens-là, on les appelle les pauvres – même si la réalité d’un surpoids dépasse la fiction sociale qu’on veut plaquer sur lui. Les élites urbaines savent conserver la ligne, la forme, par l’argent qu’elles peuvent mettre dans les régimes des stars d’Hollywood, les nouveaux sports en vogue à New-York, les soins esthétiques, et surtout, le triomphe de leur volonté.
En sachant rester mince à tout prix, on se montre compétitif, élitiste, adapté, quitte à ne pouvoir partager un repas entre amis parce qu’on suit un régime spécial. Il y a souvent un lien très net entre minceur très contrôlée et haut niveau social, et c’est d’autant plus vrai en vieillissant où le métabolisme n’aidant plus, rester mince demande un travail et des efforts constants qui s’opposent au laisser-aller des classes sociales plus basses.
Le laisser-aller, c’est justement celui dont on a besoin pour atteindre l’orgasme. Contre cette idée de l’hyper-contrôle, il y a cette contre valeur de l’abandon, de la lascivité qu’incarne la femme qui a des formes et qui, comme à la Renaissance, semble avoir choisi les plaisirs de la vie dans une existence où prime l’hédonisme plutôt que l’ascension sociale, et ce même si c’est faux et que la lutte contre le surpoids et la crédibilité au sein de son emploi sont au cœur de sa vie. Son corps doux, accueillant, évoque également les rondeurs maternelles, le moelleux d’une chair qui adoucit les angles des os saillants pour en protéger l’être aimé. Le corps d’une femme ronde est plus sexualisé : il faut mettre une fille très mince à moitié nue pour y trouver une paire de seins ou de fesses, sur le corps d’une femme ronde, on n’a pas besoin de chercher. Pour autant, il n’est pas vu dans sa beauté ou son côté charnel mais comme une difformité par rapport au corps mince ultra médiatisé et admiré.
Le problème de valoriser des silhouettes de femmes plutôt que l’intégralité des femmes est de créer chez les hommes une forme de schizophrénie sociale dans laquelle ils doivent choisir entre l’image qu’ils veulent donner d’eux-mêmes et la construction de leur bonheur personnel. La presse féminine a su le résumer ainsi :  » L’homme aime sortir avec une mince et rentrer avec une ronde. » Par ailleurs, si nous ne sommes habitués qu’à aimer un type de femmes qui n’est représenté qu’à 20 % dans la société, quelle place va-t-on faire aux 80 autres ?
En attendant, tous ceux qui subissent le phénomène sans le comprendre sont malheureux et bien que la société se mette peu à peu à changer pour les besoins du marché, désir d’ascension sociale et épanouissement personnel semblent ne faire bon ménage nulle part, et encore moins à travers le corps des femmes.

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Couleurs de robes et symbolisme

Les vérités universelles sont très rares. Elles ne concernent que ce qui fait l’espèce humaine au sens primordial du terme. Et tout le reste sera culturel et donc relatif. Mais c’est aussi ce qui fait l’intérêt des voyages, des échanges, des découvertes et de l’art.

La robe elle-même, considérée dans nos sociétés comme un vêtement exclusivement féminin, est le symbole de la féminité depuis la Renaissance, alors qu’elle peut être portée par des hommes dans d’autres sociétés et qu’elle fut d’ailleurs portée par eux avant cette période. Les couleurs, de même que leur simple emploi, la beauté également, sont tous relatifs et fluctuent d’une époque à une autre, d’un lieu à un autre.

Que racontent nos robes et leurs couleurs dans la culture occidentale ?

En blanc, nos robes parlent de mariage, mais seulement depuis celui de la reine Victoria, nous rapportent les sites d’histoire de la mode. Autrefois, on a pu se marier dans d’autres couleurs, mais la grande reine a définitivement imposé sa couleur et ce d’autant plus facilement que l’Eglise a entériné l’emploi du blanc dans le mariage car il symbolisait la pureté.

Au-delà des valeurs religieuses, le succès populaire que connaît le blanc lors du mariage est peut-être dû à sa charge symbolique. Pour Victoria, d’abord, qui a pu connaître cette couleur comme symbole de deuil. Porter du blanc lors de son mariage a pu signifier pour elle le deuil de son ancienne vie, comme l’exprime actuellement le rituel de l’enterrement de la vie de jeune fille. Par ailleurs, le blanc symbolise aussi, d’une manière peut-être plus obscure et inconsciente, le drap blanc immaculé d’une fille, d’une femme encore non déflorée.

Sur sa robe de mariée, Victoria s’affirmait pure et vierge alors que la coutume ne l’exigeait pas, ce qui fait aussi du blanc la couleur du caractère, de l’orgueil de Victoria qui, épousant un homme, s’affirme reine par dessus tout en affichant des choix aussi politiques que moraux dans sa simple façon de choisir une robe allant à l’encontre de ce qui a pu être fait auparavant.

Et si la robe de mariée blanche imposée par Victoria perdure, ce n’est pas parce qu’elle symbolise la virginité, valeur complètement démodée dans nos sociétés, mais parce qu’elle porte en elle l’essence du caractère royal de Victoria. Le jour de son mariage, l’épousée est considérée comme la reine du jour, celle dont la beauté et l’élégance ne doivent être éclipsées par aucune invitée. La longue robe, la traîne, la coiffe de la mariée vêtue de façon traditionnelle ne ressemblent à rien d’autre qu’au vêtement d’apparat d’une reine qui vient de se faire couronner. Le blanc symbolise le rêve de toute nouvelle épousée d’être pour son foyer comme Victoria, une reine puissante, emblématique, au règne prospère, long et inoubliable.

Les couleurs, quant à elles, si elles n’ont pas de signification fixe et universelle, leur emploi dans les robes de soirée a malgré tout un sens. Ainsi, dans Les ambassadeurs de Tanna, émissions où des polynésiens vont en Angleterre pour y rencontrer le Prince Philippe, le lord qui les habille en smoking pour la première fois de leur vie leur explique que si chez les canards et autres animaux, ce sont les mâles qui portent les couleurs et les femelles qui sont ternes, dans la société européenne, on a fait l’inverse. Il a raison. Et c’est pour les mêmes raisons que ces positions sont inversées. Dans le règne animal, le mâle doit séduire la femelle par ses belles couleurs pour qu’elle l’agrée puisqu’elle a l’embarras du choix. Dans la société occidentale, en revanche, c’est à la femme de multiplier les techniques de séductions passives basées sur l’apparence, pour des raisons culturelles d’abord, mais aussi parce que, même actuellement, son célibat et son instabilité amoureuse sont plus condamnés que ceux des hommes.

Enfin, la petite dernière par l’ordre d’apparition dans la vie civile et laïque des femmes, mais première par ordre de popularité, »la petite robe noire », grand classique de la garde-robe de la femme sobre et élégante mais bien insérée dans la société. Dans le code couleur de la mode, le noir a d’abord été utilisé par les anglais pour s’imposer complètement au XIX ème siècle, particulièrement dans les affaires. Le choix n’est pas anodin, il provient d’une volonté d’imiter le costume ecclésiastique qui, par son austérité, véhicule des valeurs de sérieux, de discrétion, d’efficacité, et de ce fait inspire confiance. Les hommes d’affaire en avaient bien besoin ! La mode s’est si bien répandue que ces valeurs continuent d’avoir cours en Occident au point que c’est généralement la couleur que nous employons le plus dans notre habillement.

Et la robe noire ?

Elle associe la couleur noire du costume masculin à la forme exclusivement féminine de la robe. Le message semble être celui d’un sérieux, d’une efficacité, d’une capacité de travail et d’adaptation exclusivement féminins. De fait, c’est le vêtement qui se porte au travail comme en soirée avec autant d’aisance, et qui suscite toujours l’admiration. La robe noire a sa place partout, peut s’acquérir à tous les prix. C’est même un classique indémodable revisité sans cesse par tous les créateurs de mode sans risque d’échec. Car la robe noire raconte une histoire. C’est celle d’une femme qui réussit alors qu’elle a tout demandé à la vie : les qualités et avantages que les hommes ont depuis des millénaires dans une incarnation et un mode de vie exclusivement féminins.

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Fleurs et Beauté

Dans l’Antiquité, Aphrodite était aussi la déesse des fleurs et des parfums. C’est que de tous temps, on a associé les fleurs à la Beauté. Entre les deux, en effet, les liens symboliques sont étroits et nombreux.

La fleur symbolise d’abord l’élan vital du désir, de la sexualité. Recevoir des fleurs et les voir depuis la plus tendre enfance nous font oublier qu’elles sont avant tout les organes de reproduction des plantes et que pour appeler l’insecte pollinisateur, la diversité de leurs beautés comme les odeurs et les couleurs, sont autant de stratégies qui peuvent rappeler celles des êtres humains dans la séduction. De fait, le bouquet de fleurs est le cadeau initial de toute séduction, celui qui doit attendrir le coeur.

D’autre part, la fleur est associée depuis longtemps à la femme qui lui est comparée depuis l’Antiquité au travers de poèmes qui rapprochent l’une et l’autre à  la fois pour leur beauté, leur fragilité et leur caducité, appelé vieillissement chez les humains. Dans la poésie de Ronsard, la plus connue en France pour la poésie amoureuse comparant femmes et fleurs, ce genre de rapprochement sert ses intérêts hédonistes. En montrant à la femme aimée qu’elle sera bientôt  » fanée » comme la rose qui lui ressemble tant, il espère la pousser à partager avec lui l’amour dont elle ne pourra profiter plus tard, dût-il être un vieillard et elle une adolescente :

 » Puisqu’une telle fleur ne dure

Que du matin jusques au soir ! (…)

Cueillez, cueillez votre jeunesse :

Comme à cette fleur la vieillesse

Fera ternir votre beauté. »

Le langage imagé mais couramment employé fait d’ailleurs le rapprochement entre la femme et le végétal mais uniquement à partir de la puberté, âge de la femme où elle peut être enfin  » consommable » et où elle est une jeune fille en fleur, dont on sent le parfum et on admire la beauté mais dont on ne touche pas le fruit, encore défendu peut-être. Bien plus tard, elle finit par être qualifiée de  » femme mûre », adjectif employé principalement pour les fruits, la fleur étant le premier état de ce qui deviendra un fruit.

Mais la particularité d’une fleur peut aussi résider dans son odeur, et là aussi, il y aura une association symbolique entre la jeune fille et la fleur au parfum léger de fleurs délicates, et la femme mûre, amante expérimentée au parfum entêtant d’une fleur exotique, puissante et vénéneuse, sans parler d’autres entre-deux tout à fait possibles et à quoi semble faire écho la diversité des fleurs en général. Cette diversité des fleurs elle-même rappelle les variétés de femmes, de rencontres et de choses à vivre avec elles en amour.

A une époque plus pudibonde, les fleurs ont également pu servir à exprimer une grande variété de sentiments dans ce qu’on a appelé le langage des fleurs dont il reste aujourd’hui principalement le code couleur des roses : blanc pour l’amour chaste, rose pour l’amour jeune ou naissant, rouge pour l’amour passion et jaune pour l’amour teinté de jalousie.

Les fleurs, c’est également ce qu’on offre lors des fêtes. Là aussi, c’est leur beauté et leur diversité qui permettent d’égayer l’instant de couleurs, formes et senteurs. Mais c’est aussi le caractère caduc de la beauté des fleurs qui s’accorde bien avec les fêtes ponctuelles et les rites de passage. En effet, quelques jours plus tard, les fleurs sont fanées comme l’instant de liesse est passé et que le quotidien a repris le dessus. La beauté des fleurs, c’est comme la beauté des vies humaines dans l’aspect physique des hommes et des femmes comme dans les beaux instants qu’ils peuvent vivre : elles sont uniquement de passage. C’est pourquoi on préfère honorer les morts de fleurs plus résistantes comme les chrysanthèmes qui expriment l’attachement durable, voire éternel comme Hugo dans Demain, dès l’aube, qui choisit une fleur vivace pour orner la tombe de sa fille :

 » Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. »

Enfin, dans une chambre d’hôpital, triste et blanche, à l’espace restreint et que seule anime parfois une télé, le bouquet de fleurs – évoquant la forme ronde de la Terre dans un cercle, seule forme géométrique parfaite produite par la Nature et conçue par l’Homme également dans une belle réconciliation – égayera d’un sourire le visage d’un malade en lui rappelant que le monde existe et que, bien que ce soit facile de l’oublier quand on est enfermé, la vie est belle dans sa diversité.

Si la fleur nous rappelle souvent par sa fragilité que nous allons mourir, elle nous promet aussi que nous allons, auparavant, connaître la grande diversité des joies de l’Amour et de la Beauté.

Comment s’étonner alors qu’Aphrodite en soit la déesse ?

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Bijou et symbolisme

Le bijou est un accessoire qui existe presque depuis le début de l’humanité. Il est apparu bien avant le vêtement puisqu’on en a retrouvé dans des sépultures de l’âge de pierre. A l’époque, il pouvait être fait d’os, de dents ou de coquillages.

L’histoire du bijou, comme toutes les histoires des objets faits par l’Homme et pour l’Homme, se confond avec celle de la technologie et des mentalités, et à chaque âge nommé en fonction de sa maîtrise des matériaux correspond des bijoux faits de ces matériaux, avant que tous soient découverts, travaillés et maîtrisés, le summum ayant été et demeurant toujours l’or.

Or, pourquoi ce métal et pourquoi est-il associé si facilement au bijou ?

Nous connaissons tous la réponse. L’or est rare, beau, cher et ductile, ce qui le rend aussi fascinant à contempler qu’à travailler, à porter qu’à conserver. Sa qualité inaltérable est aussi un symbole d’immortalité. Porter de  l’or, c’est quelque part défier la mort et la transcender dans la transmission familiale de trésors désormais associés à la qualité de la donatrice – grand-mère, grand-tante – dont il ne reste que des bijoux toujours étincelants.

Mais surtout, l’or se prête facilement à la fonction essentielle du bijou toutes civilisations confondues : établir des niveaux sociaux. Dans les sépultures de toutes époques mises au jour par les archéologues, les bijoux, leur finesse et le métal utilisé permettent d’établir le rang social du mort. A l’ère où les premiers bijoux apparaissent, leur simple présence dans une sépulture permet de comprendre que le mort était une personne importante dans le groupe social.

Etablir une hiérarchie sociale passe avant même la nécessité de se vêtir puisque les animaux vivant en groupe ont toujours un chef, garant de l’ordre. Les diverses tribus et sociétés d’Afrique, d’Amérique et d’Asie dont le mode de vie n’est pas influencé par la civilisation peuvent ne pas connaître le vêtement mais ne peuvent pas ne pas connaître le bijou, signe extérieur de puissance d’un chef ou d’un homme médecine, sur qui reposent la paix, la cohésion et la transmission des valeurs du groupe social.

Cette nécessité peut conserver plus ou moins d’importance selon les civilisations. Ainsi, la reine d’Angleterre n’a besoin que de sa couronne officielle et de quelques bijoux discrets lors de ses déplacements un peu partout dans le monde, mais au Moyen-Orient, elle se doit de rajouter encore quelques brillants pour afficher son pouvoir. Ainsi, dans les sociétés traditionnelles, le bijou conserve tout son symbole, de façon pleinement consciente.

Qu’en est-il pour nous ?

D’une manière générale, les bijoux de prix ont toujours du prestige à nos yeux mais le symbole du pouvoir semble s’être porté ailleurs, ce qui leur donne moins d’importance que dans les sociétés traditionnelles.

Dans la séduction, en revanche, une femme est rarement indifférente à des bijoux, et ce depuis toujours. Elle peut ne pas être vénale et malgré tout s’intéresser à la valeur du bijou qu’on va lui offrir ou qu’on lui a offert et ce d’une manière qui peut sembler pour le moins étonnante. De son côté, l’homme peut ne pas être dépensier et mettre malgré tout du prix dans un bijou offert à celle qu’il aime.

C’est que les sentiments établissent une hiérarchie. Aimer quelqu’un, c’est établir une échelle de valeur entre cette personne et toutes les autres et la mettre bien au-dessus. De la même façon, le bijou est ce qu’on porte volontiers pour séduire. Dans les hymnes homériques, qu’elle tente de séduire Anchise ou sortant simplement de la mer, Aphrodite est décrite avec ses bijoux d’une façon précise : couronne, boucles d’oreilles, collier en or. Hésiode, lui, la qualifie « d’Aphrodite aux rayons d’or ».

Constants dans ce qu’ils représentent, les bijoux affirment la supériorité de celle qui les porte sur toutes les autres. Se parer pour séduire, c’est vouloir se mettre au-dessus des autres dans l’oeil de celui à qui on veut plaire. Et les bijoux créent de la beauté en ajoutant celle des ornements finement travaillés du métal et des pierres à celle de la femme, surtout s’ils sont précieux.

Actuellement pourtant, le bijou a cessé de devoir être cher et fait de matières précieuses pour séduire. On ne compte plus le nombre de boutiques proposant des bijoux fantaisie n’ayant à offrir que des accessoires attractifs par leurs formes, leurs couleurs, leur capacité à réfléchir la lumière. Le bijou fantaisie est une révolution à l’échelle symbolique car les matières précieuses n’y comptent pour rien. Le métal en est grossier, fragile, peu coûteux, la verroterie peut être du simple plastique mais qu’importe !

Le bijou fantaisie est un accessoire de beauté démocratique qui a abandonné toute ambition d’immortalité et de grandeur. Il exprime le droit fondamental à briller pour rien, pas longtemps, sans éveiller convoitise ni reconnaissance d’autrui, mais à briller quand même en éveillant une tenue, illuminant une peau, créant un contraste, réveillant un visage, ornant une chevelure, bref, en créant de la beauté. Mais surtout, ils peuvent se porter partout et tout le temps, permettant à la femme d’être une reine, une déesse – les statues des déesses portaient des bijoux offerts par les fidèles – sans se préoccuper du prix, et à chaque instant de leur vie.

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Le coquillage

Le coquillage est un symbole bien connu d’Aphrodite, celui qu’on lui associe peut-être encore plus naturellement que la rose, bien que ce symbole soit rarement mentionné dans les dictionnaires de mythologie. L’imaginaire collectif se l’est facilement approprié à partir de la très célèbre peinture de Botticelli, La naissance de Vénus. Le motif était déjà exploité bien avant, puisqu’on trouve une représentation au motif semblable dans la villa de Pompéi portant le nom de la magnifique fresque de son jardin : Vénus à la coquille, où la déesse est allongée nonchalamment dans une énorme coquille Saint-Jacques.

Les symboles associés aux dieux ne sont pas toujours dans un lien très clair avec ce qu’ils représentent, si bien qu’au fil du temps, leur compréhension par tous n’est plus possible. Par exemple, l’association d’Athéna avec la chouette n’est plus compréhensible aujourd’hui. On pense que cela a un rapport avec une religion primitive où les dieux étaient représentés sous forme d’animaux avant de devenir anthropomorphes. Bien loin donc, de ce à quoi la société est sensible.

Dans le cas du coquillage, par contre, le symbole est toujours accessible. Aphrodite étant née de l’écume de l’océan, il n’est pas illogique de la voir associée à un animal marin. Mais pourquoi le coquillage ?

Qui n’a jamais été fasciné par les coquillages qui jonchent par millions le sable des plages ? On cherche les plus beaux, on en fait des bijoux, des ornements, et surtout, on les ramène chez soi à défaut d’y ramener ce qu’on voudrait vraiment : la plage, la mer, le vent, le soleil, ce moment de détente où on est heureux, n’ayant rien d’autre à devoir penser qu’au bonheur de l’instant présent. Cet état de plénitude, c’est celui de l’enfant qui vient de naître. La mer, dans sa fonction de pourvoyeuse primordiale de vie, renvoie à la mère de chacun, qui protège l’enfant dans ses eaux avant de lui donner naissance.Le voyage près de l’océan est toujours un pèlerinage, un retour aux origines que la semi-nudité permise renforce encore un peu plus.

On remarque néanmoins qu’Aphrodite ne représente pas à proprement parler une déesse mère. En tant que déesse de la Beauté et de l’Amour, elle évoquerait plutôt la sexualité, la sensualité que la maternité. Justement, le coquillage est souvent un fascinant bi-valve dont les coques, lorsqu’elles s’entrouvrent, dévoilent légèrement un mystérieux enchevêtrement de chairs molles et vivantes. Ce mystérieux être vivant rappelle ainsi mieux qu’aucun autre le sexe féminin : deux grandes lèvres ouvrant sur un inconnu de chair dont le mystère demeurera toujours entier. En effet, il est à la fois l’origine du plaisir et de l’existence, le lieu d’où un homme vient et où il ne cesse de vouloir revenir.

Dans son ouvrage, La femme celte, Jean Markale remarque que le sexe féminin excité sécrète du trimétylamine, la même substance que celle des poissons en décomposition. L’odeur du sexe féminin est donc proche de celle des animaux marins morts, comme ces coquillages qu’on ramasse sur les plages, ces bi-valves mystérieux dont il ne reste que les coques vides par lesquelles nous sommes toujours attirés sans comprendre pourquoi.

Par ailleurs, les produits issus des coquillages, nacres et perles – dont la couleur blanchâtre irisée renvoie encore à la sexualité – sont des matières précieuses qui ne sont réservées qu’aux femmes, là où pierres semi-précieuses et métaux précieux peuvent être portés indifféremment par les deux sexes.

Enfin, comme ce qu’il représente dans notre inconscient, le coquillage orne les boîtes à secrets, les miroirs, révèle le flux de notre sang quand on y porte l’oreille. C’est donc un objet lié symboliquement à l’intimité, à l’intériorité. On le retrouve également sur les objets archaïques, ethniques ou exotiques pour les décorer et renforcer l’impression de naturel, de simplicité et surtout d’ancienneté. Dans ce cas-là, il renvoie celui qui l’admire aux origines de l’humanité comme à sa propre origine. Et la boucle est bouclée.

Le coquillage est comme une femme qu’on aime et comme la Beauté, on peut les posséder mais ne jamais percer leur mystère. C’est la caractéristique même d’Aphrodite.

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Signifier et embellir par le vêtement

Le vêtement est le plus fascinant, le plus complexe, le plus complet des créateurs de beauté sociale. Obligatoire et nécessaire dans la majorité des sociétés, il répond à des impératifs fondamentaux constructeurs de civilisation. Il répond de ce fait à plusieurs objectifs depuis des millénaires : protéger contre le froid et couvrir la nudité.

D’après Freud, et selon toute vraisemblance, la civilisation n’a pu se créer qu’à partir d’une répression des pulsions et instincts sexuels des hommes qui, déviant les intérêts collectifs de l’activité sexuelle, les ont projetés ailleurs, dans les constructions intellectuelles et artistiques qui ont fondé la civilisation. Cacher la nudité par des vêtements en est le pilier fondamental.

Culturellement, cela peut se traduire chez les Grecs par l’éviction d’Eros et la victoire d’Aphrodite comme divinité de l’Amour.

Dans la mythologie, on raconte qu’Aphrodite fut habillée par les Nymphes dès sa sortie de l’eau. Bien que représentée nue dans l’inconscient collectif, Aphrodite est bien plus souvent une déesse habillée…

Le paradoxe de l’intégration du vêtement dans la société est qu’il est basé au départ sur une contrainte, celle de cacher la nudité. C’est de cette contrainte que va se créer une sorte de page blanche, un espace de liberté, ou hors nudité, on peut tout montrer. De ce fait, le vêtement peut et sait tout exprimer !

Il peut être politique avec des tee-shirt à messages, le choix exclusif de matériaux naturels, l’absence de fourrure, les vêtements indiens de coton filés à l’instigation de Ghandi à l’époque de sa lutte pour l’indépendance, les chemises unisexes à col Mao pour les chinois qui inscrivent l’individu dans le tout politique plutôt que dans le clivage des genres, aboli aussi par les vêtements.

Il peut exprimer un état d’être psychologique avec des vêtements noirs et dissimulant toutes formes pour les gens complexés ou déprimés, des vêtements inappropriés, usés, tachés et endommagés pour ceux qui cumulent mal-être psychologique et détresse sociale.

Il peut encore exprimer plein d’autres choses : l’appartenance sociale, religieuse, l’identification à un groupe, une idéologie, le souci de plaire, d’être à la mode, la volonté d’exciter, d’affoler, mais aussi la créativité, le souci d’étaler ses richesses, la fidélité à un créateur, à une marque, une maison de couture, à son identité nationale. On peut encore célébrer un événement grâce à des habits de fête, signifier son respect par des vêtements soignés, afficher son sérieux par des habits appropriés à l’entreprise, etc..

La société entière s’exprime sur cette page blanche qu’est le vêtement !

Et la Beauté, dans tout cela ?

S’habiller en beauté n’a que deux pré-requis. Le premier est que la Beauté s’exprime selon des critères de société qui l’ont définie, et il est donc impossible de la concevoir sans l’acceptation indirecte de ces canons, dussent-ils changer selon l’époque et le lieu. Le second, c’est que créer sa Beauté en vêtements n’est possible qu’en la construisant avec le corps qu’on a et non celui qu’on voudrait ou devrait avoir. S’habiller en respectant la Beauté, c’est s’habiller en respectant sa beauté, celle dont la déesse a fait don.

A  partir de là, les règles sont très simples. Quelles que soient les coupes, les matières, les couleurs, il s’agit de mettre en avant ce qu’on possède de « beau », c’est-à-dire conforme à l’idée que s’en fait la société, et flouter, cacher ou améliorer ce qu’on possède de moins beau, le tout sans souci de mode vestimentaire, de nom, de marque, de prix, sachant néanmoins que les tissus rigides redessinent les formes en leur donnant des frontières et limitant leurs débordements, les tissus légers épousent et soulignent des formes idéales.

Ces règles étant posées, il ne faut pas oublier que cette nouvelle création de son corps ne peut être harmonieuse que si formes et couleurs s’associent de façon agréable à l’oeil, c’est-à-dire avec art, et c’est certainement ce qui sera le plus dur.

En effet, motifs et couleurs sont désormais ce qui se démode le plus vite par l’usage rare qu’on fait de certains d’entre eux – pour une « saison » ou deux, pas plus – inscrivant irrémédiablement une date sur une pièce aimée. Associer des pièces unies, à une pièce à peu de motifs, une seule pièce extravagante contre toutes les autres ultra-classiques ou encore choisir des couleurs neutres, intemporelles, des formes simples, des lignes épurées augmenteront le potentiel de Beauté éternelle d’une tenue, mais cela se fera toujours aux détriments d’une certaine originalité.

Enfin, dernier point, peut-être le plus inattendu. Il n’est rien de plus authentiquement et mystérieusement féminin qu’une belle jupe ou une belle robe longue faite de tissus légers et souples qui se soulèvent et ondulent à chaque mouvement de la femme mais qui n’en dévoilent rien. Ainsi, il n’est pas rare de voir des hommes se retourner avec admiration devant un tel archétype de la Beauté féminine : une femme marchant avec une jupe longue faite de voiles qui s’envolent gracieusement.

Car nous aimons d’abord ce que nous projetons, et il n’est rien de plus beau qu’un corps qu’on rêve parfait tant qu’on ne l’a pas vu…hormis un corps imparfait mais enfin connu. Car c’est de cela qu’est fait l’amour : de rêveries, d’attente mêlée de respect et de désirs enfin comblés.

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