Evolution

La femme, civilisatrice par l’Amour

Bien que son rôle ait été minoré – notamment par ce mythe de l’Ancien Testament où, créée pour seconder l’homme, elle sort de sa côte – la femme joue dans d’autres mythes le rôle de civilisatrice, de celle qui va discipliner l’homme et le rendre apte à vivre en société.

Dans l’épopée de Gilgamesh, c’est Enkidu qui connaîtra cette transformation. Homme sauvage envoyé pour combattre Gilgamesh, il deviendra son fidèle allié après avoir aimé, désiré et s’être uni à Shamat, une courtisane sacrée envoyée pour le rendre à son humanité. Enkidu, qui jusque là vivait avec les bêtes, les voit se détourner de lui après son initiation amoureuse et sexuelle en même temps qu’il se voit doté de l’intelligence. Il n’a plus qu’à suivre Shamat, qui lui ouvre les portes de la civilisation, de la ville d’Uruk et l’introduit à son destin d’être humain. C’est ainsi qu’il découvre l’amitié en la personne de Gilgamesh. Il est alors prêt à entrer dans l’histoire en tant que héros de la première épopée connue de l’humanité.

D’autres récits anciens évoquent cette dualité en l’homme entre son origine sauvage et la civilisation qu’il a créée et établie. C’est le cas des romans du Moyen-Age où les personnages passent souvent un moment de leur histoire à vivre dans la forêt, qui, à cette époque, était un lieu hostile et craint car considéré comme le lieu des bêtes sauvages et des démons. Un lieu qui s’opposait effectivement à la civilisation.

L’idée est loin d’être fausse puisque l’abattage des arbres qui couvraient normalement l’Europe, permit le développement de l’agriculture et l’édification de nouvelles villes prospères. Cela se passait justement à l’époque des récits arthuriens. Dans ces récits, comme dans Yvain, le chevalier au lion, la folie sauvage du héros prend fin grâce à l’intervention d’une femme. Le chevalier, auparavant nu et fou, se comportant comme une bête et ayant perdu l’usage du langage, reprend alors ses vêtements et s’apprête à retrouver sa place dans la civilisation.

Ce schéma, bien connu des récits d’amour courtois, répondait à une réalité de la société féodale. En effet, une certaine tolérance du seigneur envers ses jeunes vassaux courtisant sa femme avait cours pour maintenir un certain ordre dans le système féodal. Ceux-ci étaient de jeunes célibataires, cadets de familles nobles dont ils n’hériteraient pas car seul l’aîné le pouvait, obligés de courir les aventures pour se distinguer et trouver leur place. Leur agressivité et leur culture guerrière menaçait sans cesse l’ordre social et notamment la paix des paysans dont ils séduisaient et abandonnaient les filles, pillaient les maigres ressources. Les laisser aimer leur Dame de loin permettait de les brider grâce à leur amour pour elle et leur volonté de lui plaire.

Ce thème de la femme civilisatrice est universel et concerne même les dieux.

il en est ainsi de Shiva, dieu solitaire, sauvage et inquiétant, vêtu de peaux de bêtes, accompagné d’une armée de morts et de fantômes. Cet aspect hideux rebuta son futur beau-père qui le rejeta. Sâti, celle qui devait devenir son épouse, se jeta alors dans le feu, rendant Shiva inconsolable. Retourné à la solitude de ses montagnes, sa mission en tant que dieu n’était plus assurée. Par sa grande détermination, la force de son amour et son ascétisme, Parvati – qui était la réincarnation de Sâti – parvint à ouvrir son coeur, le rendit apte à l’amour et ouvert à ses nouveaux devoirs de mari, de père. Il redevint membre éminent de la triade divine hindoue, bien qu’il soit en réalité le premier d’entre tous, comme sa nature sauvage le dit bien. Mais c’est une nature qu’il a perdue. Les représentations modernes de Shiva le montrent désormais en méditation pacifique plutôt qu’en chef des armées de morts. On raconte même que pour son mariage, Shiva fit un effort et s’habilla magnifiquement, comme un être civilisé.

Pour les hindous, qui y voient souvent plus clair que nous, le féminin est principe actif sans lequel le masculin, principe passif, ne peut agir. C’est bien la femme qui fait agir, bouger, changer l’homme.

Des histoires tout ça, comme d’habitude !

Et bien non. L’image collective de ce rôle civilisateur que la femme joue pour l’homme se retrouve dans l’expression : « passer la corde au cou » qui exprime non que l’homme est prêt à se pendre car il vient de se mettre en couple, mais que de bête sauvage, il est devenu un animal domestiqué, bon pour le travail, que la femme tient par la bride pour le diriger.

Et de fait, dans les grandes histoires d’amour qui commencent, il n’est pas rare d’apprendre que le fiancé ou le futur conjoint n’a jamais été aussi discipliné, sérieux et fiable qu’il l’est depuis qu’il a rencontré celle qu’il aime. Et c’est souvent sa mère, peut-être par solidarité féminine, qui raconte à sa belle-fille combien avant elle, son fils a pu être aux limites du présentable, du vivable, désordonné, ignorant convenances, équilibre et hygiène de vie élémentaires.

Ca ne vous rappelle rien ? Je suis sûre que cette histoire vous rappelle quelque chose.

Alors, c’est vrai, l’histoire officielle ne met pas vraiment l’accent sur le rôle civilisateur de la femme dans l’histoire de l’humanité, mais il est désormais avéré que dans les premiers temps, par une répartition logique des tâches, l’homme allait chasser, la femme, à l’origine de l’artisanat, réalisait les objets du quotidien. Nul doute également qu’elle soit à l’initiative des premiers gestes de civilisation puisqu’elle passait le plus clair de son temps au campement.

Et tandis qu’il chassait pour que le monde puisse manger et survivre, première condition de l’existence, elle concevait peut-être un objet pour que la viande ne traîne pas par terre, commençant doucement leur ascension vers l’idée de civilisation.

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Pourquoi désirons-nous la Beauté ?

Il n’est pas d’époque ni de civilisation qui n’ait connu la notion de Beauté et qui ne l’ait recherchée pour soi-même, en soi ou en l’autre. Pourtant, cet idéal peut être extrêmement contraignant et pousser à des actes inquiétants : auto-mutilations, actes de chirurgie dangereux, invalidants, exposition à des substances toxiques, naturelles ou chimiques, sans parler de l’endettement auquel cette quête incessante peut conduire chez les êtres fragiles et pas assez fortunés pour répondre aux impératifs imposés discrètement par la société.

Car l’idéal de beauté physique, poussé à un niveau toujours plus élevé à mesure que se développent des technologies de plus en plus pointues, engendre aussi du mal-être par les objectifs inatteignables que proposent des modèles sur-médiatisés mais également au régime depuis 20 ans, shootées des milliers de fois pour une dizaine de photos conservées, et surtout corrigés par photoshop.
Cette dictature de la beauté, aussi contraignante qu’absurde lorsqu’on y réfléchit, est pourtant celle à laquelle sont soumis même les plus lucides des penseurs qui pourtant ne manquent pas de ressources pour prendre du recul et analyser objectivement la situation.
Alors pourquoi et comment cette dictature est-elle possible ?

D’abord parce que nous sommes une espèce de celles décrites par Darwin, soumise à l’évolution. Dans le règne animal lui-même, certaines espèces mâles rivalisent lors de concours de beauté dont l’issue leur vaudra le droit de se reproduire avec la femelle qui les aura choisis. La Beauté, brute, essentielle, étant aussi bien l’indice de la bonne santé que de la variété des gènes qui permet de l’assurer, est le premier critère pour le choix d’un partenaire sexuel avec qui se reproduire. La nature sélectionnant les gènes les plus forts dans le but de l’évolution de l’espèce, c’est de façon primordiale, inconsciente et pourtant programmée que nous désirons la Beauté.

Ensuite, en tant qu’espèce vivant en société organisée et basée sur la culture et les valeurs que nous avons créées au fil de notre histoire, nous vivons cet impératif à un autre niveau, culturel cette fois. Dans celui-ci, nous sommes soumis à d’autres codes, parfois contradictoires et nés de circonstances aussi aléatoires que complexes d’une société à une autre. Ainsi, les femmes doivent être minces ici, grasses là, minces à cette époque-ci, grasses à cette époque-là, avoir le cou allongé, la lèvre agrandie, le pied minuscule, le front épilé, la chevelure blonde, des fesses proéminentes, etc. Et tout cela pour des raisons culturelles qui n’ont rien à voir avec la volonté de se reproduire.
Or, pourquoi les suivre, ces diktats contraignants et objectivement absurdes ?
Pour le pouvoir, pour faire sa place, pour être entendu, reconnu, pour être estimé. Comme dans la loi évolutive, c’est la loi du plus fort qui se manifeste sur un autre plan, celui de la société humaine dans laquelle on s’inscrit. Dans la société occidentale, en plus d’offrir la perspective d’un riche mariage, la Beauté est un des pouvoirs permettant de faire carrière et de rendre son nom aussi connu que celui d’un prophète.
A l’inverse, ne pas obéir au diktat, ne pas rechercher la Beauté, ne pas être belle, c’est être condamnée à la solitude relationnelle et sexuelle, à une moindre estime, une moindre écoute, un moindre crédit, à moins de disposer d’une force compensatrice.
D’après Sophie Cheval, psychologue et auteure de Belle autrement. En finir avec la tyrannie de l’apparence, les gens beaux réussissent plus facilement leurs études et leur carrière, le gain en terme d’apprentissage chez les belles personnes par rapport aux autres équivalant à 2 ans d’expérience de plus.

Enfin, la Beauté, c’est aussi le meilleur moyen d’entrevoir le mystère créateur, la Beauté divine. Dans le Banquet de Platon, le discours de Socrate – rapportant les propos de Diotime, considérée comme une spécialiste de la question – explique comment la Beauté d’un seul être nous ramène à la Beauté de tous et la Beauté de tous à la Beauté en soi, la Beauté divine. C’est par la Beauté qu’on devine le divin. Ainsi, même dans la Bhagavadh Gîta, texte le plus sacré des hindous, Krishna, connu pour sa Beauté et sa sensualité et incarnation parfaite de cet aspect du divin affirme en révélant sa nature suprême :  » Tout être porteur de rayonnement, de beauté et d’énergie, sache qu’il a pour origine une parcelle de ma splendeur. »
La Beauté est une parcelle du divin, du mystère de la Création, de la splendeur originelle, et la rechercher, c’est pour certains êtres la marque d’une nature spirituelle, élevée qui, consciemment ou non, est touchée par la grâce de l’Univers.
Et qu’on le veuille ou non, d’une façon qui peut paraître paradoxale à certains, c’est ce mystère que cherchent à percer aussi bien les scientifiques que les religieux les plus sincères, tous touchés par le mystère de la Beauté de l’Univers.

La Beauté est donc une déesse à l’origine de l’Amour, du désir, des lois sociales, de la philosophie, de la religion et la science. En bref, c’est bien elle qui régit l’Univers, comme l’affirmaient les Anciens.

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