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Comment perçoit-on le maquillage ?

Chaque message produit est comme un texte à lire, à interpréter. Dans l’analyse des textes littéraires, il y a plusieurs approches : la critique qui s’intéresse aux origines du texte, celle qui s’appuie sur la psychanalyse, celle qui s’appuie sur les symboles, la sociologie et enfin celle qui s’intéresse à la réception.

La beauté est comme un texte à lire et à comprendre, particulièrement pour la beauté construite : il y a ce qu’on a voulu construire comme image, pourquoi, et bien sûr, ce que les autres en ont compris, qui peut être bien différent de l’objectif visé.

Quand nous voyons une femme maquillée, que voyons-nous, comment l’accueillons-nous ?

Dans l’étude menée par le magazine ELLE auprès de plusieurs hommes et qui rejoint l’expérience commune, leur accueil est paradoxal.

D’un côté, ils prétendent que les femmes sont mieux au naturel, que le maquillage ne leur va pas et qu’elles trahissent leur vraie beauté avec les fards. Ils affirment donc n’apprécier le maquillage que lorsqu’il est naturel et qu’il ne se voit presque pas. Mais d’un  autre côté, ils aiment le khôl le plus noir, le rouge à lèvres et le vernis seulement quand ils sont d’un beau rouge sang.

Si on analyse leurs propos, on se rend compte qu’ils prétendent ne pas aimer le maquillage alors qu’ils adorent qu’il soit criard ! Ce qui est parfaitement incohérent.

Ce paradoxe est l’expression du sentiment éprouvé pour le féminin, entre peur et désir. La femme très maquillée comme la femme décolorée attirent l’oeil de l’homme par les signes extérieurs de leur volonté de séduire, ce à quoi il est plus que sensible. Rouges à lèvres et vernis rouges en sont les panneaux de signalisation les plus évocateurs, et il n’y a pas de pin up sans maquillage sophistiqué, rouge à lèvres rouge sang, ongles parfaitement vernis et yeux chargés. Ici, l’hyper féminité est une manière d’assumer pleinement la séduction dans son identité, d’affirmer sa sexualité sans la craindre, ce qui n’est pas une posture commune à toutes les femmes et est d’autant plus attirant.

A condition que ce soit dans un cadre bien défini, car la sexualité de la femme a toujours fait peur.

Un homme qui veut séduire une femme sera conquis par celle qui sera très maquillée parce qu’elle affichera son ouverture, son expérience, sa maîtrise et semblera promettre ce qu’il désire. Mais si c’est sa mère, sa soeur, sa fille ou toute autre femme dont l’idée de sa sexualité le dérange qui est ainsi maquillée ?

La sexualité des mères, soeurs, filles est interdite ou taboue, et le maquillage de ces femmes est alors nommé  » vulgarité  » pour se dédouaner de cette crainte-là, pour la dissimuler derrière des arguments qui pourraient passer pour raisonnables. Le problème se pose aussi avec les femmes des hommes jaloux : peu de maquillage ou pas du tout leur donnera le sentiment de maîtriser leur sexualité, voire de la rendre inexistante aux yeux des autres. Par ailleurs, la diversité des maquillages possibles fait peur en évoquant les diverses facettes de la femme, les dérobades identitaires infinies que lui permettent les fards qui ont été conçus pour elle, qui seule peut se le permettre. Car ils ont en effet la capacité de rendre méconnaissable une femme qui peut passer, avec une simple palette de couleurs, d’une personne effacée à une reine triomphante. Et une femme soudainement très maquillée n’a aucun mal à n’être pas reconnue de ceux qui l’ont toujours vue sans fards.

Dans les rapports plus lointains, les recherches ont révélé plusieurs effets du maquillage sur les autres.

– Un teint non unifié empêche le rapport émotionnel à l’autre, et la façon d’y réagir sera alors moins empreinte d’empathie. Est-ce alors un hasard si l’homme qui prétend aimer les femmes au naturel déteste par dessus tout les fonds de teint, poudres et autres correcteurs ?

– Une femme maquillée attire plus les regards par la mise en valeur de son visage et sera préférablement choisie dans des situations aussi anodines que le fait de demander un renseignement ou son chemin.

– Enfin, d’une manière générale, loin des préjugés des philosophes antiques plutôt séduits par l’amour entre hommes, les fards ne sont pas vus comme des poisons destinés à tromper le monde mais comme des instruments d’intégration sociale. Car le maquillage est, dans l’inconscient collectif, associé à l’exception : la fête, le cinéma, l’événement officiel et chic. Par transfert, dans les rapports moins émotionnels que ceux de la relation d’un homme jaloux ou anxieux avec une femme, il transmet les valeurs positives de soin, respect d’autrui, estime de soi, bonne connaissance et respect des pratiques sociales, intégration. Ne serait-ce que parce qu’un modèle, mère, femme admirée, a donné à une autre envie de se maquiller et posé les bases de l’image sociale qu’une femme a voulu se construire, il y a déjà transmission de pratiques hautement sociales, très anciennes et positives. Se maquiller est un acte essentiel, dans la construction de soi, « une manière d’ordonner le chaos », explique Camille Saint-Jacques dans son Eloge du maquillage. 

Ordonner le Chaos, c’est la fonction occupée par Eros dans la Cosmogonie d’Hésiode.

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Le mystère de la ceinture

Dans la mythologie, la ceinture est l’accessoire grâce auquel Aphrodite se rend irrésistible, un charme d’Amour divin auquel nul n’échappe. Mais si Zeus ne parvint pas à y échapper lors de la Guerre de Troie, quand Héra l’utilisa pour intervenir dans le conflit à l’insu de son mari, il réussissait malgré tout à résister à son pouvoir avec sa fille adoptive. Mais c’était au prix d’un très grand effort. Pour se venger de le faire vivre dans cette tension permanente, Zeus condamna Aphrodite à s’éprendre d’un mortel, Anchise.

Cette ceinture permit aussi à Aphrodite de manipuler le bel Adonis qu’elle aimait mais qu’elle devait partager avec Perséphone, la première parce qu’elle l’avait découvert, la seconde parce qu’elle l’avait caché et protégé. Dans la rivalité qui opposait les deux déesses, le tribunal des dieux avait tranché le conflit ainsi : le temps du bel Adonis devait être partagé en 3. Dans le premier, il vivrait avec Perséphone, dans le second, avec Aphrodite, le dernier, il le passerait seul. C’est le moins qu’il lui fallait pour se reposer un peu après tant de sollicitations amoureuses…

Mais la ceinture perturba ces règles : le temps qu’il devait passer seul, il le passa avec Aphrodite, et ce ne fut qu’à contrecoeur qu’il consacra le temps imparti à Perséphone, quand il le lui consacra.

Cette tricherie illustre parfaitement le pouvoir de la ceinture de la déesse de l’Amour et de la Beauté.

Comment la ceinture peut-elle être conçue comme un accessoire divin qui rend irrésistible ?

Voyons le vêtement grec antique, le péplos, comme on a pu le rencontrer sur les statues, les bas-reliefs et les poteries. Une longue masse de tissu qui drape le corps d’une seule pièce comme le fait toujours le sari, mais à partir des épaules et non de la taille. Enveloppant le corps, il drape, cachant la nudité et protégeant tout ce qui doit l’être. Mais cette pièce de tissu adopte son propre tombé, et des épaules jusqu’aux chevilles, la pièce de tissu n’a pas vraiment d’autre alternative que de former un large rectangle aux plis irréguliers dont ne doit saillir à peu près que la poitrine.

Les découvertes récentes visant à comprendre les mystères de la séduction révèlent que ce n’est pas la taille ou le poids qui importent dans l’estimation de la beauté d’un corps et son attraction, mais le rapport entre les seins, la taille et les hanches. Une taille fine et des hanches larges sont universellement reconnus comme des critères de beauté d’un corps jusqu’à un niveau si profond qu’il est inscrit au coeur de l’espèce toute entière. Car de toutes les femmes, celles qui possèdent ce corps sont celles qui seront les plus aptes à mettre au monde des enfants en bonne santé.

Ce critère-là, loin d’être basé sur l’esthétique propre à une civilisation, est répandu à l’échelle planétaire et conditionne même ceux qui ne veulent pas d’enfants ! Comment s’étonner de l’universalité d’une attirance sans lui donner un caractère divin, lorsqu’on ne fait que la constater sans la comprendre ?

Et la ceinture ?

La ceinture, qui était un accessoire du péplos et qui existe toujours, est ce qui va révéler la perfection d’une silhouette irrésistible. En ceignant la taille, la ceinture va accentuer la courbe des hanches qui reste ordinairement dissimulée sous le drapé des vêtements. La même femme, d’abord simplement drapée de ce rectangle ou de n’importe quel autre vêtement large, puis la taille sanglée de sa ceinture, passera facilement du statut d’ordinaire au statut de d’irrésistible, de divine, en révélant à tous ce dont l’homme a besoin pour s’enflammer, ce que l’espèce choisit en priorité pour se reproduire et se perpétuer.

Cette silhouette à la taille affinée et aux hanches révélées, est celle qui a le plus été choisie dans l’histoire de la mode, les corsets formant à leur manière une sorte de ceinture en comprimant l’abdomen et donnant alors plus d’amplitude aux hanches et aux seins.

Cette silhouette est aussi celle des pin up des années 40 à 50, Marylin en tête, restées inoubliables, toujours enviées et désirées.

Etrangement indémodables…

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