Bollywood : des histoires d’amour pour changer la société

En France, et plus généralement en Europe, on apprécie peu le cinéma indien taxé de superficialité et auquel on reproche son goût pour les vêtements colorés, le chant et la danse. Un comble dans les pays où le sérieux protestant a imposé les couleurs sombres et la retenue dans ses actions comme valeur sociale ! Pourtant, dans le reste du monde et surtout dans son pays – où le cinéma national peut se vanter d’une fréquentation de 100 % là où ailleurs, une fréquentation de 25 % est considérée comme une véritable réussite – le cinéma indien séduit malgré des films durant parfois près, voire plus de 3 heures.

Même s’il a fini par se mettre aux films comiques et aux films d’action, c’est malgré tout par ses films d’amour que Bollywood a fait sa révolution. Et dans un pays où les mariages sont encore souvent arrangés, et où une union contre la volonté parentale dégénère encore parfois en « crime d’honneur », la révolution opérée par le cinéma concerne pourtant le droit des jeunes gens à faire un mariage d’amour.

Le premier à faire la révolution fut un film de 1995, Dilwale Dulhania Le Jayenge – l’amant emportera la mariée -, qui connut un tel succès qu’il est diffusé depuis maintenant plus de 20 ans en Inde. Dans ce film, Simran, une jeune fille d’origine indienne mais vivant en Angleterre accepte d’épouser celui que lui a choisi son père, un homme d’autant plus attaché à ses traditions indiennes qu’il a quitté le pays d’origine. Mais avant de se marier, la jeune fille veut voyager en Europe. C’est une fille sérieuse et une bonne élève : ses parents acceptent.

Au cours de ce voyage, elle rencontre Raj, un autre étudiant d’origine indienne que le hasard rapproche d’elle. Alors qu’ils ne se croyaient qu’amis, leur séparation et l’annonce du prochain mariage de la jeune fille les éclairent sur leurs sentiments : ces deux-là s’aiment. Mais l’engagement est pris et, tout en rêvant de Raj, elle part en Inde rejoindre son promis, le fils indigne d’un ami de son père. Obstiné et encouragé par son père, Raj décide aussi de s’envoler pour l’Inde avec l’idée de ramener celle qu’il aime. Parvenant à se faire inviter incognito à la noce, il se rapproche de sa bien-aimée. Quand la mère découvre la vérité, elle les pousse à s’enfuir en leur offrant ses bijoux pour qu’ils aient de l’argent. Mais Raj ne l’entend pas ainsi : c’est avec la bénédiction du père de la mariée qu’il épousera celle qu’il aime !

Un parti pris surprenant qui a changé la société. Car les films indiens ont souvent abordé avec tact ces questions de la conciliation des valeurs anciennes avec les nouvelles, surtout quand il s’agissait de mariages. Ainsi, les questions abordées dans les films indiens sont très variées, et c’est d’autant plus vrai que le mariage, souvent envisagé comme dénouement d’une intrigue qui s’y opposait, intervient parfois en début de film, suscitant alors d’autres interrogations comme :

  • Comment faire pour vivre sereinement quand on est marié avec quelqu’un dont la famille ne voulait pas ?
  • Une fois qu’on a fait un mariage d’amour, pourquoi cet amour ne suffit-il pas à faire tenir un couple quand les difficultés surviennent ?
  • Comment accepter de décevoir ceux à qui on doit tout en épousant la personne dont on est amoureux ?
  • Comment faire pour vivre avec quelqu’un qu’on aime, qui nous aime, quand tout nous sépare néanmoins ?
  • Quand on sait qu’on va bientôt mourir et qu’on tombe amoureux, doit-on vivre cet amour pour les derniers instants qui nous restent ou se sacrifier pour ne pas créer très prochainement une veuve et donc entraîner des souffrances qui n’existeraient pas sans cette union?
  • Quand la personne qu’on aime souffre d’une maladie qui la met, elle et les siens en danger, faut-il la confier à une institution ou respecter son engament de veiller sur elle et de l’aimer quoi qu’il arrive ?

Toutes ces questions, et bien d’autres, dont certaines avec des problématiques qui ne concernent que la société indienne comme le mariage arrangé ou l’expression des sentiments chez la femme – bridée depuis longtemps -, les Indiens les ont posées dans leur cinéma. Depuis, les mariages d’amour sont devenus courants dans les villes, cédant la place à un désir de cinéma plus engagé sur les questions sexuelles, qui demeurent un tabou et un problème.

A l’inverse, étant revenus de la révolution sexuelle des années 60 à 70 qui nous a laissé un héritage mitigé, nous pouvons regretter parfois que nos histoires se doivent de finir par « ils finirent ensemble » et non « ils eurent des problèmes comme beaucoup d’autres couples et les résolurent ensemble, unis par leur amour qui devint plus solide au fil des épreuves ». Juste pour voir si le cinéma indien qui a, en Inde, la possibilité de changer la loi des mariages arrangés en mariage d’amour n’aurait pas la possibilité, en Europe, de changer le nombre d’un mariage sur 2 en divorce en un taux un peu plus bas, en nous poussant à nous rapprocher et à réfléchir. Car au risque d’en surprendre certains, les questions et sujets qu’on aborde et auxquels on réfléchit ont toujours un peu plus de chances de se régler.

Allez, on peut toujours rêver…

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