idées reçues

Dangers d’Aphrodite : erreurs et préjugés

C’est l’histoire d’une femme, une ravissante idiote qu’on a élevée dans un couvent et dont la tête a plus été farcie de littérature sentimentale que de connaissances. En même temps, à l’époque, qu’on lise des romans ou non, l’éducation des filles dans les couvents s’arrêtait à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, d’un peu de calcul, de beaucoup de religion – mais uniquement la morale, jamais la théologie ! – et de travaux domestiques.

Cette histoire, c’est celle de madame Bovary, femme éternellement insatisfaite qui se suicidera, tuant du même coup l’homme qui l’aimait vraiment et condamnant leur petite fille à être orpheline et misérable. Dans le temps de sa vie, elle n’aura été que l’objet de ceux, amants ou marchands de mode, qui avaient enclenché la machine à rêves intégrée dans son psychisme. L’abrutie ! La sombre idiote destructrice de famille et de vies !

Voilà bientôt deux cents ans qu’en France, on prévient du danger de la littérature sentimentale aux lycéens. Et heureusement ! D’ailleurs, tout le monde le sait, la littérature sentimentale est liée à l’imbécillité et l’ignorance les plus profondes. Le message était si bien passé qu’il y a encore quelques années, lorsque les éditions Harlequin étaient présents sur le Salon du Livre, leur stand était désespérément vide alors qu’il était le premier vendeur de livres de l’Hexagone. Un étrange paradoxe, non  ? Ce phénomène s’incarnait aussi chez les particuliers : il y avait la bibliothèque « officielle » que chaque personne pouvait voir dès l’entrée ou dans les pièces accessibles, et qui contenait les « indispensables classiques » – dont madame Bovary, parfois – tandis que la bibliothèque « officieuse », dans la chambre, cachait les ouvrages honteux mais réellement appréciés au nombre desquels, souvent, les fameux Harlequin.

La méfiance associée à la lecture des livres sentimentaux n’est pas liée à un réel danger, et le bovarysme qu’on a reconnu plus tard comme une réalité psychologique ne touche pas forcément celles qui ont trop rêvé d’amours idéales mais toute personne insatisfaite, ce qui en fait plutôt qu’un phénomène de société, une caractéristique de la nature humaine évoquée des millénaires auparavant par le Bouddha lui-même. Le surendettement quant à lui, n’a jamais attendu la littérature sentimentale et touche des gens qui n’en ont jamais lu.

Le problème n’est pas dans la littérature sentimentale mais dans la façon dont on éduquait les filles et dont on craignait pour leur vertu. Guy Bechtel explique :« La première moitié du XIX ème siècle, bien avant l’école réaliste puis naturaliste, de G. Flaubert et E. Zola, condamnait déjà les lectures romanesques sans ménagement. (…) En 1846, un abbé précisait le grief (…) »Jamais fille chaste n’a lu de romans ou, en les lisant, elle n’a cessé de l’être. »

C’était une vieille peur, un vieux préjugé…Hélas, Flaubert en a fait un chef-d’oeuvre et donc une vérité incontestée.

A l’inverse de ce phénomène, dans un monde misogyne depuis l’Antiquité hantée par le mythe de la virilité, la pornographie, banalisée, valorisée et dont la consommation est moins cachée que celle des Harlequin,  50 % des enfants de 11 ans ont vu un porno http://www.pornodependance.com/D%E9finitionPornoDependance.htm. Car depuis les années 60-70, où on a rejeté massivement le discours de l’Eglise pour gérer nos vies, et encore plus nos vies sexuelles, et qu’on a le sentiment d’être « libérés », des rudiments de psychanalyse associés à des sortes d’idées philosophiques mêlant liberté sexuelle et liberté d’expression nous font croire que rien de ce qui est sexuel ne peut être tabou ou dangereux, comme certains fondamentalistes du bio oublient que les rhododendrons, le laurier rose et les huiles essentielles sont aussi naturels qu’ils sont de redoutables poisons.

Pourtant, certaines médecins et psychiatres commencent à parler des conséquences néfastes du porno sur le cerveau et de son risque réel de conduire à l’addiction – plus réel que celui qui nous a fait jeter des tonnes d’aliments pour une date de péremption avancée pour nous conduire à consommer plus. Cette fascination pathologique pour les travaux d’Aphrodite, une fois installée, conduit à la masturbation compulsive, à la baisse de la libido, l’impuissance, le repli, la procrastination et la perte du sens de la réalité jusqu’à des niveaux graves.

Et pour le coup, ça, c’est prouvé ! Même si tout le monde ayant eu accès ou consommant du porno n’est pas touché, depuis l’accès à internet, une véritable épidémie de porno-dépendance affecte certains couples, familles, des constructions identitaires, la vision de l’autre sexe, la sexualité, les relations homme-femme et l’idée même d’amour. Mais ça, qui voudra le voir ?

Sur le net, néanmoins, les propos de médecins, neurologues et psychiatres sur cette question se multiplient, mais ils passent après ceux des groupes religieux qui condamnent au nom de valeurs démodées. Et pendant que le propos est décrédibilisé par ce phénomène, des familles et des vies se délitent pour quelques scènes de cul filmées, et les préjugés et idées reçues positifs qu’on y associe. Ce phénomène nous choque en politique, dans le social, mais dans nos vies privées, nous ne le voyons pas.

A quand le grand génie masculin – sinon, pas sûr qu’on l’écoute – pour parler de ce problème, réel, lui, dans un chef-d’oeuvre ?

Quand on pense que Flaubert avait créé un dictionnaire des idées reçues…

( Cette analyse est offerte par l’authentique épouse d’un porno-dépendant dont le problème à été transmis en héritage par son père. )

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