Sexualité : représentation et inégalités

Il y a peu, la lecture d’un article en ligne des Inrockuptibles répondait à une question triviale qu’on a pourtant beaucoup entendu poser : « Pourquoi les hommes nus représentés sur les statues gréco-romaines ont-ils de si petits sexes ? » C’est peut-être d’autant plus sensible que les hommes représentés ont une musculature puissante et que les statues gréco-romaines restent inégalées dans leur perfection.

L’article expliquait que pour la civilisation gréco-romaine, un grand sexe était la marque d’un homme bestial, non civilisé et peu spirituel. Dans notre société, à l’inverse, la taille est une obsession ou un complexe contre lequel il faut toujours lutter. Et face aux représentations de la pornographie industrielle et comparées aux fantasmes occidentaux, les petites bites des oeuvres d’art antiques prêtent à sourire.

Pourtant, beaucoup de représentations artistiques gréco-romaines montrent facilement des hommes à sexes dressés et proéminents. Personnages ithyphalliques, amphores aux phallus dressés, représentations de faunes et de satyres, les images montrent des sexes propres à nous faire rougir comme nous le souhaitions.

Pourtant, c’est vrai que ce sont des images qui n’ont pas grand-chose à voir avec la dignité olympienne et les représentations de l’élite sociale. On ne trouvera pas de héros ou de dieu en érection ou en plein acte sexuel. C’est réservé à des divinités inférieures, liées à la Nature, au culte de la Fertilité, ces histoires où les Satyres passent leur temps à violer les Nymphes. Chez les Hommes, même chose : il nous reste de nombreuses représentations antiques de scènes pornographiques dans lesquelles peuvent se mêler fantasmes et violence et où la vulgarité prévaut.

Héritiers de cette culture, nous avons nous aussi une scission entre la vie sociale ordinaire où les représentations dignes et vertueuses sont la norme tandis que la représentation de la sexualité, violente, bestiale, et sur-fantasmée où l’autre doit être traité en objet pour mieux en jouir se sur-consomme en secret de façon massive et banalisée.

Dans l’Antiquité, justement, on distinguait, comme la religion l’a fait de façon beaucoup plus stricte, le sexe pour se reproduire et le sexe pour le plaisir. L’article citait même le cas d’un Romain condamné pour avoir trop aimé le corps de sa femme ! Faire l’amour à sa femme autrement que pour lui faire des enfants, précisait l’article, c’était la considérer comme une esclave. En soi, le sexe pour le plaisir était déjà considéré comme dégradant pour la femme libre, la citoyenne qui n’avait pas à subir la lubricité -considérée malgré tout comme naturelle – de son mari.

Le sexe pour le plaisir est donc déjà l’apanage de l’homme, la violence qu’il fait subir à la femme, raison pour laquelle il doit aller voir les prostituées qui, non libres, n’avaient pas à mériter le respect. A cette époque où il était courant de mourir en couches, éviter les rapports sexuels à répétition pouvait en effet augmenter l’espérance de vie.

Et les autres femmes, ne méritaient-elles pas de rester en vie ? A l’arrivée du Christianisme, religion d’esclaves, la question ne se pose plus. C’est d’autant plus vrai que les saints des premiers siècles étaient souvent mariés tout en vivant chastement une fois devenus chrétiens, les gens spirituels et tournés vers Dieu n’ayant pas à être préoccupés de sexualité.

Dans la spiritualité asiatique, c’est la même problématique : le sexe enchaîne à la terre, rabaisse et ne permet pas de s’élever. Dans le film indien Fire, qui traite de l’homosexualité féminine des épouses délaissées, une des femmes subit depuis 13 ans la chasteté égoïste d’un mari dont l’ambition est l’élévation spirituelle, avant de trouver l’amour auprès d’une autre épouse délaissée.

Car d’une culture à l’autre, c’est souvent la même histoire : les femmes subissent depuis des millénaires, des schémas culturels desquels elle est plutôt exclue et d’où forcément, elle a du mal à s’épanouir, demander, être exigeante et prendre place dans sa propre sexualité, au point qu’on considère que 40 ans est l’âge auquel une femme parvient enfin à l’épanouissement sexuel.

Un problème d’inégalité que les Occidentaux pensent parfois équilibrer avec des pratiques sexuelles issues du Tantrisme de la main gauche dans lesquelles l’homme donne du plaisir à la femme sans s’abandonner au sien pour devenir immortel. Dans la tradition des yogi, on estime en effet que l’émission du sperme rend mortel et conduit à la mort. Les femmes, bien entendu, sont encore et toujours absentes du véritable objectif convoité – l’immortalité – tout en en étant le moyen.

Avec de telles inégalités dans les manières de concevoir la relation à l’autre dans les différentes cultures, comment s’étonner que le chemin de l’épanouissement sexuel soit parfois si long pour une femme et doive souvent passer par l’avilissement ou au contraire une agressivité qui n’est pas plus souhaitable.

Tant qu’il s’agira toujours, dans la sexualité comme dans la relation, de prendre quelque chose à l’autre, il sera vain d’espérer l’égalité à une échelle plus large.

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