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Désir et civilisation

Le désir est un des sentiments les plus ambivalents auxquels la civilisation ait à se confronter, et ce quelle que soit la civilisation.

Chez les Grecs, et d’abord pour Hésiode, Eros est un dieu primordial qui vient opposer au Chaos un ordre du monde qui lui permet d’être stable. Cette idée, on la retrouve chez Empédocle et sa loi aphrodisienne d’attirance et répulsion qui crée la cohérence de l’univers. Mais à l’inverse, plus tardivement, Eros, le désir, est devenu le petit dieu ailé, insolent, indiscipliné qui dicte sa loi au père des dieux lui-même et sème paradoxalement…le chaos.

Car le désir, c’est l’inattendu, la force qui fait agir hommes et femmes, leur fait construire ou détruire des vies, des enfants, des familles, des empires, même, comme le roi Edouard VIII qui abdiqua pour épouser Wallis Simpson.

Le désir est d’une telle puissance qu’il n’est pas une civilisation qui ne se soit méfiée de lui tout en reconnaissant qu’on ne peut faire sans. Et entre la tendance humaine à l’absolu apportée par l’intelligence et la tendance naturelle au désir de vivre imposé par l’espèce, les plateaux de la balance ne sont jamais vraiment parvenus à s’équilibrer. De la satisfaction de ses désirs prônée par Epicure à la maîtrise de ceux-ci par Platon, la philosophie grecque a pu affirmer une chose et son contraire.

En Orient, en revanche, rien ne vaut la maîtrise de soi et la paix de l’esprit. Chez les Hindous, il existe un dieu du désir, Kamâ, dont le Kamâsûtra tire son nom. Pourtant, le jour où Shiva s’éprend de son épouse Paravatî, il le fait sans l’aide du dieu du désir qu’il a pulvérisé de son 3 ème oeil pour avoir osé le perturber pendant sa méditation.

Ce mythe est très éclairant et la suite le confirme : il est du devoir de Shiva d’épouser Parvatî pour engendrer le chef de guerre des dieux, Skanda, destiné à les protéger. Le devoir ! Pas le désir. La maîtrise. Le dieu hindou se doit de dépasser tous les conditionnements imposés par la matière dont il n’est pas fait. Dans l’idéal, l’Homme devrait les dépasser aussi, et dépasser ce qui conditionne son espèce, cette espèce qui le rapproche de la bête et l’éloigne de Dieu.

Car le désir, c’est ça : cette puissance qui nous rappelle qu’à force de vouloir faire l’ange, on finit par faire la bête, cette bête que l’on est aussi et qu’on voudrait bien oublier.

Pire même, à force de vouloir faire l’ange, le Bouddhisme lui-même dut assouplir sa philosophie uniquement destinée aux vrais renonçants, et valoriser le mariage, la famille, au risque de voir chacun vouloir devenir moine ou nonne et voir s’éteindre du même coup, bien sûr, la doctrine. Le détachement absolu, ce n’est pas bon pour la natalité ni pour la diffusion de la doctrine qui serait morte en une génération si chacun avait suivi ses préceptes libérateurs. Sur le site Buddhachannel tv, on peut lire un article portant néanmoins ce titre révélateur de ce que le Bouddhisme du Petit Véhicule reflète : «  Procréer, c’est engendrer le dépérissement et la mort. »

Et c’est un peu la posture de toutes les religions à l’origine des civilisations : leur survie dépend beaucoup de ce démon logé au fond du corps qu’il faut tenter de canaliser, équilibrer pour l’empêcher de faire oublier Dieu.

Et puis, Freud est arrivé pour nous expliquer que le désir était à la base de la construction compliquée de notre psyché et nous a également appris que sa répression avait permis à l’Homme de créer la civilisation, mais que son passage dans l’inconscient faisait de nous des marionnettes qui pilotions en automatique.

Cette vérité sera reprise à son compte par son neveu Edward Bernays qui, sur la base des découvertes de Tonton, inventera la propagande moderne et le marketing – inspirant ironiquement Goebbels qu’on croit souvent être l’inventeur de la propagande -, n’hésitant pas à utiliser des images phalliques et user et abuser de ce démon controversé des religions dans le commerce pour nous faire consommer.

Et c’est pourquoi, à la télé, les femmes semblent avoir un orgasme quand elle goûtent un carré de chocolat ou une tasse de café, se caressent nues en mettant du gel douche dont les ventes vont sûrement exploser sans que soit intervenu l’entendement, le jugement critique, l’attention portée aux choses qui nous entourent et qui nous conditionnent.

Saisi par les ailes et mis en cage par le père de la psychanalyse, le bel Eros est désormais condamné à nous envoyer ses flèches par campagnes publicitaires, films ou musiques médiocres interposés pour un succès facilement assuré. Il fut un dieu, le voici désormais aussi esclave que nous.

Souviens-toi toujours que le désir est sacré pour lui rendre sa liberté et fonder la tienne.

Cet article est la propriété du site Echodecythere. Il est interdit par le code de la propriété intellectuelle de le reproduire sans l’autorisation de son auteur.

Les vraies recettes de beauté de Cléopâtre

Tout le monde connaît le bain au lait d’ânesse de Cléopâtre que nous vantent certains vendeurs de savonnettes qui en contiennent. Lait de jument et d’ânesse sont utilisés en cosmétique sur l’argument que Cléopâtre employait ces produits. Il existe également un savon nommé Cléopâtra dont l’emballage doré est orné d’un dessin de type égyptien antique représentant une reine de profil.

En tant que reine mythique à la beauté légendaire, Cléopâtre fait vendre. Cette capacité, elle l’avait déjà dans l’Antiquité. En effet, Cléopâtre avait la réputation d’être une femme savante, cultivée et particulièrement séduisante. Mais en même temps, comment une reine aurait su conquérir le coeur de Jules César et Marc-Antoine si elle n’avait été belle ? Par une particularité de l’esprit humain, le cerveau est plus enclin à se raconter des histoires et plus séduit quand on lui en raconte que lorsqu’on énonce des faits réels. C’est de ce constat que le marketing s’est mis à baser les publicités et campagnes de communication des marques, produits ou groupes sur le storytelling. « Laissez-moi vous raconter une histoire… »

Dans la réalité, rien n’indique que la reine Cléopâtre ait employé des soins de beauté à base de lait d’ânesse ou autre, de roses ou quoi que ce soit qui paraisse naturel et attrayant aujourd’hui. Néanmoins, il exista bien un ouvrage de recettes de beauté attribué à Cléopâtre appelé le Kosmètikon dont il ne reste que des fragments disséminés chez divers auteurs antiques, nous explique Anne-Lise Vincent dans le mémoire qu’elle a consacré à cet ouvrage lors de son master : Edition, traduction et commentaire des fragments grecs du Kosmètikon attribué à Cléopâtre<. L’ouvrage spécifie que s’il n’est pas écrit de la main de Cléopâtre, il contient des recettes qu’elle utilisait. Néanmoins, il n’est pas exclu qu’on l’ait attribué à la célèbre reine d’Egypte pour en assurer le succès. D’un autre côté, ajoute Anne-Lise Vincent, cette reine était savante et a très bien pu le rédiger sur la base de ses connaissances. En bref, on n’a aucune certitude à propos du Kosmètikon sinon qu’il n’est pas en contradiction avec l’univers de Cléopâtre et ce qu’on sait d’elle.

Sur les cosmétiques eux-mêmes, ils ne sont plus exploitables, car si certains ingrédients sont toujours employés en cosmétique tels que le myrte, la moutarde, le lin, la racine d’iris, l’huile et le vin, d’autres tels que les têtes de souris mortes, les mouches calcinées, l’urine et autres produits toxiques rebuteraient n’importe qui aujourd’hui. Et si certains composants sont exploitables, comme on l’a vu, la manière de les rendre actifs sur la peau, comme le rasage des cheveux ou la scarification ne sont pas acceptables de nos jours. Sans parler du fait que rares sont les personnes pouvant croire que le cosmétique créé puisse être efficace hors de tout contrôle scientifique.

Les vrais cosmétiques dont Cléopâtre a prétendument donné les recettes ne feraient rêver personne aujourd’hui, et quiconque a conscience qu’elles ont été écrites il y a plus de 2000 ans sait que c’est normal. Ces recettes conservées en fragments sont au nombre d’une vingtaine et concernent majoritairement la perte des cheveux, leur pousse et leur couleur, ce qui démontre l’importance de la chevelure dans le monde antique.

En bref, que reste-t-il de la beauté de Cléopâtre ? Derrière le fantasme de ses produits de beauté qui n’ont pourtant rien que de très rebutant mais sont justement très caractéristiques de la médecine et de la magie d’autrefois, il y a le fantasme chimérique de transférer en nous une partie du pouvoir de séduction de la légendaire reine d’Egypte. Une beauté et une séduction dont nous ne savons absolument rien, en réalité !

La vérité est qu’il y a infiniment plus de distance entre le monde de Cléopâtre et le nôtre qu’il n’y en a entre le monde de nos fantasmes et la foi en leur réalisation. Et pourtant, quelle chance réelle ont les produits cosmétiques de vaincre la génétique, le temps qui passe ou les hormones pour nous faire ressembler aux mannequins et actrices qui les représentent ?

Pour une traduction et une recherche de grande qualité sur le Kosmètikon livrant les recettes de la possible mythique reine d’Egypte et le détail de leur composition, l’excellent mémoire d’Anne-Lise Vincent :

https://echodecythere.com/2015/10/14/mon-livre-realisez-un-vrai-cosmetique-de-cleopatre/

le livre qui vous explique comment j’en ai réalisé un et vous donne des recettes adaptées de celui-ci est là :

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