Les substances aphrodisiaques, censées provoquer le désir, sont recherchées depuis toujours, l’envie d’une sexualité optimale faisant partie des ambitions ordinaires de l’être humain, voire de l’ensemble du vivant. Or, si cette ambition naturelle est assurée facilement par le désir qui nous pousse vers l’autre, ce désir, rendu parfois défaillant par des circonstances souvent vécues comme mystérieuses, se révèle surtout incontrôlable. Ce faisant, il peut être source d’angoisse. C’est particulièrement vrai pour les hommes qui, à la fois ne peuvent dissimuler leur absence de désir et à la fois doivent culturellement, ne jamais en manquer.
Cette peur universelle qui suscite l’offre et la demande, est au coeur du marché des aphrodisiaques dont la variété et les catégories de produits proposés révèlent une histoire ancienne ainsi que la nature complexe et mobile du désir humain. Car contrairement à celui des animaux, il a aussi ses racines dans la culture, les phénomènes intellectuels et la conscience de la mort. De fait, s’il est vrai que certaines substances fonctionnent physiologiquement et donc mécaniquement sur le désir, la plupart, plus culturelles et plus proches du psychisme où le désir prend de plus en plus racine au fil des expériences et du temps, fonctionnent par effet placebo. Aimer, désirer, c’est d’abord être soutenu par la foi et la confiance.
De ce fait, l’imaginaire des aphrodisiaques est riche et peut agir de différentes manières :
- Par suggestion visuelle au travers des formes phalliques utilisées depuis toujours dans des représentations pour des rituels de fécondité, des pierres dressées sur lesquelles les femmes se frottaient pour tomber enceinte au gisant de Victor Noir du Père Lachaise noirci à l’entre-jambe à force de frottements et qu’on dut même entourer de barrières pour assurer sa préservation.Dans ces cas-là, le pouvoir passe par le toucher. Dans les substances aphrodisiaques, il passe par le fait d’ingérer un aliment évocateur de forme ou connoté comme le bien nommé bois bandé dont on convoite certainement les qualités de longueur et de dureté, les cornes ou les pénis d’animaux ou les huîtres et les coquillages, les testicules du taureau tué lors de la corrida, en Espagne, mais aussi les racines aux formes évocatrices comme la dangereuse mandragore ou le gingembre.
- Par analogie symbolique, avec ce gingembre qui est une de ces substances qui « fait dresser le yang », comme a pu le définir un asiatique. Les produits aphrodisiaques naturels sont en effet culturellement marqués et appartiennent à un domaine de croyances ou de représentations, mais ils correspondent aussi à une logique universelle. Ainsi, ceux qu’on estime aphrodisiaques sont sont souvent considérées comme échauffants, de cette chaleur qu’on attribue également à l’amour, au désir, qui en effet, élèvent la température du corps et rendent indifférent à la température extérieure. Le vocabulaire en témoigne à travers des expressions populaires comme : « brûler de désir« , « avoir le feu au cul« , »être chaud« , « faire monter la température« , etc. De fait, gingembre, piment, poivre, clou de girofle et beaucoup d’autres épices qui piquent la langue sont considérées comme des aphrodisiaques au point d’être interdits aux religieux et d’inquiéter les gens prudes.
- Par logique morbide. C’est peut-être le point le plus obscur du désir mais il est désormais incontesté qu’Eros, principe de vie, est indissociable de Thanatos, principe de mort et que la conscience de la mort peut pousser à l’instinct de reproduction. Chez nombre d’animaux, d’ailleurs, désir et reproduction sont souvent liés à la mort. C’est le cas du rut violent des cerfs, des kangourous, de la dévoration de la mante religieuse mâle par la femelle au cours du coït, ou la mort massive des saumons remontant le cours des rivières au péril de leur vie pour leur ultime voyage de reproduction. Ainsi, bien que conscients de la dangerosité de la mandragore comme des cantharides, aphrodisiaques réputés dont la consommation peut être mortelle, les hommes n’ont pourtant jamais vraiment cessé d’en consommer, sans doute à cause de cette croyance qui veut que tout ce qui ne nous tue pas nous rende plus fort. Comme les pèlerins du Moyen-Age venus dans un lieu dangereux comme le Mont Saint-Michel environné de sables mouvants se sentaient plus vivants et favorisés par Dieu s’ils survivaient aux dangers, ceux qui prennent le risque de consommer un aphrodisiaque toxique n’espèrent-ils pas ce surcroît de vie sexuelle offert à celui qui croyant mourir, se voit sauf et donc infiniment, intensément en vie ? Quand on sait que le fugu, le célèbre poisson-globe très toxique dont les japonais raffolent et que seul un spécialiste peut cuisiner est considéré comme un aphrodisiaque, il n’est pas difficile de le penser.
Loin d’un levier morbide et suicidaire pour stimuler ta libido, je te souhaite, cher lecteur, chère lectrice, de forts élans de vie au rang desquels l’amour et la sensualité pour soutenir tes pas vers la beauté de l’existence.
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