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Pourquoi notre sexualité est-elle compliquée ?

Depuis que les hormones se sont manifestées et peut-être même avant, nous percevons que la sexualité est l’une des plus grandes aventures humaines qu’il y ait à expérimenter dès lors que la vie nous a été donnée.

Et pourtant, en la vivant, nous sommes loin d’être tous et tout le temps au Paradis. Pourquoi ?

Tour d’horizon de ce qui constitue le domaine de la belle Aphrodite et ses complexités…

– La sexualité est inscrite au coeur de l’espèce. Se reproduire est vital pour la survie de l’espèce et donc impérieux. Le désir d’avoir des enfants nous traverse tous un jour même si ça ne doit ni rester ni se concrétiser. Le premier problème qui se pose par rapport à cette nécessité, c’est que contrairement à ce qu’on voit dans les documentaires animaliers, nulle saison des amours ne vient déterminer et simplifier la sexualité, le deuxième, c’est que nous avons beau appartenir à une espèce, ce ne sont plus ses lois qui nous gouvernent majoritairement mais celles de la société. Et si par exemple, faire un enfant se conçoit selon les lois de l’espèce, accueillir un enfant se fait selon les lois sociales. Trouver l’équilibre entre ces 2 mondes et réalités peut déjà s’avérer délicat.

– La sexualité peut être le point culminant d’un désir amoureux mais aussi du désir de détruire. Cet étrange paradoxe est au coeur de toutes les questions les plus importantes, souvent secrètes et taboues, liées à la sexualité. Comment peut-elle offrir à la fois le meilleur, le plaisir et la vie, et le pire, l’humiliation et la destruction qui conduisent à la mort psychologique voire physique ? Le viol, véritable arme de guerre en temps de conflit, est aussi le spectre menaçant qui hante toutes les femmes qui en comprennent le risque dès leur enfance, et qui le vivent réellement, parfois dès leur enfance, loin de tout conflit. Dans ces moments-là, le sexe devient réellement ce à quoi il ressemble : une arme plantée dans le corps de la victime. Cette dimension de la sexualité fait également peser sur l’homme une pression : celle de devoir prouver qu’il n’est pas le monstre que la femme craint, ce qui génère aussi de la souffrance.

– La sexualité a une histoire qui pèse sur nous tous, hommes et femmes, et nous pousse inconsciemment à jouer des rôles et prendre position. Le plaisir féminin a pu y être brimé, bridé, générant des craintes et des préjugés incitant à vouloir le limiter par peur de son déchaînement et de la bâtardise. Le plaisir masculin, lui, est l’héritier des préjugés romains sur la virilité qui font également peser sur les hommes l’obligation contraignante de la performance. Mais si toutes ces notions tendent à se relativiser avec des réflexions sociologiques et psychologiques de meilleure qualité, elles sont passées dans la culture et l’éducation, et si elles ne sont pas réinterrogées, elles demeurent un socle malheureusement encore trop stable pour ne pas entraver l’épanouissement à deux.

– Notre sexualité a son histoire, celle de notre construction personnelle et psychologique relativement à elle : ce à quoi nous avons été confrontés, ce que nous avons vécu, compris, ce qui nous a traumatisés, parfois, l’image que nous nous en sommes fait. Une expérience que nous avons eue peut hanter toutes nos autres relations, ou bien encore le comportement de notre père à qui nous voulons ressembler ou non, si on est un homme, les souffrances de notre mère ou au contraire sa tendance envahissante au bonheur et au plaisir qui peut nous entraver si nous sommes une femme, etc., tout peut faire obstacle, momentanément ou non. Ou à l’inverse, nous construire.

– La sexualité est aussi conditionnée par la société dans laquelle on s’inscrit. Or, notre société est une société de consommation qui a eu la bonne idée de s’appuyer directement ou indirectement sur le sexe pour prospérer car elle sait que plus elle en parle et plus on écoute. Mais justement, là est le problème. Entre les études scientifiques qui nous expliquent combien de fois il faut le faire pour créer des anticorps, brûler des calories, avoir une espérance de vie plus longue, être une meilleure mère, un père plus zen quand la vraie motivation de ceux qui véhiculent ces informations est de booster leurs ventes, notre sexualité peut avoir tendance à virer à l’expérience médicale. D’un autre côté, les informations concernant le nombre de fois où on le fait, comment on le fait, où on le fait instituent implicitement des normes qui génèrent des angoisses inutiles et douloureuses chez ceux qui ne s’y reconnaissent pas à 100 %. Parallèlement, les films porno génèrent des complexes de taille et de performances chez les hommes, et font prendre des comportements avilissants pour des normalités à ceux et celles pour qui cela tient lieu d’éducation sexuelle.

– Enfin, et le plus important, la sexualité a une actualité dans la relation qu’entretient le couple qui la partage mais dans laquelle chacun la vit malgré tout à sa manière. Et cette actualité évolue à chaque nouvelle relation sexuelle, qu’elle se vive dans l’extase ou dans les difficultés, entraînée par la qualité du lien existant entre les deux membres du couple…ou bien l’entraînant. Car parfois, sans qu’on le sache consciemment, quelque chose vient perturber l’équilibre d’un plaisir qui se construit comme une cathédrale, certes avec le concours des autres, mais vers une unité qui a emprunté tant de chemins pour se réaliser. C’est pourquoi, comme les architectes qui les construisaient, il faut veiller à faire les réajustements nécessaires à son équilibre, à chaque fissure menaçant ce plus grand et complexe édifice de l’aventure humaine.

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Comment perçoit-on le maquillage ?

Chaque message produit est comme un texte à lire, à interpréter. Dans l’analyse des textes littéraires, il y a plusieurs approches : la critique qui s’intéresse aux origines du texte, celle qui s’appuie sur la psychanalyse, celle qui s’appuie sur les symboles, la sociologie et enfin celle qui s’intéresse à la réception.

La beauté est comme un texte à lire et à comprendre, particulièrement pour la beauté construite : il y a ce qu’on a voulu construire comme image, pourquoi, et bien sûr, ce que les autres en ont compris, qui peut être bien différent de l’objectif visé.

Quand nous voyons une femme maquillée, que voyons-nous, comment l’accueillons-nous ?

Dans l’étude menée par le magazine ELLE auprès de plusieurs hommes et qui rejoint l’expérience commune, leur accueil est paradoxal.

D’un côté, ils prétendent que les femmes sont mieux au naturel, que le maquillage ne leur va pas et qu’elles trahissent leur vraie beauté avec les fards. Ils affirment donc n’apprécier le maquillage que lorsqu’il est naturel et qu’il ne se voit presque pas. Mais d’un  autre côté, ils aiment le khôl le plus noir, le rouge à lèvres et le vernis seulement quand ils sont d’un beau rouge sang.

Si on analyse leurs propos, on se rend compte qu’ils prétendent ne pas aimer le maquillage alors qu’ils adorent qu’il soit criard ! Ce qui est parfaitement incohérent.

Ce paradoxe est l’expression du sentiment éprouvé pour le féminin, entre peur et désir. La femme très maquillée comme la femme décolorée attirent l’oeil de l’homme par les signes extérieurs de leur volonté de séduire, ce à quoi il est plus que sensible. Rouges à lèvres et vernis rouges en sont les panneaux de signalisation les plus évocateurs, et il n’y a pas de pin up sans maquillage sophistiqué, rouge à lèvres rouge sang, ongles parfaitement vernis et yeux chargés. Ici, l’hyper féminité est une manière d’assumer pleinement la séduction dans son identité, d’affirmer sa sexualité sans la craindre, ce qui n’est pas une posture commune à toutes les femmes et est d’autant plus attirant.

A condition que ce soit dans un cadre bien défini, car la sexualité de la femme a toujours fait peur.

Un homme qui veut séduire une femme sera conquis par celle qui sera très maquillée parce qu’elle affichera son ouverture, son expérience, sa maîtrise et semblera promettre ce qu’il désire. Mais si c’est sa mère, sa soeur, sa fille ou toute autre femme dont l’idée de sa sexualité le dérange qui est ainsi maquillée ?

La sexualité des mères, soeurs, filles est interdite ou taboue, et le maquillage de ces femmes est alors nommé  » vulgarité  » pour se dédouaner de cette crainte-là, pour la dissimuler derrière des arguments qui pourraient passer pour raisonnables. Le problème se pose aussi avec les femmes des hommes jaloux : peu de maquillage ou pas du tout leur donnera le sentiment de maîtriser leur sexualité, voire de la rendre inexistante aux yeux des autres. Par ailleurs, la diversité des maquillages possibles fait peur en évoquant les diverses facettes de la femme, les dérobades identitaires infinies que lui permettent les fards qui ont été conçus pour elle, qui seule peut se le permettre. Car ils ont en effet la capacité de rendre méconnaissable une femme qui peut passer, avec une simple palette de couleurs, d’une personne effacée à une reine triomphante. Et une femme soudainement très maquillée n’a aucun mal à n’être pas reconnue de ceux qui l’ont toujours vue sans fards.

Dans les rapports plus lointains, les recherches ont révélé plusieurs effets du maquillage sur les autres.

– Un teint non unifié empêche le rapport émotionnel à l’autre, et la façon d’y réagir sera alors moins empreinte d’empathie. Est-ce alors un hasard si l’homme qui prétend aimer les femmes au naturel déteste par dessus tout les fonds de teint, poudres et autres correcteurs ?

– Une femme maquillée attire plus les regards par la mise en valeur de son visage et sera préférablement choisie dans des situations aussi anodines que le fait de demander un renseignement ou son chemin.

– Enfin, d’une manière générale, loin des préjugés des philosophes antiques plutôt séduits par l’amour entre hommes, les fards ne sont pas vus comme des poisons destinés à tromper le monde mais comme des instruments d’intégration sociale. Car le maquillage est, dans l’inconscient collectif, associé à l’exception : la fête, le cinéma, l’événement officiel et chic. Par transfert, dans les rapports moins émotionnels que ceux de la relation d’un homme jaloux ou anxieux avec une femme, il transmet les valeurs positives de soin, respect d’autrui, estime de soi, bonne connaissance et respect des pratiques sociales, intégration. Ne serait-ce que parce qu’un modèle, mère, femme admirée, a donné à une autre envie de se maquiller et posé les bases de l’image sociale qu’une femme a voulu se construire, il y a déjà transmission de pratiques hautement sociales, très anciennes et positives. Se maquiller est un acte essentiel, dans la construction de soi, « une manière d’ordonner le chaos », explique Camille Saint-Jacques dans son Eloge du maquillage. 

Ordonner le Chaos, c’est la fonction occupée par Eros dans la Cosmogonie d’Hésiode.

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