beauté

Epilation et symbolisme

Parmi les soins esthétiques associés à la femme, l’épilation occupe incontestablement la première place, surtout en terme d’érotisme. Première cause des rendez-vous chez l’esthéticienne, sujet trivial mais courant des conversations féminines décomplexées, sujet toujours actualisé des magazines et des blogs beauté, l’épilation trouve le moyen d’être une pratique à la fois plusieurs fois millénaires et suffisamment d’actualité pour continuer d’être soumise à la mode.

Pour autant, c’est une des seules pratiques esthétiques vécue comme une aliénation par les femmes au point que certaines stars entrent en résistance contre elle en exhibant une aisselle poilue, c’est-à-dire telle qu’elle devrait être en réalité.

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Il est vrai que depuis l’histoire de la reine de Saba et de ses jambes polues épilées avant d’entrer au harem de Salomon, l’épilation a, dans la culture, tout du symbole de l’aliénation féminine. Pourtant, elle n’a pas toujours été associée au féminin puisque les premiers à l’avoir pratiquée étaient les prêtres égyptiens de l’Antiquité pour qui les poils, considérés comme des sécrétions – comme l’explique Plutarque dans son traité d’Isis et Osiris – étaient jugés impurs. La famille du pharaon, censée descendre des dieux, était soumise elle aussi aux mêmes contingences; or, les élites constituent toujours des modèles.

En Grèce ancienne, l’épilation était pratiquée pour renforcer le fossé idéologique qui existait entre le masculin et le féminin, déjà sensible dans les droits, les modes de vie, la liberté sexuelle, et qu’on marquait aussi dans la chair avec la pilosité, si l’âge ne s’en chargeait. Pierre Brûlé l’explique dans son étude Les sens du poil : à l’homme la virilité, la force, le sombre, et donc le poil; à la femme, au pré-pubère, la chair tendre, le clair, le lisse, le mou.

Dans les monothéismes, le poil n’est pas censé être proscrit car il est un don de Dieu. Les barbes fournies des religieux de toutes confessions attestent de cette fierté de porter le signe d’élection du Créateur. Mais tout n’est pas aussi simple : porter ses poils diffère d’une communauté à l’autre de façon à pouvoir se distinguer les uns des autres et reconnaître son clan. La barbe des musulmans se porte ainsi au sacrifice de leur moustache , qui pourrait les faire confondre avec d’autres porteurs de barbes déjà existants des autres religions.

Et la femme, dans tout ça ?

Ses poils aussi doivent être logiquement la marque de l’élection de Dieu. C’est vrai qu’il n’existe pas d’interdit sur ses poils : elle n’a ni le devoir de les garder, ni le devoir de les retirer. Dans ce cas, pourquoi la pression pour que le corps de la femme soit épilé perdure-t-elle ? implicitement, les religions le justifient ainsi : l’élu de Dieu, c’est l’homme car c’est lui qui a été créé par Dieu. La femme, sortie de sa côte, en est un sous-produit assujetti à lui. Alors, si l’homme veut que la femme soit épilée parce que son corps lui semble plus désirable ainsi, cela sera, puisqu’elle a été créée à partir de lui et pour lui, d’après le texte.

Si les poils des hommes apparaissent donc comme leur fierté, la preuve de leur création par Dieu, l’épilation apparaît donc aux femmes comme leur assujettissement aux règles voulues par l’homme, et ce d’autant plus sûrement que dans l’Antiquité, même au-delà des sexes, seul le citoyen – et donc adulte – de sexe masculin, pouvait exhiber ses cheveux librement et ses poils. Tous les autres, femmes, esclaves, étaient soumis dans leur apparence par le sacrifice de leur pilosité rendue aussi absente que celle des enfants, des mineurs auxquels on les rapprochait symboliquement  autant que leur situation les rapprochait légalement.

L’épilation est également vécue comme une aliénation par la souffrance qu’elle inflige à celle qui la pratique, la souffrance s’apparentant souvent symboliquement à une punition. Si aujourd’hui les techniques d’épilation ne consistent plus, au prix de souffrances terribles, à brûler directement le poil de différentes manières – comme on voit Eros le faire à la lampe à huile dans la photo à la Une – il n’en reste pas moins que la pratique consiste toujours en une véritable agression pour la peau. Or, c’est une torture à laquelle la femme ne peut souvent pas échapper si elle veut vivre une vie sexuelle, l’image de son corps érotisé se représentant imberbe depuis des millénaires – même s’il y eut des périodes d’éclipse. La soumission de la femme à cette convention augmente d’ailleurs l’érotisme par le fait qu’elle ne peut exprimer plus clairement son envie de plaire et donc son désir.

Comment échapper à cette aliénation, alors ?

Comme on échappe à toutes les autres : soit en la repoussant fermement, par choix, soit en l’épousant complètement, en la faisant sienne. Vous aurez en effet beaucoup de mal à imposer à la société ces poils qui nous rapprochent naturellement de l’individu masculin de même espèce, même si nous savons tous qu’il en est pourtant ainsi. Le mieux à faire est peut-être d’apprendre à aimer cet état de fait en voyant dans cet héritage celui de la reine de Saba, la relique plusieurs fois millénaire d’une culture féminine que nous ne devons pas que subir, mais que nous devons d’abord choisir et construire.

Alors, certes, à l’heure des luttes pour l’égalité dont les frontières ont bien du mal à se définir, cette inégalité-là paraît bien archaïque. Mais Mao et les autres le savent bien, même s’ils le refusent : tout n’est pas politique, et surtout pas la séduction, l’amour et le désir.

( Photo centrale : Marina Razumovskaya sur le site www. lexpress.fr)

Le labo de Cléopâtre : Découvrir les encens de l’Antiquité

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Beauté et image

Envahissante au point de devenir une véritable dictature, l’estimation de la beauté, ancrée dans les sociétés humaines depuis fort longtemps nous semblerait presque naturelle. De fait, elle l’est un peu. Pour améliorer l’espèce, les animaux cherchent un partenaire pour se reproduire, sont attirés par le plus beau, celui qui a donc à la fois la santé et la force. Car la base de la beauté, à l’origine, c’est la santé, qui induit de la vigueur aux membres, un poids équilibré, la symétrie liée à la jeunesse procréatrice, des yeux vifs, des dents saines et des cheveux brillants et forts. On a envie d’ajouter : »et tout le reste est littérature ».

Car c’est vrai. Le monde de la beauté reposant sur des concepts est un pur produit né du langage, des conceptions liées à la culture et qui peuvent tout à fait se faire en dépit du bon sens qu’on prête au contraire à la nature. En témoigne cet étrange goût du XIX ème siècle pour les femmes atteintes de « chlorose », maigres et anémiées, s’évanouissant souvent mais aussi rongées par la tuberculose. Ce sont les héroïnes d’Edgar Allan Poe, de Nerval, Chateaubriand, Lamartine, Baudelaire, etc., pour qui l’amour et la beauté  prennent le masque de la mort à une époque où la médecine, à la fois savante et paradoxalement impuissante, comprenait précisément les mécanismes de la plupart des maladies sans parvenir à les éradiquer.

Dans Ligeia, une des Histoires extraordinaires où la première épouse décédée du narrateur possède et anéantit la seconde, Poe écrit : »Il n’y a pas de beauté exquise, dit Lord Verulan, parlant avec justesse de toutes les formes et de tous les genres de beauté, sans une certaine étrangeté dans les proportions.« . Une définition que partageait Baudelaire mais que ne pouvaient goûter les sculpteurs de la période classique.

Et pourtant, dans l’un et l’autre cas, on reste frappé par ce constat : quels qu’aient été les idéaux esthétiques d’une époque, ils n’ont jamais pu se représenter autrement et traverser le temps que dans des images fixes, qu’elles aient été mentales reposant sur l’imagination personnelle comme dans une description, ou physiques comme dans les arts visuels consacrant les Vénus de l’époque classique, des Joconde, Marylin Monroe, Amber Heard ou même Kim Kardashian. Ils sont pourtant sans mouvements, ces photographies prises au bon moment, ces peintures figeant les regards dont on dit pourtant qu’ils vous suivent partout, ces marbres qui ont traversé les millénaires pour nous faire entrevoir quelques principes esthétiques auxquels on s’est appliqué à donner une sorte de dynamisme qui ne peut être que feinte.

Et même lorsqu’une forme de mouvement a malgré tout été captée, comme le cinéma a immortalisé l’image mobile d’une actrice au temps de sa beauté, ce sont toujours les mêmes mouvements qui se jouent; mouvements et gestes que reprennent les fans qui les connaissent par coeur et qui les répètent dans l’adoration sans jamais parvenir à ressusciter la beauté unique de l’instant, de l’actrice, de la scène, de tout ce que nous pouvons croire y prendre comme modèle quand l’image que nous voyons coïncide si parfaitement avec l’image mentale idéale que nous portons en nous.

A l’époque où William Curtis photographiait les derniers amérindiens vivant en tribus, ceux-ci pensaient que l’image qu’on prenait d’eux allait leur voler leur âme. Près de deux siècles plus tard, on comprend que c’est l’inverse : la photo, l’image, l’oeuvre d’art quelconque ont saisi non la beauté d’une personne – qui est l’ensemble de ses mouvements, de sa vie, de son caractère, son humeur, ses émotions, etc.- mais la beauté conjuguée d’un instant figé et choisi, d’une capacité momentanée de l’artiste à la restituer, de la réussite du cliché et de l’acceptation passagère d’un public. Un équilibre fragile, en vérité : l’individu en mouvement aurait très bien pu être laid ou rendu méconnaissable par l’image qui fait la décomposition de ce mouvement, le public aurait pu ne pas s’y reconnaître, etc.

Pourtant, rien n’a plus de pouvoir que l’image pour définir nos conceptions pourtant illusoires de la beauté, certainement parce que notre cerveau fonctionne par images fixes, concepts immobiles, catégorisations stables à l’origine des processus cognitifs qui nous permettent d’appréhender le monde.C’est d’ailleurs pourquoi nous pouvons sans problèmes vénérer des idoles vivantes, mortes ou juste symboliques pour peu que nous ayons photos, statues et images pour support de notre adoration. Mais à l’inverse, un animal n’y est pas sensible, n’y voyant qu’un objet inanimé auquel il ne peut donner du sens. Et même lorsqu’il lui arrive de réagir au mouvement de la télévision, il s’en détourne bien vite car son instinct ne lui fait pas perdre de vue que seul le mouvement fluide, varié et imprévisible est la marque du vivant, qui seul l’intéresse.

Et c’est à cette frontière-là que se situe la limite entre aimer la beauté, être obsédé par sa représentation et vivre l’amour qui, lui, nécessite le vivant, bien plus complexe, et sur lequel plaquer des idéaux figés peut aussi bien s’avérer créatif que destructeur.

Nouvel article : khôl antique aux pétales de rose

 

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IMC : indice de santé ou de beauté ?

 

L’Indice de Masse Corporelle est un outil pratique utilisé pour évaluer les risques liés au surpoids et surtout agréé par l’organisation Mondiale de la Santé. En soi, c’est un indicateur clair qui a le bénéfice de la rapidité d’évaluation, mais c’est avant tout un outil inventé par un statisticien, et tout ce qui relève des mathématiques se rapproche toujours d’un idéal abstrait – au rang desquels figure la beauté – et beaucoup moins de la santé, laquelle est beaucoup plus soumise à la relativité et à la multiplicité des paramètres, plus conformes à la diversité du vivant.

A titre d’exemple parlant, le Nombre d’Or qui définit un idéal dans les proportions – établi par des mathématiciens il y a plus de deux millénaires – n’a cessé de constituer le canon des oeuvres picturales et architecturales, et désormais photographiques et cinématographiques, sur lesquelles nous continuons de réfléchir et nous interroger. Le lien entre mathématiques et beauté est ainsi fait depuis les temps les plus anciens et est d’autant plus solide qu’il fait partie de notre culture, conditionnant aussi notre inconscient. Et si dans l’Antiquité, le sculpteur Phidias concevait les statues de dieux selon les divines proportions, Saint Thomas, à l’époque des cathédrales, affirmait : « Les choses qui sont dotées de proportions correctes réjouissent les sens. »

Ah ! Le plaisir des sens, jusqu’où peut-il nous mener ? En l’occurrence, peut-être à faire confondre aux médecins les notions de beauté et de santé…Ca paraît peut-être un peu exagéré de dire ça, d’autant plus que beaucoup de personnes seront très contentes de se sentir dans la norme, ce qui est tout à fait naturel.

Pourtant, les exceptions sont nombreuses et problématiques, notamment sur la limite supérieure à ne pas atteindre. Outre que cela ne prend pas en considération les problématiques normales de l’âge dans la prise de poids, cela ne vaut que pour les adultes à condition que ces personnes ne soient ni enceintes, ni naines, ni très grandes, ni sportives. Un poids dû à la graisse ou aux muscles très développés n’a effectivement pas les mêmes conséquences sur la santé d’autant plus que le muscle développé pèse plus lourd, entraînant facilement l’illusion d’un surpoids. Ce problème est pris en compte pour les sportifs professionnels, mais pour ceux qui ne sont pas reconnus comme tels, comment font-ils valoir l’origine de leur poids élevé sur la simple base de l’IMC ? Munis de la simple grille de conversion du rapport taille-poids en indice de masse corporelle, ils peuvent vite passer pour des obèses nécessitant une bonne mise en garde dont ils n’ont pas besoin.

D’autre part, un autre problème se pose. Du point de vue strict de la santé, il est désormais prouvé qu’à situation de danger identique, une personne en surpoids sans atteindre l’obésité est mieux protégée contre divers problèmes de santé et survit mieux qu’une personne à la corpulence normale. Cette information, diffusée par des médecins à la télévision – notamment sur Arte dans l’émission de vulgarisation scientifique Xenius – est confirmée par le Dr David Khayat, chef du service de cancérologie à la Pitié Salpêtrière dans le cas du cancer du côlon : « Les personnes en surpoids (et non obèses) seraient 55 % moins susceptibles de décéder de la maladie que les patients de poids normal.« , affirme-t-il sur le site de Sciences et Avenir. On voit bien que la diabolisation systématique du surpoids au nom de la santé gagnerait à être nuancée…

En réalité, c’est la localisation de la masse grasse sur l’abdomen qui est déterminante dans les problèmes de santé liés au surpoids, et cette mesure est reconnue comme bien plus fiable pour évaluer les risques que court un individu pour sa santé en fonction de son surpoids. Cela paraît bien plus logique pour une espèce qui doit sa survie à la capacité de stockage de ses femmes dans un temps où la nourriture était difficile à trouver. Et de fait, le problème de graisse abdominale dangereuse est plutôt le fait des hommes. En effet, les femmes stockent la graisse plutôt vers le bas du corps, ce qui est inoffensif pour la santé; l’IMC, malheureusement, n’en parle pas. Dans ce contexte, est-il réellement en lien avec des questions de santé ?

Car malheureusement, dans ces problèmes de santé liés au surpoids et à un calcul de l’IMC qui ne serait pas à l’avantage des personnes figure un grand absent : la question de la santé mentale. En effet, comment pense-t-on que doivent se sentir des gens à qui on dit qu’ils sont en surpoids ou en obésité sur ce simple calcul statistique quand ce n’est pas dû à leur masse grasse, que leur santé n’est pas en danger, voire, quand c’est le cas et qu’il faut malgré tout apprendre à vivre avec parce qu’aucun régime ne fonctionne et qu’il n’y a rien à faire ? A-t-on plus de chances de voir des problèmes résolus en créant du mal-être ?

A une époque où l’élection de Miss Ronde passe aux heures de grande écoute, on peut regretter que celle-ci soit ne soit due qu’à une initiative privée de lutte contre les préjugés et le manque d’estime de soi induit par des codes culturels et des jugements à l’emporte-pièce de la société. Certes, statisticiens et médecins qui acceptent que les notions de mathématiques remplacent les réalités de la biologie et de la psychologie croient sûrement bien faire, mais ils égratignent néanmoins souvent des amour-propre, isolent des gens et les poussent au mépris de soi. Une méthode qui entraîne certainement moins de volonté de dépassement que de mal-être. On peut se demander ce qui justifie encore aux yeux de l’OMS un outil statistique imprécis qui sert plus aujourd’hui à confirmer aux filles venues faire un test sur internet qu’elles sont des canons qu’à déterminer réellement qui est en surpoids et à quel point c’est dangereux pour la santé.

Allez, hop ! Tous en surpoids ! De cette manière, vous aurez moins de chances de l’être ! Au XXI ème siècle, à l’ère où les sciences humaines ont tellement progressé, on est en droit d’attendre mieux que ça.

Labo de Cléopâtre : Ingrédients et actifs cosmétiques dans l’Antiquité

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Si je n’étais pas dans un musée…

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…je retournerais à mon lieu de naissance, la mer.

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Je contemplerais au lieu d’être contemplée…

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Je laisserais le froid durcir mes tétons de marbre.

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Comme vous, je rêverais d’amour et d’infini devant l’immensité du ciel.

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Et, libre, je rejoindrais cet Infini…

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Recettes de beauté de femmes célèbres

Le sujet des recettes de beauté n’est pas simple. Vaste et complexe, il nous amène à toujours déborder sur la question des causes d’utilisation, leur survivance, leur conservation, leur diffusion, etc.

Les causes, ça peut tout simplement être le pouvoir, car le pouvoir au féminin passe obligatoirement par la beauté, réelle ou symbolique. Pour les grandes pharaones Hatchepsout et Cléopâtre, c’est clairement une question de pouvoir.

Dans le documentaire Reines d’Egypte, diffusé sur Arte, l’égyptologue explique les conditions des échanges entre l’Egypte et le pays de Pount, au sud de la  Mer Rouge : les Egyptiens apportaient perles, bracelets et armes et les échangeaient contre la résine de myrrhe qui servait à l’embaumement mais aussi au parfum. On sait ainsi qu’Hatchepsout frottait sa peau d’huile de myrrhe parfumée « afin de briller comme les étoiles aux yeux de tout le pays.« , de l’aveu même de la souveraine.

Même chose pour Cléopâtre : les recette de beauté, les parfums, sont nécessaires à la représentation. « Les parfums eurent une place importante dans la mise en scène de la comédie amoureuse jouée par Cléopâtre allant au devant de Marc-Antoine sur le Cydnus, et par la suite dans la séduction exercée sur son ennemi par la reine d’Egypte.« , ce qui n’empêchait pas un vrai intérêt pour la question : »Pline et Galien rapportent que c’est à cette reine qu’on devait l’invention de la pommade à la graisse d’ours. » Nouveau manuel complet du parfumeur. MM. Pradad, Lepeyre, Villon. 1918.

La beauté peut donc être un souci personnel. Ainsi, la femme de Néron, la célèbre Popée semble plus avoir été motivée par une coquetterie qui la rendait ingénieuse et dont les recettes ont longtemps été utilisées à la cour des plus grands plus d’un millénaire après. C’est le cas de son célèbre bain au lait d’ânesse, copié par les grandes coquettes des temps modernes, mais aussi de son masque constitué de farine de seigle et d’huile parfumée qu’elle s’appliquait pour garder son teint frais, loin des atteintes du soleil et que les mignons d’Henri III redécouvrirent et appliquèrent également, apprend-on aussi dans le Nouveau Manuel du parfumeur.

Néanmoins, la condamnation des cosmétiques et des soins de beauté dans la tradition judéo-chrétienne aussi bien dans les textes du canon biblique que chez les prédicateurs semble avoir jeté une sorte de tabou sur leur emploi qui pouvait se faire mais dont on ne devait pas parler sans risque pour sa réputation. C’est donc tout naturellement que les secrets de beauté ont fait leur entrée dans l’aristocratie par les grandes maîtresses royales, qui avaient à la fois perdu tout sens de la vertu et dont le pouvoir ne reposait que sur leur rayonnement.

Ainsi, Agnès Sorel, maîtresse de Louis VII et première maîtresse officielle d’un roi de France, multiplie les audaces en matière de mode et de soins, avec notamment l’utilisation d’un rouge à lèvres au coquelicot, de la poudre blanche à base de farine et d’os de seiche pilés, un masque au miel pour la nuit et cette étrange crème de beauté dont Marc Lefrançois donne la composition dans Histoires insolites des Rois et reines de France : »bave d’escargot, cervelle de sanglier, fiente de chèvre, pétales d’oeillets rouges et de vers de terre vivants. »

Pour Diane de Poitiers, maîtresse d’Henri II, pas de cosmétiques mais des secrets de beauté plus occultes, plus intérieurs qui finiront d’ailleurs par la tuer : « Elle avait une très grande blancheur et sans se farder aucunement, mais on dit bien que tous les matins, elle usait de quelques bouillons composés d’or potable et autres drogues.« , révèle P. Erlanger dans Diane de Poitiers, déesse de la Renaissance. On parle bien sûr d’une époque où on n’achetait pas ses produits, l’industrie cosmétique n’existant pas encore, mais où on suivait des recettes pouvant en effet provenir de grimoires magiques ou alchimiques. Car la volonté de paraître, rester belle, passait facilement pour démoniaque dans une société où manifester une volonté sur sa propre destinée par le fait de guérir ou rajeunir paraissait être une forme de révolte contre les lois divines.

Dans ses mémoires de Ninon de Lenclos, Eugène de Mirecourt rapporte d’ailleurs une histoire caractéristique dans laquelle la belle courtisane rencontre un être diabolique qui lui offre la beauté éternelle qu’elle convoite, ce qui expliquerait sa séduction durable. Ce n’est bien sûr qu’une légende, mais cela reflète assez ce qu’on pensait de cette étrange aristocrate et intellectuelle française qui devint courtisane par choix, dont la beauté était encore attestée quand elle avait plus de 50 ans et qui eut des amants jusqu’à près de 80.

Etrangement, cette femme exceptionnelle semble bien plus fasciner les anglo-saxonnes d’aujourd’hui que les femmes de son pays. Si en France on parle des bains froids qu’elle prenait en toutes saisons comme de son seul secret pour rester belle, les blogs de beauté de langue anglaise diffusent une étrange recette qu’on raconte avoir été découverte dans une brochure par une femme jadis à son service et dont voici la traduction :

Traduction de la recette de beauté de Ninon de Lenclos d’après le site thebeautytonic.com

120 grs d’amandes

90 grs de lard

30 grs de blanc de baleine

Jus d’oignon

Eau de rose

Le site donne ainsi la recette dite originale et une recette adaptée à un usage contemporain. S’il est impossible sans autre élément de savoir si cette recette est authentique ou non, on ne peut néanmoins qu’être intrigué par le pouvoir de fascination qu’exerce Ninon de Lenclos dans la conception de ce qu’est la beauté dans la blogosphère anglo-saxonne.

Nouvel article : Du détergent au parfum de Cléopâtre

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Qu’est-ce qu’un secret de beauté ?

Je vous vois déjà vous demander si vous allez continuer à lire, indignés que j’aie la prétention de vous enseigner ce qu’est un secret de beauté. Pourtant, vous allez le voir, la question est plus complexe qu’il n’y paraît, et la réponse également. La beauté qui se construit nécessite effectivement des savoir et des savoir-faire qui s’exécutent dans l’ombre, dans le secret. De ce secret dépend toute la force d’apparition, le mystère de la beauté.

Un mystère en effet bien plus profond qu’on ne pourrait le penser puisque si une femme apparaît comme globalement belle, la composition exacte de sa beauté est impossible à déterminer, à moins d’exercer tous les métiers auxquels elle doit ses qualités esthétiques. Malgré cela, quelle part peut-on attribuer à ses gènes, à sa bonne santé, à son humeur, à sa qualité de vie, qui comptent pour la majorité dans son apparence, et quelle part attribuer à tout ce qui se construit, comme le choix des vêtements, du maquillage, des soins, des divers trucs et astuces qui rajeunissent, grossissent les seins, remontent les fesses, amincissent, colorent, donnent du soin aux cheveux, etc. ?

Dans le laboratoire esthétique d’une femme qu’on peut considérer comme belle, tant d’éléments entrent en ligne de compte qu’il est impossible en réalité d’en percer le mystère qui, de plus, dans le cas des stars, réside sur un certain  art de l’image obligeant le photographe à vouloir prendre les plus beaux clichés et donc décider des plus belles poses, des plus belles expressions, puis resserrer ces choix aux plus belles images qui seront ensuite certainement retouchées. La beauté construite s’étoile alors en des paramètres encore plus nombreux et complexes mais dont les ressorts, de plus en plus cachés, sont logiquement de plus en plus secrets.

Les secrets de beauté se situent ici, dans la part considérée comme travaillée, attribuable à une cause accessible à toutes les femmes. Elle est belle; en posant son regard sur elle, nous voyons une femme à laquelle, quand nous sommes femme, nous pouvons nous identifier et à la fois ressembler. Que nous manque-t-il ? La coupe, la couleur de cheveux, la minceur, le style, le maquillage ? Tout cela est facile à reproduire. Mais le reste, ce qui demeure mystérieux ?

Ce désir de leur ressembler, ce besoin d’identification et des points de rapprochement entre n’importe quelle femme et une autre représentant son idéal de beauté n’a pas échappé aux marques qui utilisent des actrices prestigieuses comme ambassadrices de leurs produits et ce pour toutes les tranches d’âge afin de cibler au mieux la clientèle en même temps que toutes les femmes. Ce désir, grand levier dans une société où la femme a toujours eu la nécessité d’être belle pour faire valoir d’autres droits ou qualités, a fait vendre du lait d’ânesse parce que Cléopâtre était censée l’avoir utilisé en bain – ce qui est faux – et du n°5 de Chanel depuis que Marylin Monroe a révélé innocemment ne dormir qu’avec ça.

Qu’en est-il alors réellement des secrets de beauté ?

Le mieux qu’on pourrait en dire est qu’ils procèdent du muthos , le mythe, à la fois dans son sens de récit originel et fondateur, et à la fois dans son sens de mensonge, qu’on retrouve dans le nom de mythomane. Autrement dit, les secrets de beauté, ce sont des mythes auxquels on croit encore et qui font vendre des millions de produits de cosmétiques et autres produits de beauté, faisant de l’esthétique un secteur qui ne connaît pas la crise. Mais pris dans cette spirale de désir qui nous avale aussi, difficile d’y voir clair. Un peu de recul s’avère nécessaire.

La Bibliothèque Nationale recèle quelques secrets scientifiques d’un autre âge dissimulés dans des traités d’esthétique et d’hygiène. L’un d’entre eux, A travers la beauté du Dr Jean d’Auteuil, écrit au début du siècle dernier, propose ses crèmes, mélanges, lotions, mélanges pour bains censés avoir été utilisés par les personnalités les plus prestigieuses de l’histoire et être issus d’ouvrages anciens de cosmétiques qui ont pourtant complètement disparu depuis longtemps comme le livre d’Ovide ou celui d’Aspasie, compagne de Périclès. Mais après tout, qui ira vérifier ? Personne, semble-t-il, et même si c’était le cas, cela aurait-il empêché sa dixième édition, marque de son succès durable ?

A partir du succès de cet ouvrage, véritable tissu de mensonges pour vendre des produits, que penser de ceux qui nous proposent des secrets de beauté miracle dont l’efficacité ne peut être vérifiée ? Dans son article sur les cosmétiques, de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Louis de Jaucourt écrit : «  Celse a judicieusement remarqué que la plupart des cosmétiques vantés ne sont qu’un vain amusement, un pur charlatanisme; qu’il est inutile d’entreprendre de détruire le hâle, les taches de rousseur, les rougeurs du visage; que c’est une folie d’espérer de changer la grosseur du teint, la couleur de la peau naturelle; encore plus de vouloir remédier aux rides : mais que les femmes sont tellement éprises de la beauté, et du désir d’éloigner ou de réparer les débris de la vieillesse, qu’il est impossible de vaincre en elles ce penchant, et de leur persuader la futilité de tous ces beaux secrets qui portent le nom de cosmétiques. »

Les secrets de beauté seraient-ils donc un leurre ?

A cette question, on peut répondre par une autre : à quoi doit-on  que de tous les ouvrages, pourtant très nombreux, qui nous restent de l’Antiquité, seuls ceux sur les cosmétiques aient presque complètement disparu ?

Et on peut également y ajouter une affirmation : un monde sans espoir, à quelque niveau que ce soit, est un monde sans beauté. Et c’est peut-être ça le vrai secret.

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Beauté et secret

La beauté a souvent un lien avec le mystère, voire l’épiphanie, c’est-à-dire une soudaine apparition divine, avec laquelle elle a de nombreux points communs. Effectivement, la beauté agit comme un coup de foudre, imposant silence et respect, faisant entrer du miracle, de l’exceptionnel dans une vie ou juste dans un moment. C’est d’ailleurs un mystère qui a beaucoup fait réfléchir les philosophes et les a souvent convaincus de l’existence de Dieu. La beauté, la perfection, semblent démontrer une intention pré-existante et non un hasard. C’est vrai dans l’oeuvre d’art où tout est dû au génie de l’artiste, cela paraît vrai aussi dans la beauté de la nature, souvent attribuée à l’oeuvre du Créateur.

Dans la beauté humaine, plus spécifiquement féminine, se pose souvent la question de ce qui est naturel et de ce qui est dû au maquillage, à la retouche, à la coloration, voire à la chirurgie esthétique. Cette question hante les sites internet et les magazines people qui traquent les stars sans maquillage pour percer le mystère qui se cache derrière la beauté d’une célébrité ou qui font se succéder les clichés d’une personnalité avant et après son éventuelle opération de chirurgie esthétique pour traquer les changements.

Cette curiosité illustre bien le rapport que nous entretenons à la beauté. Toujours soumis à des jugements anciens datant des philosophes grecs et s’étendant à l’époque chrétienne au point de déborder l’époque contemporaine, nous considérons toujours comme une duplicité le fait que la femme se maquille, arrange son apparence, dissimule ce que la nature lui a offert de moins beau. Outre la peur engendrée par ce comportement considéré comme manipulateur, la construction de sa propre beauté et la dissimulation de son âge sous les fards, la coloration ou la chirurgie esthétique donnent à certains hommes le sentiment d’être trompés sur la marchandise.

Alors, comme tout ce qu’on soupçonne, redoute, suspecte, la beauté qui se construit doit être cachée. Dans l’Art d’aimer, son livre de conseils pour séduire, Ovide écrit, vers le premier siècle tout un chapitre résumé ainsi : « Ne pas se laisser voir à la toilette » :

« Mais que votre amant ne vous surprenne pas avec vos boîtes étalées sur la table : l’art n’embellit la figure que s’il ne se montre pas (…)De même toi, pendant que tu cultives ta beauté, nous croyons que tu dors : tu paraîtras avec plus d’avantage quand tu y auras mis la dernière main. (…) Il y a bien des choses qu’il convient que l’homme ignore. »

L’illusion fonctionne ainsi uniquement si seul le résultat est montré tandis que l’art qui a permis de l’obtenir est caché, tout comme un tour de magie impressionne tant qu’on ne connaît pas le truc qui crée l’illusion. Cette loi fondamentale met d’ailleurs en lumière la part de merveilleux attribuée à la beauté : est beau ce qui séduit, ce qui enchante sans dévoiler son mystère. Cette obligation au secret, au mystère, est la condition pour bénéficier des avantages de la beauté construite.

Mais le corollaire au mystère, au secret, c’est la violence qu’il faut déployer pour les conserver afin d’obtenir la beauté. Depuis qu’il existe, le métier d’esthéticienne consiste à posséder ce secret et à en faire bénéficier les femmes qui viennent s’offrir ce service. Une mission qui ne se fait pas sans son lot d’humiliations, tant peut être difficile ce métier de savoir construire la beauté d’une autre femme.

Qui recueille les confidences d’une apprentie étudiant l’esthétique en alternance avec un poste dans un institut entendra parler du mépris avec lequel une cliente peut traiter celle qui s’occupe de sa beauté, présentant sans complexes son corps malpropre à épiler, voire, ruisselant du sang de ses règles, et ce dans sa propre indifférence la plus totale ! Ce rapport de mépris et de violence envers celle qui s’occupe de la beauté d’une autre existait déjà du temps d’Ovide :

« Que la coiffeuse n’ait rien à craindre de vous : je hais les femmes qui lui déchirent la figure avec leurs ongles ou qui prennent une épingle à cheveux et la lui enfoncent dans le bras. »

Ovide. L’art d’aimer.

C’est que ces filles qui s’occupent de la beauté sont à la fois les dépositaires des secrets pour la construire et les mieux placées pour en révéler les artifices. En effet, comment ne pas craindre une femme qui, sachant rendre belle une autre femme, sait aussi que sa beauté, loin d’être naturelle, est le fruit d’un laborieux travail maniant ses poils, sa graisse et ses chairs flasques ?

Dans toutes les organisations maniant les secrets, qu’elles soient politiques ou criminelles, on se méfie toujours de celui qui en sait trop, et qui surtout, sait l’essentiel..

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Beautés surprises au bain

La représentation de la femme au bain est un thème qui parcourt toute l’histoire de la peinture, auquel on a déjà consacré des livres et qui a passionné les plus grands maîtres de la peinture. L’Ecole de Fontainebleau, Rembrandt, Bosnard, Stevens, Ingres, Degas, etc., tous ont représenté dans leur style de peinture particulier, une femme qu’on semble avoir surprise en train de prendre son bain.

Pour un homme, le sujet a de quoi fasciner. Mettre une femme nue quelque part, c’est toujours une manière facile et rapide de capter l’attention, de susciter l’intérêt. La représenter au bain plutôt qu’offerte sur un lit comme Olympia de Manet ou au milieu d’hommes habillés comme dans Le déjeuner sur l’herbe de Renoir, c’est s’assurer une justification sociologique en semblant faire une étude de moeurs. Bref, c’est une façon d’éviter le scandale tout en exhibant malgré tout une femme nue.

Certes, on nous a toujours répété que le nu féminin était plus esthétique que le nu masculin, voilà pourquoi il serait sur-représenté. Ce genre d’arguments pouvait encore être accepté à l’époque où les femmes n’avaient pas assez d’instruction et de droits pour pouvoir porter un regard critique sur le monde, mais depuis, outre l’instruction et les droits, elles ont vu leur corps nu exhibé maintes fois dans des médias qu’on ne peut pas prétendre artistiques. Difficile désormais de ne pas voir  dans le prétexte esthétique à la sur-représentation du corps féminin dans l’art la mauvaise foi du voyeurisme et de l’obsession qui ne veulent pas dire leur nom.

Pourtant, le thème de la femme au bain est loin de ne concerner que les représentations picturales, artistiques ou non mais parcourt au contraire notre culture de façon parfois aussi inattendue que profonde. La mythologie grecque, en premier lieu, est pleine d’histoires de déesses surprises nues dans leur bain. Il y eut Artémis par Actéon qu’elle changea en cerf pour le punir et qui fut mis en pièces par ses propres chiens, et puis Aphrodite surprise par Erymanthos, fils d’Apollon qu’elle rendit aveugle pour l’avoir vue elle aussi dans son bain

Ces histoires soulèvent d’ailleurs une interrogation : comment se fait-il que les déesses, aperçues pourtant sous leur vraie forme lorsqu’elles prenaient leur bain, n’aient pas foudroyé sur place par leur seule vision les imprudents qui les ont surprises ? Dans les autres histoires de  la mythologie mettant en scène des interactions entre Mortels et Immortels, soit les dieux rencontrent les hommes sous une autre forme, comme Athéna et Aphrodite en vieilles femmes pour parler à Ulysse ou à Hélène, soit le Mortel finit foudroyé, comme Sémélé après avoir vu son amant Zeus sous sa forme divine. .

Le thème de la femme surprise au bain parcourt aussi le folklore. Les fées de France ont su, elles aussi, faire preuve de cruauté envers ceux qui les surprenaient en train de se baigner, comme le rapporte le Guide de la France mystérieuse à propos de Mortain, une commune de la Manche :

« Les fées habitaient, autrefois, le gouffre où la Cance amasse ses eaux bouillonnantes. Un jeune homme les surprit au bain et fut changé en aiguille rocheuse; celle-ci, en forme de fuseau, est visible de la vallée; quand les orages grossissent les torrents, l’aiguille fait trois tours sur elle-même. »

Elles sévissaient également dans d’autres communes et pour punir les Mortels ordinaires, elles exerçaient  les mêmes pouvoirs que les déesses grecques.

Alors, simple voyeurisme, ce thème de la belle surprise au bain ?

Oui, cela est certain, mais quelque chose de plus profond paraît se cacher derrière cette obsession. Dans le cas des déesses, on voit par exemple que le bain semble être le moment où leur pourvoir divin disparaît, là où nue dans les bras d’Anchise, Aphrodite parvient à travestir son identité sous celui d’une Mortelle. Dans l’acte sexuel avec des Mortels, les déesses parviennent à cacher leur nature divine; au bain, cela ne semble plus possible. Pourquoi ? Et pourquoi exposer la nudité ne semble-t-elle pas suffire ?

Certainement parce que dans un monde où les clivages entre les sexes étaient si importants que chaque rencontre entre hommes et femmes avait toujours quelque chose de convenu, de socialement cloisonné où chaque réaction était étudiée, limitée par des conventions ou des préjugés, des complexes, et ce jusque dans le lit des amants où la femme pouvait être sciemment séductrice, prude, effarouchée ou n’importe quoi d’autre inspiré par la situation.

La femme surprise au bain est forcément naturelle, spontanée, révélant toute sa nature sans crainte d’être jugée, sans pudeur, sans complexes. C’est le moment idéal pour découvrir la vérité sur cet être rendu inconnu et mystérieux par des constructions de lois sociales séparant hommes et femmes et ôtant à cette dernière son naturel devant celui qui, socialement et sexuellement, la dominait. Une domination qui s’est longtemps payée du prix de la méfiance où la femme, non confiante, n’osait pas s’abandonner, même dans l’amour.

Comme souvent, c’est l’Inde qui nous met sur la voie de la compréhension. Dans l’histoire des dieux hindous, Krishna vole les vêtements des gopis – les vachères avec qui il a grandi – alors qu’elles étaient au bain, les forçant à se montrer nues devant lui pour les récupérer. Bien sûr, c’est une histoire de voyeurisme d’adolescent, mais les Indiens y voient le symbole de l’âme obligée de se révéler complètement devant Dieu.

Nouvel article Labo de Cléopâtre : Qu’est-ce que le parfum dans l’Antiquité ?

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Rhodope, le secret de Cendrillon

Aphrodite peut offrir un destin fabuleux à celles qu’elle a comblées de ses dons. Des destins fabuleux qu’on retrouve en littérature au travers de contes de fées surtout, où une jeune fille qui n’avait rien et était malheureuse finit par épouser un prince, de préférence l’héritier du royaume. Nos contes les plus célèbres ont cette structure narrative , ce scénario qui a fait rêver toute fille comprenant que son avenir consistait en autre chose qu’à être pour toujours la fille chérie et choyée de ses parents.Dans cet avenir, si le métier n’est pas clairement envisagé, la nécessité de l’histoire d’amour réussie comme base du bonheur est par contre rapidement comprise.

Cendrillon, la jeune fille persécutée dont la chaussure oubliée permet au prince de l’identifier, de la sortir de son enfer et d’en faire sa princesse est un des scenarii mettant en scène le destin fabuleux d’une fille comblée par la grâce, la beauté et que ses qualités distinguent malgré son abaissement quotidien au sein de son environnement familial. C’est un destin qui continue de faire rêver. L’innocente et belle jeune fille persécutée connaissant en définitive une destinée plus heureuse et prestigieuse que celle de ses persécutrices est un désir universellement partagé.

Ce conte, en réalité plus ancien que la Renaissance italienne qui semble l’avoir fait naître, est considéré comme venant d’Egypte. La culture européenne s’en est emparée dans l’Antiquité avec des auteurs aussi prestigieux qu’Hérodote, Strabon et Elien. Dans cette histoire, Cendrillon est en réalité une courtisane grecque vivant en Egypte appelée Rhodopis ou Rhodope, traduit parfois par visage de rose ou yeux de rose. Une courtisane, la beauté, un visage assimilé à la rose : on reconnaît bien là les faveurs d’Aphrodite.

« Quelques auteurs donnent à cette même courtisane le nom de Rhodôpis et racontent à son sujet la fable ou légende que voici : un jour, comme elle était au bain, un aigle enleva une de ses chaussures des mains de sa suivante, et s’envola vers Memphis où, s’étant arrêté juste au-dessus du roi, qui rendait alors la justice en plein air dans une des cours de son palais, il laissa tomber la sandale dans les plis de sa robe. Les proportions mignonnes de la sandale et le merveilleux de l’aventure émurent le roi, il envoya aussitôt par tout le pays des agents à la recherche de la femme dont le pied pouvait chausser une chaussure pareille ; ceux-ci finirent par la trouver dans la ville de Naucratis, et l’amenèrent au roi, qui l’épousa et qui, après sa mort, lui fit élever ce magnifique tombeau. »

Strabon. Géographie. Livre XVII.

Ici s’arrête le destin de Cendrillon dans l’histoire racontée entre autres par Perrault et les frères Grimm. Rhodopis, qui a inspiré son histoire, a quant à elle connu tous les rebondissements qui font les destins exceptionnels de celles destinées à la célébrité et à la gloire dans le monde réel. Hérodote en fait l’esclave d’un certain Jadmon, maître aussi du grand fabuliste Esope qui inspira tous les autres fabulistes après lui dont notre La Fontaine. Prostituée, elle fut rachetée par Charaxe qui n’est autre que le frère de Sappho, la plus grande poétesse de Grèce ancienne, et le dépouilla. En Grèce ancienne, les courtisanes et autres prostituées étaient les seules femmes, si elles étaient libres, à pouvoir jouir de leur propre fortune. Rhodopis est une de ces courtisanes devenue aussi riche que célèbre.

Elle est connue aussi pour avoir offert au temple de Delphes avec 1/10 de sa fortune  des broches à boeufs. Si ce cadeau paraît un peu étrange, il faut se rappeler que les Grecs sacrifiaient des animaux dont ils consommaient la viande tandis que les dieux étaient censés en déguster les fumées. Pour une courtisane, c’est autant un acte démontrant sa piété que son influence au sein de sa communauté qui lui permet d’avoir de l’argent et d’en faire ce que bon lui semble jusqu’à participer à ce qu’il y a de plus sacré. C’est une façon très masculine de démontrer son pouvoir. Enfin, puisque les récits font d’elle une courtisane riche, célèbre, sans scrupules, devenue femme de pharaon, il ne faut pas s’étonner que Strabon lui attribue une pyramide, marque d’un immense prestige.

Par sa complexité, le personnage de Rhodope qui a donné naissance au mythe de Cendrillon illustre bien plus que cette dernière une destinée dont la réussite est basée sur les dons d’Aphrodite : de la beauté malgré l’aliénation, la prostitution, la séduction permettant l’escroquerie, son avènement par son mariage royal et son immortalisation dans une pyramide. C’est une figure plus subversive que son pourtant plus célèbre avatar de conte de fées, et de fait, il faut bien reconnaître que lorsqu’on suit son parcours tel que l’ont raconté les divers historiens, il ressemble beaucoup plus à une destinée comme en ont vécu beaucoup de favorisées d’Aphrodite historiques – de Théodora aux maîtresses des grands rois telles que Wallis Simpson et d’autres encore – dans un monde laissant si peu de pouvoir aux femmes, à savoir une réussite basée sur la beauté, la sexualité ou la prostitution, l’amour.

Nouvel article Labo de Cléopâtre : l’usage du parfum dans l’Antiquité

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La Beauté, créatrice de destin

Si la beauté a beaucoup préoccupé les Grecs tout comme notre société contemporaine axée sur la consommation et le buzz, elle a aussi toujours joué un rôle important dans toutes les relations, qu’elles soient humaines ou animales. En effet, la beauté joue plusieurs rôles au sein des organisations sociales. Chez les animaux, elle permet le choix d’un partenaire en meilleure santé et donc aux gènes plus favorables pour la survie de l’espèce. Chez l’homme, bien que cette fonction de la beauté ait aussi cours, d’autres critères plus complexes vont déterminer un choix duquel la beauté peut parfois être absente au profit d’autres qualités.

Pourtant, dans une société où la beauté a été recherchée depuis toujours, elle est un enjeu social aussi insignifiant que paradoxalement primordial dans certains cas, et c’est ce qui la caractérise depuis longtemps. Elle est insignifiante car ce n’est pas elle qui établit les règles de société basées sur l’éducation, le statut social ou la richesse. Elle est pourtant importante car elle est un des attributs de l’éducation caractérisée par la connaissance des belles lettres, des beaux arts, du goût, du beau, valeurs que se doivent de connaître et posséder toutes personnes pouvant prétendre à un statut social élevé. Car c’est une autre loi sociale obligatoire quand on est riche que de démontrer son pouvoir sous forme d’objets de luxe, d’oeuvres d’art, d’une union avec quelqu’un de particulièrement beau.

Impossible en effet pour un homme puissant de se montrer au bras de ce que la presse pourrait appeler un laideron s’il veut rester crédible ! A partir d’un certain niveau de vie et d’une certaine exposition publique, ce dont un individu s’entoure doit être un prolongement dans le monde de sa représentation, de ce qu’il symbolise pour la société. Bien entendu, culturellement c’est beaucoup plus vrai pour un homme que pour une femme, mais à prestige équivalent, la tendance pourrait bien finir par toucher tout le monde pour peu que les femmes accèdent à des carrières et des niveaux d’image tels que ceux de Madonna qui met un point d’honneur à sortir avec des hommes de vingt à trente ans plus jeunes qu’elle.

Hormis cette exception et d’autres aussi rares, le phénomène est plutôt masculin, et on ne compte plus les belles jeunes femmes mariées à des acteurs ou autres personnages publics ou riches particulièrement âgés. Dans un monde d’inégalités encore flagrantes entre hommes et femmes, l’union stable avec un homme qui gagne très bien sa vie entre autres qualités a toujours de bonnes chances de se faire sur un critère minoré mais incontournable du destin : la beauté.

Bien entendu, les femmes avec un haut statut social trouvent facilement à se marier dans leur classe d’origine grâce à leurs atouts comme la fortune, des relations, de la famille haut placée et tout le prestige nécessaire au niveau de vie de sa classe sociale, mais la littérature, l’histoire et encore l’actualité nous ont donné mille preuves que les belles femmes sans fortune ou sans statut particulier pouvaient faire un bond social extraordinaire rien que par leur beauté. Aspasie, l’hétaïre qui devint la compagne de Périclès, Théodora, danseuse, prostituée, fille d’un montreur d’ours devenue impératrice de l’Empire byzantin, Jeanne-Antoinette Poisson, bourgeoise devenue la marquise de Pompadour, Nadine Lhopitalier, actrice de seconds rôles légers et dévêtus, devenue la baronne de Rotschild.

Les exemples ne manquent pas pour démontrer que la beauté peut offrir un destin exceptionnel à celles qui n’avaient ni la richesse ni le statut social. Ces histoires, suffisamment nombreuses pour qu’on croie à leur possibilité dans les destinées individuelles, sont celles répétées à l’infini dans la littérature amoureuse féminine dont l’ouvrage le plus célèbre, Orgueil et préjugés, n’en finit pas de se décliner en de multiples adaptations démontrant à la fois l’aspect indémodable et monomaniaque du rêve qu’il contient. Et à l’ère où les femmes sont libres et travaillent, la beauté peut également offrir carrière et fortune dans le métier d’actrice et plus récemment, depuis qu’on le valorise, celui de mannequin.

Sauf que, pour ces exemples nombreux mais proportionnellement rares par rapport au nombre de femmes qu’on a pu un jour dire belles, de plus nombreux, tus dans la honte, sont des destins où la beauté exploitée n’est que le tremplin vers des rêves de réussite transformés en cauchemar social dans des carrières de prostituées, actrices porno, mannequins sans succès qui s’exposent et s’épuisent dans jamais se faire remarquer avant l’âge fatidique, actrices belles mais transparentes et donc sous-payées. Celles-là, qui se taisent par honte de leur déchéance, les auteurs les ont appelées de multiples noms littéraires qui font par contre le succès des écrivains : Nana, Mademoiselle Cléopâtre, Manon Lescaut, Marguerite Gautier…

D’autres ont évoqué des personnes réelles autrefois riches parce qu’elles étaient belles, avant de tomber en disgrâce. Elles ont croisé la route des poètes à toutes époques, les anciens grecs, Baudelaire, Dumas fils, à qui Marie Duplessis a inspiré Marguerite Gautier qui lui offrit le succès de sa Dame aux camélias.

Les dons d’Aphrodite sont nombreux et peuvent offrir parfois un destin exceptionnel. Mais la déesse est capricieuse, et à l’image de la roue de la fortune, ce qu’elle a donné peut aussi bien se retourner contre celle qui en a bénéficié que cesser d’exercer son pouvoir dans un sens favorable. Si tu as bénéficié d’un ou plusieurs de ses dons, soucie-toi de bien les placer et de tirer ta valeur d’autres qualités pour quand sa faveur aura cessé.

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