Aphrodite est une déesse ambivalente au caractère réputé effroyable : https://echodecythere.com/2014/05/28/aphrodite-la-terrible/, et ce d’abord parce qu’elle nous impose l’amour. « Aphrodite est cruelle en nous forçant d’aimer.« , dit Sappho.
Elle est déesse de l’Amour et de la Beauté, mais lorsqu’elle se venge, on ne dirait jamais que la beauté, l’amour, la douceur sont ses caractéristiques. Un dieu, une déesse, pour une société pré-scientifique, c’est une cause, la cause invisible des actions des Hommes, celle qui les conduit au génie stratégique, aux arts, à la guerre, l’amour, la folie, la mort. Mais ce sont aussi des identités, des amitiés, des inimitiés, des amours, des actions parfois incompréhensibles et ambiguës. Justement, de façon très étonnante, Aphrodite sait être généreuse.
Sa générosité, c’est d’abord celle de sa nature. La déesse de Cythère s’éprend facilement, et des déesses, elle est la seule qui se soit autant offerte aux dieux ou aux mortels. Et si la mythologie nous raconte comment Zeus l’a fait s’éprendre d’Achise dans un sort auquel elle n’a pu échapper, ses autres amants ne semblent pas lui avoir été imposés par la volonté d’un dieu.
En revanche, les mythes nous racontent qu’Héphaïstos avait créé un filet pour emprisonner Aphrodite et Arès dans le lit accueillant leurs ébats pour exposer les deux adultères aux dieux de l’Olympe. Contre ce qu’il désirait, on se moqua de lui et les dieux envièrent Arès, disant que si le prix à payer pour être l’amant d’Aphrodite était d’être emprisonné dans le filet, ils voulaient bien risquer cette humiliation. Qui dit cela ? Trois dieux : Hermès, Poséidon et Dionysos. En récompense de leurs propos galants et leur admiration, Aphrodite conçut Hermaphrodite avec Hermès, Rhodos avec Poséidon et Priape avec Dionysos. C’est dire si elle sait accepter un compliment !
D’autres dons, d’autres actes généreux furent offerts aux mortels par la déesse. Elle sauva Boutès, marin faisant partie de l’équipage de Jason parti à la conquête de la Toison d’Or. Attiré par le chant des Sirènes, il plonge et manque se noyer. Aphrodite le ramène en Sicile dont il devient le roi et lui donne deux enfants.
Mais l’histoire la plus connue parce que la plus réadaptée dans d’autres arts est celle de Pygmalion, sculpteur célibataire endurci tombé amoureux de la statue qu’il réalisait. A cette statue, la déesse va donner vie comme une mère ferait un cadeau d’exception à un enfant prodigue revenu repentant dans le giron de la loi maternelle. Pygmalion acceptant enfin l’amour et en subissant toutes les souffrances, Aphrodite lui permet de le goûter jusqu’au bout avec la belle Galatée, femme de marbre qu’il avait créée devenue femme de chair qu’elle a animée.
Cette figure maternelle, qu’on lui concède rarement à cause de sa fonction sexuelle, est pourtant celle qu’elle adopte le plus volontiers avec les mortels, n’hésitant pas à intervenir pour protéger ses fils lors de la Guerre de Troie, mais aussi sous la forme inattendue d’une vieille femme, laissant penser comme Socrate, qu’il existait deux Aphrodites, l’une ancienne et spirituelle inspirant l’amour éternel, et l’autre plus jeune et superficielle, inspirant l’amour physique.
Ainsi, pour honorer la parole qu’elle a donnée à Pâris de lui permettre de posséder Hélène, la plus belle femme du monde, c’est sous cette forme qu’elle apparaît dans le palais de Priam pour ranimer le désir vacillant de la belle pour celui qui l’a séduite. Car depuis que Grecs et Troyens se font la guerre, Hélène a revu son premier époux, est prise de remords et commence à regretter son ancienne vie d’autant plus facilement qu’Héra et Athéna, du côté des Grecs, tentent d’infléchir son coeur en faveur de son ancien mari Ménélas. Mais Aphrodite veille. Troie sera en flammes plus facilement que la déesse ne manquera à sa parole.
C’est encore sous cette forme qu’elle fait son don le plus surprenant et le plus désintéressé des mythes qui la concernent. Passant par Lesbos, la célèbre île où vécut Sappho, elle emprunte la barque d’un vieux passeur pauvre mais généreux. Croyant que l’aspect misérable de la déesse était dû à sa vieillesse et à sa pauvreté, il décide de ne pas la faire payer. Aphrodite, reconnaissante, lui offre un baume magique lui rendant jeunesse et beauté. La légende raconte que c’est par amour pour lui, Phaon, que Sappho, pourtant peu attirée par les unions hétérosexuelles, s’est jetée d’une falaise par dépit amoureux. Il se dit que la déesse l’aima aussi.
Nos sociétés n’ont plus de déesse de l’Amour et de la Beauté à laquelle ils croient pour comprendre par une culture et des symboles cette partie fondamentale de leur existence qui se verra, au pire exposée vulgairement, au mieux gardée secrète en le coeur de chacun, ou confiée à l’oreille d’un membre du corps médical.
C’est pourquoi, lecteur, lectrice, toi qui as si souvent connu Aphrodite sous son aspect terrible et qui en as gardé le souvenir douloureux, songe pour une minute à Aphrodite la généreuse en te rappelant et honorant tout ce qu’elle t’a donné.
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