Le bijou est un accessoire qui existe presque depuis le début de l’humanité. Il est apparu bien avant le vêtement puisqu’on en a retrouvé dans des sépultures de l’âge de pierre. A l’époque, il pouvait être fait d’os, de dents ou de coquillages.
L’histoire du bijou, comme toutes les histoires des objets faits par l’Homme et pour l’Homme, se confond avec celle de la technologie et des mentalités, et à chaque âge nommé en fonction de sa maîtrise des matériaux correspond des bijoux faits de ces matériaux, avant que tous soient découverts, travaillés et maîtrisés, le summum ayant été et demeurant toujours l’or.
Or, pourquoi ce métal et pourquoi est-il associé si facilement au bijou ?
Nous connaissons tous la réponse. L’or est rare, beau, cher et ductile, ce qui le rend aussi fascinant à contempler qu’à travailler, à porter qu’à conserver. Sa qualité inaltérable est aussi un symbole d’immortalité. Porter de l’or, c’est quelque part défier la mort et la transcender dans la transmission familiale de trésors désormais associés à la qualité de la donatrice – grand-mère, grand-tante – dont il ne reste que des bijoux toujours étincelants.
Mais surtout, l’or se prête facilement à la fonction essentielle du bijou toutes civilisations confondues : établir des niveaux sociaux. Dans les sépultures de toutes époques mises au jour par les archéologues, les bijoux, leur finesse et le métal utilisé permettent d’établir le rang social du mort. A l’ère où les premiers bijoux apparaissent, leur simple présence dans une sépulture permet de comprendre que le mort était une personne importante dans le groupe social.
Etablir une hiérarchie sociale passe avant même la nécessité de se vêtir puisque les animaux vivant en groupe ont toujours un chef, garant de l’ordre. Les diverses tribus et sociétés d’Afrique, d’Amérique et d’Asie dont le mode de vie n’est pas influencé par la civilisation peuvent ne pas connaître le vêtement mais ne peuvent pas ne pas connaître le bijou, signe extérieur de puissance d’un chef ou d’un homme médecine, sur qui reposent la paix, la cohésion et la transmission des valeurs du groupe social.
Cette nécessité peut conserver plus ou moins d’importance selon les civilisations. Ainsi, la reine d’Angleterre n’a besoin que de sa couronne officielle et de quelques bijoux discrets lors de ses déplacements un peu partout dans le monde, mais au Moyen-Orient, elle se doit de rajouter encore quelques brillants pour afficher son pouvoir. Ainsi, dans les sociétés traditionnelles, le bijou conserve tout son symbole, de façon pleinement consciente.
Qu’en est-il pour nous ?
D’une manière générale, les bijoux de prix ont toujours du prestige à nos yeux mais le symbole du pouvoir semble s’être porté ailleurs, ce qui leur donne moins d’importance que dans les sociétés traditionnelles.
Dans la séduction, en revanche, une femme est rarement indifférente à des bijoux, et ce depuis toujours. Elle peut ne pas être vénale et malgré tout s’intéresser à la valeur du bijou qu’on va lui offrir ou qu’on lui a offert et ce d’une manière qui peut sembler pour le moins étonnante. De son côté, l’homme peut ne pas être dépensier et mettre malgré tout du prix dans un bijou offert à celle qu’il aime.
C’est que les sentiments établissent une hiérarchie. Aimer quelqu’un, c’est établir une échelle de valeur entre cette personne et toutes les autres et la mettre bien au-dessus. De la même façon, le bijou est ce qu’on porte volontiers pour séduire. Dans les hymnes homériques, qu’elle tente de séduire Anchise ou sortant simplement de la mer, Aphrodite est décrite avec ses bijoux d’une façon précise : couronne, boucles d’oreilles, collier en or. Hésiode, lui, la qualifie « d’Aphrodite aux rayons d’or ».
Constants dans ce qu’ils représentent, les bijoux affirment la supériorité de celle qui les porte sur toutes les autres. Se parer pour séduire, c’est vouloir se mettre au-dessus des autres dans l’oeil de celui à qui on veut plaire. Et les bijoux créent de la beauté en ajoutant celle des ornements finement travaillés du métal et des pierres à celle de la femme, surtout s’ils sont précieux.
Actuellement pourtant, le bijou a cessé de devoir être cher et fait de matières précieuses pour séduire. On ne compte plus le nombre de boutiques proposant des bijoux fantaisie n’ayant à offrir que des accessoires attractifs par leurs formes, leurs couleurs, leur capacité à réfléchir la lumière. Le bijou fantaisie est une révolution à l’échelle symbolique car les matières précieuses n’y comptent pour rien. Le métal en est grossier, fragile, peu coûteux, la verroterie peut être du simple plastique mais qu’importe !
Le bijou fantaisie est un accessoire de beauté démocratique qui a abandonné toute ambition d’immortalité et de grandeur. Il exprime le droit fondamental à briller pour rien, pas longtemps, sans éveiller convoitise ni reconnaissance d’autrui, mais à briller quand même en éveillant une tenue, illuminant une peau, créant un contraste, réveillant un visage, ornant une chevelure, bref, en créant de la beauté. Mais surtout, ils peuvent se porter partout et tout le temps, permettant à la femme d’être une reine, une déesse – les statues des déesses portaient des bijoux offerts par les fidèles – sans se préoccuper du prix, et à chaque instant de leur vie.
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