Ils nous fascinent, nous attirent, nous font peur, et surtout, nous font des promesses de beauté plus ou moins tenues : ce sont les objets de la beauté. Ils accompagnent notre désir d’accomplissement esthétique, condition première au bonheur dans la destinée féminine. Au moins dans l’imaginaire collectif. Car la beauté ne fait pas nécessairement le bonheur, et l’absence de beauté n’y fait pas forcément obstacle.
Pourtant, dès le début de l’humanité, dès que des mains habiles ont été capables de ramasser des plumes, concevoir des perles ou employer une plante tinctoriale, la beauté a cessé d’être une faveur uniquement génétique pour devenir la marque d’une distinction sociale. Car en effet, malgré la démocratisation des nombreux accessoires de beauté qui ont été inventés et ont jalonné l’histoire de l’esthétique, l’accès aux améliorateurs d’apparence a toujours été le privilège d’une élite avant de devenir le privilège de tous et surtout celui des industriels et parfois des artisans dont ça a fait la fortune.
Si on les rassemblait quelque part, les objets de la beauté formeraient un immense bric-à-brac fascinant où on trouverait de tout et pour modifier toute partie du corps ou du visage : des ciseaux pour tailler cheveux, ongles, pièces de cuir et de vêtements, des pinces pour extirper les poils anarchiques ou pour fermer un collier. On trouverait également de nombreux produits utilisant la couleur : teintures pour vêtements, pour cheveux, couleurs des fards, des crèmes, des correcteurs, des embellisseurs, des autobronzants, des vernis, des tatouages. Il y aurait encore des objets pour trouer : le vêtement pour le coudre, la peau pour la percer, la tatouer ou la réparer chirurgicalement,
Il y aurait également les objets qui redressent, redessinent, améliorent la silhouette – voire le visage – en serrant, compressant comme les gaines, les ceintures, les corsets, les culottes ventre-plat, les collants amincissants, les soutien-gorge minimisant ou au contraire rembourrant, gonflant la poitrine, les pantalons remontant les fesses, affinant les cuisses, mais aussi les chaussures à talons nous rehaussant, nous faisant gagner une taille et prendre de la hauteur.
Ces objets peuvent avoir toutes matières : métal, huile, plastique, gel, poudre, liquide, laine, satin, soie, viscose, et toutes textures : souple, rigide, mou, dur, froid, soyeux, gélatineux, granuleux, aérien…Ils nous lavent, nous parfument, assouplissent notre peau, font luire les cheveux, les éclaircissent, luttent contre le relâchement cutané, la grisaille de la peau, donnant l’illusion du maintien, de la beauté, de la jeunesse, nous font « perdre une taille » ou juste cassent l’austérité d’un vêtement par une touche de fantaisie.
A l’avant-dernier stade de l’utilisation des objets de la beauté, nous trouvons les outils médicaux utilisés dans la chirurgie plastique et les technologies de pointe comme des ultra-sons, des lasers, des appareils de cryogénisation dans l’amincissement ciblé, et autres procédés « brevetés » et « uniques ».
Rien de tout cela n’est nouveau, pourtant. Mettre son inventivité au service de la beauté, l’Homme le fait depuis qu’il fabrique des objets. Lui donner une dimension technologique, en revanche, il le fait depuis le triomphe conjugué de la science, de l’industrie et de l’économie de marché, c’est-à-dire le début du XX ème siècle.
Le dernier stade de l’utilisation des objets de la beauté est celui du XXI ème siècle, où la technologie, avançant à pas de géant, court plus vite que son concepteur, ne lui permettant pas de se projeter lui-même de façon cohérente dans l’avenir qu’il est en train de créer. Et les objets qui, autrefois dans le domaine de la beauté, servaient à se rendre plus beau qu’on ne l’était auparavant, à devenir un être humain en mieux, peuvent désormais incarner par eux-mêmes l’idéal de beauté à atteindre, prouvant que dans tous domaines, esthétique y compris, la créature a dépassé le créateur.
Et dans cette aventure contemporaine du mythe de Pygmalion, les gourous étranges d’un nouveau type de beauté – Valeria Lukyanova, Justin Jedlica – nous montrent la voie d’un idéal en plastique, originellement de 29 centimètres, né en 1959 dans les usines Mattel.
http://orleansactu.fr/valeria-lukyanova-et-justin-jedlica-alias-barbie-et-ken/
Un phénomène qui, au-delà du ridicule apparent, nous interroge fortement…
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Photo à la Une : masques et appareillages anti-rides de l’institut Anglais de Beauté de Mary Earle, vers 1900.