Curiosités

Magie d’amour et cheveux

A la grande honte de l’Europe très civilisée, et notamment de la France dont le cartésianisme fait la fierté, nous avons connu une longue période durant laquelle la magie fut pratiquée. Le problème est qu’elle ne fut pas pratiquée que par des ignorants, comme on veut parfois nous le faire croire, mais aussi par les plus grands savants. Et c’est surtout au pays de Descartes qu’on refuse de savoir que les plus grands scientifiques, comme Einstein ou Freud, entretenaient un rapport particulier à l’esprit et à la matière et avaient des pratiques superstitieuses et magiques. Newton, plus ancien, s’adonnait avec fièvre à l’alchimie.

Dans ces pratiques, surtout celles de la magie d’amour, Aphrodite, Vénus, ont été très présentes, mais les cheveux ont également tenu une place de choix.

Si vous passez par ici, préparez-vous à un voyage au coeur de pratiques qui se sont transmises dans tous les ouvrages spécialisés d’Europe, et qui, en délit de désuétude et d’absurdité ont fait la honte de l’Europe avant de devenir le fonds de l’imaginaire de la société de loisirs qui y puise l’inspiration pour ses romans, films et séries fantastiques, ses jeux video, etc.

Les sortilèges qui suivent viennent du livre d’Alexandre Legran ( un pseudonyme, sans doute ), Les vrais secrets de la magie noire, applications, non daté mais certainement du XIX ème siècle, et qui reprend les sorts de livres plus anciens comme ceux du Grand et Petit Albert, qui datent du Moyen-Age. On trouve cet ouvrage sur le site de la BNF, l’excellent Gallica.

Quelques pratiques divinatoires

– «  La veille de la Saint Pierre, choisir 5 clés. Faire avec ses cheveux une natte à 3 mèches dont on attache les extrémités en en faisant 9 noeuds après les avoir passés dans les têtes de 9 clés. Lier le tout ensemble au poignet gauche au moyen de la jarretière de la jambe gauche et serrer l’autre jarretière sur le front en invoquant :  » St Pierre ne vous courroucez pas. Pour essayer votre faveur, j’ai agi de la sorte. Vous êtes le seigneur des clés, exaucez-moi, je vous en prie; donnez-moi la preuve de votre pouvoir; et faites-moi voir mon amant et mon futur époux. Amen. »

Ici, les cheveux de la personne la symbolisent tout entière, elle et sa destinée. Le noeud autour du poignet gauche, région d’habitude dévalorisée, représente le lien avec la région du coeur. Saint Pierre ouvre les portes du Paradis, et donc, pourquoi pas, celles du Paradis sur Terre qu’est l’amour ? La pratique semble demander au moyen de symboles :  » Qui m’emmènera au Paradis ? »

 » La nuit de vendredi qui précède le dimanche de la Quasimodo, pars seule en secret pour un carrefour à 4 chemins dans la campagne. Arrivée là, défais ta chevelure et rejette tes cheveux en arrière, comme les portaient autrefois les prophétesses en Celtide. Tu auras pris à la maison une aiguille qui n’aura jamais servi et te piquant le petit doigt de la main gauche, tu laisseras tomber 3 gouttes de sang sur le sol en répétant à chaque fois :  » Je donne mon sang à celui que j’aime, que je vais voir et qui sera à moi. » Alors la forme de ton futur s’élèvera doucement pour s’évanouir aussitôt qu’elle sera formée. »

La suite consiste en remerciements aux esprits élémentaires et le livre précise bien qu’il ne faut en manquer aucune prescription sous risque d’accident mortel.

Il y aurait bien des choses à dire sur le rite du sang et l’installation à un carrefour, mais restons-en aux cheveux. Ici, ils ne sont qu’un cliché, le fantasme projeté de la prophétesse Celte qu’on n’a pas connue et qu’on s’imagine seulement, mais c’est pourtant ce qui permettra l’identification grâce à l’état modifié de conscience.

Quelques sortilèges

D’après Papus, célèbre mage du XIX ème siècle, le philtre d’amour se théorise. Il faut frapper l’imagination de la personne qu’on veut atteindre et fixer son fluide magnétique grâce à des substances qui les condensent comme le sang, les cheveux, etc. Si quelqu’un a compris…

– «  Pour que la personne dont vous possédez l’amour vous soit fidèle, prenez une mèche de ses cheveux, brûlez-la et répandez-en la cendre sur le bois de son lit après l’avoir frotté de miel. Elle ne rêvera que de vous. »

Ici les cheveux sont brûlés, comme si on voulait anéantir la personnalité potentiellement trop rebelle de l’être aimé. Dans la magie d’amour, les cheveux valent pour des substances aussi personnelles que sang, sperme et salive, tout ce qui nous fait accéder facilement à notre carte d’identité interne : l’ADN. On brûle sa volonté, on l’adoucit par le miel en on crée une enceinte autour de son lit pour qu’elle ne puisse s’échapper.

« Prenez 5 de vos cheveux, unissez-les à 3 de la personne que vous aimez et jetez-les dans le feu en disant :  » Ure, igne, Sanctis Spiritus, renes nestros et cor nostrum, Domine Amen. »

Cinq cheveux contre trois pour signifier peut-être une domination de la personne qui aime sur celle qui est aimée. La phrase en latin se retrouve très habituellement dans les missels et demande à ce que nos reins et coeurs soient brûlés, ce qui, tourné de façon métaphorique, évoque l’amour : « le coeur » et la sexualité : « les reins ».  En détournant la prière chrétienne pour un projet profane et amoureux, on s’assure ici du concours dérobé de la puissance divine puisque les mots sont d’habitude récités dans de pieuses intentions. Les cheveux brûlés de chacune des personnes destinées à faire un couple valent pour un acte en mimant symboliquement la chose demandée.

Cet article est la propriété du site Echodecythere. Il est interdit par le code de la propriété intellectuelle de le reproduire sans l’autorisation de son auteur.

Recette aphrodisiaque : Beignets au lait d’Aphrodite

Dans son bel ouvrage Cinq mille ans de cuisine aphrodisiaque, Pino Correnti propose des recettes autour d’histoires d’amour célèbres du monde entier, de la Création du monde au sens où l’entendaient  les anciens Hébreux à nos jours. C’est un rêve, c’est un voyage poétique en cuisine, car les Grecs le savaient déjà et nous le savons tous, la sensualité, le fait de goûter, de se réjouir avec le palais a un lien avec l’érotisme, le fait de goûter avec le corps, goûter le corps de l’autre…

La recette qui suit a un lien avec Aphrodite, les roses, et n’aura pas, contrairement aux autres recettes aphrodisiaques données un peu partout, ce lien avec la science qui transforme l’amour en laboratoire de chimie. Car l’amour et le désir sont des aventures d’où la Beauté, le rêve et la poésie ne peuvent être exclus.

Exit donc les blouses blanches et les strictes compositions chimiques des aliments riches en ci ou riches en ça, bienvenue dans une cuisine symbolique où le miel s’accorde avec la rose et le lait pour nous rappeler la Déesse des amours, de la Beauté et de la douceur. Cette recette est dite authentiquement Grecque et ancienne par son auteur, et  » parvenue dans son intégralité ». Où la trouve-t-on, comment peut-on la retrouver, c’est ce qu’il ne dit pas.

N’importe, laissons-nous charmer…

«  Beignets au lait d’Aphrodite

Pour 4 personnes

– 1/2 litre de lait

– 2 oeufs

– 25 gr. de farine tamisée

– Huile d’olive

– 1 pincée de sel

– 1 pincée de poivre

– 50 gr. de miel liquide

– Les pétales d’une rose

– 50 gr. de pistaches

Hacher les pétales de rose et les laisser macérer dans le miel pendant 2 ou 3 jours.

Au bout de ce temps, battez le lait avec les oeufs et la farine en évitant les grumeaux. Tout en tournant, ajouter une cuillerée d’huile d’olive, 2 petites cuillérées de miel aux pétales de rose, le sel et le poivre.

Laisser reposer la pâte au frais pendant 30 minutes.

Pendant ce temps, éplucher et concasser les pistaches, les disposer dans une grande assiette et disposer le miel dans une autre.

Faire chauffer de l’huile dans une poêle et y mettre  la pâte à frire en petites crêpes fines. Lorsqu’elles sont bien dorées, les rouler, les passer dans le miel puis dans les pistaches.  »

Cela fait déjà rêver, non ?

Cet article est la propriété du site Echodecythere. Il est interdit par le code de la propriété intellectuelle de le reproduire sans l’autorisation de son auteur.

Aphrodite androgyne et transgenre

C’est une chose étonnante et merveilleuse que de voir Conchita Wurst, gagnante du concours Eurovision de la chanson 2014. Un travesti barbu, on n’avait encore jamais vu ça ! Gagner l’Eurovision est une chose en soi pas très prometteuse en terme d’avenir et tout le monde se rappelle bien qu’hormis Abba, personne n’en a pu faire un tremplin. Avec la gagnante de cette année invitée au Parlement européen, félicitée par le chef du gouvernement du pays qu’elle représente, l’Eurovision peut paraître à nouveau dans le coup.

Pourtant, rien n’est plus faux. Le personnage de Conchita Wurst, créé de toutes pièces par Thomas Neuwirth, un chanteur autrichien qui ne parvenait pas à la célébrité avant l’invention de ce personnage, ne doit son succès qu’au hasard qui a fait d’elle celle qui était au bon endroit au bon moment.
En effet, comme l’explique le site du Nouvel Obs, pour un pays conservateur mais également entaché par des événements peu reluisants comme l’est l’Autriche, une représentante telle que Conchita Wurst donne enfin de ce pays une image résolument moderne. Et effectivement, l’Europe entière réagit au message du personnage qui interroge bien mieux notre identité dans l’image qu’elle renvoie que son créateur ne l’aurait fait par des propos qu’il aurait exprimé sans son déguisement.
Mais quel est le lien avec Aphrodite, se demande-t-on ?
Il exista à Chypre, dans l’Antiquité, plusieurs représentations d’Aphrodite conçue comme dieu et non comme déesse, considérée à la fois comme masculine et féminine, explique un article d’archéologues chypriotes Sophocles Sophocleous. Voici un extrait assez troublant :  » Aphrodite était considérée à la fois masculine et féminine, concept qui faisait d’elle une divinité androgyne. Ce caractère ambigu de la déesse fut ainsi représenté dans l’art, selon les mêmes auteurs.
Macrobe nous décrit une de ces effigies, où la déesse réunissait les attributs des deux sexes en prenant la stature d’un homme habillé en femme, pourvu d’une barbe et tenant un sceptre. »

Bien que l’article précise qu’il s’agit d’une caractéristique chypriote, la représentation d’une divinité comme androgyne se rencontre encore chez les hindous, où Shiva peut prendre l’aspect d’Ardhanaraisvara, dans lequel il est mi-homme, mi-femme. Cette moitié féminine de lui-même est celle de son épouse Paravatî, et la répartition homme-femme de la divinité se fait de façon latérale et non de haut en bas comme chez les chypriotes. Mais l’affirmation est la même.
La divinité primordiale est au-delà des répartitions sexuées car elle exprime l’intégralité de l’univers. Shiva, Aphrodite, le divin ne peuvent se laisser limiter par ces bornes. Fut un temps où l’Europe le savait. Puis le Christianisme est venu, héritier du judaïsme, et avec lui des règles claires :  » Une femme ne portera point un habillement d’homme, et un homme ne mettra point des vêtements de femme; car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Eternel ton Dieu. » Deutéronome.
En effet, un monde dans lequel un homme est un homme, s’assume comme un homme, s’habille comme un homme, et de même pour une femme, est un monde rassurant sans les complications liées à l’identité sexuée, la façon de l’assumer au moral de façon personnelle sous les noms et actes des travestis, transexuels, transgenres, et à la manière d’en user avec autrui dans ce qu’on appelle l’orientation sexuelle, devenue elle aussi génératrice de conflits toujours d’actualité. Pourtant, ce ne serait pas un monde conforme à la diversité et la beauté du vivant qui montre des aspects plus surprenants au travers d’une seule ou plusieurs espèces, animaux monogames, hermaphrodites, mâles qui portent les petits dans leur ventre, etc.
Et Conhita Wurst, dans tout ça ?
Etant donné que c’est un personnage inventé dont on connaît plus la barbe que les chansons, qu’à l’heure du buzz, il vaut mieux faire parler de soi en mal que de ne pas faire parler du tout, que ce personnage est plus célèbre que son créateur et que chacun s’empare de lui politiquement au gré de ses besoins, il est légitime d’éprouver à son égard une certaine méfiance, le choix du nom  » saucisse » n’aidant pas non plus.
D’un autre côté, lorsqu’on connaît l’Aphrodite androgyne, on ne peut que s’émerveiller de voir renaître de ses cendres une figure européenne dont la modernité se compte en réalité en millénaires…

Cet article est la propriété du site Echodecythere. Il est interdit par le code de la propriété intellectuelle de le reproduire sans l’autorisation de son auteur.

Les vraies recettes de beauté de Cléopâtre

Tout le monde connaît le bain au lait d’ânesse de Cléopâtre que nous vantent certains vendeurs de savonnettes qui en contiennent. Lait de jument et d’ânesse sont utilisés en cosmétique sur l’argument que Cléopâtre employait ces produits. Il existe également un savon nommé Cléopâtra dont l’emballage doré est orné d’un dessin de type égyptien antique représentant une reine de profil.

En tant que reine mythique à la beauté légendaire, Cléopâtre fait vendre. Cette capacité, elle l’avait déjà dans l’Antiquité. En effet, Cléopâtre avait la réputation d’être une femme savante, cultivée et particulièrement séduisante. Mais en même temps, comment une reine aurait su conquérir le coeur de Jules César et Marc-Antoine si elle n’avait été belle ? Par une particularité de l’esprit humain, le cerveau est plus enclin à se raconter des histoires et plus séduit quand on lui en raconte que lorsqu’on énonce des faits réels. C’est de ce constat que le marketing s’est mis à baser les publicités et campagnes de communication des marques, produits ou groupes sur le storytelling. « Laissez-moi vous raconter une histoire… »

Dans la réalité, rien n’indique que la reine Cléopâtre ait employé des soins de beauté à base de lait d’ânesse ou autre, de roses ou quoi que ce soit qui paraisse naturel et attrayant aujourd’hui. Néanmoins, il exista bien un ouvrage de recettes de beauté attribué à Cléopâtre appelé le Kosmètikon dont il ne reste que des fragments disséminés chez divers auteurs antiques, nous explique Anne-Lise Vincent dans le mémoire qu’elle a consacré à cet ouvrage lors de son master : Edition, traduction et commentaire des fragments grecs du Kosmètikon attribué à Cléopâtre<. L’ouvrage spécifie que s’il n’est pas écrit de la main de Cléopâtre, il contient des recettes qu’elle utilisait. Néanmoins, il n’est pas exclu qu’on l’ait attribué à la célèbre reine d’Egypte pour en assurer le succès. D’un autre côté, ajoute Anne-Lise Vincent, cette reine était savante et a très bien pu le rédiger sur la base de ses connaissances. En bref, on n’a aucune certitude à propos du Kosmètikon sinon qu’il n’est pas en contradiction avec l’univers de Cléopâtre et ce qu’on sait d’elle.

Sur les cosmétiques eux-mêmes, ils ne sont plus exploitables, car si certains ingrédients sont toujours employés en cosmétique tels que le myrte, la moutarde, le lin, la racine d’iris, l’huile et le vin, d’autres tels que les têtes de souris mortes, les mouches calcinées, l’urine et autres produits toxiques rebuteraient n’importe qui aujourd’hui. Et si certains composants sont exploitables, comme on l’a vu, la manière de les rendre actifs sur la peau, comme le rasage des cheveux ou la scarification ne sont pas acceptables de nos jours. Sans parler du fait que rares sont les personnes pouvant croire que le cosmétique créé puisse être efficace hors de tout contrôle scientifique.

Les vrais cosmétiques dont Cléopâtre a prétendument donné les recettes ne feraient rêver personne aujourd’hui, et quiconque a conscience qu’elles ont été écrites il y a plus de 2000 ans sait que c’est normal. Ces recettes conservées en fragments sont au nombre d’une vingtaine et concernent majoritairement la perte des cheveux, leur pousse et leur couleur, ce qui démontre l’importance de la chevelure dans le monde antique.

En bref, que reste-t-il de la beauté de Cléopâtre ? Derrière le fantasme de ses produits de beauté qui n’ont pourtant rien que de très rebutant mais sont justement très caractéristiques de la médecine et de la magie d’autrefois, il y a le fantasme chimérique de transférer en nous une partie du pouvoir de séduction de la légendaire reine d’Egypte. Une beauté et une séduction dont nous ne savons absolument rien, en réalité !

La vérité est qu’il y a infiniment plus de distance entre le monde de Cléopâtre et le nôtre qu’il n’y en a entre le monde de nos fantasmes et la foi en leur réalisation. Et pourtant, quelle chance réelle ont les produits cosmétiques de vaincre la génétique, le temps qui passe ou les hormones pour nous faire ressembler aux mannequins et actrices qui les représentent ?

Pour une traduction et une recherche de grande qualité sur le Kosmètikon livrant les recettes de la possible mythique reine d’Egypte et le détail de leur composition, l’excellent mémoire d’Anne-Lise Vincent :

Mon livre : Réalisez un vrai cosmétique de Cléopâtre

le livre qui vous explique comment j’en ai réalisé un et vous donne des recettes adaptées de celui-ci est là :

product_thumbnail

Cet article est la propriété du site Echodecythere. Il est interdit par le code de la propriété intellectuelle de le reproduire sans l’autorisation de son auteur.