Qu’est-ce que la féminité ?

Une question bien essentielle dans le rapport de toutes celles qui sont nées femmes, – comme ceux qui pensent l’être malgré le choix de la nature – ou cherchent à définir ce qu’ils reconnaissent comme telles pour les aimer, les désirer ou tout autre sentiment dont ils sont porteurs à leur égard. En somme, dans un monde, une société sexuée, c’est une question qui va traverser chacun d’entre nous.

La féminité existe-t-elle, déjà ?

C’est un critère abstrait, à la construction muette et inconsciente, qui se devine au travers des affirmations qui ciblent son absence : « Elle, c’est un bonhomme ! », « Mais toi, je ne te considère pas comme une femme ! » ou même : « C’est un garçon manqué. »Pour autant, ceux qui jugent ainsi, et donc les paroles vont plus vite que la réflexion, sont-ils capables d’en donner une définition claire ? C’est loin d’être assuré !

D’après Georges Vigarello, la nécessité de définir la féminité et d’en accentuer l’altérité semble apparaître avec plus de dureté à la Renaissance, sous l’impulsion des religions. Globalement, c’est ce qui ressort d’ailleurs : la nécessité de bien séparer ce qui relève du masculin et du féminin est poussé jusqu’à l’absurde dans les sociétés humaines où on a besoin de contrôle. Dans la nature, le masculin et le féminin ne se vivent pas en dehors de la nécessité de la reproduction.

Dans la civilisation, la définition des sexes passe par l’oeil collectif qui décide plus ou moins volontairement d’une fourchette normative dépendante du niveau d’éducation moyen et de l’avancée des mentalités dans la population. Ce sont eux qui fixent un spectre plus ou moins élargi de tolérance à ce qui a tendance à vouloir sortir du cadre. Car à l’échelle individuelle comme à l’échelle collective, la féminité, c’est ce qu’on connaît, accepte et qu’on a intégré comme le féminin dans le cadre d’une société précise, et ce qu’on soit homme ou femme. Bien sûr, cette interrogation sera plus poussée chez la femme puisqu’elle devra vivre avec les enjeux que cela veut dire, affrontant ou exploitant la définition normée pour trouver sa place dans le monde, décidant soit de se conformer, de ne pas choisir, ou de lutter pour imposer un autre modèle dont elle se sent porteuse.

La féminité apparaît donc plutôt comme du féminin perçu en société dont une définition objective ne peut d’emblée exister – malgré l’expression réductrice »l’éternel féminin » – car elle est strictement subjective et soumise à la relativité. En ce sens, aucune définition tyrannique, décidant de ce qu’est, ce que doit être une femme ne doit jamais être prise pour une vérité. Et le mot féminité ne devrait ce concevoir qu’avec un déterminant possessif : »ma féminité », « sa féminité », « leur féminité ».

Une féminité personnelle, donc, qui se construit d’abord sans mots, sans définition, juste en réaction à l’image que nous en renvoient les premières femmes de notre environnement : les femmes de la famille, les voisines, toutes celles que l’on voit passer dans son cercle. Ce qui fait que l’on reconnaît comme un archétype comme représentant la féminité est de construction tellement ancienne et inconsciente qu’il est rare de pouvoir en retrouver l’origine. Logiquement, néanmoins, la figure maternelle est celle à laquelle on est le plus exposé dans la durée pour pouvoir la projeter en positif ou négatif dans une future construction sexuée de soi ou de l’image de l’autre.

Plus tard, la place des icônes joue également chez les jeunes femmes un rôle non négligeable dans l’invention de l’image physique de leur féminité. C’est ce qui va transformer une petite fille ordinaire en pin up, gothique, lolita, sosie de chanteuse de R’n’b jeune fille sage et bien coiffée ou n’importe quel autre modèle possible aperçu en société. Une phase exploratoire essentielle qui peut s’avérer très créative et décider parfois d’une image de soi pour la vie entière, comme on peut le voir au travers de vieilles dames qui continuent de s’habiller, se maquiller et s’épiler comme à l’époque de leur jeunesse, où se construisait leur image d’elle-même.

Mais en réalité, la construction de notre image de la féminité est tellement inconsciente – quand on n’est pas soumis à des lois religieuses qui les édicte, mettant l’accent à chaque instant la notion de différence – qu’on les perçoit surtout dans la confrontation avec la conception de la féminité des autres : port du voile, de la perruque des femmes religieuses juives et musulmanes, la jupe obligatoire dans ces communautés, le rapport à l’image du corps et ce qu’on peut en montrer quand on est une femme, la nature des occupations dites féminines et de ce qui paraît relever du masculin ou du féminin dans les croyances, préjugés, un imaginaire collectif ou un groupe social donné. D’autres éléments évidemment : la taille des cheveux, la coiffure, le maquillage, les vêtements, les bijoux, les attitudes générales, etc.. Une image qu’on peut aussi étendre aux autres cultures, avec l’hyper sexualisation slave, les cheveux extrêmement longs et les bijoux des Indiennes, etc. et qui nous confrontent à celle que nous renvoyons.

Car au final, c’est ça : le simple fait d’être une femme ou d’accepter l’autre comme une femme, cela seul contribue à notre image de la féminité. Plus nous en avons une vision élargie et plus celle-ci sera riche et éclatée en multiples facettes. A l’inverse, plus nous en avons une image étriquée et plus celle-ci sera pauvre et cloisonnée dans un espace restreint qui contribue à cibler les différences et faire perdurer des inégalités qui rassurent certains mais qui oppriment les autres.

La féminité, c’est toujours et jamais plus que ce que vous en faites, ce que nous en faisons.

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